Longtemps dénoncés pour leur opacité, leur variabilité et leur caractère disproportionné, les frais bancaires prélevés à l’occasion d’une succession représentaient un véritable casse-tête pour les héritiers.
En l’absence d’encadrement juridique spécifique, chaque établissement bancaire appliquait sa propre politique tarifaire, souvent au détriment des familles endeuillées, notamment pour les successions modestes ou simples. Face à ce constat, et après plusieurs tentatives législatives infructueuses, le législateur est enfin intervenu avec la loi n° 2025-415 du 13 mai 2025, instaurant un cadre juridique précis et contraignant.
Ce nouveau texte consacre le principe d’un encadrement tarifaire rigoureux, incluant des cas de gratuité obligatoires et un plafonnement des frais à 1 % des avoirs du défunt, avec pour objectif de rétablir l’équité et la transparence dans le traitement des successions bancaires.
Après plusieurs propositions parlementaires infructueuses — notamment les propositions de loi n° 309 (2021-2022) et n° 46 (2022-2023) — restées sans aboutissement, la loi n° 2025-415 du 13 mai 2025 marque une avancée législative décisive en matière de régulation des frais bancaires liés aux successions.
Adoptée dans un contexte de vive préoccupation des consommateurs et des associations de défense des usagers, cette réforme met un terme à une zone de non-droit tarifaire longtemps exploitée par les établissements bancaires.
Ce nouveau cadre juridique vise à lutter contre les dérives constatées : frais excessifs, disparates d'une banque à l'autre, et surtout peu transparents pour les ayants droit. Désormais, la loi instaure une double régulation :
En parallèle, la réforme impose aux établissements bancaires une exigence de transparence renforcée, tant sur le contenu des frais appliqués que sur leur justification économique. En fixant enfin des limites claires et opposables, le législateur entend rétablir l’équité entre les héritiers et les banques dans une phase souvent marquée par le deuil et la vulnérabilité.
Jusqu’alors, aucun encadrement juridique spécifique ne régissait les frais prélevés par les banques à l’occasion de la clôture des comptes du défunt. Les établissements de crédit profitaient de cette zone grise pour pratiquer des tarifications variables, parfois disproportionnées au regard des montants concernés. L’étude de l’UFC-Que Choisir de février 2024 pointait des écarts allant de 80 à 527,50 € pour une succession de 20 000 €, avec une hausse de 50 % en douze ans.
Certaines situations frôlaient l’absurde : 200 € de frais pour un compte contenant 500 €. Ces abus sont désormais encadrés, comme l’exigeait la proposition de loi n° 2056, adoptée après un revirement gouvernemental salué, notamment par les déclarations de Bruno Le Maire, dénonçant un système à la fois "révoltant" et "inacceptable".
Les établissements bancaires sont en droit d’effectuer certaines opérations spécifiques liées au décès du titulaire du compte : vérification de l’acte de décès, gel des avoirs, transfert des fonds aux ayants droit, déclaration fiscale, ou encore désolidarisation de comptes joints. Ces prestations justifiaient, dans une certaine mesure, des frais de traitement.
Néanmoins, l’absence de régulation et l’échec d’un accord de place en 2021 ont permis une libéralisation tarifaire incontrôlée. Les frais étaient fixés unilatéralement, sans lien clair avec le coût réel des prestations.
La loi intervient donc avec deux leviers :
Sont exonérées de frais les successions répondant à la procédure de clôture simplifiée, régie par l’article L312-1-4 du Code monétaire et financier. Ces successions doivent :
Attention : le nombre de comptes ou d’épargnes à clôturer n’est plus un critère de complexité dans le texte final.
Les successions portant sur un solde total inférieur à 5 910 € sont également exonérées de frais. Ce seuil correspond au montant maximal autorisé pour le paiement des obsèques sans décision judiciaire, selon l’arrêté mentionné à l’article L312-1-4, 2° du Code monétaire et financier.
Dernier cas de gratuité : le défunt était mineur au moment du décès. Le législateur entend ici protéger les familles confrontées à un deuil particulièrement sensible.
Ces cas s’appliquent à tous les types de comptes de dépôt, comptes de paiement, livrets, produits d’épargne réglementée. En revanche, les PEA, PEA-PME, comptes PME-Innovation et PEAC (Plans d’Épargne Avenir Climat) sont exclus du dispositif.
Dans toutes les situations non couvertes par la gratuité, les banques conservent le droit de facturer des frais. Toutefois, le plafonnement à 1 % du total des avoirs du défunt est désormais imposé par la loi.
Cela inclut :
Un décret d’application, pris après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières, précisera les modalités de calcul de ces frais. Le texte devra veiller à aligner le montant facturé sur les coûts réels supportés par les établissements.
Les dispositions de la loi n° 2025-415 du 13 mai 2025 ne s’appliqueront qu’à partir du 13 octobre 2025, soit six mois après sa promulgation au Journal officiel. Ce délai de mise en œuvre a été instauré afin de laisser aux établissements bancaires le temps nécessaire pour se mettre en conformité avec les nouvelles exigences.
Pendant cette période transitoire, les banques devront procéder à une révision complète de leur politique tarifaire, notamment :
Ce laps de temps permettra également au Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) de rendre son avis sur le futur décret d’application, lequel viendra préciser les modalités concrètes de calcul des frais bancaires, en lien avec les coûts réels supportés.
En somme, cette entrée en vigueur différée constitue une période de transition réglementaire stratégique, visant à garantir une application fluide et homogène de la réforme sur l’ensemble du territoire et à prévenir d’éventuels litiges liés à des erreurs d’interprétation ou à des retards d’adaptation des établissements de crédit.
L’entrée en vigueur de la loi n° 2025-415 constitue une avancée majeure pour les héritiers et ayants droit, en imposant aux établissements bancaires une discipline tarifaire attendue de longue date.
En combinant des exonérations ciblées et un plafond légal strictement défini, le législateur entend réconcilier efficacité administrative et justice sociale, tout en mettant fin à des pratiques abusives.
Reste à veiller à l’application effective de ces dispositions, dont le décret d’application viendra préciser les modalités concrètes, pour garantir que les frais bancaires liés aux successions ne soient plus un facteur de déséquilibre, notamment pour les familles vulnérables.
La loi n° 2025-415 du 13 mai 2025 instaure trois situations dans lesquelles aucun frais bancaire ne peut être prélevé lors d'une succession.
Ces mesures visent à protéger les ayants droit les plus vulnérables et à réduire les coûts injustifiés, notamment dans les cas où la gestion post-décès ne génère pas de charges complexes pour les banques.
Lorsque la succession ne relève pas des trois cas de gratuité, la loi impose désormais un plafonnement strict des frais bancaires à 1 % du montant total des encours du défunt. Ce calcul inclut :
Un décret d’application, à venir après consultation du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF), précisera les conditions exactes de calcul afin de garantir que les frais soient proportionnés aux services réellement rendus. L’objectif est d’éviter toute surfacturation déguisée en prestations administratives.
Les frais bancaires de succession peuvent couvrir plusieurs opérations administratives réalisées par les établissements de crédit après le décès du titulaire du compte, notamment :
La nouvelle loi impose que ces services soient clairement identifiables et justifiés, afin d’empêcher la facturation de frais forfaitaires opaques ou sans fondement réel. Cette exigence renforce la transparence bancaire dans un moment délicat pour les proches du défunt.
Avant l’adoption de la loi de 2025, les frais bancaires appliqués lors d’une succession variaient considérablement d’une banque à l’autre, sans justification fondée sur les coûts réels.
Une étude de l’UFC-Que Choisir en 2024 révélait des écarts de 80 à plus de 500 € pour une même succession, parfois même 200 € de frais pour 500 € de solde sur le compte bancaire.
Ces abus résultaient de l’absence de réglementation spécifique, laissant les banques libres de fixer leurs tarifs, parfois sans rapport avec la réalité des tâches effectuées. La réforme vient mettre fin à ces pratiques et s’inscrit dans un objectif de justice économique et de respect des familles endeuillées.
Les dispositions de la loi n° 2025-415 du 13 mai 2025 entreront en vigueur six mois après sa promulgation, soit à compter du 13 octobre 2025.
Cela laisse le temps aux banques de revoir leur grille tarifaire et de se conformer aux nouvelles obligations. Passé ce délai, toute facturation contraire aux cas de gratuité ou dépassant le plafond de 1 % des encours pourra être considérée comme illégale.
Les héritiers seront ainsi mieux armés pour contester d’éventuels abus, avec un cadre juridique clair, et pourront se référer à la loi en cas de litige avec les établissements bancaires.