Travail

Indemnités de télétravail : montant, fiscalité et devoirs de l’entreprise

Estelle Marant
Collaboratrice
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Frais de télétravail : ce que l’employeur doit réellement rembourser

Depuis la crise sanitaire de 2020, le télétravail s’est imposé comme une modalité d’organisation du travail durable, profondément ancrée dans les pratiques professionnelles. Les entreprises, qu’elles soient privées ou publiques, y voient une opportunité d’améliorer la productivité et de réduire les coûts liés à l’occupation des locaux. Les salariés, quant à eux, bénéficient d’une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, mais doivent aussi supporter une part des charges matérielles auparavant assumées par l’employeur.

Or, le principe juridique fondamental veut qu’un salarié n’ait pas à supporter les frais nécessaires à l’exécution de son contrat de travail. Dès lors, la question de la prise en charge des frais de télétravail est devenue un enjeu majeur, à la croisée du droit du travail, du droit de la sécurité sociale et du droit fiscal.

Les débats se sont intensifiés autour du caractère obligatoire ou non du remboursement des frais liés au télétravail, de la nature exacte des dépenses concernées, mais aussi des plafonds fixés par l’Urssaf et des modalités de déduction applicables.
À travers une analyse rigoureuse du cadre juridique actuel — enrichi par les dernières évolutions légales et jurisprudentielles —, defendstesdroits.fr fait le point sur les droits et obligations des parties au contrat de travail face à la question sensible de l’indemnité de télétravail.

Sommaire

  1. Introduction
  2. L’obligation de prise en charge des frais professionnels en télétravail
  3. Les modalités de remboursement des frais de télétravail
  4. Les types de frais concernés par l’indemnité de télétravail
  5. Le traitement fiscal et social des indemnités de télétravail
  6. Télétravail et conventions collectives : les vérifications à effectuer
  7. Conclusion

L’obligation de prise en charge des frais professionnels en télétravail

Le principe général du remboursement des frais professionnels

Le Code du travail ne prévoit pas expressément une indemnité de télétravail obligatoire. Cependant, selon une jurisprudence constante, les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de son employeur doivent lui être remboursés.
Cette règle découle directement du principe de loyauté contractuelle (article L.1222-1 du Code du travail) et a été rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 25 mars 2010 (Cass. soc., n°08-43156).

Ainsi, le salarié n’a pas à supporter des dépenses nécessaires à l’exécution de sa mission. Ces frais constituent des frais professionnels, et leur remboursement ne peut être assimilé à un avantage en nature.

L’impact de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020

L’Accord National Interprofessionnel pour une mise en œuvre réussie du télétravail (article 3.1.5) précise que les frais engagés par le salarié dans le cadre de son activité doivent être pris en charge par l’employeur.
Toutefois, cet ANI ne s’applique que dans les entreprises non couvertes par un accord collectif spécifique sur le télétravail. Si un accord ou une charte interne exclut expressément cette prise en charge, celui-ci prévaut.

L’arrêté du 4 septembre 2025 : actualisation du cadre de déduction

Un arrêté du 4 septembre 2025 a modifié l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations sociales.
Il consacre désormais une revalorisation annuelle des plafonds de remboursement des frais de télétravail au 1er janvier de chaque année, assurant ainsi une adaptation continue au coût de la vie.

Les modalités de remboursement des frais de télétravail

Principe : le remboursement au réel

Conformément à l’article 6 de l’arrêté du 20 décembre 2002, les dépenses doivent, par principe, être remboursées sur justificatifs.
Le salarié fournit alors des factures (facture d’électricité, d’abonnement Internet, achat de matériel, etc.), et l’employeur rembourse le montant exact des frais engagés, dans la mesure où ils sont justifiés, nécessaires et proportionnés à l’activité professionnelle.

Cette approche protège le salarié et garantit que les remboursements demeurent hors assiette des cotisations sociales, conformément à la doctrine de l’Urssaf.

Dérogation : le versement d’une allocation forfaitaire

L’employeur peut, à titre dérogatoire, verser une allocation forfaitaire couvrant les dépenses de télétravail.
Ce mode de remboursement est admis par l’administration, à condition que le montant ne dépasse pas les plafonds fixés par l’Urssaf.

Pour l’année 2025, les plafonds sont les suivants :

  • 2,70 € par jour de télétravail, dans la limite de 59,40 € par mois, lorsque l’indemnité n’est pas prévue par un accord collectif ;
  • 3,25 € par jour, dans la limite de 71,50 € par mois, lorsqu’une convention ou un accord collectif le prévoit.

Ces montants sont exonérés de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, tant qu’ils respectent ces seuils.

Les catégories de frais concernés par l’indemnité de télétravail

Trois catégories principales de frais peuvent être remboursées ou indemnisées :

1. Les frais liés à l’utilisation du domicile à titre professionnel

Le salarié qui consacre une partie de son logement au télétravail supporte des frais fixes ou variables (loyer, électricité, chauffage, eau, assurance).
Lorsque aucun local professionnel n’est mis à disposition, une indemnité d’occupation peut être versée.
La Cour de cassation (Cass. soc., 19 mars 2025, n°22-17315) a confirmé que cette indemnité est due dès lors que le salarié travaille à domicile pour les besoins de l’entreprise.

2. Les frais d’adaptation ou d’aménagement d’un local spécifique

Ces dépenses concernent les travaux d’installation ou d’adaptation (bureau, chaise ergonomique, câblage électrique).
Elles ne peuvent pas être remboursées sur une base forfaitaire : un remboursement au réel est obligatoire, sur présentation de justificatifs.

3. Les frais de matériel et de connexion

Le télétravail implique l’usage d’équipements informatiques (ordinateur, imprimante, connexion Internet).
Conformément à l’ANI de 2020, l’employeur doit fournir, entretenir ou rembourser le matériel nécessaire, sauf stipulation contraire dans le contrat ou la charte de télétravail.

Traitement fiscal des indemnités de télétravail

Situation du salarié au regard de l’impôt sur le revenu

L’administration fiscale distingue deux régimes selon le mode de déduction choisi par le salarié :

  • S’il n’opte pas pour les frais réels, l’indemnité perçue est exonérée d’impôt et le salarié bénéficie de l’abattement de 10 % sur son revenu imposable.
  • S’il choisit la déduction au réel, il peut déduire 2,70 € par jour de télétravail (plafond de 59,40 € par mois), sous réserve de présenter des justificatifs précis.

Situation de l’employeur

Les remboursements effectués, qu’ils soient au réel ou forfaitaires, sont exclus de l’assiette des cotisations sociales, dès lors qu’ils respectent les plafonds fixés par l’Urssaf et qu’ils correspondent à des dépenses professionnelles réelles.
L’entreprise doit conserver la traçabilité des remboursements (notes de frais, justificatifs, avenants au contrat de travail).

Télétravail et convention collective : une vigilance nécessaire

Certaines conventions collectives (notamment dans les secteurs de la banque, de l’assurance ou des télécommunications) prévoient des dispositions spécifiques sur la prise en charge des frais professionnels liés au télétravail.
Il est donc indispensable pour l’employeur comme pour le salarié de vérifier le texte applicable avant toute mise en place.

À défaut de précision conventionnelle, il est recommandé de formaliser les modalités de remboursement dans un accord collectif ou une charte de télétravail, conformément à l’article L.1222-9 du Code du travail.

Conclusion

Le télétravail n’est plus une pratique d’exception : il s’inscrit aujourd’hui dans la continuité de la transformation numérique du travail et des nouvelles formes d’emploi. Mais cette évolution impose un équilibre juridique entre la flexibilité offerte au salarié et la responsabilité économique de l’employeur.
En effet, dès lors qu’un salarié met ses ressources personnelles — logement, électricité, connexion, matériel — au service de l’entreprise, ces dépenses deviennent indissociables de l’exécution de son contrat. À ce titre, leur remboursement s’impose comme une application directe du principe de charge patronale des frais professionnels.

L’Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020, les arrêtés de 2002 et de 2025, ainsi que la jurisprudence constante de la Cour de cassation, forment désormais un socle solide pour encadrer cette prise en charge.
Il appartient donc à chaque employeur de formaliser les règles internes (accord collectif, charte, avenant au contrat) afin d’assurer une transparence juridique totale, tout en respectant les plafonds sociaux et fiscaux applicables.

Pour les salariés, comprendre ces règles est essentiel : cela leur permet de faire valoir leurs droits au remboursement des frais engagés, tout en évitant les erreurs de déclaration fiscale.

Ainsi, la question des indemnités de télétravail illustre parfaitement la mutation du droit du travail contemporain — un droit en constante adaptation, cherchant à concilier souplesse organisationnelle et protection des salariés, au service d’une relation de travail équilibrée et durable.

FAQ

1. L’employeur est-il obligé de verser une indemnité de télétravail ?

L’employeur n’a pas d’obligation automatique, sauf si un accord collectif, une charte interne ou la convention collective de l’entreprise le prévoit. Toutefois, selon la jurisprudence (Cass. soc., 25 mars 2010, n°08-43156), il doit rembourser tous les frais exposés pour les besoins de l’activité professionnelle. Ainsi, même sans texte spécifique, si le salarié engage des dépenses dans l’intérêt de l’entreprise, leur remboursement devient une obligation légale.

2. Quels types de frais peuvent être remboursés en télétravail ?

Les frais professionnels remboursables regroupent :

  • Les frais de logement liés à l’utilisation d’une pièce à des fins professionnelles (électricité, chauffage, assurance) ;
  • Les frais d’aménagement d’un espace de travail adapté (mobilier, équipement ergonomique) ;
  • Les frais techniques (connexion Internet, matériel informatique, consommables).
    Ces remboursements peuvent être effectués au réel ou sous forme d’allocation forfaitaire dans les limites fixées par l’Urssaf.

3. Quel est le montant maximum de l’indemnité de télétravail exonérée de cotisations en 2025 ?

En 2025, l’Urssaf fixe le plafond d’exonération à :

  • 2,70 € par jour de télétravail, dans la limite de 59,40 € par mois, si aucun accord collectif ne s’applique ;
  • 3,25 € par jour, dans la limite de 71,50 € par mois, si un accord ou une convention collective prévoit cette prise en charge.
    Ces montants sont exonérés de cotisations sociales et d’impôt, à condition qu’ils correspondent à des dépenses professionnelles réelles.

4. Comment le salarié doit-il déclarer ses frais de télétravail aux impôts ?

Deux options sont possibles :

  • En cas de déduction forfaitaire de 10 %, aucune démarche n’est requise : l’administration applique automatiquement l’abattement et les indemnités perçues sont exonérées.
  • Si le salarié opte pour la déduction au réel, il peut déduire 2,70 € par jour de télétravail (ou le montant exact justifié), mais il doit conserver toutes les preuves des dépenses engagées.
    Les frais non justifiés ou mixtes (usage personnel/professionnel) ne sont pas déductibles.

5. Que risque un employeur qui refuse le remboursement des frais de télétravail ?

Un employeur qui refuse de rembourser des frais professionnels justifiés s’expose à une demande en justice de la part du salarié devant le conseil de prud’hommes.
Le juge peut alors :

  • Ordonner le remboursement rétroactif des frais ;
  • Requalifier ce manquement en violation du contrat de travail ;
  • Et, dans certains cas, condamner l’employeur pour exécution déloyale du contrat (article L.1222-1 du Code du travail).
    Ce risque peut être évité par une politique claire de télétravail ou un avenant contractuel bien rédigé.

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