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Le DPE peut-il bloquer votre location ou vente ?

Jordan Alvarez
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Diagnostic de performance énergétique : fiabilité, sanctions et réforme, ce que tout propriétaire doit savoir

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est devenu l’un des documents les plus redoutés des propriétaires. S’il était autrefois purement informatif, il est aujourd’hui opposable juridiquement et conditionne non seulement la mise en location d’un bien, mais également sa valeur sur le marché immobilier.

Pourtant, la Cour des comptes vient d’en dresser un bilan alarmant : fiabilité incertaine, contrôles insuffisants, filière désorganisée… Le diagnostic, pourtant au cœur des politiques publiques de transition énergétique, fait encore l’objet de trop de fluctuations et d’approximations.

Avec plus de 5,2 millions de passoires thermiques identifiées dans les résidences principales françaises, soit près d’un logement sur cinq, la question du DPE touche désormais tous les justiciables, qu’ils soient bailleurs, copropriétaires, héritiers ou simples acquéreurs.

D’autant plus que la loi Climat a introduit une interdiction progressive de mise en location des logements classés F ou G. Depuis janvier 2025, les biens classés G ne peuvent plus être proposés à la location.

Et l’horizon s’assombrit encore : 2028 pour les classes F, 2034 pour les classes E. Autrement dit, tout le parc immobilier est sous surveillance énergétique.

Face à ces échéances, l’opacité du DPE suscite l’inquiétude.

En 2023, le nombre de diagnostics réalisés a triplé, atteignant plus de 350 000 par mois, alors que la filière peinait déjà à absorber la demande. En réponse, le nombre de diagnostiqueurs certifiés a augmenté de 46 % entre 2019 et 2023.

Mais cette croissance rapide ne s’est pas accompagnée de garanties de qualité suffisantes. Manque de formation, conditions de mission dégradées, tentations de fraude : autant de dérives que le gouvernement entend désormais sanctionner plus sévèrement.

D’autant que le DPE réformé en 2021 a bouleversé ses critères.

La méthode basée sur les consommations réelles (examens des factures) a été abandonnée au profit d’un calcul théorique, basé sur les caractéristiques du logement : isolation, système de chauffage, exposition, matériaux. Si cette approche vise une standardisation plus objective, elle dépend fortement de la qualité des mesures effectuées sur place.

Une erreur d’appréciation sur un isolant ou une mauvaise estimation des surfaces peut faire basculer un bien de la classe D à la classe F… avec des conséquences patrimoniales majeures.

Car désormais, le DPE est un critère de décence. Depuis 2023, un logement consommant plus de 450 kWh/m²/an ne peut plus être loué. Pour les propriétaires bailleurs, c’est une rupture juridique inédite. L’encadrement des loyers est également impacté : interdiction d’augmenter le loyer lors d’un renouvellement de bail si le bien est classé F ou G. La valeur vénale du bien, elle aussi, subit des conséquences lourdes : jusqu’à -28 % en zone tendue selon certaines études.

Mais malgré les injonctions légales, trop peu de rénovations énergétiques sont entreprises. Environ seuls 32 % des propriétaires concernés projettent des travaux. Les autres envisagent soit de vendre leur bien, soit de le retirer du marché locatif.

Pour la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), c’est la crainte d’une perte sèche de 250 000 logements dans le parc locatif privé. Une contraction de l’offre qui pèse déjà sur les prix et pousse certains locataires dans des situations précaires.

Afin d’accélérer la rénovation, le gouvernement a renforcé en 2024 le dispositif MaPrimeRénov’. Recentrée sur les rénovations dites globales, elle permet de financer des travaux qui permettent un gain d’au moins deux classes DPE.

Le taux de prise en charge peut atteindre 90 % pour les ménages modestes, avec un plafond doublé à 70 000 €.

L’accompagnement par un professionnel agréé, Mon Accompagnateur Rénov’, devient obligatoire. Mais cette montée en puissance a généré un afflux massif de dossiers, parfois de mauvaise qualité, et a fait flamber les prix.

Face à des soupçons de fraude, l’État a décidé la suspension du dispositif dès juillet 2025, le temps d’un audit global.

Dans ce contexte tendu, la fiabilisation du DPE devient une priorité politique. Depuis juillet 2024, les exigences de compétences des diagnostiqueurs sont rehaussées : volume de formation accru, examens renforcés, contrôle renforcé des organismes de certification.

Le gouvernement envisage même la création d’un ordre des diagnostiqueurs immobiliers pour encadrer la profession.

Ces réformes sont appelées à restaurer la confiance dans un outil devenu déterminant pour les particuliers, les familles et les professionnels de l’immobilier.

Pour les justiciables, cela signifie qu’il est désormais impératif de vérifier avec soin tout DPE réalisé sur leur logement, d’en demander la justification technique et, en cas de doute, de solliciter un contre-diagnostic.

Car une étiquette DPE contestable peut être juridiquement opposable, et entraîner des contentieux sur la décence du logement, la validité du bail, ou la fixation du prix de vente.

En définitive, le DPE est devenu un outil de régulation puissant, mais dont l’usage doit être encadré avec rigueur. Les propriétaires comme les locataires ont tout intérêt à s’en saisir comme d’un levier, non comme d’un simple certificat.

En cas de litige ou de situation bloquée, l’assistance d’un professionnel du droit immobilier ou d’un juriste spécialisé dans les normes de décence peut s’avérer déterminante pour préserver ses droits et ses investissements.

FAQ : Diagnostic de performance énergétique : droits, risques et recours des justiciables

1. Le DPE est-il obligatoire pour louer ou vendre un logement ?

Oui. Depuis 2006 pour les ventes et 2007 pour les locations, le DPE est obligatoire et doit figurer dans toute annonce immobilière. Depuis 2021, il est opposable, ce qui signifie que l’acheteur ou le locataire peut s’en prévaloir en cas de litige.

2. Que risque un propriétaire qui met en location un logement classé F ou G ?

Les propriétaires de passoires énergétiques sont soumis à un calendrier progressif d’interdiction à la location. Depuis 2023, certains logements très énergivores ne peuvent plus être loués. L’interdiction s’étend aux logements classés G en 2025, F en 2028, puis E en 2034.

3. Comment est calculée l’étiquette énergétique du DPE ?

Depuis la réforme de 2021, le DPE repose sur une méthode unique fondée sur les caractéristiques physiques du logement (isolation, chauffage, ventilation, etc.) et non plus sur la consommation réelle. L’étiquette finale résulte de la pire performance entre la consommation d’énergie primaire et les émissions de gaz à effet de serre.

4. Que faire si le DPE de mon logement est erroné ?

Un DPE manifestement erroné peut être contesté. Il est recommandé de demander une contre-expertise auprès d’un autre diagnostiqueur certifié. En cas de préjudice, une action en responsabilité contre le professionnel ou l’agence ayant fourni le diagnostic peut être envisagée.

5. Les travaux de rénovation énergétique sont-ils tous pris en charge par MaPrimeRénov’ ?

Non. Depuis 2024, le dispositif MaPrimeRénov’ est recentré sur les rénovations globales. Les travaux doivent permettre un gain d’au moins deux classes énergétiques. Certains gestes simples (isolation seule, changement de chaudière) ne sont plus systématiquement subventionnés, sauf dans des dossiers encadrés.

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