La gestion de l'arrêt maladie longue durée (ALD) constitue une problématique délicate pour les employeurs, à la croisée des exigences médicales du salarié et des obligations légales imposées par le Code du travail et le Code de la sécurité sociale. Lorsqu'un salarié est confronté à une pathologie grave ou chronique, son absence peut s'étendre sur plusieurs mois, voire plusieurs années, générant pour l'entreprise des difficultés organisationnelles et financières majeures.
Entre suspension du contrat de travail, maintien partiel de la rémunération, obligation d'aménagement du poste, ou encore possibilité de recrutement temporaire en remplacement, la réglementation encadre avec précision les droits et devoirs de chaque partie.
La jurisprudence rappelle que la maladie, aussi grave soit-elle, ne saurait justifier un licenciement fondé exclusivement sur l'état de santé du salarié, sous peine de sanctions sévères pour discrimination (article L1132-1 du Code du travail).
Dans ce contexte, il est essentiel pour l'employeur d’adopter une gestion juridiquement sécurisée de l'absence prolongée, sans négliger l'accompagnement humain du salarié concerné. De la reconnaissance de l'ALD par la Sécurité sociale jusqu'à l'éventuel licenciement pour un motif distinct de la maladie, chaque décision doit s'appuyer sur des fondements légaux solides et une connaissance précise des références réglementaires applicables (articles L321-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, L1226-1 et suivants du Code du travail).
Cet article propose une analyse détaillée des règles applicables à l'arrêt maladie longue durée, illustrée par les textes de loi et les jurisprudences récentes, afin de permettre aux professionnels d'assurer une gestion conforme au droit, tout en préservant les intérêts économiques de leur entreprise.
L'arrêt maladie longue durée (ALD) correspond à une suspension du contrat de travail consécutive à une affection grave ou chronique nécessitant un traitement prolongé.
Ce dispositif est encadré notamment par le code de la sécurité sociale et le code du travail. Le médecin traitant, en accord avec le médecin-conseil de la CPAM, décide de placer le salarié en ALD lorsque l'état de santé le justifie. La condition essentielle est que la pathologie n’ait pas pour origine un accident du travail ni une maladie professionnelle.
L'article L324-1 du code de la sécurité sociale distingue les ALD exonérantes, prises en charge à 100 %, des ALD non exonérantes, soumises au ticket modérateur habituel.
Trois catégories principales sont recensées :
Pour les ALD exonérantes, les soins sont pris en charge intégralement sur la base des tarifs de la sécurité sociale.
L'article L323-4 du code de la sécurité sociale fixe une limite légale de trois ans pour un arrêt maladie ininterrompu, avec versement des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) pendant cette période. Au-delà, le salarié est orienté vers une pension d'invalidité ou une reprise du travail, potentiellement aménagée.
Il n'existe pas de plafond légal au nombre de prolongations, sous réserve de validation par le médecin-conseil.
Conformément aux articles L321-1 et suivants du code de la sécurité sociale, le salarié perçoit des IJSS représentant 50 % du salaire journalier de base, après un délai de carence de trois jours (article R323-1 CSS). En cas d'ALD reconnue, cette carence ne s’applique qu'une seule fois sur une période de trois ans.
En complément, l'employeur est tenu, selon l'article L1226-1 du code du travail, de verser une indemnité complémentaire sous conditions :
Cette indemnisation s’applique après un délai de carence de sept jours (article D1226-3 du code du travail) et garantit :
Des clauses conventionnelles peuvent prévoir des conditions plus favorables.
Depuis l'entrée en vigueur de l'article L3141-5 du code du travail, suite aux arrêts du 13 septembre 2023 (Cass. soc., n° 22-17340 et n° 22-10529), tout salarié acquiert des congés payés même durant son arrêt maladie, sans distinction selon l'origine professionnelle ou non de la pathologie.
L'article L3141-19-1 du code du travail prévoit un droit à report des congés non pris pour cause d’arrêt maladie, limité à quinze mois. Cette période débute dès la transmission des informations relatives aux congés par l’employeur après la reprise du salarié.
La gestion de l'absence prolongée peut conduire l'employeur à conclure un CDD de remplacement, autorisé par l'article L1242-7 du code du travail. En cas d’incertitude sur la date de retour du salarié, le CDD à terme imprécis est à privilégier : il prend fin automatiquement au retour du salarié.
Attention : une durée minimale d'engagement doit être spécifiée pour éviter la requalification en CDI (Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-44837).
Selon l'article L1132-1 du code du travail, il est interdit de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son absence médicale. Une telle décision constituerait une discrimination.
Cependant, le licenciement est envisageable pour des motifs étrangers à la maladie :
Toutefois, la convention collective applicable peut limiter cette possibilité par des clauses de garantie d'emploi.
En cas de licenciement discriminatoire, le salarié peut obtenir devant le conseil de prud'hommes une indemnisation minimale équivalente à six mois de salaire (article L1235-3-1 du code du travail), voire davantage selon la décision du juge.
L'arrêt maladie longue durée représente un véritable défi juridique et organisationnel pour les employeurs, appelés à conjuguer obligations légales, respect du principe de non-discrimination, et maintien du bon fonctionnement de l'entreprise. Du versement des indemnités journalières au maintien de salaire partiel, en passant par la gestion des congés payés et le recours à un CDD de remplacement, chaque étape impose une vigilance accrue sur le respect des textes encadrant les relations de travail.
Si la protection du salarié malade reste au cœur des dispositifs prévus par le Code du travail et le Code de la sécurité sociale, le législateur reconnaît à l'employeur, dans certains cas, la possibilité de rompre le contrat de travail pour des motifs étrangers à l’état de santé, sous réserve de motiver rigoureusement la procédure.
En définitive, bien gérer une absence pour ALD requiert une connaissance approfondie du cadre juridique, une veille permanente sur les évolutions législatives et une capacité à anticiper les conséquences humaines et financières sur l'activité. Se faire accompagner par des juristes spécialisés ou des avocats s'avère souvent indispensable pour sécuriser les pratiques et prévenir tout risque contentieux devant le Conseil de prud’hommes.
Qu'est-ce qu'un arrêt maladie longue durée (ALD) au regard du Code de la sécurité sociale ?
Un arrêt maladie longue durée (ALD) correspond à une suspension du contrat de travail pour cause d'affection grave ou chronique nécessitant un traitement prolongé. Selon l’article L324-1 du Code de la sécurité sociale, une ALD peut être exonérante (prise en charge à 100 %) ou non exonérante. La reconnaissance en ALD repose sur la présence d'une maladie listée dans l'ALD 30, ou dans certains cas, sur les ALD 31 et 32. La décision est prise par le médecin traitant et validée par le médecin-conseil de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). La qualification d'ALD permet au salarié de bénéficier d'une prise en charge médicale renforcée, tout en percevant des indemnités journalières en cas d'arrêt de travail prolongé.
Qui prend en charge le salaire d'un salarié en arrêt maladie longue durée ?
Pendant un arrêt maladie longue durée, la rémunération du salarié est suspendue, mais ce dernier perçoit une indemnisation compensatoire. La CPAM verse des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) correspondant à 50 % du salaire journalier de base (articles L323-4 et R323-1 du Code de la sécurité sociale), après un délai de carence de 3 jours. En complément, l’employeur doit verser une indemnité complémentaire (article L1226-1 du Code du travail) après un délai de carence de 7 jours, sous réserve d’une ancienneté minimale d'un an et du respect des conditions prévues par la convention collective. Le cumul des IJSS et de l’indemnité complémentaire permet d’assurer une rémunération partielle au salarié pendant l'arrêt.
L’employeur peut-il recruter un salarié en CDD pour remplacer un salarié en ALD ?
Oui, selon l’article L1242-7 du Code du travail, l'employeur a le droit de conclure un contrat à durée déterminée (CDD) afin de remplacer le salarié absent en ALD. Il est recommandé d’opter pour un CDD à terme imprécis qui prendra fin au retour du salarié malade. Ce contrat doit impérativement mentionner une durée minimale d’emploi pour éviter le risque de requalification en CDI (jurisprudence Cass. Soc. 29 octobre 1996, n° 92-44837). Le CDD de remplacement constitue une solution efficace pour pallier l'absence prolongée tout en assurant la continuité de l'activité.
Est-il possible de licencier un salarié en arrêt maladie longue durée ?
Le licenciement d’un salarié en ALD est strictement encadré par le droit du travail. Conformément à l’article L1132-1 du Code du travail, il est interdit de rompre le contrat de travail pour motif lié à l'état de santé du salarié sous peine de discrimination. Toutefois, un licenciement est envisageable pour un motif objectif et distinct de la maladie, tel qu'une faute disciplinaire ou un motif économique (article L1226-9 du Code du travail). Toute procédure de licenciement dans ce contexte nécessite une motivation rigoureuse et un strict respect du cadre légal afin d’éviter une contestation devant le Conseil de prud'hommes, pouvant entraîner la nullité du licenciement et des dommages et intérêts (article L1235-3-1 du Code du travail).
Le salarié en arrêt maladie longue durée acquiert-il des congés payés ?
Depuis la décision de la Cour de cassation (arrêts du 13 septembre 2023, n° 22-17340 et n° 22-10529) et la modification de l’article L3141-5 du Code du travail, un salarié en arrêt maladie non professionnelle acquiert désormais des droits à congés payés pendant la suspension de son contrat. En cas d’impossibilité de prendre ses congés pour cause de maladie, l’article L3141-19-1 prévoit un droit à report dans un délai maximal de 15 mois après la reprise du travail. L’employeur doit informer le salarié de ses droits dès sa reprise. Cette évolution aligne le droit français sur le droit de l’Union européenne, garantissant une meilleure protection des droits des salariés en arrêt maladie prolongé.