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Litige avec une entreprise en difficulté : Que faire ?

Estelle Marant
Collaboratrice
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Comment réagir face à une entreprise en redressement judiciaire ?

Lorsque vous êtes en litige avec une entreprise, la situation peut devenir particulièrement complexe si celle-ci fait l'objet d'une procédure collective.

Ces procédures, mises en place pour gérer les entreprises en difficulté, imposent des règles strictes aux créanciers, notamment en ce qui concerne la déclaration des créances et l'interruption des poursuites individuelles.

Comprendre ces mécanismes est essentiel pour protéger vos droits et maximiser vos chances de recouvrer tout ou partie de votre créance.

Dans cet article, nous allons explorer les implications d'une procédure collective pour les créanciers et les démarches à suivre pour faire valoir vos droits.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Qu'est-ce qu'une procédure collective ?
  3. L'interruption des poursuites : que signifie-t-elle pour les créanciers ?
  4. Comment déclarer votre créance en procédure collective ?
  5. Les conséquences d'une liquidation judiciaire pour les créanciers
  6. Les principales causes de faillite des entreprises
  7. FAQ
  8. Conclusion

Entreprise défaillante : définition

Une entreprise est qualifiée de "défaillante" lorsqu'elle rencontre des difficultés d'ordre financier, juridique ou économique.

Ces difficultés peuvent varier en gravité, et un indicateur clé est le statut juridique de l'entreprise.

Est-elle déjà soumise à une procédure collective, comme une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, ou encore de liquidation judiciaire ?

Procédures collectives : rappel des fondamentaux

Les procédures collectives sont des mécanismes juridiques mis en place pour traiter les situations où une entreprise se trouve en difficulté financière.

Elles sont prévues par le Code de commerce et visent à protéger à la fois l'entreprise, ses créanciers, et l'économie en général.

Chaque procédure a des objectifs spécifiques et des conséquences variées selon la gravité de la situation.

  1. La procédure de sauvegarde
    La procédure de sauvegarde est une mesure préventive.
    Elle intervient avant que l'entreprise ne soit en état de cessation des paiements.
    Le but est de permettre à l'entreprise de continuer son activité tout en réorganisant le paiement de ses dettes.
    Cette procédure offre un cadre légal pour que l'entreprise puisse se restructurer sans subir immédiatement les pressions des créanciers.
    Elle est souvent utilisée pour anticiper des difficultés à venir, évitant ainsi l'aggravation de la situation financière.
    Le tribunal vérifie que l'entreprise est en mesure de respecter le plan de sauvegarde avant de l'autoriser.
  2. La procédure de redressement judiciaire
    Lorsque l'entreprise est en état de cessation des paiements, mais qu'il existe une possibilité réaliste de reprise de l'activité, on engage une procédure de redressement judiciaire.
    L'objectif ici est de permettre à l'entreprise de continuer son activité, de maintenir les emplois, et d'étaler le paiement des dettes sur une période déterminée.
    Un administrateur judiciaire est nommé pour superviser la gestion de l'entreprise et mettre en place un plan de redressement.
    Ce plan peut inclure des mesures de restructuration, des cessions d'actifs, ou des accords avec les créanciers.
  3. La procédure de liquidation judiciaire
    La procédure de liquidation judiciaire est envisagée lorsque l'entreprise est en état de cessation des paiements et qu'aucune solution de redressement n'est possible.
    L'objectif principal est de mettre fin à l'activité de l'entreprise et de réaliser ses actifs pour rembourser les créanciers.
    Un liquidateur judiciaire est nommé pour procéder à la vente des actifs de l'entreprise.
    Cette procédure marque la fin de l'entreprise, et les fonds récupérés sont répartis entre les créanciers selon l'ordre des privilèges.

Ces procédures collectives sont des outils essentiels pour gérer les entreprises en difficulté, mais elles impliquent des conséquences importantes pour l'entreprise, ses employés, et ses créanciers.

Le choix de la procédure dépendra de l'état de cessation des paiements et des perspectives de redressement.

Les statistiques récentes sur les procédures collectives

Depuis la crise sanitaire liée à la Covid-19, de nombreuses entreprises ont été confrontées à des difficultés économiques majeures, entraînant une augmentation significative du nombre de procédures collectives.

Selon les données fournies par la société Altares, en 2023, 57 729 procédures collectives ont été ouvertes, ce qui représente une augmentation de 35,8 % par rapport à 2022.

Parmi ces procédures, on observe :

  • 41 085 liquidations judiciaires :
    Ce chiffre montre que la majorité des entreprises en difficulté n'ont pas pu se redresser et ont été contraintes de cesser définitivement leur activité.
  • 15 115 redressements judiciaires :
    Un nombre significatif d'entreprises a néanmoins tenté de se redresser, espérant pouvoir restructurer leur activité et étaler le paiement de leurs dettes.
  • 1 529 procédures de sauvegarde :
    Bien que moins fréquente, la procédure de sauvegarde a été utilisée par certaines entreprises pour anticiper leurs difficultés financières et éviter la cessation des paiements.

Les secteurs les plus touchés par ces liquidations judiciaires sont notamment :

  • L'immobilier :
    Un secteur qui a connu des perturbations majeures, notamment en raison de la baisse de la demande et des difficultés d'accès au financement.
  • Le BTP (bâtiment et travaux publics) :
    Fortement impacté par les retards de chantiers, la hausse des coûts des matériaux, et les difficultés d'approvisionnement.
  • La restauration :
    L'un des secteurs les plus durement frappés par les confinements successifs et les restrictions sanitaires, entraînant une baisse drastique de la fréquentation et des revenus.

Ces statistiques soulignent la fragilité de nombreux secteurs économiques face aux crises et l'importance des procédures collectives pour tenter de sauver des entreprises en difficulté.

Comment savoir si une entreprise est défaillante ?

Pour déterminer si une entreprise est en difficulté, plusieurs indicateurs peuvent être pris en compte.

Voici quelques éléments clés à observer :

  • Retards répétés dans les paiements :
    L'un des premiers signes de difficulté financière est la tendance à retarder les paiements envers les fournisseurs, les salariés, ou d'autres créanciers.
    Ces retards peuvent indiquer des problèmes de trésorerie.
  • Dialogue avec le dirigeant :
    Il est recommandé de se rapprocher du dirigeant de l'entreprise concernée pour faire un point sur la situation.
    Une communication ouverte peut fournir des informations sur les difficultés rencontrées et sur les éventuelles mesures mises en place pour y remédier.
  • Consultation du Bodacc :
    Si l'entreprise est déjà en procédure collective (comme une procédure de sauvegarde, un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire), cela sera mentionné dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc).
    Le Bodacc est accessible en ligne et permet de vérifier si une entreprise fait l'objet d'une procédure collective, ce qui est un signe clair de défaillance.

Ces indicateurs sont des outils précieux pour évaluer la situation d'une entreprise et prendre les mesures nécessaires pour se protéger en tant que créancier, fournisseur, ou partenaire commercial.

Quelles sont les principales causes de faillite des entreprises ?

Les causes de la défaillance financière d'une entreprise sont multiples et souvent interconnectées.

Parmi les plus courantes, on trouve :

  • Mauvaise gestion de la trésorerie :
    Une gestion inadéquate de la trésorerie est l'une des principales causes de faillite.
    Un manque d'anticipation dans le paiement des dettes (salaires, loyers, fournisseurs, etc.) peut rapidement entraîner des difficultés financières graves.
    Lorsque les liquidités ne sont pas suffisantes pour couvrir les dépenses courantes, l'entreprise peut se retrouver en cessation de paiements.
  • Investissements excessifs :
    Réaliser des investissements trop importants sans tenir compte de la capacité de remboursement peut fragiliser la structure financière de l'entreprise.
    Les investissements mal calibrés peuvent entraîner des charges financières trop élevées, compromettant ainsi la viabilité à long terme de l'entreprise.
  • Frais de justice élevés :
    Une multiplication de contentieux avec des employés, des clients, ou d'autres parties prenantes peut alourdir significativement les finances de l'entreprise.
    Les coûts associés aux procédures judiciaires, aux honoraires d'avocats, et aux éventuelles condamnations peuvent épuiser les ressources de l'entreprise.
  • Un business plan inadéquat :
    Une mauvaise planification initiale, que ce soit en termes de stratégie de marché, de gestion des ressources ou de prévisions financières, peut conduire à l'échec de l'entreprise.
    Un business plan qui ne tient pas compte des réalités du marché ou qui surestime les revenus peut provoquer des déséquilibres dès les premières années d'activité.

Ces facteurs, s'ils ne sont pas correctement anticipés et gérés, peuvent rapidement mettre une entreprise en difficulté et mener à sa faillite.

Il est essentiel pour les dirigeants d'être vigilants et de mettre en place des stratégies solides pour éviter ces pièges.

Votre partenaire commercial est défaillant : comment réagir

Lorsque vous êtes confronté à un litige financier avec une entreprise défaillante, deux situations doivent être distinguées :

Situation 1 : Votre partenaire ne fait pas l'objet d'une procédure collective

Si votre cocontractant rencontre des difficultés sans être soumis à une procédure collective, plusieurs options s'offrent à vous, parmi lesquelles :

  • La procédure de conciliation (articles L611-4 à L611-15 du Code de commerce) :
    Elle permet de résoudre le litige de manière amiable, avec l'intervention d'un conciliateur désigné par le tribunal.
    Cette procédure est confidentielle et dure généralement 4 à 5 mois.
  • Le mandat ad hoc (article L611-3 du Code de commerce) :
    Cette procédure vise à faciliter un accord amiable entre l'entreprise en difficulté et ses créanciers, permettant un apurement progressif des dettes.
    Cette option est également confidentielle.

Situation 2 : Votre partenaire fait l'objet d'une procédure collective

Lorsque l'entreprise avec laquelle vous êtes en litige fait l'objet d'une procédure collective, la situation change considérablement.

En vertu du principe de l'interruption des poursuites (article L622-21 du Code de commerce), il est interdit d'entreprendre des actions individuelles pour recouvrer votre créance.

Cela signifie que toutes les poursuites engagées contre l'entreprise sont suspendues, et vous devrez suivre la procédure collective mise en place.

Dans ce cadre, il est essentiel de déclarer votre créance dans les délais impartis, faute de quoi vous risquez la déchéance de vos droits (articles L622-24 et L622-26 du Code de commerce).

La déclaration de créance doit être faite auprès du mandataire judiciaire ou du liquidateur désigné par le tribunal.

Cette déclaration est indispensable pour être intégré à la procédure et pour espérer récupérer une partie de votre créance, en fonction des liquidités disponibles et de l'ordre de priorité des créanciers.

Ne pas déclarer votre créance dans les délais peut entraîner la perte de votre droit à être payé, même si l'entreprise dispose des fonds pour régler ses dettes.

Il est donc important de respecter les procédures et de suivre attentivement les instructions fournies par le mandataire judiciaire ou le liquidateur.

Conclusion

Face à une entreprise en procédure collective, il est primordial pour les créanciers de comprendre les mécanismes en jeu et d'agir rapidement.

La déclaration de créance dans les délais impartis est essentielle pour préserver vos droits et vous intégrer au processus collectif, où tous les créanciers sont traités de manière équitable.

En respectant les étapes imposées par le Code de commerce, vous augmentez vos chances de recouvrer une partie de votre créance, malgré les restrictions imposées par l'interruption des poursuites individuelles.

Agir avec diligence et consulter un professionnel du droit peuvent faire toute la différence dans l'issue de cette situation délicate.

FAQ

1. Qu'est-ce qu'une procédure collective ?
Une procédure collective est un ensemble de mesures juridiques conçues pour gérer les entreprises en difficulté financière.
Elle regroupe plusieurs types de procédures, notamment la sauvegarde (pour prévenir l'aggravation des difficultés), le redressement judiciaire (lorsque l'entreprise est déjà en cessation de paiements mais qu'une reprise est envisageable), et la liquidation judiciaire (quand il n'y a plus d'espoir de redressement et que l'entreprise doit cesser son activité).

2. Que signifie l'interruption des poursuites en procédure collective ?
L'interruption des poursuites est un principe fondamental des procédures collectives. Une fois que l'entreprise est en procédure collective, les créanciers ne peuvent plus entreprendre d'actions individuelles pour récupérer leurs créances. Cela signifie que toutes les tentatives de recouvrement doivent passer par la procédure collective, où les créanciers sont traités de manière égale, conformément aux règles établies par le Code de commerce.

3. Comment déclarer une créance en procédure collective ?
Déclarer une créance en procédure collective est une étape importante pour protéger vos droits. Vous devez formaliser cette déclaration en la soumettant auprès du mandataire judiciaire ou du liquidateur désigné par le tribunal. Cette déclaration doit contenir tous les éléments relatifs à la créance, y compris son montant, l'origine de la dette, et les preuves justifiant votre demande. Le respect des délais de déclaration est impératif pour que votre créance soit prise en compte dans la procédure.

4. Quels sont les délais pour déclarer une créance ?
Les délais pour déclarer une créance en procédure collective sont stricts et définis par la loi. En général, vous disposez de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective au Bodacc (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) pour faire votre déclaration. Si vous manquez ce délai, vous risquez de perdre votre droit de participer à la répartition des actifs de l'entreprise, ce qui peut entraîner une perte totale de votre créance.

5. Que faire si l'entreprise en litige fait l'objet d'une liquidation judiciaire ?
Si l'entreprise avec laquelle vous êtes en litige est en liquidation judiciaire, il est essentiel d'agir rapidement. Vous devez déclarer votre créance dans les délais impartis pour être intégré au processus de répartition des actifs. Le liquidateur judiciaire se chargera de vendre les actifs de l'entreprise pour rembourser les créanciers dans l'ordre des priorités établies par la loi. Il est primordial de suivre attentivement les instructions du liquidateur pour maximiser vos chances de recouvrement.

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