La Cour de cassation, dans un arrêt du 18 juin 2025 (Cass. 1re civ., n° 23-23.295), vient clarifier un point important du droit de la consommation appliqué aux contrats de location avec option d’achat (LOA), en particulier concernant le délai de rétractation. Elle affirme que la remise du bien loué pendant le délai de rétractation n’est pas, en soi, un manquement susceptible d’entraîner la nullité du contrat, dès lors que la loi ne l’interdit pas expressément.
Dans l’affaire portée devant la haute juridiction, des consommateurs avaient souscrit un contrat de location avec option d’achat auprès de BMW Finance, portant sur un véhicule. Peu après la signature du contrat, le véhicule leur est livré. Ils commencent alors à en faire usage et réglent les loyers convenus pendant plusieurs mois.
Ce n’est que dans un second temps qu’ils saisissent la juridiction civile pour demander l’annulation du contrat. Ils fondent leur demande sur l’article L. 312-47 du Code de la consommation, arguant que la livraison du véhicule avant l’expiration du délai légal de rétractation de trois jours (prévu dans cet article pour les crédits affectés) constituerait une violation du droit de la consommation justifiant l’annulation de l’opération et le remboursement des sommes versées, y compris les frais d’immatriculation.
L’article L. 312-2 du Code de la consommation précise que les opérations de location avec option d’achat sont assimilées, dans leur régime juridique, à des opérations de crédit à la consommation. Il s’agit donc de contrats hybrides, qui associent les caractéristiques d’un contrat de bail à une logique de crédit, puisqu’ils permettent au locataire de lever une option d’achat à l’issue de la période de location.
Toutefois, la Cour rappelle que tous les crédits à la consommation ne sont pas régis par les mêmes dispositions. En l’espèce, les demandeurs invoquaient l’article L. 312-47, propre aux crédits affectés, c’est-à-dire aux crédits expressément destinés à financer l’achat d’un bien déterminé.
La Cour de cassation rejette cette assimilation : le contrat litigieux n’est pas un crédit affecté, mais une location avec option d’achat, à laquelle les règles spécifiques du crédit affecté ne s’appliquent pas. Cette précision est fondamentale.
L’article L. 312-19 du Code de la consommation garantit à tout emprunteur un droit de rétractation de 14 jours calendaires à compter de l’acceptation de l’offre de crédit, quelle que soit la forme de celui-ci.
Cependant, contrairement à ce que soutenaient les demandeurs, aucune disposition du code n’interdit la livraison du bien loué pendant ce délai de rétractation. Seul l’article L. 312-25 prévoit que le prêteur ne peut percevoir aucun paiement de l’emprunteur pendant un délai de sept jours suivant l’acceptation de l’offre.
La Cour de cassation précise ici que ce texte n’interdit pas la remise du bien pendant le délai de rétractation, mais uniquement le paiement. Dès lors, la livraison anticipée ne constitue pas, en elle-même, une infraction à la législation applicable, tant qu’elle ne s’accompagne pas de perception de fonds pendant le délai prohibé.
La Cour énonce de façon claire que le législateur n’a prévu aucune règle spécifique concernant la remise du bien loué dans un contrat de LOA. Cette absence de disposition implique que la remise anticipée est possible, dès lors qu’elle n’enfreint aucune interdiction explicite.
Le raisonnement est rigoureux : l’interprétation stricte des textes impose de ne pas créer d’interdiction ou de sanction là où le texte législatif ne l’a pas prévue. En l’occurrence, la livraison anticipée n’est ni interdite, ni sanctionnée par la nullité du contrat.
La Cour de cassation conclut donc que la remise du véhicule avant l’expiration du délai de rétractation n’est pas, en soi, une cause de nullité du contrat, en l’absence de disposition contraire.
La solution rendue par la Cour présente plusieurs avantages juridiques et économiques.
Cette décision rassure les établissements de crédit et les loueurs (comme BMW Finance), qui pourront livrer les véhicules rapidement, sans craindre que la seule anticipation du délai de rétractation puisse entraîner l’annulation du contrat.
Cela garantit une fluidité commerciale dans la gestion des contrats de LOA et évite les pratiques contentieuses abusives, où des consommateurs chercheraient à se dédire après usage du véhicule.
L’arrêt ne remet pas en cause le droit de rétractation, qui demeure intégralement applicable. L’acquéreur ou le locataire dispose bien de 14 jours pour revenir sur sa décision, et cela sans pénalité, à condition qu’il formule sa rétractation dans les délais.
Ce qui est écarté, en revanche, c’est l’idée selon laquelle la livraison anticipée constituerait, en elle-même, une atteinte à ce droit. En d’autres termes, la charge de l’action revient au consommateur, qui doit user activement de son droit dans le délai imparti, et non imputer à la remise du bien une illégalité imaginaire.
La Cour évite ainsi de fragiliser l’économie des contrats de LOA en introduisant artificiellement une cause de nullité non prévue par les textes. Cela contribue à la prévisibilité des relations contractuelles, tant pour les entreprises que pour les consommateurs.
Cet arrêt du 18 juin 2025 s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui refuse d’ajouter au texte légal des conditions qu’il ne prévoit pas expressément. Il rappelle aux juridictions du fond que le droit de la consommation, bien qu’ayant une fonction protectrice, ne permet pas d’interprétation extensive dès lors que cela conduit à déséquilibrer les obligations contractuelles.
La décision rendue le 18 juin 2025 par la première chambre civile de la Cour de cassation constitue une clarification bienvenue dans le régime juridique des contrats de location avec option d’achat. Elle affirme que la remise du bien loué avant la fin du délai de rétractation n’est pas prohibée, ni susceptible de provoquer l’annulation du contrat, sauf à démontrer une infraction précise à un texte légal, ce qui n’était pas le cas ici.
Elle illustre l’exigence d’interprétation stricte des textes de droit protecteur et consacre un équilibre entre liberté contractuelle, protection du consommateur et sécurité juridique.
1. Peut-on se rétracter après la livraison d’un véhicule en LOA ?
Oui. Selon l’article L. 312-19 du Code de la consommation, l’emprunteur dispose d’un délai de 14 jours pour se rétracter, même si le bien a été livré.
2. La livraison du véhicule pendant le délai de rétractation rend-elle le contrat nul ?
Non. La Cour de cassation a jugé que la remise du véhicule avant l’expiration du délai n’entraîne pas la nullité du contrat LOA, en l’absence de texte l’interdisant.
3. Les règles du crédit affecté s’appliquent-elles à la LOA ?
Non. L’article L. 312-47, qui concerne les crédits affectés, ne s’applique pas aux contrats de location avec option d’achat, assimilés à des crédits à la consommation.
4. Que dit la loi sur les paiements pendant le délai de rétractation d’une LOA ?
L’article L. 312-25 interdit tout paiement pendant un délai de 7 jours à compter de l’acceptation du contrat, mais n’interdit pas la remise du bien.
5. Que retenir de l’arrêt du 18 juin 2025 sur la LOA ?
Il confirme qu’une livraison anticipée du véhicule pendant le délai de rétractation ne constitue pas une cause d’annulation du contrat de location avec option d’achat.