Depuis une quinzaine d’années, les locations meublées de courte durée, popularisées par des plateformes telles qu’Airbnb, se sont imposées comme une nouvelle forme d’hébergement. Leur essor fulgurant a transformé le marché locatif, bouleversé les habitudes touristiques et attiré de nombreux particuliers séduits par une source de revenus complémentaire. Mais cette pratique, aussi rentable soit-elle, n’est pas sans poser des difficultés juridiques, en particulier dans le cadre de la copropriété.
En effet, chaque immeuble est régi par un règlement de copropriété, véritable « constitution » interne qui fixe les droits et obligations des copropriétaires. Ce document encadre non seulement l’usage des parties communes, mais également la destination des lots privatifs. Dès lors, la question de la compatibilité des locations de type Airbnb avec ce règlement est devenue un sujet de contentieux récurrent.
Les tribunaux ont dû trancher sur la nature de ces locations : constituent-elles une activité purement civile, une activité professionnelle tolérée, ou une activité commerciale incompatible avec une clause d’« habitation bourgeoise » ? La réponse n’est pas uniforme et dépend à la fois de la rédaction du règlement de copropriété, de la localisation de l’immeuble, mais aussi des conditions concrètes dans lesquelles la location est exercée.
Ce débat illustre une tension croissante entre deux logiques : d’un côté, la volonté des copropriétaires de préserver la tranquillité et la destination de l’immeuble ; de l’autre, l’aspiration de certains à rentabiliser leur bien immobilier via des séjours de courte durée. Il s’agit donc de savoir dans quelle mesure un copropriétaire peut exercer une activité de location Airbnb sans violer le règlement et sans exposer sa responsabilité vis-à-vis de la collectivité.
L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 rappelle que chaque copropriétaire « use et jouit librement des parties privatives et communes » à condition de ne pas porter atteinte aux droits des autres ou à la destination de l’immeuble.
Cette notion de destination est précisée par le règlement de copropriété, qui peut limiter les usages possibles des lots. Ainsi, de nombreuses copropriétés comportent une clause d’habitation bourgeoise, restreignant l’usage des appartements à une finalité d’habitation (parfois élargie aux professions libérales).
La jurisprudence a progressivement tranché sur la nature des locations meublées de courte durée :
En conséquence, lorsqu’un règlement interdit expressément toute activité commerciale, l’exploitation d’un logement en Airbnb peut être prohibée.
Certaines juridictions adoptent toutefois une lecture plus souple. La Cour d’appel de Pau (13 décembre 2017) a considéré que dans une zone touristique, la location saisonnière pouvait être tolérée, eu égard à la vocation des lieux. Cette divergence démontre que l’analyse est toujours contextuelle et doit tenir compte de la rédaction précise du règlement et de la situation locale.
Même si le règlement autorise expressément la location meublée de courte durée, le copropriétaire ne peut causer un trouble anormal de voisinage. Ce principe, reconnu de longue date par la jurisprudence (Cass., 27 novembre 1844 ; Cass., 19 novembre 1986), permet de sanctionner toute activité portant atteinte à la tranquillité des autres occupants.
Ainsi, en cas de nuisances sonores, de dégradations des parties communes ou de dépôts sauvages de déchets liés aux locations Airbnb, le copropriétaire engage sa responsabilité civile. La Cour d’appel de Paris a rappelé en 2022 (CA Paris, 11 février 2022, n°21/10676) que la responsabilité peut être retenue même si le copropriétaire n’est pas l’auteur direct des troubles, dès lors que ceux-ci sont causés par ses locataires.
Le syndicat des copropriétaires, représenté par le syndic, peut agir en justice pour demander la cessation de l’activité litigieuse, assortie éventuellement d’une astreinte financière. Cette action se fonde sur la violation du règlement ou sur la responsabilité civile du copropriétaire.
Outre les contraintes issues du droit de la copropriété, la location meublée de courte durée est encadrée par le Code de la construction et de l’habitation (CCH). L’article L. 631-7 CCH impose, dans certaines communes, d’obtenir une autorisation de changement d’usage pour transformer un logement d’habitation en meublé touristique.
Cette obligation concerne :
Le défaut d’autorisation expose le copropriétaire à de lourdes sanctions, notamment une amende civile pouvant atteindre 50 000 euros par local, ainsi que l’obligation de remise en état.
La multiplication des contentieux illustre la nécessité, pour tout copropriétaire souhaitant louer son logement en Airbnb, de procéder à une analyse approfondie :
Le recours à un avocat en droit immobilier permet d’évaluer la compatibilité du projet avec la réglementation applicable et d’anticiper les risques de litiges.
La problématique des locations Airbnb en copropriété illustre la difficulté d’adapter un droit ancien aux réalités d’une économie moderne et numérique. Si le CESEDA encadre la présence des étrangers et si le Code de la construction et de l’habitation réglemente le changement d’usage, c’est surtout le règlement de copropriété qui reste au cœur de l’analyse pour déterminer la légalité de ces pratiques.
La jurisprudence récente, notamment de la Cour de cassation et de plusieurs cours d’appel, tend à considérer que la location meublée de courte durée constitue une activité commerciale, le plus souvent incompatible avec une clause d’« habitation bourgeoise ». Toutefois, certaines décisions locales introduisent des nuances, en particulier dans les zones touristiques, où la location saisonnière s’inscrit dans l’usage traditionnel des immeubles.
Au-delà de la question de la destination de l’immeuble, les litiges trouvent aussi leur origine dans les troubles de voisinage générés par la fréquentation répétée d’une clientèle de passage : nuisances sonores, dégradations des parties communes, dépôts sauvages de déchets. Dans ces cas, même en l’absence de restriction expresse du règlement, la responsabilité civile du copropriétaire peut être engagée.
Enfin, il ne faut pas oublier que l’activité est également soumise, dans certaines communes, à une autorisation préalable de changement d’usage (article L. 631-7 du CCH), sous peine de sanctions financières lourdes.
Ainsi, tout copropriétaire qui envisage de mettre son bien en location Airbnb doit impérativement :
Le recours à un avocat spécialisé en droit immobilier apparaît alors comme un atout majeur pour sécuriser son projet, prévenir les litiges et concilier au mieux liberté individuelle et respect des règles collectives.
1. Peut-on louer son appartement en Airbnb si le règlement de copropriété l’interdit ?
Non, la location meublée de courte durée de type Airbnb est en principe interdite lorsqu’une clause d’habitation bourgeoise stricte figure dans le règlement de copropriété. En effet, la Cour de cassation (3e civ., 27 février 2020, n°18-14305) a jugé que ces locations constituent une activité commerciale. Or, une telle activité est incompatible avec une clause qui réserve l’usage exclusif des appartements à l’habitation.
Dans cette situation, le syndicat des copropriétaires peut agir devant le tribunal judiciaire afin d’obtenir la cessation immédiate de l’activité. La décision peut être assortie d’une astreinte financière, voire de dommages et intérêts si l’activité a causé un préjudice aux autres copropriétaires (exemple : nuisances répétées, insécurité, dégradations).
2. Qu’est-ce que la clause d’habitation bourgeoise dans un règlement de copropriété ?
La clause d’habitation bourgeoise est une stipulation très fréquente dans les règlements de copropriété, en particulier dans les immeubles anciens. Elle a pour objet de limiter l’usage des appartements à une fonction d’habitation.
3. Que risque un copropriétaire qui propose un logement en Airbnb en violation du règlement ?
Le copropriétaire qui ne respecte pas le règlement s’expose à plusieurs risques :
4. Faut-il une autorisation administrative pour louer son logement en Airbnb ?
Oui, dans certaines communes. L’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) impose une autorisation de changement d’usage pour transformer un logement d’habitation en meublé touristique. Cette obligation concerne :
5. La jurisprudence est-elle toujours défavorable aux locations Airbnb en copropriété ?
La tendance jurisprudentielle est majoritairement restrictive : les juridictions considèrent que la location Airbnb est une activité commerciale incompatible avec la destination d’habitation des immeubles.
Cependant, certaines décisions nuancent cette position. La Cour d’appel de Pau (13 décembre 2017) a admis que la location meublée saisonnière pouvait être tolérée dans une zone touristique, où ce type de location correspond à un usage traditionnel des logements.
Ainsi, tout dépend du contexte local, de la rédaction précise du règlement et de la manière dont l’activité est exercée (fréquence des locations, prestations annexes, recours à une société). Mais dans la grande majorité des cas, la jurisprudence récente penche en défaveur des copropriétaires qui souhaitent exploiter leur logement via Airbnb.