Le logement de fonction constitue un avantage en nature significatif qui peut jouer un rôle central dans la relation de travail. Accordé à certains salariés pour des raisons liées à l’exercice de leurs missions (gardiennage, encadrement sportif, responsabilité administrative ou direction d’établissement), il répond à la fois à un objectif professionnel et à un besoin personnel. En tant qu’accessoire du contrat de travail, il bénéficie d’un régime particulier qui mêle droit du travail et droit civil.
La question du maintien de ce logement prend une dimension particulière lorsqu’intervient une suspension du contrat de travail, notamment en cas de maladie ou d’accident. L’employeur peut être tenté de retirer le logement ou d’exiger le versement d’un loyer, estimant que le salarié, n’exerçant plus ses fonctions, ne peut plus bénéficier d’un tel avantage. Cependant, une telle approche méconnaît la nature juridique du logement de fonction et les obligations découlant du contrat.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 décembre 2022 (Cass. soc., n° 21-15.685), a apporté une clarification essentielle en affirmant que le logement attribué à titre gratuit ne peut être retiré ni donner lieu à une contrepartie financière pendant la suspension du contrat pour cause de maladie. Cette décision, fondée sur l’exécution de bonne foi des conventions consacrée par l’article 1104 du Code civil, s’inscrit dans une jurisprudence constante de protection des droits des salariés.
Au-delà du cas particulier jugé, la question révèle des enjeux plus larges : équilibre entre les obligations contractuelles de l’employeur, droits personnels du salarié et sécurisation des pratiques dans la gestion des avantages en nature.
Le logement attribué gratuitement dans le cadre professionnel constitue un avantage en nature et, en ce sens, il est considéré comme un accessoire du contrat de travail. À ce titre :
La jurisprudence rappelle que ce logement ne peut être assimilé à une simple faveur révocable, puisqu’il découle directement de la relation contractuelle.
Dans sa décision du 14 décembre 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que :
« Le logement attribué à titre gratuit à un salarié pour l’exercice de ses fonctions, qui est l’accessoire du contrat de travail et dont il bénéficie dans sa vie personnelle, ne peut lui être retiré ni donner lieu au versement d’un loyer pendant une période de suspension du contrat de travail pour maladie. »
Cette solution se fonde sur l’obligation d’exécuter les contrats de bonne foi (art. 1104 du Code civil). Ainsi, même en cas de suspension, l’employeur demeure tenu de maintenir les avantages liés au contrat, sauf disposition contraire prévue par la loi.
Le fait de supprimer l’accès au logement de fonction pendant une suspension pour maladie constitue un manquement aux obligations contractuelles de l’employeur. La gravité de ce manquement peut justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, voire ouvrir droit à des dommages-intérêts pour le salarié.
La position de la Cour de cassation n’est pas nouvelle. Elle avait déjà rappelé dans un arrêt du 26 janvier 2011 (Cass. soc., n° 09-43.193) que l’employeur ne peut exiger du salarié le paiement d’un loyer ou de charges locatives pour l’occupation d’un logement de fonction lorsque cette contrepartie n’est pas prévue par le contrat ou la convention collective.
De même, seule la rupture du contrat de travail justifie la restitution du logement. À défaut, le salarié conserve son droit d’occupation jusqu’au terme de son préavis. Dans l’arrêt du 20 mars 1997 (Cass. soc., n° 95-17.470), la Cour a précisé que si le salarié reste dans les lieux au-delà du préavis, l’employeur est en droit de solliciter une indemnisation.
L’arrêt du 14 décembre 2022 renforce la protection du salarié logé en confirmant que le logement de fonction est un droit accessoire, non détachable du contrat tant que celui-ci n’est pas rompu.
Cette jurisprudence invite les entreprises et collectivités à intégrer explicitement les modalités de mise à disposition du logement de fonction dans les contrats de travail ou les conventions collectives, afin d’éviter les litiges.
La jurisprudence relative au logement de fonction et à la suspension du contrat de travail confirme une ligne directrice claire : le logement accordé à un salarié dans le cadre de ses fonctions demeure un avantage contractuel indissociable de la relation de travail, tant que celle-ci n’est pas rompue. Il ne peut être retiré ou transformé en avantage payant pendant un arrêt maladie, sauf à engager la responsabilité de l’employeur pour manquement grave à ses obligations.
Les décisions successives de la Cour de cassation – qu’il s’agisse de l’arrêt du 20 mars 1997 (n° 95-17.470), de celui du 26 janvier 2011 (n° 09-43.193) ou encore du 14 décembre 2022 (n° 21-15.685) – rappellent que seule la rupture du contrat de travail, et non sa suspension, met fin au droit d’usage du logement de fonction.
Pour les salariés, cette jurisprudence constitue une garantie essentielle, protégeant leur cadre de vie même dans des périodes de vulnérabilité telles que l’arrêt maladie. Pour les employeurs, elle impose une vigilance accrue dans la rédaction des contrats de travail et des conventions de mise à disposition, afin de sécuriser leurs pratiques et d’éviter des contentieux potentiellement coûteux.
Au-delà de la règle de droit, cette question illustre l’importance de la bonne foi contractuelle comme principe directeur de la relation de travail, rappelant que le contrat n’est pas une simple somme d’obligations techniques mais un engagement global qui doit être exécuté dans un esprit de loyauté et de respect mutuel.
1. Un employeur peut-il retirer un logement de fonction en cas d’arrêt maladie ?
Non. La jurisprudence a établi clairement que le logement de fonction, attribué gratuitement au salarié pour l’exercice de ses missions, est un avantage en nature contractuel. Il ne peut être retiré pendant une suspension du contrat pour maladie. Dans un arrêt du 14 décembre 2022 (Cass. soc., n° 21-15.685), la Cour de cassation a confirmé que cet avantage ne peut être transformé en obligation financière (loyer) ni supprimé tant que le contrat n’est pas rompu. L’arrêt de travail ne suspend que la prestation de travail, pas les droits accessoires liés au contrat.
2. La suspension du contrat de travail entraîne-t-elle automatiquement la perte des avantages en nature ?
La suspension du contrat (arrêt maladie, congé maternité, accident du travail) met entre parenthèses les obligations réciproques de travail et de rémunération, mais elle n’affecte pas les avantages accessoires qui découlent du contrat, sauf disposition expresse contraire. Le logement de fonction reste donc attribué, car il est considéré comme une composante de la rémunération au sens large (article L. 3221-3 du Code du travail). Le Conseil d’État et la Cour de cassation rappellent régulièrement que ces avantages ne peuvent être retirés qu’à la fin effective du contrat.
3. Que risque l’employeur s’il supprime un logement de fonction pendant l’arrêt maladie du salarié ?
En cas de retrait unilatéral, l’employeur commet un manquement grave à ses obligations contractuelles. Cela peut justifier :
4. Que se passe-t-il pour le logement de fonction à la fin du contrat de travail ?
À la rupture du contrat de travail, le salarié est tenu de restituer le logement de fonction à l’expiration de son préavis. Passé ce délai, le maintien dans les lieux est considéré comme une occupation sans droit ni titre, permettant à l’employeur de demander une indemnité équivalente à un loyer d’occupation (Cass. soc., 20 mars 1997, n° 95-17.470). En pratique, certains employeurs insèrent des clauses précises dans le contrat de travail ou dans une convention distincte pour sécuriser cette restitution.
5. Quelle est la différence entre logement de fonction et logement de service ?
La distinction est essentielle :