Immobilier

Logement insalubre : droits du locataire et obligations du bailleur

Estelle Marant
Collaboratrice
Partager

Propriétaire : sanctions et obligations en cas d’insalubrité

Vivre dans un logement insalubre n’est pas seulement inconfortable : c’est une situation qui expose directement ses occupants à des risques graves pour la santé et la sécurité, au point que la loi interdit formellement la mise à disposition de tels locaux. L’article L. 1331-22 du Code de la santé publique définit précisément cette notion et en fixe le cadre juridique, distinguant l’insalubrité des simples défauts d’entretien ou des logements non conformes aux critères de décence.

L’insalubrité peut se manifester sous des formes diverses : humidité importante générant des moisissures pathogènes, absence de chauffage ou de ventilation, installations électriques dangereuses, présence de nuisibles, ou encore revêtements contenant du plomb à des taux supérieurs aux seuils réglementaires fixés par l’arrêté du 12 mai 2009. Ces dégradations ne sont pas seulement esthétiques : elles compromettent directement le droit à un logement sain, garanti par l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989.

Pour les locataires, les conséquences sont lourdes : perte de confort, atteinte à la santé, impossibilité d’occuper normalement les lieux. Pour les bailleurs, l’obligation est claire : fournir un logement décent, répondre aux mises en demeure et, si nécessaire, exécuter les travaux imposés par les autorités. En cas de manquement, le propriétaire s’expose non seulement à des sanctions administratives et pénales, mais aussi à des recours judiciaires pouvant aboutir à un remboursement de loyers, à une condamnation à des dommages et intérêts, voire à la suspension du bail.

Dans cette analyse, defendstesdroits.fr expose les critères juridiques permettant de qualifier un logement d’insalubre, les obligations légales qui en découlent pour le bailleur, et les recours concrets à la disposition des locataires pour faire valoir leurs droits.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Définition légale du logement insalubre
  3. Critères juridiques de l’habitat insalubre
  4. Distinction entre insalubrité et péril
  5. Conséquences de l’insalubrité pour le bailleur et le locataire
  6. Recours en cas de logement insalubre
  7. Conclusion

Qu’est-ce qu’un logement insalubre ?

La définition légale

Selon l’article L. 1331-22 du Code de la santé publique, un logement est déclaré insalubre lorsqu’il met gravement en danger la santé ou la sécurité des personnes.
Cela inclut notamment :

  • La présence de plomb à des concentrations supérieures aux seuils fixés par l’arrêté du 12 mai 2009 (1 000 µg/m² dans les poussières déposées au sol).
  • Des risques structurels graves ou un état de dégradation avancé.
  • Des installations rendant l’occupation dangereuse (électricité, gaz).

Ces locaux ne peuvent pas être loués ou mis à disposition à des fins d’habitation.

Les critères d’un habitat insalubre

Les textes et la jurisprudence fixent divers critères, parmi lesquels :

  • Locaux impropres à l’habitation : caves, sous-sols, combles non aménagés, pièces de hauteur sous plafond inférieure à 2,20 m.
  • Absence d’ouverture ou d’éclairement naturel suffisant, rendant les pièces inhabitables.
  • Suroccupation manifeste ou configuration exiguë incompatible avec une occupation normale.
  • Absence de chauffage, ventilation ou alimentation en électricité.

💡 Exemple jurisprudentiel : la seule absence d’électricité rend un logement impropre à l’habitation (CAA Versailles, 5 juill. 2011, n° 10VE02897).

Distinction entre insalubrité et péril

L’insalubrité correspond à un danger pour la santé des occupants. Elle se caractérise par des conditions d’habitation qui, sur le moyen ou long terme, peuvent nuire gravement à l’intégrité physique ou au bien-être des personnes. Cela inclut par exemple :

  • Une humidité excessive favorisant la prolifération de moisissures pathogènes.
  • La présence de matériaux toxiques, tels que le plomb ou l’amiante, à des concentrations supérieures aux seuils légaux.
  • L’absence de chauffage ou de ventilation adéquate, entraînant un risque pour la santé, en particulier en période hivernale.
  • Une infestation persistante de nuisibles (rats, cafards, punaises de lit) mettant en danger l’hygiène du logement.

Le péril, quant à lui, désigne un danger immédiat pour la sécurité physique des occupants ou des tiers. Il s’agit de situations susceptibles de provoquer rapidement un accident grave ou mortel. Sont ainsi concernés :

  • Le risque d’effondrement partiel ou total de la structure du bâtiment.
  • La chute imminente d’éléments de façade, de toiture ou de balcon.
  • La défaillance structurelle grave d’un plancher, d’un escalier ou d’un garde-corps.

💡 Différence clé : l’insalubrité met principalement en cause la salubrité et la santé, tandis que le péril concerne la stabilité et la solidité de l’ouvrage, impliquant un risque immédiat d’accident.

Un logement insalubre peut également être qualifié de logement indécent au sens de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, ce qui en interdit la mise en location. Cette double qualification est fréquente lorsque l’état du logement viole à la fois les critères de décence et de salubrité.

Par ailleurs, lorsqu’un arrêté de traitement de l’insalubrité est pris par le préfet ou le maire, le bien ne peut pas être considéré comme un logement décent, conformément à l’article 5 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002. Cet arrêté entraîne des obligations immédiates pour le bailleur, notamment la réalisation des travaux prescrits et, si nécessaire, le relogement temporaire du locataire.

Conséquences de l’insalubrité

Dès qu’un logement est reconnu insalubre conformément à l’article L. 1331-23 du Code de la santé publique, plusieurs effets juridiques immédiats s’appliquent :

  • Interdiction de mise en location : le bien ne peut plus être loué ni proposé à l’habitation tant que les travaux prescrits n’ont pas été réalisés. La conclusion ou le maintien d’un bail dans ces conditions expose le bailleur à des sanctions.
  • Obligation d’engager les travaux nécessaires : le propriétaire doit exécuter, dans le délai fixé par l’arrêté de traitement de l’insalubrité, toutes les mesures prescrites par le préfet ou le maire, sur la base du rapport établi par l’Agence régionale de santé (ARS). Ces travaux visent à supprimer les causes de l’insalubrité (réparations structurelles, assainissement, mise aux normes des installations).
  • Obligation de relogement : si l’insalubrité empêche l’occupation du logement, le bailleur doit proposer un relogement temporaire adapté au locataire, conformément aux dispositions protectrices du Code de la santé publique et du Code de la construction et de l’habitation. Ce relogement doit être effectué à ses frais et dans des conditions qui ne dégradent pas la situation du locataire.
  • Sanctions en cas de non-respect : le propriétaire qui ne se conforme pas à ses obligations s’expose à une amende administrative de 750 € (art. R. 1312-14 CSP). En cas de récidive ou de refus persistant, il peut également être poursuivi pénalement sur le fondement de l’article 131-13 du Code pénal et encourir des peines plus lourdes, notamment en cas de mise en danger délibérée d’autrui.

💡 En complément, l’arrêté d’insalubrité peut également entraîner la suspension de l’exigibilité des loyers pendant la durée des travaux, voire leur remboursement si le logement est totalement inhabitable, sur décision judiciaire.

Recours en cas de logement insalubre

1. Signalement au propriétaire

Le locataire doit d’abord mettre en demeure le propriétaire de faire cesser l’insalubrité. Cette lettre, envoyée en recommandé avec accusé de réception, décrit les désordres et rappelle les obligations légales du bailleur.

2. Saisine des autorités

Si aucune action n’est entreprise, le locataire peut :

  • S’adresser au syndic si le logement est en copropriété.
  • Déclarer la situation à la mairie ou au préfet, compétents pour engager la procédure administrative (art. L. 511-1 et L. 511-4 CCH).
    L’Agence régionale de santé (ARS) réalise un rapport, sur la base duquel le préfet peut prendre un arrêté de traitement de l’insalubrité.

3. Procédure administrative

Le préfet met en demeure le propriétaire de réaliser les travaux dans un délai d’un mois (CE, 27 juill. 2005, n° 259111). En cas de manquement, des mesures coercitives peuvent être prises, y compris l’exécution d’office des travaux.

4. Recours judiciaire

Le locataire peut saisir le juge du contentieux et de la protection (art. L. 213-4-4 COJ) pour :

  • Demander la condamnation du bailleur à effectuer les travaux.
  • Réclamer la réduction ou le remboursement des loyers (art. 1724 du Code civil, Cass. civ. 3, 9 févr. 2017, n° 16-13.260).
  • Obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Conclusion

L’insalubrité d’un logement n’est pas une simple question de confort : c’est une infraction à la législation sur l’habitat qui engage directement la responsabilité du bailleur. Le cadre légal, articulé autour de l’article L. 1331-22 du Code de la santé publique, de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et du décret du 30 janvier 2002, fixe des exigences précises auxquelles tout logement doit se conformer.

Pour le locataire, la première étape reste la constitution d’un dossier probant : photographies, rapports de professionnels, constats officiels, certificats médicaux le cas échéant. Le signalement aux autorités – mairie, préfecture, Agence régionale de santé – déclenche une procédure administrative pouvant mener à un arrêté de traitement de l’insalubrité. Cet arrêté impose au propriétaire de réaliser les travaux dans un délai fixé et, le cas échéant, de proposer un relogement temporaire.

Si le bailleur ne s’exécute pas, le recours judiciaire devient incontournable. Le juge du contentieux et de la protection peut alors ordonner l’exécution forcée des travaux, accorder des réductions ou remboursements de loyers, et octroyer des dommages et intérêts pour le préjudice subi. Cette voie contentieuse permet aussi d’obtenir, dans les situations les plus graves, la résiliation du bail.

Ainsi, qu’il s’agisse de protéger sa santé, de préserver ses droits ou de contraindre un propriétaire défaillant à agir, la connaissance du cadre légal et des procédures applicables est la meilleure arme des locataires face à un logement insalubre.

FAQ

1. Quels sont les critères légaux pour qualifier un logement d’insalubre ?
Un logement est considéré comme insalubre lorsqu’il présente un danger grave pour la santé ou la sécurité des occupants, tel que défini par l’article L. 1331-22 du Code de la santé publique.
Les critères incluent notamment :

  • Hauteur sous plafond insuffisante (moins de 2,20 m – art. R. 1331-20 CSP).
  • Absence de chauffage ou d’électricité.
  • Humidité excessive entraînant des moisissures pathogènes.
  • Matériaux contenant du plomb à des taux supérieurs aux seuils fixés par l’arrêté du 12 mai 2009 (1 000 µg/m² dans les poussières au sol).
  • Infestation par des nuisibles (rats, cafards, punaises de lit).
  • Absence d’ouverture ou d’éclairement naturel suffisant (CAA Versailles, 5 juill. 2011, n° 10VE02897).

Ces éléments sont appréciés par les autorités sanitaires (ARS) et consignés dans un rapport technique.

2. Quelles sont les obligations du bailleur en cas d’insalubrité ?
Le bailleur est tenu, en vertu de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, de fournir un logement décent répondant aux critères de salubrité et de sécurité. En cas d’insalubrité :

  • Il doit réaliser les travaux nécessaires dans les délais fixés par le préfet, à la suite d’un arrêté de traitement de l’insalubrité (art. L. 1331-23 CSP).
  • Si les travaux rendent le logement temporairement inhabitable, il est tenu à un relogement provisoire du locataire.
  • Il doit respecter la procédure administrative engagée par le préfet, sous peine de sanctions.

En cas de manquement, il encourt :

  • Une amende administrative de 750 € (art. R. 1312-14 CSP).
  • Des sanctions pénales (art. 131-13 Code pénal) en cas de récidive ou de mise en danger manifeste.

3. Comment faire constater officiellement l’insalubrité d’un logement ?
Le constat officiel suit plusieurs étapes :

  1. Mise en demeure du propriétaire par le locataire, décrivant les désordres et rappelant les obligations légales.
  2. Signalement à la mairie ou directement à la préfecture si le bailleur ne réagit pas.
  3. Intervention d’un inspecteur de l’ARS pour évaluer la situation, accompagné si nécessaire d’un agent communal ou d’un représentant du préfet.
  4. Rédaction d’un rapport technique précisant les infractions aux normes de salubrité.
  5. Prise d’un arrêté préfectoral de traitement de l’insalubrité, imposant au bailleur des travaux dans un délai d’un mois (CE, 27 juill. 2005, n° 259111).

Ce constat est indispensable pour enclencher certaines procédures judiciaires et obtenir la suspension ou la restitution des loyers.

4. Quels recours judiciaires pour un locataire face à un logement insalubre ?
Si le bailleur ne respecte pas ses obligations malgré un constat officiel :

  • Le locataire peut saisir le juge du contentieux et de la protection (art. L. 213-4-4 COJ) pour obtenir :
    • La condamnation du propriétaire à exécuter les travaux.
    • Une réduction ou un remboursement des loyers versés durant la période d’insalubrité (art. 1724 Code civil).
    • Des dommages et intérêts pour le préjudice moral et matériel subi.
  • Dans les situations graves, le juge peut prononcer la résiliation du bail pour manquement du bailleur à ses obligations.

💡 Exemple : la Cour de cassation a confirmé en 2017 (Cass. civ. 3, 9 févr. 2017, n° 16-13.260) le droit d’un locataire à être remboursé de loyers payés alors que le logement était inhabitable.

5. Peut-on obtenir un remboursement ou une réduction de loyer pour un logement insalubre ?
Oui. Si l’insalubrité est reconnue, le locataire peut demander :

  • Un remboursement total des loyers si le logement est totalement inhabitable.
  • Une réduction proportionnelle si l’insalubrité affecte seulement une partie de la jouissance du logement.

Ces demandes reposent sur :

  • L’article 1302 du Code civil (remboursement de l’indu).
  • L’article 1724 du Code civil (réduction du loyer en cas de travaux ou de perte de jouissance).

Pour être recevable, la demande doit être accompagnée de preuves solides : constat d’ARS, arrêté préfectoral, photos, rapports d’expertise, témoignages.

Articles Récents

Besoin d'aide ?

Nos équipes sont là pour vous guider !

Thank you! Your submission has been received!
Oops! Something went wrong while submitting the form.