L’occupation illégale d’un logement, communément appelée squat, soulève des enjeux juridiques, sociaux et humains considérables. Pour le propriétaire spolié, la situation est souvent vécue comme un choc : retrouver sa résidence principale ou secondaire occupée sans autorisation constitue une véritable atteinte au droit de propriété, pourtant garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Si l’émotion et l’incompréhension dominent légitimement, la réaction du propriétaire doit demeurer rigoureusement encadrée par le droit. Toute tentative d’éviction « par soi-même » est formellement interdite et répréhensible.
La loi française, soucieuse de concilier respect des droits fondamentaux et efficacité des recours, prévoit une procédure spécifique d’expulsion des squatteurs, différenciée selon qu’il s’agisse du domicile principal ou d’un autre bien immobilier. Le respect scrupuleux de ces étapes conditionne la récupération licite du bien, parfois dans des délais raccourcis en cas d’urgence avérée.
Le squatteur est une personne qui s'introduit et se maintient illégalement dans un local d’habitation ou un bien immobilier, sans l’accord du propriétaire. Cette introduction doit avoir été faite par voie de fait : usage de menaces, manœuvres, contrainte ou effraction.
À l’inverse, un locataire qui reste dans les lieux après la fin du bail ou un occupant hébergé temporairement qui refuse de quitter les lieux ne relèvent pas du régime du squat, mais de l'occupation sans droit ni titre.
Depuis la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (loi DALO), le législateur a prévu une procédure administrative rapide pour permettre au propriétaire de son domicile principal de retrouver l’usage de son logement sans devoir saisir un juge dans un premier temps.
Pour bénéficier de cette procédure, trois conditions sont nécessaires :
Conformément à l’article 38 de la loi DALO, une demande motivée doit être adressée au Préfet du département concerné. Ce dernier dispose alors de la faculté de :
Si les squatteurs ne se conforment pas à la mise en demeure, le Préfet ordonne leur évacuation avec le concours de la force publique, sans que la trêve hivernale (article L412-6, alinéa 2 du Code des procédures civiles d'exécution) ne leur soit opposable.
En dehors de la résidence principale, le recours au juge reste obligatoire. La procédure est alors plus longue, mais elle demeure rigoureusement encadrée.
L’article L412-6 alinéa 3 du Code des procédures civiles d’exécution permet au juge de réduire ou supprimer le bénéfice de la trêve hivernale pour les squatteurs occupant un lieu autre que le domicile principal du propriétaire. Le juge statue au cas par cas selon les circonstances du squat et les besoins du propriétaire.
Tenter d’expulser soi-même un squatteur, sans passer par les voies légales, constitue une infraction pénale gravement sanctionnée par la loi. Il peut être tentant, face à une occupation illégale, de vouloir reprendre possession de son bien en changeant les serrures, en coupant l’électricité, ou même en usant de menaces ou de violence. Pourtant, ces agissements sont formellement interdits, même lorsqu’ils émanent du propriétaire légitime du bien.
L’article 226-4-2 du Code pénal, introduit par la loi n° 2015-714 du 24 juin 2015, punit d’une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende le fait de pénétrer dans un domicile à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, et de s’y maintenir sans droit ni titre.
Cela vaut également pour un propriétaire qui tente de reprendre possession de son bien de force, sans passer par la justice.
En d’autres termes, être propriétaire ne donne aucun droit d’exécuter soi-même une expulsion, même face à une situation illégale. La protection du domicile, qu’il soit occupé régulièrement ou non, reste une valeur fondamentale en droit français, qui impose le respect de la procédure prévue.
Seules les autorités compétentes, à savoir le juge judiciaire ou, dans les cas expressément prévus par la loi, le préfet, peuvent ordonner une expulsion. L’exécution de cette décision nécessite, le cas échéant, le concours de la force publique.
Tout recours à des méthodes personnelles expose le propriétaire à des poursuites pénales, à une éventuelle condamnation civile pour atteinte aux droits d’autrui, et à un retard supplémentaire dans la récupération effective du bien.
Il est essentiel de rappeler que le fait pour une personne de s’introduire dans un logement sans droit ni autorisation, puis de s’y maintenir malgré l’opposition du propriétaire, constitue une violation de domicile, punie par l’article 226-4 du Code pénal.
Ce comportement devient un délit continu, ce qui signifie que chaque jour passé illégalement dans les lieux constitue une nouvelle infraction.
La jurisprudence pénale, notamment l’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 27 novembre 2002 (n° 01-85.773), confirme que l’élément infractionnel ne s’épuise pas à l’instant de l’introduction, mais se renouvelle en permanence tant que l’occupant reste dans le logement.
En conséquence, aucune prescription pénale ne peut être invoquée tant que le squatteur est sur place.
Ce caractère continu renforce la légitimité d’une intervention des forces de l’ordre, y compris plusieurs semaines ou mois après l’intrusion initiale, dès lors que l’occupation illégale persiste. Le propriétaire, ou le ministère public, peut donc porter plainte à tout moment pour déclencher une procédure pénale ou administrative, sans craindre une forclusion liée au temps écoulé depuis l’occupation.
Au-delà de l’expulsion elle-même, le propriétaire lésé peut solliciter une indemnisation devant le tribunal judiciaire dans le cadre de la procédure contentieuse. En effet, l’occupation illégale génère un préjudice réel, dont le propriétaire peut obtenir réparation sous la forme de dommages-intérêts.
Parmi les postes de préjudice indemnisables, on retrouve :
Cette demande d’indemnisation peut être formulée dans la même instance que la requête en expulsion, ce qui permet un traitement global du litige.
Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain pour évaluer le montant des dommages-intérêts en fonction des éléments de preuve fournis par le propriétaire (photos, devis de réparation, factures, témoignages, expertises...).
L’action en responsabilité civile constitue ainsi un levier complémentaire pour le propriétaire, qui ne se limite pas à récupérer son bien, mais peut aussi obtenir réparation pour les conséquences financières et morales de l’occupation illégale.
Face à un squat, le propriétaire ne doit jamais céder à la tentation d'une évacuation « sauvage », au risque de se voir poursuivi en justice. Seule une procédure légale, qu’elle soit administrative ou judiciaire, permet d’assurer la protection de ses droits tout en évitant toute atteinte au droit au respect de la vie privée des occupants.
Grâce aux dispositions spécifiques prévues par l’article 38 de la loi DALO et le Code des procédures civiles d'exécution, il est désormais possible, dans certaines conditions, de faire expulser des squatteurs plus rapidement, notamment lorsqu'il s'agit de la résidence principale. Néanmoins, chaque situation impose une analyse rigoureuse des circonstances d’occupation, des preuves disponibles et des délais applicables.
Pour être accompagné efficacement à chaque étape, il est recommandé de consulter un professionnel du droit, ou de se référer aux ressources fiables proposées sur defendstesdroits.fr, afin d'agir dans les meilleures conditions juridiques.
La distinction est fondamentale pour déterminer la procédure applicable. Un squatteur est une personne entrée illégalement dans un lieu (résidence principale, secondaire, garage, etc.) sans l'accord du propriétaire et par voie de fait (effraction, usage de manœuvres, menaces ou violences). Ce comportement constitue une infraction prévue par l’article 226-4 du Code pénal.
À l’inverse, un locataire resté après la fin de son bail ou un occupant hébergé initialement avec le consentement du propriétaire, mais qui refuse ensuite de quitter les lieux, n’est pas un squatteur au sens légal. Il s’agit alors d’un occupant sans droit ni titre, relevant d’une procédure d’expulsion plus classique, devant le tribunal judiciaire avec application de la trêve hivernale.
La loi DALO (article 38) permet au propriétaire d’une résidence principale occupée illégalement de demander une expulsion administrative rapide, sans passer par le juge.
Les étapes sont les suivantes :
Pas dans tous les cas. La protection de la trêve hivernale, prévue entre le 1er novembre et le 31 mars, ne s’applique pas aux squatteurs d’une résidence principale, conformément à l’article L412-6 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution.
Pour les autres biens squattés (résidence secondaire, garage, local vacant, immeuble indivis…), la trêve hivernale peut être levée ou réduite par le juge, selon les circonstances (alinéa 3 du même article). Cette flexibilité vise à ne pas léser les propriétaires qui subissent une occupation illégale prolongée de leur bien.
Lorsqu’il ne s’agit ni d’un domicile principal, ni d’un lieu bénéficiant de la procédure accélérée, l’expulsion se fait par voie judiciaire. Le propriétaire doit :
Ce processus, bien que plus long, garantit une protection juridiquement solide au propriétaire et limite les risques d’infractions en cas de recours à l’autodéfense.
Un propriétaire qui prend l’initiative de changer les serrures, couper l’électricité, intimider ou faire usage de la force pour déloger un squatteur s’expose à de graves sanctions pénales. Selon l’article 226-4-2 du Code pénal, pénétrer dans un logement et en expulser un occupant sans décision de justice constitue un délit passible de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
Le propriétaire ne peut en aucun cas se substituer aux autorités compétentes. Seul le juge ou le préfet, dans les cas prévus par la loi, peut ordonner une expulsion avec le concours des forces de l’ordre. Respecter la voie légale permet de défendre ses droits tout en évitant de basculer dans l’illégalité.