La loi Attal du 23 juin 2025 marque un tournant dans l’approche de la justice pénale des mineurs. Si elle ambitionne de renforcer l’autorité de l’État face à la délinquance juvénile, elle suscite aussi de vifs débats, notamment sur la place des parents et l’abaissement de l’âge d’accès à certaines mesures de contrainte. Retour sur un texte controversé, entre durcissement sécuritaire et refonte des responsabilités parentales.
Depuis plusieurs années, la question de la délinquance des mineurs occupe une place centrale dans le débat public. Insécurité croissante dans certains quartiers, faits divers médiatisés impliquant des adolescents, violences en bande ou actes de radicalisation : ces phénomènes ont renforcé l’idée, dans une partie de l’opinion, que le système actuel n’apporte pas de réponse suffisamment ferme.
C’est dans ce climat que le gouvernement, sous l’impulsion de Gabriel Attal, a porté une réforme ambitieuse, récemment adoptée sous le nom de loi n° 2025-568 du 23 juin 2025, « visant à renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents ».
Publiée au Journal officiel le 24 juin, cette loi modifie en profondeur plusieurs pans du droit pénal des mineurs et du droit civil.
Avant sa promulgation, le texte a fait l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel, saisi par plusieurs parlementaires inquiets des atteintes potentielles aux libertés fondamentales.
Dans sa décision du 19 juin 2025, la haute juridiction a partiellement censuré certaines dispositions, sans toutefois remettre en cause la philosophie générale de la loi.
Le législateur a donc pu maintenir plusieurs mesures emblématiques, illustrant une volonté claire : associer plus étroitement les parents à la réponse judiciaire et élargir les outils de contrainte à disposition du juge pour mineurs, même pour les adolescents âgés de 13 ans et plus.
Un des axes majeurs de la réforme repose sur un renforcement de la responsabilité parentale.
Le texte introduit plusieurs leviers pour inciter les parents à s’impliquer activement dans le suivi éducatif et judiciaire de leur enfant.
Parmi les principales nouveautés :
Ces mesures traduisent une volonté d’impliquer systématiquement les familles, perçues non seulement comme des actrices de la prévention, mais aussi comme des co-responsables du comportement de leurs enfants.
La réforme durcit également le traitement pénal des mineurs en abrogeant certaines limites d’âge jusque-là protectrices. Le législateur vise ici les cas les plus sensibles : radicalisation, violences graves, actes commis en bande organisée.
Parmi les dispositions les plus marquantes :
Si ces outils existent déjà pour les majeurs ou les mineurs plus âgés, leur élargissement à des adolescents de 13 ans soulève des interrogations juridiques et éthiques, notamment sur le respect du principe de spécialité de la justice des mineurs inscrit dans l’ordonnance de 1945.
Pour répondre à certaines critiques concernant le manque de coordination entre acteurs judiciaires et éducatifs, la loi introduit aussi des ajustements procéduraux.
Elle rend obligatoire, avant toute décision de placement en détention provisoire, la remise d’un rapport socio-éducatif au juge des libertés et de la détention (JLD). Cette mesure s’applique particulièrement en cas d’audience unique, pour éviter que des décisions graves soient prises sans analyse fine de la situation du jeune.
En parallèle, le texte améliore le recueil des renseignements socio-éducatifs (RRSE) en amont du procès. L’objectif est de mieux cerner la personnalité du mineur, son environnement familial, ses vulnérabilités, mais aussi ses antécédents éducatifs ou judiciaires.
Cette réforme n’instaure donc pas une justice expéditive, mais cherche à renforcer l’efficacité sans sacrifier l’individualisation des peines, même si certains professionnels s’inquiètent de voir la procédure s’éloigner de ses principes fondateurs.
À peine publiée, la loi Attal suscite des réactions tranchées. Les soutiens du gouvernement y voient une réponse nécessaire à l’inefficacité présumée du système actuel, trop permissif face à des faits de plus en plus graves.
D’autres voix, notamment parmi les professionnels de la protection de l’enfance, dénoncent un glissement vers une justice pénale de la répression précoce, au détriment des logiques éducatives. L’abaissement de l’âge de certaines mesures sécuritaires, l’élargissement du contrôle judiciaire, et la pression exercée sur les parents sont jugés incompatibles avec une approche bienveillante et préventive de la délinquance juvénile.
Avec la loi Attal, l’État assume un changement de cap. Là où les précédentes réformes (notamment celle de 2021) avaient tenté de concilier rapidité, éducation et réinsertion, le texte de 2025 marque une réaffirmation de l’autorité et de la responsabilité. Ce virage ne rompt pas totalement avec les principes du droit des mineurs, mais en modifie l’équilibre au profit d’une logique de contrôle.
Reste à savoir si cette réforme atteindra ses objectifs : réduire la récidive, restaurer la confiance dans l’institution judiciaire, et réengager les familles. Le bilan ne pourra être tiré qu’après plusieurs mois de mise en œuvre, au regard des décisions rendues, des pratiques judiciaires et de la réponse des acteurs de terrain.
Sources :