Travail

Obligations légales sur les heures supplémentaires : calculez et payez sans erreur

Estelle Marant
Collaboratrice
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Heures au-delà de 35h : comment les encadrer et les payer légalement

La gestion du temps de travail demeure l’un des enjeux les plus sensibles du droit social français. Parmi les composantes essentielles de cette organisation, les heures supplémentaires occupent une place centrale, tant pour les employeurs soucieux de maintenir l’activité de l’entreprise que pour les salariés désireux d’obtenir une juste rémunération de leur engagement au-delà de la durée légale.

Pourtant, ce sujet recèle une complexité juridique considérable, née de l’articulation entre les règles du Code du travail, les accords collectifs, la jurisprudence et les impératifs opérationnels des entreprises.

Le recours aux heures supplémentaires peut répondre à des besoins ponctuels (hausse temporaire de l’activité, absences non anticipées, pics saisonniers), mais il est strictement encadré.

À défaut de respecter les obligations légales, l’employeur s’expose à de lourdes conséquences : rappels de salaire, dommages-intérêts, voire condamnation pour travail dissimulé. Quant au salarié, il doit connaître ses droits mais aussi ses devoirs, car l'exécution d’heures supplémentaires peut lui être imposée dans certaines limites légales.

Ce guide exhaustif a vocation à fournir à tous les acteurs du monde du travail — employeurs, gestionnaires RH, salariés, représentants du personnel — une vision claire, rigoureuse et à jour du régime applicable aux heures supplémentaires, depuis leur définition légale jusqu’aux recours contentieux, en passant par leur calcul, leur rémunération, les plafonds applicables, les exonérations fiscales et les spécificités par statut. Il s’appuie sur les principales références juridiques françaises, tant législatives que jurisprudentielles, pour garantir la fiabilité des informations délivrées.

Sommaire structuré avec numérotation

  1. Définition légale des heures supplémentaires
  2. Calcul des heures supplémentaires
  3. Mise en œuvre par l’employeur
  4. Limites et contingent annuel
  5. Majoration et rémunération
  6. Repos compensateur et alternatives au paiement
  7. Déclaration fiscale et exonérations sociales
  8. Recours en cas de non-paiement

Définition légale des heures supplémentaires

Une notion encadrée par la loi

En droit du travail, toute heure de travail effectuée au-delà de la durée légale hebdomadaire de 35 heures constitue une heure supplémentaire, sauf si une convention ou un accord prévoit une durée équivalente ou différente. Cette définition est posée par l’article L3121-28 du Code du travail.

Cependant, la seule réalisation d’heures au-delà de 35 heures ne suffit pas : la jurisprudence exige que l’employeur ait eu connaissance des heures accomplies et qu’il les ait acceptées, même tacitement (Cass. soc., 11 févr. 2003, n° 01-41.289). Il appartient donc à l’employeur de contrôler le temps de travail, notamment par un système fiable de pointage.

Calcul des heures supplémentaires

Le principe d’un décompte hebdomadaire

Le calcul des heures supplémentaires se fait par semaine civile, allant du lundi 0h au dimanche 24h. Si une convention collective prévoit une autre répartition, cette règle peut être adaptée.

Il est important de distinguer deux situations :

  • Si la durée collective est inférieure à 35 heures, les heures effectuées jusqu'à la 35ᵉ heure sont des heures complémentaires (et non supplémentaires).
  • Au-delà de 35 heures, les heures deviennent majorées selon les barèmes légaux ou conventionnels.

Mise en œuvre par l’employeur

Le pouvoir de direction

Le recours aux heures supplémentaires relève de la prérogative de l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. Le salarié ne peut les exiger (Cass. soc., 10 oct. 2012, n° 11-10.455). En revanche, en cas d'abus ou de non-respect des conditions, le salarié peut refuser leur exécution (ex. : absence de prévenance suffisante, repos non accordé, etc. – Cass. soc., 5 nov. 2003, n° 01-42.798).

Sanction en cas de refus

Un refus injustifié du salarié d’effectuer des heures supplémentaires peut être sanctionné, y compris par un licenciement pour faute (Cass. soc., 8 sept. 2021, n° 19-16.908).

Limites légales et contingent annuel

Durées maximales

Même si les heures supplémentaires sont autorisées, elles sont encadrées :

  • 10 heures/jour (sauf dérogation, art. L3121-18) ;
  • 48 heures/semaine, avec possibilité d’aller jusqu’à 60 heures sur autorisation de l’administration (art. L3121-21) ;
  • Moyenne de 44 heures/semaine sur 12 semaines consécutives (ou 46h si accord collectif, art. L3121-22).

Tout dépassement injustifié ouvre droit à réparation, même sans démonstration d’un préjudice (Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-22.281).

Le contingent annuel

Le contingent d’heures supplémentaires représente le plafond annuel au-delà duquel des règles plus strictes s’appliquent :

  • Il est défini en priorité par accord collectif ;
  • À défaut, il est fixé à 220 heures par salarié (art. D3121-24) ;
  • Les heures au-delà de ce contingent nécessitent consultation du CSE (art. L3121-40).

Les heures donnant lieu à repos compensateur obligatoire ne sont pas imputées au contingent (art. L3121-30), mais seulement si le repos est effectivement accordé (Cass. soc., 13 mars 2024, n° 22-11.708).

Majoration et rémunération

Taux légaux et conventionnels

À défaut de convention, les taux de majoration sont :

  • +25 % pour les 8 premières heures (de la 36ᵉ à la 43ᵉ) ;
  • +50 % à partir de la 44ᵉ heure (art. L3121-36).

Les accords peuvent prévoir un taux inférieur, mais pas en dessous de 10 % (minimum impératif, art. L3121-33).

Élément de base de calcul

Le salaire horaire sert de base de calcul. S’y ajoutent certaines primes à caractère salarial, telles que :

  • Prime de nuit, prime de dimanche, prime de danger ;
  • Avantages en nature (Cass. soc., 23 mars 1989, n° 86-45.353) ;
  • Primes de rendement ou d’assiduité (Cass. soc., 26 oct. 1979, n° 78-41.113).

Sont exclus : les frais professionnels, les primes d’ancienneté, et les primes de panier.

Mention obligatoire sur le bulletin de paie

L’employeur doit indiquer clairement, sur le bulletin de paie :

  • Le nombre d’heures supplémentaires ;
  • Les taux de majoration appliqués ;
  • Les heures payées au taux normal (art. R3243-1 du Code du travail).

Repos compensateur de remplacement

Alternative à la rémunération

Si un accord collectif le prévoit, le paiement des heures supplémentaires peut être remplacé en tout ou partie par un repos équivalent (art. L3121-37). Cette disposition peut s’appliquer même sans délégué syndical, avec l’accord du CSE.

Contrepartie obligatoire en repos

En cas de dépassement du contingent, une contrepartie obligatoire en repos (COR) est prévue :

  • 50 % des heures au-delà du contingent, pour les entreprises de moins de 20 salariés ;
  • 100 %, au-delà, pour les entreprises de 20 salariés et plus (art. L3121-38).

Déclaration fiscale et exonérations

Pour les salariés : exonération d’impôt

Les rémunérations pour heures supplémentaires sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite de 7.500 euros/an (article 81 quater du CGI).

Elles bénéficient aussi d’une réduction de cotisations sociales (vieillesse de base et complémentaire) dans la limite de 11,31 % (art. L241-17 du CSS).

Pour les employeurs : déduction forfaitaire

Les entreprises de moins de 250 salariés peuvent bénéficier d’une déduction forfaitaire des cotisations patronales, désormais élargie à tous les employeurs éligibles à la réduction Fillon (Décret n°2022-1506 du 1er déc. 2022).

Cette déduction s’applique également aux jours de repos monétisés dans le cadre du forfait jours.

Litiges et recours du salarié

Actions amiables et judiciaires

En cas de non-paiement des heures supplémentaires, le salarié peut :

  • Envoyer une mise en demeure par recommandé ;
  • Saisir le CSE ou l’inspection du travail ;
  • Engager une action prud’homale pour rappel de salaire, dans un délai de 3 ans (art. L3245-1 du Code du travail).

Le non-paiement répété peut fonder une prise d’acte de la rupture ou une demande de résiliation judiciaire, aux torts de l’employeur (Cass. soc., 26 janv. 2022, n° 20-21.636).

Risques de condamnation

L’employeur s’expose à :

  • Des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (art. L1235-3) ;
  • Une condamnation pour travail dissimulé, s’il déclare un nombre d’heures inférieur à la réalité (art. L8221-5), avec des sanctions pénales jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende (art. L8224-1) ;
  • L’obligation de verser une indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire au salarié (art. L8223-1).

Régime applicable aux temps partiels et cadres

Heures complémentaires pour les temps partiels

Les salariés à temps partiel ne peuvent effectuer d’heures supplémentaires. Ils effectuent des heures complémentaires, dans la limite :

  • Du 10e de la durée contractuelle (ou 1/3 si accord, art. L3123-9) ;
  • De la durée légale ou conventionnelle.

Au-delà, cela remettrait en cause le statut de temps partiel.

Inapplicabilité aux cadres dirigeants et forfait jours

Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions sur la durée du travail (art. L3111-2). Ils ne peuvent donc revendiquer des heures supplémentaires, sauf à démontrer qu’ils n’avaient pas une réelle autonomie.

Quant aux salariés en forfait jours, ils ne sont pas non plus soumis aux heures supplémentaires : seul le nombre de jours travaillés annuellement compte (art. L3121-58).

Conclusion

Le régime des heures supplémentaires s’inscrit dans une logique d’équilibre entre les impératifs économiques des entreprises et la protection des droits des salariés. Si le législateur permet une certaine souplesse organisationnelle, cette dernière est conditionnée à une transparence absolue dans le décompte et la rémunération du temps de travail.

L’employeur a l’obligation de contrôler et déclarer avec précision les heures effectuées au-delà du seuil légal ou conventionnel, sous peine de sanctions multiples : rappel de salaires, résiliation judiciaire, licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire travail dissimulé. À l’inverse, le salarié doit respecter l’autorité hiérarchique et ne peut refuser d’exécuter des heures supplémentaires sans motif légitime.

La mise en œuvre d’un dispositif conforme aux exigences légales suppose donc une maîtrise fine du droit du travail et une veille continue sur les évolutions jurisprudentielles. Le rôle du comité social et économique (CSE), la négociation d’accords collectifs adaptés à la réalité de l’entreprise, et l’accompagnement par des juristes spécialisés sont des leviers décisifs pour sécuriser la pratique.

Chez defendstesdroits.fr, nous vous accompagnons dans toutes vos démarches liées à la gestion du temps de travail, la sécurisation de vos bulletins de paie, la régularisation d’heures impayées ou la rédaction d’accords collectifs sur les heures supplémentaires. Que vous soyez employeur, représentant du personnel ou salarié, faites valoir vos droits avec des informations à jour, précises et juridiquement fondées.

FAQ

1. À partir de quand une heure est-elle considérée comme supplémentaire ?

Une heure est dite supplémentaire dès qu’elle dépasse la durée légale hebdomadaire du travail, soit 35 heures par semaine (article L3121-27 du Code du travail). Cette règle s’applique à tous les salariés à temps plein, sauf si une convention ou un accord collectif prévoit une durée équivalente (par exemple, dans certaines professions comme la sécurité ou la santé).

À noter : la détermination du caractère "supplémentaire" d’une heure ne dépend pas uniquement du nombre d’heures effectuées, mais aussi du type de contrat (temps plein ou temps partiel), de la période de référence retenue (semaine civile ou autre période fixée par accord – art. L3121-35), et de la volonté de l’employeur.

Il ne suffit donc pas pour un salarié de déclarer des heures travaillées : l’employeur doit en avoir eu connaissance et ne pas s’y être opposé. La jurisprudence constante (Cass. soc., 11 févr. 2003, n°01-41.289) précise qu’un employeur qui tolère la réalisation d’heures en dehors du temps prévu peut être contraint de les payer.

2. Quels sont les taux de majoration légaux des heures supplémentaires ?

En l’absence d’accord collectif, le Code du travail prévoit une majoration de :

  • 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires (de la 36ᵉ à la 43ᵉ heure incluse) ;
  • 50 % à partir de la 44ᵉ heure hebdomadaire (article L3121-36).

Cependant, une convention ou un accord collectif d’entreprise ou de branche peut fixer des taux différents, sans jamais descendre sous les 10 %, ce qui constitue un seuil impératif d’ordre public (article L3121-33).

Exemple : un accord peut prévoir une majoration uniforme de 20 % sur toutes les heures supplémentaires. Le taux doit alors être respecté pour chaque heure, à condition qu’il soit au moins égal à 10 %.

Les majorations sont calculées sur le salaire horaire brut effectif, auquel s’ajoutent, le cas échéant, certaines primes liées à la nature du travail : prime de nuit, d’astreinte, de dimanche, prime de danger ou de rendement (Cass. soc., 23 sept. 2009, n°08-40.636). En revanche, les primes d’ancienneté ou les frais professionnels sont exclus du calcul.

3. Quelles sont les limites maximales d’heures supplémentaires autorisées par la loi ?

Le droit du travail impose des plafonds stricts, pour préserver la santé et la sécurité des salariés :

  • 10 heures maximum par jour (sauf dérogation, article L3121-18) ;
  • 48 heures maximum par semaine, avec possibilité d’aller jusqu’à 60 heures en cas de circonstances exceptionnelles et après autorisation de l’inspection du travail (article L3121-21) ;
  • 44 heures hebdomadaires en moyenne sur 12 semaines consécutives, ou 46 heures si un accord collectif le prévoit (article L3121-22).

Le salarié ne peut donc pas être contraint d’enchaîner des semaines de 50 heures sans encadrement. Tout dépassement ouvre droit à réparation, même sans preuve de préjudice (Cass. soc., 11 mai 2023, n°21-22.281).

Enfin, il existe un contingent annuel : en l'absence d'accord collectif, il est fixé à 220 heures par an et par salarié (article D3121-24). Au-delà, des contreparties obligatoires en repos doivent être accordées.

4. Que peut faire un salarié si ses heures supplémentaires ne sont pas payées ?

Le salarié dispose de plusieurs moyens d’action :

  1. Mise en demeure écrite à son employeur (par lettre recommandée avec AR), pour exiger le paiement des heures effectuées, avec majoration et rappel de salaire.
  2. Saisine du Conseil de prud’hommes dans un délai de 3 ans (article L3245-1) pour obtenir :
    • le paiement des heures non réglées ;
    • des dommages-intérêts pour préjudice subi ;
    • éventuellement la requalification de la rupture du contrat si le non-paiement est répété et grave.
  3. Rupture du contrat aux torts de l’employeur, via une prise d’acte ou une résiliation judiciaire, si la situation rend impossible la poursuite du contrat (Cass. soc., 26 janv. 2022, n°20-21.636).
  4. Si le nombre d’heures figurant sur le bulletin de paie est sous-déclaré, le salarié peut également poursuivre l’employeur pour travail dissimulé (article L8221-5) et réclamer :
    • une indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire (article L8223-1) ;
    • des dommages-intérêts ;
    • une amende pénale de 45.000 € et jusqu’à 3 ans d’emprisonnement (article L8224-1).

5. Les salariés à temps partiel peuvent-ils faire des heures supplémentaires ?

Non. Les salariés à temps partiel effectuent des heures complémentaires, régies par des règles spécifiques (articles L3123-1 et suivants du Code du travail).

Les heures complémentaires sont celles réalisées au-delà de la durée de travail prévue dans le contrat, mais en deçà de la durée légale (35h). Elles sont limitées :

  • à 10 % de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue au contrat ;
  • ou jusqu’à 1/3 de cette durée si un accord collectif l’autorise.

Exemple : un salarié à 28 heures/semaine peut faire 2,8 heures complémentaires maximum par semaine (ou 9,3 h si accord).

Au-delà, il s’agirait d’un temps plein déguisé, pouvant entraîner une requalification du contrat et des dommages-intérêts pour dissimulation de temps de travail.

En revanche, les salariés à temps partiel ne peuvent jamais faire d’heures supplémentaires au sens strict (c’est-à-dire au-delà de 35h), sauf si leur contrat est requalifié en temps plein.

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