Le Pacte Dutreil, prévu à l’article 787 B du Code général des impôts, offre une exonération de 75 % des droits de mutation à titre gratuit sur les transmissions d’entreprises familiales, en pleine propriété ou démembrée.
Cet avantage fiscal est capital pour préserver l’unité patrimoniale de groupes familiaux structurés autour d’une ou plusieurs sociétés. Encore faut-il respecter un certain nombre de conditions cumulatives : engagement collectif de conservation, exercice de fonctions de direction, et surtout, exercice d’une activité professionnelle principale au sein de la société transmise.
Une récente décision de la cour d’appel de Lyon (27 mars 2025, n° 20/06755) vient préciser l’application de ce dernier critère dans le cadre d’un engagement réputé acquis, applicable en cas de décès prématuré du dirigeant.
Dans cette affaire, les héritiers d’un chef d’entreprise entendaient bénéficier du Pacte Dutreil lors de la transmission des parts d’une SARL familiale, à laquelle s’ajoutaient des participations dans trois autres structures.
L’administration a remis en cause le régime d’exonération partielle, en estimant que le défunt n’avait pas exercé son activité principale au sein de la société transmise, malgré sa fonction de gérant.
Les déclarations fiscales faisaient apparaître des revenus salariaux et commerciaux majoritairement extérieurs à ladite société, sans preuve claire que les revenus industriels et commerciaux provenaient d’elle. En l’absence d’engagement collectif souscrit du vivant du défunt, l’application de l’engagement réputé acquis était donc contestée.
Si le Pacte Dutreil peut sembler un outil technique, il repose en réalité sur des critères de substance économique, et non de pure forme. La notion d’activité professionnelle principale est centrale dans ce dispositif.
Elle ne se déduit ni de la simple présence physique du dirigeant dans l’entreprise, ni de la détention majoritaire du capital, ni même de l’exercice d’une fonction de direction formelle.
Ce que rappelle la cour d’appel, c’est que l’activité principale se définit par rapport aux revenus procurés. En clair, c’est l’activité qui génère la part prépondérante des revenus du redevable qui sera considérée comme principale.
À défaut, notamment en cas de pluralité d’activités économiques, celle qui fournit la source dominante de rémunération prime juridiquement.
Dans le dossier, les héritiers avaient produit des attestations de collaborateurs, des preuves de présence régulière, ainsi que des éléments relatifs à la direction technique et commerciale assumée par leur père.
Cela n’a pas suffi. En comparant les revenus déclarés issus des diverses sociétés, la cour a constaté que la société F. n’était pas celle qui générait les revenus dominants.
Résultat : la condition d’exercice de l’activité principale n’était pas remplie, et l’exonération partielle de 75 % a été annulée.
La cour s’est également penchée sur le respect de l’engagement individuel de conservation après la transmission, en constatant que l’héritière gérante avait cessé ses fonctions avant le délai légal de trois ans, et que cette activité ne représentait pas pour elle une source principale de revenus. Une double défaillance, donc, dans le respect du dispositif.
Cette décision rappelle, avec force, que le Pacte Dutreil est un régime fiscal dérogatoire, réservé aux transmissions répondant à des critères objectifs et vérifiables. Il ne peut être invoqué avec succès que si les parties anticipent, préparent et documentent rigoureusement leur stratégie successorale.
La notion d’activité professionnelle principale, notamment, ne tolère aucune approximation. Il est essentiel, pour les familles disposant d’un patrimoine professionnel conséquent, de cartographier les revenus, de structurer les fonctions de direction et de justifier la centralité économique de l’entreprise transmise. Une présence statutaire ne suffit pas : il faut démontrer une influence réelle dans la gestion, mais surtout, des flux financiers cohérents avec cette réalité.
Pour les familles ayant un dirigeant multipositionné, à la tête de plusieurs structures, ou pour celles engagées dans des stratégies de démembrement ou de holding animatrice, ce rappel jurisprudentiel est crucial. Le risque de requalification fiscale n’est pas théorique. Une mauvaise anticipation peut coûter plusieurs centaines de milliers d’euros de droits supplémentaires en cas de remise en cause de l’exonération.
En conclusion, le Pacte Dutreil reste un outil privilégié de transmission, mais à manier avec précision et transparence. L’accompagnement par des professionnels aguerris – notaires fiscalistes, avocats en droit patrimonial, experts-comptables – est indispensable pour sécuriser le parcours de transmission et éviter tout contentieux. Le contrôle de l’administration, parfois a posteriori, est de plus en plus fin. Une documentation économique rigoureuse vaut donc mieux qu’un engagement imprécis.
Le Pacte Dutreil est un mécanisme fiscal prévu à l’article 787 B du Code général des impôts, qui permet de transmettre une entreprise familiale avec une exonération de 75 % sur les droits de succession ou de donation. Cet avantage s’applique aux transmissions en pleine propriété ou en démembrement, et repose sur plusieurs conditions cumulatives : engagement collectif et individuel de conservation des titres, exercice d’une fonction de direction et, surtout, exercice d’une activité professionnelle principale au sein de la société transmise.
Parce qu’elle constitue un critère économique central dans l’octroi de l’exonération. Ce n’est pas la fonction affichée ni la détention de parts qui comptent, mais la réalité des revenus perçus : l’activité professionnelle principale est celle qui procure la part prépondérante des ressources du dirigeant. Si ce dernier a plusieurs sources de revenus, c’est celle qui génère la majorité des flux financiers qui prévaut juridiquement. L’absence de démonstration claire conduit l’administration à requalifier la transmission et à annuler le bénéfice de l’exonération.
Elle a rappelé que l’administration peut contester l’exonération Dutreil si les preuves d’activité principale sont insuffisantes. Dans cette affaire, le défunt dirigeait plusieurs sociétés mais les revenus provenant de la société transmise n’étaient pas majoritaires. Malgré des attestations de collaborateurs et des fonctions de gérance effectives, la preuve économique faisait défaut. Résultat : la transmission a été fiscalement requalifiée et les héritiers ont été redevables de plusieurs centaines de milliers d’euros de droits supplémentaires.
Il est indispensable de préparer le dispositif en amont, avec l’aide de professionnels du droit patrimonial. Il faut notamment :
Un Pacte mal préparé peut être un Pacte ruineux. Le dispositif Dutreil offre un levier puissant, mais son non-respect expose à une remise en cause fiscale postérieure à la transmission.