Fiscal

Paiement non autorisé : utiliser la rétrofacturation pour se faire rembourser

Estelle Marant
Collaboratrice
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Rétrofacturation bancaire : comment récupérer un paiement contesté

Les paiements par carte bancaire, devenus la norme dans les échanges commerciaux, exposent chaque jour des milliers de consommateurs à des risques de transactions contestables : débit frauduleux, produit jamais livré, montant erroné ou abonnement dissimulé. Face à ces situations, la rétrofacturation – connue également sous le terme de chargeback – constitue un recours incontournable pour obtenir le remboursement des sommes versées à tort.

Ce mécanisme, issu des engagements contractuels liant le consommateur à son établissement bancaire et encadré par le Code monétaire et financier, offre une protection renforcée contre les agissements frauduleux ou les manquements contractuels des commerçants.Pourtant, la mise en œuvre de la rétrofacturation reste méconnue.

Beaucoup de consommateurs ignorent qu’elle permet, sous conditions précises et dans des délais stricts, de revenir sur le principe d’irrévocabilité des ordres de paiement prévu à l’article L. 133-8 du CMF.Ce texte vous donne toutes les clés pour identifier les situations ouvrant droit à un chargeback, connaître les conditions de recevabilité, respecter les délais imposés par la loi et, en cas de refus de la banque, utiliser les recours amiables et judiciaires à votre disposition.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Définition et fonctionnement de la rétrofacturation
  3. Situations ouvrant droit à un chargeback
  4. Conditions préalables pour lancer la procédure
  5. Délais légaux à respecter selon le type de transaction
  6. Procédure détaillée pour faire une demande
  7. Délais et modalités de remboursement par la banque
  8. Recours en cas de refus de la rétrofacturation
  9. Conclusion

Qu’est-ce que la rétrofacturation ?

La rétrofacturation est une procédure par laquelle le titulaire d’une carte bancaire obtient de sa banque ou de l’émetteur de la carte (Visa, Mastercard, American Express…) le remboursement d’un paiement contesté.
Elle s’applique notamment lorsque :

  • Le paiement a été réalisé sans autorisation ;
  • Le produit n’a pas été livré ou est non conforme à la description contractuelle ;
  • Le montant débité est supérieur à celui autorisé ;
  • Un abonnement caché a été ajouté à l’insu de l’acheteur ;
  • Le bénéficiaire du paiement est en redressement ou liquidation judiciaire.

Conditions préalables à un chargeback

Pour qu’une demande de rétrofacturation (ou chargeback) soit recevable et ait des chances d’aboutir, plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies :

1. Paiement par carte bancaire uniquement
Le chargeback ne s’applique qu’aux paiements effectués par carte bancaire (Visa, Mastercard, American Express, etc.).

  • Les règlements par chèque, virement bancaire ou espèces sont exclus de cette procédure.
  • Les paiements via certains prestataires (comme PayPal) peuvent relever d’une autre procédure de litige, distincte de la rétrofacturation.

2. Garantie prévue dans le contrat bancaire
La convention de compte ou le contrat de carte bancaire doit inclure une clause spécifique prévoyant la possibilité d’un chargeback.

  • Sans cette clause, la banque n’a aucune obligation contractuelle de l’accorder.
  • Il est donc important de vérifier les Conditions Générales de votre établissement bancaire avant d’engager la procédure.

3. Motif éligible
Tous les litiges ne donnent pas droit à un chargeback. Certains contrats excluent explicitement des situations comme la non-conformité du produit ou les litiges purement commerciaux.
Les motifs généralement acceptés incluent :

  • Paiement non autorisé (fraude, piratage, usurpation) ;
  • Montant débité supérieur à celui convenu ;
  • Non-livraison d’un bien ou service ;
  • Abonnement caché ajouté sans consentement ;
  • Débit effectué après résiliation d’un service.

4. Respect strict des délais légaux
Les délais pour agir sont encadrés par le Code monétaire et financier et varient selon la nature du paiement :

  • 13 mois pour les paiements effectués au sein de l’Espace Économique Européen (EEE) – article L. 133-24 du CMF ;
  • 70 jours (pouvant aller jusqu’à 120 jours si le contrat le prévoit) pour les paiements effectués hors EEE ;
  • 8 semaines pour contester un montant débité non conforme à l’autorisation initiale – article L. 133-25 du CMF.

⚠️ Attention : Passé ces délais, la demande risque d’être irrecevable, même si le litige est fondé.

Procédure pour lancer une rétrofacturation

1. Contacter sa banque ou l’émetteur de la carte

Le client doit adresser une demande écrite, accompagnée :

  • D’un formulaire de contestation fourni par la banque ;
  • Des pièces justificatives : relevé de compte, facture, échanges avec le vendeur, preuve de non-livraison ou de non-conformité.

2. Délais de remboursement

  • Paiement non autorisé : remboursement au plus tard le premier jour ouvrable suivant la contestation.
  • Montant non conforme : remboursement « sans tarder » après vérification.

Recours en cas de refus de la banque

1. Mise en demeure amiable
En cas de refus de remboursement par la banque, la première étape consiste à adresser une mise en demeure formelle. Celle-ci doit être envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception afin de conserver une preuve de l’envoi et de la date.
Ce courrier doit :

  • Identifier précisément les opérations contestées (dates, montants, bénéficiaires) ;
  • Citer les articles du Code monétaire et financier applicables, tels que l’article L. 133-18 (obligation de remboursement en cas d’opération non autorisée) et l’article L. 133-24 (délais légaux de contestation) ;
  • Fixer un délai clair et raisonnable pour le remboursement, généralement de 8 à 15 jours à compter de la réception de la lettre ;
  • Prévenir des suites judiciaires envisagées en cas de non-exécution.

2. Médiation bancaire
Si la banque ne répond pas dans le délai fixé ou maintient son refus, le client peut saisir le médiateur bancaire, conformément à l’article L. 316-1 du Code monétaire et financier.
Cette procédure :

  • Est gratuite pour le consommateur ;
  • Nécessite l’envoi d’un dossier complet comprenant la copie des courriers, réponses de la banque, et toutes les pièces justificatives du litige ;
  • Doit respecter un délai d’environ un an maximum après la réclamation initiale ;
  • Aboutit à un avis motivé du médiateur, que la banque est libre ou non de suivre, mais qui peut influencer fortement une éventuelle procédure judiciaire.

💡 Astuce : Conservez un dossier chronologique de toutes vos démarches (courriels, lettres, accusés de réception) pour prouver votre bonne foi et le sérieux de vos réclamations.

3. Saisine du tribunal judiciaire
En dernier recours, si la médiation échoue, il est possible de saisir le tribunal judiciaire compétent.

  • Sans avocat si le montant de la demande est inférieur à 10 000 €, conformément à l’article 761 du Code de procédure civile ;
  • Avec avocat obligatoire au-delà de ce seuil ou si la complexité du dossier le justifie ;
  • Il est possible de demander, en plus du remboursement, des dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice matériel et moral subi (par exemple, frais bancaires injustifiés, impact sur la trésorerie, atteinte à la réputation financière).

⚠️ Point clé : La réussite de cette action dépend largement de la solidité des preuves et du respect des délais légaux prévus par le Code monétaire et financier.

Conclusion

La rétrofacturation n’est pas un simple service bancaire, mais une véritable garantie de protection juridique du consommateur face aux paiements non autorisés ou mal exécutés. Encadrée par des dispositions précises du Code monétaire et financier, elle impose aux banques et aux émetteurs de cartes de crédit de rendre au client la situation financière antérieure à l’opération litigieuse, sauf preuve de négligence ou de fraude de sa part.

Cependant, l’efficacité de cette procédure repose sur deux éléments déterminants : la réactivité du consommateur dans la contestation et la qualité des preuves fournies à l’appui de sa demande.

En cas de blocage de la part de la banque, le consommateur ne doit pas hésiter à passer par une mise en demeure formelle, à recourir à un médiateur bancaire, voire à saisir le tribunal judiciaire pour faire valoir ses droits.

En maîtrisant ces étapes et en connaissant les articles applicables, chaque consommateur dispose d’un levier juridique puissant pour se prémunir contre les pertes financières injustifiées et faire respecter ses droits dans l’univers des paiements dématérialisés.

FAQ

1. Qu’est-ce qu’une rétrofacturation ou chargeback ?
La rétrofacturation, ou chargeback en anglais, est une procédure permettant à un titulaire de carte bancaire de demander à sa banque le remboursement d’un paiement litigieux. Elle est encadrée par le Code monétaire et financier (articles L. 133-17 à L. 133-25), qui impose à l’établissement bancaire d’agir lorsqu’une transaction a été effectuée sans consentement, mal exécutée ou en violation des obligations contractuelles du commerçant.
Exemples : un produit acheté en ligne jamais livré, une transaction effectuée par un fraudeur après le vol des données de votre carte, ou encore un montant débité supérieur à celui autorisé.

2. Dans quels cas puis-je demander un chargeback à ma banque ?
Les situations les plus courantes où le chargeback est applicable incluent :

  • Débit frauduleux : utilisation de votre carte après piratage ou vol.
  • Paiement non autorisé : par exemple, un achat réalisé sans votre accord explicite.
  • Produit ou service non livré : commande passée en ligne et jamais reçue malgré le paiement.
  • Produit non conforme : bien livré présentant des caractéristiques très différentes de celles annoncées.
  • Montant débité incorrect : somme prélevée supérieure au montant convenu.
  • Abonnement dissimulé : adhésion prélevée automatiquement après un achat, sans consentement éclairé.
  • Fournisseur en liquidation judiciaire : paiement effectué mais entreprise fermée avant livraison.

3. Quels sont les délais pour engager une rétrofacturation ?
Le délai dépend de la nature du litige et de la zone géographique de la transaction :

  • 13 mois maximum pour contester un paiement non autorisé dans l’Espace économique européen (EEE).
  • 70 jours pour une transaction hors EEE (extensible jusqu’à 120 jours si prévu par le contrat bancaire).
  • 8 semaines pour un montant débité supérieur à l’autorisation donnée (article L. 133-25 du CMF).
    ⚠️ Passé ces délais, la banque peut refuser la procédure, sauf si elle a omis de vous fournir les relevés vous permettant de détecter la fraude à temps.

4. Comment procéder si ma banque refuse ma demande de rétrofacturation ?
En cas de refus injustifié :

  • Mise en demeure : envoyez une lettre recommandée avec accusé de réception précisant les opérations contestées, en citant les articles du Code monétaire et financier applicables.
  • Médiation bancaire : si la banque maintient son refus, saisissez gratuitement le médiateur bancaire dont les coordonnées figurent dans vos documents contractuels.
  • Saisine du tribunal judiciaire : si aucun accord n’est trouvé, engagez une action en justice. L’avocat est facultatif si le montant du litige est inférieur à 10 000 € (article 761 du CPC).

5. Quels documents fournir pour appuyer ma demande de chargeback ?
Un dossier solide augmente vos chances de remboursement. Il doit inclure :

  • Relevés de compte indiquant les transactions contestées.
  • Preuve de la non-livraison (mails, suivi de colis, constat de transporteur).
  • Justificatifs de non-conformité (photos, expertise, devis de réparation).
  • Copies des échanges avec le vendeur (emails, formulaires de réclamation).
  • Captures d’écran prouvant les conditions de vente et le montant convenu.
  • Preuves de fraude (plaintes déposées, signalement à la police, capture de phishing).

💡 Astuce : plus vos pièces sont datées, précises et organisées, plus la banque sera en difficulté pour contester votre demande.

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