Chaque année, la France passe de l’heure d’été à l’heure d’hiver, un dispositif instauré à la suite du choc pétrolier de 1973 pour économiser l’énergie. Si ce changement semble anodin pour la majorité des citoyens, il suscite pourtant des questions juridiques majeures pour les employeurs et les salariés travaillant de nuit.
En effet, dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 octobre 2025, à 3 heures du matin, il sera en réalité 2 heures : une heure « gagnée », mais une heure supplémentaire réellement travaillée pour ceux en poste durant cette période.
Cette situation pose une question centrale : comment rémunérer cette heure supplémentaire ? Doit-elle donner lieu à un paiement majoré, à un repos compensateur, ou à une simple adaptation du planning ?
Le Code du travail ne prévoit aucune disposition spécifique en la matière, mais la jurisprudence et les réponses ministérielles apportent des précisions essentielles.
Cet article proposé par defendstesdroits.fr analyse de manière approfondie les effets juridiques et pratiques du changement d’heure sur la rémunération des travailleurs de nuit, en s’appuyant sur les articles L3122-2 et suivants du Code du travail, et sur la réponse ministérielle du 10 décembre 1976.
Le système de changement d’heure a été instauré en 1976 afin de limiter la consommation d’électricité, particulièrement lors des pics d’éclairage du soir.
Depuis 1998, les États membres de l’Union européenne ont harmonisé leurs dates :
Ainsi, en 2025, le changement aura lieu le dimanche 26 octobre, entraînant un retour à l’heure légale : à 3h du matin, il sera 2h.
Une consultation publique européenne, menée en 2018, avait envisagé la suppression de ce dispositif.
En mars 2019, le Parlement européen a voté en faveur de cette suppression, mais le Conseil européen n’a jamais adopté le texte, notamment en raison de la crise sanitaire de 2020.
À ce jour, aucune directive n’a été transposée : le changement d’heure demeure donc pleinement applicable en 2025.
Selon l’article L3122-2 du Code du travail, le travail de nuit est celui accompli au cours d’une période d’au moins neuf heures consécutives, comprenant obligatoirement l’intervalle entre minuit et cinq heures.
Cette période peut commencer au plus tôt à 21h et s’achever au plus tard à 7h, sauf dérogation prévue pour certains secteurs spécifiques tels que :
En l’absence d’accord collectif, tout travail entre 21h et 6h est considéré comme du travail de nuit (article L3122-20).
Le recours au travail de nuit ne peut être instauré que par :
L’inspecteur du travail peut autoriser des aménagements horaires exceptionnels, notamment après consultation du Comité social et économique (CSE) et des délégués syndicaux (article L3122-22).
Les travailleurs de nuit bénéficient d’un suivi médical renforcé assuré par le médecin du travail, conformément à l’article L3122-10.
Lors du passage à l’heure d’hiver, les aiguilles retardent d’une heure : à 3 heures, il est de nouveau 2 heures.
Les salariés effectuent donc une heure de travail supplémentaire, sans interruption de service.
La réponse ministérielle n°32310 du 10 décembre 1976 précise que cette heure doit être rémunérée comme toute heure supplémentaire, avec :
Ainsi, un salarié travaillant habituellement de 22h à 6h effectuera, lors du passage à l’heure d’hiver, neuf heures effectives au lieu de huit. Cette heure excédentaire doit figurer distinctement sur le bulletin de paie et être compensée financièrement ou en temps de repos.
À l’inverse, lors du passage à l’heure d’été (dernier dimanche de mars), les horloges avancent d’une heure.
Le salarié travaillant de 22h à 6h ne prestera alors que sept heures réelles.
L’employeur est alors en droit d’effectuer une retenue sur salaire correspondant à l’heure non travaillée, sauf disposition conventionnelle contraire.
Cependant, dans la pratique, de nombreuses entreprises maintiennent le salaire intégral, notamment pour préserver l’équité entre les travailleurs de nuit sur l’année entière.
Le Code du travail ne prévoit aucune règle expresse concernant la rémunération des salariés de nuit pendant le changement d’heure.
Les principes applicables découlent donc de la jurisprudence et des réponses ministérielles :
Chaque entreprise doit impérativement vérifier sa convention collective, car certaines d’entre elles prévoient :
Des conventions comme celles de la métallurgie, de l’hôtellerie-restauration ou du transport intègrent déjà ces compensations automatiques afin d’éviter tout déséquilibre salarial.
Lorsqu’un salarié accomplit une heure supplémentaire non prévue initialement, cette dernière doit apparaître distinctement sur la fiche de paie conformément à l’article R3243-1 du Code du travail.
L’absence de mention explicite peut constituer une irrégularité de paie, susceptible d’être contestée devant le Conseil de prud’hommes.
Le travail de nuit, qu’il coïncide ou non avec le changement d’heure, requiert une attention particulière sur le plan médical.
Conformément aux articles L3122-10 et L4624-1 du Code du travail, tout travailleur de nuit bénéficie :
Le but est d’évaluer les effets physiologiques du travail nocturne (troubles du sommeil, fatigue, désynchronisation du rythme biologique) et de prévenir les risques professionnels.
Le Comité social et économique (CSE) doit également être consulté avant toute mise en place d’un dispositif de travail de nuit incluant le changement d’horaire.
Les employeurs doivent anticiper le changement d’heure pour éviter tout contentieux :
Le non-respect de ces règles peut être considéré comme une atteinte à la durée légale du travail (article L3122-6) et engager la responsabilité de l’employeur.
Le changement d’heure, bien qu’il ne dure qu’une seule nuit dans l’année, soulève de véritables enjeux juridiques et sociaux pour les employeurs et les salariés travaillant de nuit. Ce dispositif, instauré pour des raisons énergétiques et économiques, a des conséquences directes sur la durée du travail effectif, la rémunération et l’organisation du temps de repos, en particulier pour les équipes de nuit dont le rythme biologique et professionnel est déjà soumis à de fortes contraintes.
Le droit du travail français, par sa structure protectrice, impose aux entreprises une obligation d’adaptation et de transparence lors de cette transition horaire. Si le Code du travail reste silencieux sur la question du changement d’heure, la réponse ministérielle du 10 décembre 1976 et la jurisprudence constante apportent un cadre clair : l’heure supplémentaire accomplie lors du passage à l’heure d’hiver doit être rémunérée ou compensée, tandis que l’heure non travaillée au moment du passage à l’heure d’été peut donner lieu à une retenue sur salaire, sauf clause conventionnelle plus favorable.
Ce régime spécifique rappelle que le travail de nuit ne peut être réduit à une simple modulation d’horaires. Il s’agit d’une organisation du travail à part entière, encadrée par des règles strictes en matière de santé, de sécurité et de durée du travail.
Le législateur a d’ailleurs prévu, aux articles L3122-1 et suivants du Code du travail, des garanties fortes : obligation de repos compensateur, majorations de salaire, suivi médical renforcé, et consultation du Comité social et économique (CSE). Ces obligations visent à préserver la santé physique et mentale des travailleurs, dont l’exposition prolongée à la nuit peut affecter la vigilance, le sommeil et le bien-être général.
Pour les employeurs, l’enjeu réside dans la bonne anticipation du changement d’heure : ajustement des plannings, vérification des accords collectifs, contrôle des heures réellement effectuées et respect de la durée légale du travail. En cas d’oubli ou de mauvaise application, le risque est double : contentieux prud’homal pour non-paiement des heures travaillées et sanction administrative pour manquement à la réglementation du travail de nuit.
Pour les salariés, il est essentiel de connaître leurs droits afin de vérifier le respect de leur rémunération, la comptabilisation exacte des heures effectuées et l’application des compensations prévues par la convention collective.
Une vigilance particulière s’impose dans les secteurs à fonctionnement continu — sécurité, santé, industrie, hôtellerie, transport ou énergie — où le passage à l’heure d’hiver peut se traduire par une heure de travail supplémentaire systématique chaque année.
Plus largement, cette question illustre la nécessité d’un dialogue social constant entre employeur, représentants du personnel et services de santé au travail. Le changement d’heure, au-delà de ses aspects techniques, symbolise le devoir de conciliation entre performance économique et respect des droits fondamentaux des travailleurs.
Enfin, si la suppression du changement d’heure refait un jour surface au niveau européen, son impact sur le droit du travail français devra être soigneusement mesuré. D’ici là, les règles existantes continuent de s’appliquer : chaque heure accomplie doit être exactement comptabilisée et équitablement rémunérée, conformément aux principes de la loyauté contractuelle et du travail justement payé posés par le Code du travail.
En somme, le changement d’heure, aussi anecdotique puisse-t-il paraître, constitue un enjeu de conformité juridique et d’équité salariale. Il appartient à chaque employeur d’en assurer la bonne gestion, et à chaque salarié de veiller à ce que son droit à une rémunération juste et transparente soit pleinement respecté.
Sur defendstesdroits.fr, nos juristes accompagnent les entreprises et les travailleurs pour garantir la sécurité juridique du travail de nuit et préserver les droits de chacun face aux ajustements horaires imposés par la loi ou les pratiques européennes.
Lors du passage à l’heure d’hiver, les horloges retardent d’une heure : à 3 heures, il est de nouveau 2 heures.
Un salarié travaillant sur ce créneau réalise donc une heure de travail supplémentaire réelle.
Selon la réponse ministérielle du 10 décembre 1976, cette heure doit être rémunérée comme une heure supplémentaire ou compensée en temps de repos équivalent, conformément aux dispositions de l’article L3121-28 du Code du travail sur les heures supplémentaires.
Cette mesure est obligatoire, sauf si la convention collective applicable prévoit un régime plus favorable (majoration spécifique ou repos compensateur renforcé).
Oui, lorsque le passage à l’heure d’été conduit à travailler une heure de moins, l’employeur peut retenir l’heure non effectuée sur la paie.
Cependant, cette retenue doit être proportionnelle à la durée réellement non travaillée et ne peut avoir pour effet de réduire le salaire en dessous du SMIC horaire.
En pratique, de nombreux employeurs maintiennent le salaire intégral pour éviter toute inégalité sur l’année.
Certaines conventions collectives (notamment dans les secteurs hospitalier, industriel ou de la sécurité) imposent d’ailleurs un maintien de salaire intégral durant le changement d’heure.
Non, le Code du travail ne contient aucune disposition spécifique sur la rémunération liée au changement d’heure.
La situation est régie par la pratique jurisprudentielle et par la réponse ministérielle de 1976, qui font office de référence juridique.
Toutefois, le principe d’égalité de traitement (article L3221-2 du Code du travail) impose de traiter les salariés dans une même situation de façon identique, notamment quant à la compensation horaire et aux majorations salariales.
En cas de litige, le Conseil de prud’hommes peut vérifier la conformité des pratiques de l’employeur et, le cas échéant, ordonner le versement des sommes dues.
L’employeur est tenu de garantir la transparence et la conformité du calcul des heures travaillées pendant la nuit du changement d’heure.
Il doit notamment :
Oui. Le travail de nuit, quelle qu’en soit la période, implique un suivi médical renforcé prévu par les articles L3122-10 et L4624-1 du Code du travail.
Le médecin du travail évalue les effets physiologiques de cette organisation sur le salarié : troubles du sommeil, fatigue, désynchronisation des rythmes biologiques.
En période de changement d’heure, ces effets peuvent être accentués, d’où l’importance d’un suivi plus attentif, notamment pour les salariés exposés à des cycles alternés.
Le médecin du travail peut proposer un aménagement du poste ou une mutation temporaire sur un horaire de jour si la santé du salarié est compromise.