Travail

Peut-on réduire le salaire d’un salarié ? Règles et exceptions légales

Francois Hagege
Fondateur
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Baisse de la rémunération des salariés : obligations légales et exceptions

La rémunération constitue l’un des piliers du contrat de travail. Elle reflète non seulement la contrepartie de la prestation fournie par le salarié, mais aussi un droit fondamental protégé par le Code du travail. Modifier cet élément revient à toucher à l’équilibre contractuel liant employeur et salarié. Or, dans un contexte marqué par les fluctuations économiques, de nombreuses entreprises s’interrogent sur la possibilité de réduire les salaires afin de préserver leur compétitivité ou de surmonter des difficultés financières.

La question de la baisse de la rémunération est donc particulièrement sensible. En principe, l’employeur ne peut pas imposer une diminution du salaire fixe, car il s’agit d’un élément essentiel du contrat. Toutefois, le droit du travail prévoit des exceptions encadrées permettant à l’entreprise d’envisager une telle mesure dans certaines conditions : accord individuel du salarié, motif économique, suppression de primes ou encore négociation d’un accord de performance collective.

De plus, il convient de distinguer la baisse de salaire décidée par l’employeur de la saisie sur rémunération, qui constitue une procédure indépendante de la volonté de l’entreprise et qui relève du droit de l’exécution des décisions de justice.

L’enjeu est double : assurer la protection des salariés contre des atteintes unilatérales à leur rémunération, tout en offrant à l’employeur des mécanismes adaptés pour répondre à des situations économiques difficiles. C’est dans ce cadre que s’inscrit la présente analyse juridique.

Sommaire

  1. Introduction
  2. L’interdiction de principe de la diminution du salaire
  3. Les cas autorisés de baisse de rémunération
  4. La saisie sur salaire : une procédure distincte
  5. Conclusion

L’interdiction de principe de la diminution du salaire

La rémunération constitue un élément essentiel du contrat de travail. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, toute modification du salaire fixe ne peut intervenir qu’avec l’accord exprès du salarié (Cass. soc., 22 février 2006, n°03-47639).

Une baisse unilatérale expose l’employeur à une prise d’acte de la rupture du contrat par le salarié, laquelle peut être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, l’employeur est redevable d’indemnités de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de congés payés, ainsi que de dommages-intérêts (articles L1235-3 et suivants du Code du travail).

Les cas dans lesquels une baisse du salaire est possible

Accord individuel du salarié

L’employeur peut proposer une baisse de rémunération, mais celle-ci doit être acceptée librement par le salarié.
Pour sécuriser la démarche :

  • l’accord doit être clair et non équivoque (idéalement formalisé par écrit) ;
  • il doit être concrétisé par un avenant au contrat de travail signé par les deux parties ;
  • la rémunération maintenue ne peut être inférieure au SMIC ou au salaire minimum conventionnel applicable (article L3231-2 du Code du travail).

Toute pression ou contrainte exercée par l’employeur est prohibée et peut être sanctionnée.

Baisse pour motif économique

En cas de difficultés économiques, l’employeur peut proposer la modification du contrat pour réduire la rémunération (article L1222-6 du Code du travail).
Les difficultés économiques sont caractérisées par une évolution négative d’indicateurs tels que :

  • une baisse significative du chiffre d’affaires ;
  • des pertes d’exploitation ;
  • une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation.

La durée de la baisse du chiffre d’affaires doit atteindre :

  • 1 trimestre pour les entreprises de moins de 11 salariés ;
  • 2 trimestres consécutifs pour les entreprises de 11 à 49 salariés ;
  • 3 trimestres consécutifs pour les entreprises de 50 à 299 salariés ;
  • 4 trimestres consécutifs pour les entreprises de 300 salariés et plus (article L1233-3 du Code du travail).

La proposition est notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception. Le salarié dispose d’un délai de réflexion d’un mois pour accepter ou refuser. En cas de refus, l’employeur ne peut pas imposer la baisse mais peut engager une procédure de licenciement économique.

Réduction ou suppression des primes

Certaines primes non prévues au contrat de travail peuvent être réduites ou supprimées sans accord du salarié. Toutefois, si la prime découle :

  • d’un usage d’entreprise, il faut la dénoncer en respectant une procédure spécifique (information des salariés et délai de prévenance) ;
  • d’un accord collectif, une révision ou dénonciation de l’accord est nécessaire.

Accord de performance collective

Depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017, l’employeur peut conclure un accord de performance collective (APC) (articles L2254-2 du Code du travail). Cet accord permet :

  • de modifier la rémunération, dans le respect des minima conventionnels ;
  • d’aménager la durée et l’organisation du travail ;
  • d’adapter la mobilité interne.

L’APC se substitue au contrat de travail. En cas de refus du salarié, l’employeur peut procéder à un licenciement sui generis, fondé sur le refus d’application de l’accord.

La saisie sur salaire : une procédure distincte

La saisie sur salaire (articles L3252-1 à L3252-13 et R3252-1 à R3252-49 du Code du travail) ne résulte pas d’une décision de l’employeur mais d’une procédure judiciaire ou parajudiciaire.

Le salarié débiteur d’une somme (crédit, pension alimentaire, dette civile) peut voir une partie de sa rémunération prélevée, dans les limites fixées par la loi :

  • une fraction insaisissable est toujours préservée pour garantir un minimum vital ;
  • certaines sommes sont totalement insaisissables (indemnités de licenciement, allocations familiales, etc.).

La réforme de 2023 (loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023) confie désormais la gestion des saisies sur rémunération aux commissaires de justice, dans un objectif de simplification et de « déjudiciarisation » de la procédure. Le Conseil constitutionnel a validé cette réforme (décision n°2023-855 du 16 novembre 2023). Son entrée en vigueur est prévue au plus tard le 1er juillet 2025.

Conclusion

La possibilité pour un employeur de réduire le salaire de ses salariés reste strictement encadrée par la législation et la jurisprudence. Le principe demeure celui de l’intangibilité de la rémunération contractuelle : toute modification nécessite l’accord exprès du salarié. Les exceptions – difficultés économiques, suppression de primes, accords collectifs – ne peuvent être mises en œuvre qu’en respectant des procédures légales rigoureuses et sous le contrôle du juge.

L’accord de performance collective illustre la volonté du législateur de concilier souplesse pour l’entreprise et garanties pour le salarié, en permettant d’adapter la rémunération aux nécessités économiques tout en offrant un cadre négocié. Quant à la saisie sur salaire, elle relève d’une logique totalement différente, puisqu’elle émane d’une décision extérieure à l’employeur et vise à satisfaire une créance du salarié débiteur.

En 2025, l’enjeu pour les entreprises sera de sécuriser juridiquement leurs décisions en matière de rémunération, tout en maintenant un dialogue social actif avec les salariés et leurs représentants. Pour les salariés, connaître leurs droits leur permet de mieux comprendre les limites du pouvoir de l’employeur et de se protéger en cas de modification abusive.

FAQ

1. L’employeur peut-il baisser librement le salaire d’un salarié ?
Non, l’employeur ne peut pas réduire le salaire fixe d’un salarié de manière unilatérale. La rémunération est un élément essentiel du contrat de travail (article L1221-1 du Code du travail). Une modification sans accord du salarié est considérée comme une atteinte à ce contrat.
En cas de baisse imposée, le salarié peut :

  • refuser la modification et rester dans l’entreprise ;
  • saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir la reconnaissance d’une modification abusive ;
  • prendre acte de la rupture du contrat aux torts de l’employeur, rupture assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 22 février 2006, n°03-47639).
    Ainsi, l’accord écrit et signé du salarié est obligatoire.

2. Dans quels cas la baisse de salaire est-elle permise par le Code du travail ?
Le Code du travail prévoit plusieurs exceptions encadrées :

  • Accord individuel du salarié : si le salarié accepte expressément par avenant, l’employeur peut réduire sa rémunération, à condition de respecter le SMIC (article L3231-2) ou le minimum conventionnel.
  • Motif économique : l’entreprise peut proposer une baisse en cas de difficultés caractérisées (article L1222-6), comme une baisse significative du chiffre d’affaires sur plusieurs trimestres (article L1233-3).
  • Suppression ou réduction de primes non contractuelles : l’employeur peut mettre fin à un usage ou à une prime issue d’un accord collectif, en suivant la procédure de dénonciation ou de révision.
  • Accord de performance collective (APC) : négocié avec les représentants du personnel, il permet d’aménager la rémunération en réponse aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise (article L2254-2).

3. Quelles sont les conséquences du refus d’un salarié en cas de proposition de baisse pour motif économique ?
Le salarié dispose d’un délai d’un mois pour accepter ou refuser une modification de son contrat proposée pour motif économique (article L1222-6 du Code du travail).

  • S’il accepte, un avenant est signé et la baisse est mise en œuvre.
  • S’il refuse, l’employeur ne peut pas imposer la baisse. En revanche, il peut engager un licenciement économique, à condition d’établir la réalité des difficultés (article L1233-3).
    Dans ce cas, le salarié bénéficie des droits liés au licenciement : indemnité légale ou conventionnelle, indemnité de congés payés et, selon l’ancienneté, accès au contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

4. Quelle est la différence entre une baisse de salaire et une saisie sur rémunération ?
La baisse de salaire est une décision interne à l’entreprise (accord ou APC), alors que la saisie sur salaire est une procédure judiciaire ou parajudiciaire imposée à l’employeur pour prélever une partie du salaire d’un salarié endetté.
La saisie sur rémunération est régie par les articles L3252-1 à L3252-13 et R3252-1 à R3252-49 du Code du travail.
Elle obéit à des règles strictes :

  • une fraction insaisissable est toujours laissée au salarié pour vivre ;
  • certaines sommes sont totalement protégées (allocations familiales, indemnités de licenciement) ;
  • les saisies liées aux pensions alimentaires sont prioritaires.
    Depuis la loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023, la procédure est confiée aux commissaires de justice. Cette réforme, validée par le Conseil constitutionnel le 16 novembre 2023, sera pleinement applicable d’ici le 1er juillet 2025.

5. Quelles précautions l’employeur doit-il prendre pour sécuriser une baisse de rémunération ?
L’employeur doit respecter un cadre strict afin d’éviter toute contestation :

  • Formalisme écrit : toute baisse doit être actée par un avenant au contrat, signé par le salarié.
  • Respect des minima : la nouvelle rémunération doit rester supérieure au SMIC et au minimum prévu par la convention collective applicable.
  • Transparence : aucune pression, menace ou chantage ne doit être exercé. L’accord doit être libre et éclairé.
  • Notification claire : en cas de motif économique, la proposition doit être envoyée en recommandé, avec délai de réflexion.
  • Dialogue social : la conclusion d’un accord collectif ou d’un APC permet de sécuriser juridiquement la démarche.

En cas de non-respect, l’employeur s’expose à un contentieux prud’homal, avec risque de requalification en licenciement abusif et de condamnation au paiement d’indemnités importantes.

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