Dans le cadre de la relation de travail, l’employeur dispose d’un arsenal juridique destiné à assurer le bon fonctionnement de l’entreprise et à protéger ses intérêts économiques et humains. Le pouvoir disciplinaire, consacré par l'article L1331-1 du Code du travail, lui permet de sanctionner tout comportement fautif du salarié, allant du simple avertissement au licenciement disciplinaire.
Toutefois, les actes d’un salarié ne relèvent pas exclusivement de la sphère disciplinaire interne : certaines fautes professionnelles peuvent simultanément constituer de véritables infractions pénales, sanctionnées par la loi.
Le vol de biens de l’entreprise, la divulgation de secrets professionnels, le harcèlement moral ou sexuel, ou encore des violences physiques commises dans le cadre professionnel sont autant de comportements susceptibles de donner lieu à une plainte pénale en parallèle de la procédure disciplinaire.
Cette articulation entre le droit disciplinaire et le droit pénal soulève de nombreuses interrogations : l'employeur peut-il porter plainte contre son salarié ? Dans quels cas et sous quelles conditions cette démarche est-elle juridiquement fondée ? Quels sont les risques et les précautions nécessaires pour éviter les abus ?
Il est également essentiel de comprendre que la responsabilité pénale et la responsabilité disciplinaire sont deux mécanismes autonomes, aux conséquences et objectifs différents : la première vise la protection de l’ordre public et la sanction de comportements répréhensibles au regard du Code pénal, tandis que la seconde protège l’organisation interne et le climat social de l’entreprise.
L'évolution de la jurisprudence, notamment en matière de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil (article 4 du Code de procédure pénale), souligne l'importance pour l'employeur de maîtriser ces deux leviers juridiques afin de garantir une réponse proportionnée et juridiquement valide à tout comportement déviant d'un salarié ou ancien salarié.
Il importe également de distinguer avec rigueur les délais de prescription applicables à chaque type de procédure, afin d'éviter toute nullité susceptible de fragiliser la réponse de l'entreprise face aux faits incriminés.
Ainsi, face à un comportement du salarié susceptible de revêtir une qualification pénale, l’employeur doit conjuguer vigilance juridique, respect du cadre légal, et prudence dans la collecte des preuves. Cet équilibre délicat entre protection des intérêts de l'entreprise et respect des droits fondamentaux du salarié repose sur une analyse fine des textes législatifs et des décisions jurisprudentielles.
L’employeur détient un pouvoir disciplinaire en vertu de l'article L1331-1 du Code du travail, lui permettant de sanctionner les fautes professionnelles du salarié (avertissement, mise à pied, licenciement disciplinaire). Toutefois, lorsqu’un comportement du salarié constitue non seulement une faute professionnelle mais également une infraction pénale, l’employeur peut envisager un recours à la justice pénale.
Selon les circonstances, le salarié – ou l’ancien salarié – peut engager sa responsabilité pénale en cas de vol, escroquerie, abus de confiance (article 314-1 du Code pénal), harcèlement moral ou sexuel (article 222-33-2 du Code pénal) ou encore de diffamation. Ces actes peuvent justifier le dépôt d’une plainte par l’employeur devant les autorités compétentes.
Important : la procédure disciplinaire et la procédure pénale sont autonomes. Le dépôt d’une plainte n’empêche pas la mise en œuvre du pouvoir disciplinaire, et inversement.
L'employeur peut, conformément au principe d’égalité devant la loi pénale, signaler aux forces de l'ordre toute infraction commise par son salarié, y compris si celle-ci intervient en milieu professionnel. L'article 40 du Code de procédure pénale impose même à toute autorité constituée ayant connaissance d'un crime ou d'un délit d'en informer sans délai le procureur de la République.
Les infractions susceptibles de poursuites comprennent notamment :
L’employeur, en qualité de victime ou représentant des intérêts de l’entreprise, est donc légitime à agir sur le plan pénal.
Avant toute plainte, l’employeur doit réunir les preuves nécessaires :
Il est conseillé d'établir un dossier de preuves (constats, témoignages, images de vidéosurveillance, rapports d’enquête interne, etc.) afin de sécuriser le dépôt de plainte auprès de la police, de la gendarmerie ou directement par lettre au procureur de la République.
Le délai de prescription pénale doit également être respecté (articles 7 à 9 du Code de procédure pénale) :
Parallèlement, la sanction disciplinaire reste enfermée dans un délai de 2 mois après la connaissance des faits par l’employeur (article L1332-4 du Code du travail), sauf suspension en cas de procédure pénale en cours.
En cas de condamnation pénale définitive, le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s’applique (article 4 du Code de procédure pénale). Ainsi, le juge prud'homal est lié par la décision pénale sur la matérialité des faits, sans pouvoir les contester.
Cependant, la qualification de la faute professionnelle et l’adéquation de la sanction disciplinaire restent de la compétence du conseil de prud’hommes (article L1411-1 du Code du travail). Il peut apprécier si les faits condamnés pénalement justifient effectivement une mise à pied disciplinaire, une rétrogradation, voire un licenciement pour faute grave ou lourde.
En cas de relaxe ou de classement sans suite, l’employeur conserve la possibilité de sanctionner disciplinairement le salarié, dès lors que les faits constitueraient néanmoins une faute professionnelle (manquement à ses obligations contractuelles, atteinte aux règles du règlement intérieur, etc.).
Cette indépendance des procédures s’explique par la nature des fautes :
Toutefois, lorsque les faits sanctionnés disciplinaires sont exactement les mêmes que ceux visés par une relaxe pénale définitive, la jurisprudence impose de neutraliser le licenciement fondé sur ces faits (Cass. Soc. 18 février 2016, n°14-23468), la chose jugée au pénal s'imposant alors au juge prud'homal.
Face à des faits graves, l'employeur peut mettre en œuvre une mise à pied conservatoire (Cass. Soc. 4 décembre 2012, n°11-27508) avant même la fin de la procédure pénale, dans l’intérêt de l’entreprise.
Cette mesure conservatoire, par nature provisoire et non définitive, permet de suspendre immédiatement le salarié dans l’attente d’une décision sur le fond. Elle ne constitue pas une sanction disciplinaire en elle-même.
À noter : la sanction disciplinaire définitive (avertissement, licenciement) peut être prononcée sans attendre la décision du juge pénal, car les deux procédures restent juridiquement distinctes.
Porter plainte sans fondement solide expose l’employeur à un risque juridique majeur : une action en dénonciation calomnieuse, prévue par l’article 226-10 du Code pénal, sanctionnée par 5 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
La plainte abusive ou infondée constitue en effet un détournement de la justice pénale à des fins répressives personnelles ou professionnelles. Ce type de démarche peut gravement fragiliser la position de l’employeur en contentieux, tout en portant atteinte à son image et à la crédibilité de sa gestion interne.
Il est donc primordial pour l'employeur d’agir avec prudence et en toute bonne foi, en s’appuyant uniquement sur des éléments factuels avérés et des preuves tangibles.
En cas de doute sérieux sur la qualification pénale des faits ou sur l’interprétation des preuves, il est fortement recommandé de solliciter l’assistance d’un avocat spécialisé en droit du travail et/ou en droit pénal.
Un professionnel du droit pourra évaluer l’opportunité de déposer plainte, anticiper les risques procéduraux et sécuriser la stratégie juridique à adopter, notamment dans les situations complexes ou en cas de cumul des procédures disciplinaires et pénales.
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Le dépôt de plainte par un employeur contre un salarié – ou un ancien salarié – n’est donc nullement interdit par le droit français : il est même parfois indispensable pour préserver l’intégrité de l’entreprise et réprimer des agissements constituant des infractions pénales. Toutefois, l’employeur doit agir avec rigueur et discernement, dans le respect des principes fondamentaux du droit disciplinaire et du droit pénal.
Le recours à la justice pénale ne dispense pas de la mise en œuvre du pouvoir disciplinaire, mais les deux procédures doivent être articulées avec une vigilance juridique particulière.
La présomption d'innocence, la protection des données personnelles, le respect des délais de prescription, et la distinction stricte entre faute professionnelle et infraction pénale sont autant de paramètres à intégrer avant toute prise de décision.
Enfin, le respect du principe d’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil implique que toute condamnation pénale définitive lie le conseil de prud’hommes quant à la matérialité des faits, tout en lui laissant un pouvoir d’appréciation sur la sanction disciplinaire.
En somme, porter plainte contre un salarié n'est pas un acte anodin : il engage la responsabilité de l’entreprise sur un terrain sensible et potentiellement conflictuel.
Le recours à un conseil juridique spécialisé ou à un avocat reste fortement recommandé pour sécuriser les démarches et anticiper les risques contentieux. Grâce à une analyse rigoureuse du cas d'espèce et au respect des exigences procédurales, l'employeur peut défendre ses intérêts sans méconnaître les droits du salarié.
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1. Un employeur peut-il porter plainte contre un salarié en cas de vol, harcèlement ou agression ?
Oui, un employeur peut parfaitement engager une plainte pénale contre un salarié ou un ancien salarié lorsque les faits commis relèvent du droit pénal. Cela concerne notamment le vol de matériel ou de biens appartenant à l'entreprise (article 311-3 du Code pénal), le harcèlement moral ou sexuel au travail (article 222-33-2 du Code pénal), les violences physiques contre collègues ou supérieurs, ou encore la divulgation de secrets de fabrication. La plainte permet de déclencher l’intervention des autorités judiciaires (police, procureur, juge d’instruction) pour faire sanctionner ces faits. Le dépôt de plainte peut être effectué même après la rupture du contrat de travail.
2. Quelles preuves un employeur doit-il réunir avant de déposer une plainte contre un salarié ?
Avant de saisir le procureur ou les services de police, l’employeur doit pouvoir justifier l’existence de l’infraction par des éléments probants. Il doit prouver :
Il est conseillé à l’employeur de mener une enquête interne, recueillir les explications du salarié et constituer un dossier solide, car une plainte abusive pourrait l'exposer à une action en dénonciation calomnieuse (article 226-10 du Code pénal).
3. La procédure disciplinaire empêche-t-elle de porter plainte contre le salarié ?
Non, les deux procédures sont indépendantes. L’employeur peut :
Il est important de noter que la sanction disciplinaire vise la rupture ou la correction du lien de travail, tandis que la sanction pénale vise la protection de l’ordre public et peut aboutir à des peines d'amende ou d'emprisonnement. Toutefois, la présomption d'innocence du salarié doit être respectée tant qu'il n'a pas été condamné.
4. Un salarié relaxé par le juge pénal peut-il être licencié pour les mêmes faits ?
En principe, non. Lorsque le salarié bénéficie d'une décision définitive de relaxe, l'employeur ne peut plus engager une procédure disciplinaire fondée sur ces mêmes faits, du fait de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil (article 4 du Code de procédure pénale). Toutefois :
L’employeur devra alors prouver une autre violation aux obligations contractuelles (par exemple : non-respect du règlement intérieur, manquement à une obligation de loyauté).
5. Quels sont les délais pour engager une plainte ou sanctionner un salarié fautif ?
Deux types de prescription doivent être distingués :
Ces délais s’apprécient à compter du jour où l’infraction a été commise ou découverte. Pour sécuriser sa démarche, l’employeur doit éviter toute confusion entre ces deux délais. Une fois le délai dépassé, ni sanction disciplinaire ni plainte pénale ne pourront être valablement engagées.