Civil

Prestation compensatoire : calcul du montant et moyens de recouvrement

Francois Hagege
Fondateur
Partager

Divorce et prestation compensatoire : droits, obligations et fiscalité

Le divorce entraîne bien souvent une inégalité dans le niveau de vie des ex-époux. Certains choix familiaux ou professionnels, effectués dans l’intérêt du couple, peuvent laisser l’un des conjoints dans une situation économique précaire après la séparation. Pour répondre à cette difficulté, le Code civil a institué la prestation compensatoire. Ce mécanisme vise à rééquilibrer les conditions de vie entre les ex-époux en attribuant une compensation financière ou matérielle au conjoint le plus fragilisé.

Prévue par les articles 270 et suivants du Code civil, la prestation compensatoire constitue un droit d’ordre public, ce qui signifie qu’elle ne peut être écartée par la volonté des époux. Elle se distingue de la pension alimentaire, qui concerne l’entretien des enfants. La prestation compensatoire n’a vocation à bénéficier qu’aux ex-conjoints et non aux enfants issus du mariage.

Sommaire

  1. Définition et objectifs de la prestation compensatoire
  2. Base légale et références juridiques applicables
  3. Les critères pris en compte pour son calcul
  4. Les modalités de versement (capital, rente, biens)
  5. Le régime fiscal applicable à la prestation compensatoire
  6. Révision et litiges fréquents après le divorce
  7. Les recours en cas de non-paiement

Définition et fondement juridique

Qu’est-ce que la prestation compensatoire ?

L’article 270 du Code civil dispose que l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité créée par le divorce dans les conditions de vie respectives. Cette compensation repose sur l’idée que la vie conjugale a pu entraîner un déséquilibre durable : abandon d’une carrière, mise entre parenthèses de projets professionnels, ou sacrifices consentis pour l’éducation des enfants.

Qui peut en bénéficier ?

Tout époux qui subit une disparité significative de niveau de vie à la suite du divorce peut en faire la demande. La prestation n’est pas réservée aux femmes : un homme peut tout autant en être bénéficiaire. L’élément déclencheur est la comparaison des ressources et perspectives financières des ex-époux.

Les critères de fixation par le juge

En cas de désaccord, c’est le juge aux affaires familiales (JAF) qui fixe la prestation compensatoire au moment du prononcé du divorce.

Les éléments pris en compte

L’article 271 du Code civil énumère une série de critères qui guident le juge :

  • La durée du mariage : un mariage long augmente les chances d’octroi.
  • L’âge et l’état de santé des conjoints : un conjoint âgé ou malade aura plus de difficultés à retrouver un niveau de vie équilibré.
  • La qualification et la situation professionnelles : les perspectives de carrière influencent fortement la décision.
  • Les choix faits pendant le mariage : par exemple, si un conjoint a sacrifié sa carrière pour élever les enfants ou soutenir la carrière de l’autre.
  • Le patrimoine estimé ou prévisible des époux, après la liquidation du régime matrimonial.
  • La situation en matière de retraite, notamment la diminution des droits due à l’inactivité consacrée au couple ou aux enfants.

Absence de barème légal

Il n’existe aucun barème officiel. Les avocats et les juges utilisent des méthodes de calcul indicatives, comme :

  • la méthode du tiers de la différence des revenus annuels, multipliée par la moitié du nombre d’années de mariage ;
  • la méthode dite de « l’unité de mesure » qui pondère selon la durée du mariage ;
  • ou encore le calcul basé sur 20 % de la différence des revenus annuels multipliée par 8.

Ces méthodes servent uniquement de points de repère et ne lient pas le juge.

Les modalités de versement

Le principe : le capital

Selon l’article 274 du Code civil, la prestation compensatoire est en principe versée sous forme de capital. Celui-ci peut être réglé :

  • en une seule fois ;
  • par des versements échelonnés sur une durée maximale de 8 ans ;
  • par l’attribution d’un bien (par exemple, l’usufruit d’un logement).

L’exception : la rente viagère

À titre exceptionnel le juge peut ordonner le versement d’une rente viagère, généralement lorsque l’époux bénéficiaire est âgé ou souffre d’un problème de santé qui compromet toute capacité de subvenir à ses besoins.

Régime fiscal de la prestation compensatoire

Le Code général des impôts prévoit que :

  • Si le capital est versé dans les 12 mois suivant le jugement de divorce, le débiteur bénéficie d’une réduction d’impôt de 25 %, dans la limite de 30 500 €.
  • Si le versement s’étale sur plus de 12 mois, les sommes versées sont déductibles du revenu imposable du débiteur et imposables comme pension alimentaire pour le bénéficiaire.

Révision et suppression de la prestation compensatoire

Les conditions de révision

L’article 276-3 du Code civil prévoit que la prestation compensatoire versée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou besoins des ex-époux.

En revanche, lorsqu’elle est versée sous forme de capital, le montant ne peut jamais être révisé. Seules les modalités de paiement peuvent être adaptées.

Les situations fréquentes

  • Licenciement du débiteur : il peut demander une réduction de la rente.
  • Remariage ou concubinage du bénéficiaire : cela peut justifier une suppression.
  • Amélioration significative des revenus du bénéficiaire : motif de révision.

Recouvrement en cas d’impayés

Le créancier dispose de plusieurs moyens pour obtenir l’exécution :

  1. Mise en demeure adressée à l’ex-conjoint débiteur.
  2. Recours à un commissaire de justice (huissier) pour saisie sur compte bancaire ou sur biens mobiliers.
  3. Saisie sur salaire via une requête devant le tribunal judiciaire.
  4. Plainte pour abandon de famille, infraction punie de 2 ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.

Conclusion

La prestation compensatoire occupe une place centrale dans le droit du divorce français, car elle incarne la volonté du législateur de maintenir une forme de justice et d’équilibre entre les ex-époux après la rupture. Sa finalité n’est pas d’imposer une solidarité éternelle mais de corriger les déséquilibres économiques qui résultent de la vie conjugale et des choix opérés pendant le mariage. Qu’il s’agisse de sacrifices professionnels pour l’éducation des enfants, d’un écart d’âge important, ou encore d’une disparité de retraites à venir, le juge aux affaires familiales s’appuie sur un cadre juridique clair, posé par les articles 270 à 280 du Code civil, pour accorder une compensation adaptée.

Ce mécanisme présente toutefois une certaine complexité : absence de barème officiel, multiplicité des critères d’appréciation, diversité des formes de versement (capital, rente viagère, attribution de biens). Ces éléments conduisent à des décisions très individualisées, parfois sources de contentieux postérieurs au divorce. La possibilité de révision en cas de rente permet une certaine souplesse, mais la rigidité du capital peut générer des difficultés financières durables pour le débiteur. À l’inverse, le créancier doit veiller à faire valoir ses droits en cas d’impayés, grâce aux outils de recouvrement, voire à la sanction pénale de l’abandon de famille.

Au-delà de son aspect technique, la prestation compensatoire reflète un enjeu profondément humain : celui de protéger l’ex-conjoint qui, au nom de la vie commune, a pu sacrifier ses ambitions ou ses revenus. Elle constitue ainsi un instrument de justice sociale, visant à ce que la rupture du mariage n’entraîne pas une précarité durable pour l’un des époux. Pour cette raison, il est essentiel d’être accompagné par un avocat spécialisé en droit de la famille afin de présenter un dossier solide devant le juge ou de négocier efficacement dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel.

La prestation compensatoire n’est donc pas qu’une question financière : elle est le reflet de l’équité recherchée par le droit, afin que la séparation, aussi douloureuse soit-elle, n’aggrave pas les inégalités entre ceux qui ont partagé une vie commune. Elle s’impose comme un outil juridique de rééquilibrage mais aussi comme un vecteur de reconnaissance des efforts et des sacrifices consentis durant le mariage.

FAQ

1. Qu’est-ce que la prestation compensatoire et dans quels cas est-elle accordée ?
La prestation compensatoire est définie par l’article 270 du Code civil comme une indemnité destinée à compenser la disparité économique créée par le divorce. Elle peut être demandée par l’un des époux lorsque la séparation entraîne une baisse significative de son niveau de vie par rapport à celui de l’autre conjoint. Elle concerne uniquement les ex-époux et non les enfants (qui bénéficient de la pension alimentaire). Elle peut être accordée aussi bien à un homme qu’à une femme, sans distinction de sexe.

2. Quels critères le juge prend-il en compte pour fixer le montant ?
Le juge aux affaires familiales (JAF) se réfère à l’article 271 du Code civil pour évaluer la prestation compensatoire. Les critères incluent notamment :

  • La durée du mariage, car un mariage long entraîne souvent plus de dépendances économiques.
  • L’âge et l’état de santé des conjoints, qui influencent leur capacité à retrouver une autonomie financière.
  • La qualification et la carrière professionnelle de chacun.
  • Les choix faits pendant la vie commune, par exemple un conjoint ayant interrompu sa carrière pour élever les enfants.
  • Le patrimoine actuel et prévisible des époux, y compris leurs droits à la retraite.
    Ces critères permettent d’adapter la prestation aux réalités économiques des deux parties et d’éviter des décisions trop arbitraires.

3. Sous quelles formes la prestation compensatoire peut-elle être versée ?
La loi privilégie le versement sous forme de capital (article 274 du Code civil). Cela peut prendre différentes formes :

  • Versement d’une somme d’argent unique.
  • Attribution d’un bien mobilier ou immobilier.
  • Attribution d’un droit d’usufruit ou d’usage sur un bien.
    À titre exceptionnel, une rente viagère peut être accordée (article 276 du Code civil), mais uniquement lorsque l’âge ou l’état de santé du bénéficiaire justifie une aide durable. Le paiement en capital peut aussi être fractionné sur une durée maximale de 8 ans (article 275 du Code civil).

4. Quel est le régime fiscal de la prestation compensatoire ?
La fiscalité dépend de la forme de versement :

  • Capital payé dans les 12 mois suivant le jugement : le débiteur bénéficie d’une réduction d’impôt de 25 %, dans la limite de 30 500 € (article 199 octodecies du CGI).
  • Capital payé au-delà de 12 mois ou rente : le débiteur peut déduire les sommes versées de son revenu imposable, mais le bénéficiaire devra les déclarer comme revenu.
    Ainsi, le choix de la modalité de versement a un impact non seulement sur la trésorerie des époux, mais aussi sur leur fiscalité.

5. Peut-on réviser ou supprimer une prestation compensatoire après le divorce ?
La révision n’est possible que dans certains cas (article 276-3 du Code civil) :

  • Si elle est versée en rente, elle peut être modifiée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins d’un des ex-époux (licenciement, maladie, remariage, etc.).
  • Si elle a été versée en capital, son montant ne peut pas être modifié. Seules les modalités de paiement peuvent être aménagées, par exemple un échelonnement différent.
    De plus, dans un divorce par consentement mutuel, il est possible d’insérer une clause de révision dans la convention homologuée. Cela offre davantage de flexibilité en cas de changements imprévus.

6. Que faire si la prestation compensatoire n’est pas payée ?
Le créancier dispose de plusieurs moyens d’action :

  • Mise en demeure adressée au débiteur.
  • Recours à un huissier de justice pour obtenir une saisie-attribution (sur compte bancaire, biens mobiliers) ou un paiement direct.
  • Saisie sur salaire par décision du tribunal judiciaire.
  • Dépôt d’une plainte pour abandon de famille (article 227-3 du Code pénal), passible de 2 ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.
    Ces mécanismes assurent l’effectivité de la décision judiciaire et permettent au créancier de protéger ses droits.

Articles Récents

Besoin d'aide ?

Nos équipes sont là pour vous guider !

Thank you! Your submission has been received!
Oops! Something went wrong while submitting the form.