Travail

Prêt de main-d’œuvre et Code du travail : règles, obligations et sanctions

Jordan Alvarez
Editeur
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Prêt de main-d’œuvre : une solution encadrée pour maintenir l’emploi

Le prêt de main-d’œuvre est une pratique de plus en plus utilisée par les entreprises confrontées à des fluctuations d’activité. Il consiste, pour une société dite « prêteuse », à mettre temporairement à disposition d’une autre société, appelée « utilisatrice », un ou plusieurs de ses salariés. Ce mécanisme, prévu et encadré par le Code du travail (articles L.8241-1 et suivants), permet d’optimiser les ressources humaines tout en évitant des ruptures de contrat coûteuses.

À la différence du travail temporaire ou du portage salarial, le prêt de main-d’œuvre doit être réalisé sans but lucratif, c’est-à-dire que l’entreprise prêteuse ne peut facturer à l’entreprise utilisatrice que le montant correspondant aux salaires, charges sociales et frais professionnels. Toute opération poursuivant un objectif lucratif est considérée comme illicite et lourdement sanctionnée (jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, article L.8243-1 du Code du travail).

Ce dispositif présente plusieurs avantages : maintenir l’emploi, renforcer les compétences, favoriser la coopération interentreprises et sécuriser la situation financière des salariés. Toutefois, il obéit à des conditions précises qui doivent être respectées pour rester dans le cadre légal.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Qu’est-ce que le prêt de main-d’œuvre ?
  3. Les droits du salarié mis à disposition
  4. Comment formaliser la mise à disposition ?
  5. Le rôle du Comité social et économique (CSE)
  6. Pourquoi recourir au prêt de main-d’œuvre ?
  7. Le cadre légal et les sanctions du prêt illicite
  8. Un outil de coopération interentreprises
  9. Conclusion

Qu’est-ce que le prêt de main-d’œuvre ?

Une mise à disposition temporaire et non lucrative

Le prêt de main-d’œuvre est une opération par laquelle un salarié reste lié à son employeur d’origine (l’entreprise prêteuse) tout en travaillant temporairement pour une entreprise utilisatrice. Le contrat de travail n’est ni rompu ni suspendu : le salarié continue de bénéficier des avantages conventionnels de son entreprise d’origine.

La rémunération, les charges sociales et les frais professionnels sont avancés par l’entreprise prêteuse, puis remboursés par l’entreprise utilisatrice. L’article L.8241-2 du Code du travail impose que cette facturation soit limitée au prix coûtant, afin de préserver le caractère non lucratif de l’opération.

Les droits du salarié mis à disposition

Le salarié prêté conserve tous ses droits sociaux et retrouve son poste initial (ou un poste équivalent) à l’issue de la mission. Il bénéficie des mêmes conditions de travail que les salariés de l’entreprise utilisatrice (accès aux installations collectives, moyens de transport, etc.). De plus, le refus du salarié de signer un avenant pour être mis à disposition ne peut donner lieu à aucune sanction disciplinaire.

Comment formaliser la mise à disposition de personnel ?

L’accord du salarié

La mise à disposition suppose l’accord exprès du salarié. Cet accord est formalisé par un avenant au contrat de travail qui doit préciser :

  • les missions confiées ;
  • le lieu et les horaires d’exécution ;
  • les particularités du poste.

Une convention entre entreprises

Une convention de prêt de main-d’œuvre doit également être conclue entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice. Elle fixe :

  • l’identité et la qualification du salarié concerné ;
  • les modalités de remboursement (salaires, charges sociales, frais) ;
  • la durée de la mission et sa finalité.

L’article R.8241-2 du Code du travail impose que le Comité social et économique (CSE) de chaque entreprise soit informé et consulté avant la mise en place du dispositif.

Pourquoi recourir au prêt de main-d’œuvre ?

Le prêt de main-d’œuvre permet d’éviter le recours au chômage partiel ou à un licenciement en période de baisse d’activité. Contrairement à l’activité partielle, qui réduit la rémunération des salariés (60 % du brut, article L.5122-1 du Code du travail), le prêt de main-d’œuvre assure le maintien de leur salaire intégral.

Ce dispositif :

  • permet aux employeurs de réduire leurs charges en période de sous-activité ;
  • offre aux salariés la garantie d’un revenu stable et la possibilité d’acquérir de nouvelles compétences ;
  • aide les entreprises utilisatrices à disposer rapidement de personnel formé et opérationnel.

Des dispositions particulières encouragent le prêt de main-d’œuvre entre grandes entreprises et PME ou jeunes entreprises, dans un objectif de développement des compétences et de solidarité économique.

Le cadre légal et les sanctions en cas de prêt illicite

L’article L.8241-1 du Code du travail interdit toute opération de prêt de main-d’œuvre à but lucratif. Seules les mises à disposition encadrées par la loi (prêt à but non lucratif, travail temporaire, agences de mannequins, associations sportives, organisations syndicales) sont autorisées.

Le non-respect de cette règle est puni de :

  • 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende ;
  • jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende en cas de circonstances aggravantes ;
  • des peines complémentaires (interdiction d’exercer certaines activités, affichage de la décision).

Un outil de coopération interentreprises

Le prêt de main-d’œuvre ne se limite pas à une solution de gestion de crise destinée à pallier une baisse temporaire d’activité. Il peut également être mobilisé comme un véritable levier stratégique de coopération et de partenariat entre entreprises. En ce sens, il s’inscrit dans une logique de mutualisation des ressources humaines et de développement économique local.

La mutualisation des compétences

Grâce au prêt de main-d’œuvre, une entreprise peut mettre à disposition de ses partenaires des salariés disposant de compétences spécialisées ou de savoir-faire techniques rares, tout en permettant à ces salariés de diversifier leurs expériences professionnelles. Cette mise en commun des talents favorise le partage des connaissances et contribue à renforcer la compétitivité des entreprises concernées.

La sécurisation des parcours professionnels

Pour les salariés, le prêt de main-d’œuvre constitue un outil de sécurisation des trajectoires professionnelles. Ils conservent leur contrat de travail d’origine et leur ancienneté, tout en ayant l’opportunité d’acquérir de nouvelles compétences, de s’adapter à différents environnements et de valoriser leur employabilité. Ce mécanisme, encouragé par l’article L.8241-3 du Code du travail, vise notamment à soutenir les transitions professionnelles et à éviter les périodes d’inactivité forcée.

Le renforcement des liens économiques locaux

Le prêt de main-d’œuvre contribue également à consolider les relations économiques de proximité. Il permet à de grandes entreprises de soutenir des PME ou des jeunes entreprises en leur offrant temporairement du personnel qualifié. Ce type de coopération favorise l’ancrage territorial, renforce les réseaux professionnels et participe à la solidarité économique.

Une alternative aux dispositifs classiques de gestion de l’emploi

En période de transformation du marché du travail, marquée par la digitalisation, la transition écologique ou les crises économiques successives, le prêt de main-d’œuvre s’impose comme une alternative crédible aux dispositifs traditionnels (intérim, chômage partiel, licenciements). Il offre une souplesse organisationnelle tout en restant soumis à un encadrement juridique strict, notamment pour éviter toute dérive vers le prêt illicite de main-d’œuvre sanctionné par le Code du travail.

Conclusion

Le prêt de main-d’œuvre s’impose comme un dispositif original de gestion de l’emploi, qui traduit la volonté du législateur de concilier la protection des salariés, la flexibilité des entreprises et la sécurité juridique des relations de travail. Construit autour des articles L.8241-1 et suivants du Code du travail, il permet à une entreprise de mettre temporairement à disposition une partie de son personnel au profit d’une autre entreprise, tout en maintenant le contrat de travail initial et les droits conventionnels du salarié.

Ce mécanisme ne doit pas être confondu avec le travail temporaire ou le portage salarial. Sa spécificité repose sur son caractère non lucratif : l’entreprise prêteuse ne peut facturer que le coût réel de la rémunération, des charges sociales et des frais professionnels. Toute opération poursuivant un objectif lucratif constitue un prêt illicite de main-d’œuvre, sanctionné pénalement par l’article L.8243-1 du Code du travail et pouvant entraîner jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, ainsi que des peines complémentaires.

Sur le plan pratique, le prêt de main-d’œuvre offre une véritable alternative au chômage partiel en période de baisse d’activité. Il permet de maintenir l’emploi, d’éviter la déqualification professionnelle et de sécuriser la rémunération des salariés. Pour les entreprises utilisatrices, il constitue un moyen d’accéder rapidement à des compétences qualifiées et disponibles. Pour les salariés, il garantit le maintien intégral de leur contrat de travail et ouvre parfois de nouvelles perspectives professionnelles grâce à l’expérience acquise dans un autre environnement.

Au-delà de son rôle conjoncturel, ce dispositif participe à une logique de coopération interentreprises, favorisant les transferts de savoir-faire, l’innovation organisationnelle et la solidarité économique, notamment entre grandes entreprises et PME ou jeunes entreprises. En ce sens, il s’inscrit dans une perspective de sécurisation des parcours professionnels et de responsabilité sociale des entreprises.

Le recours au prêt de main-d’œuvre reste toutefois soumis à des conditions de forme incontournables : l’accord exprès du salarié par avenant à son contrat de travail, la conclusion d’une convention écrite entre les entreprises et l’information-consultation du Comité social et économique (CSE). Ces étapes garantissent la transparence de l’opération et la protection des différentes parties.

Ainsi, le prêt de main-d’œuvre se révèle être un véritable outil juridique et social permettant d’anticiper les fluctuations d’activité, de préserver l’emploi et de renforcer la compétitivité des entreprises. Sa bonne utilisation repose sur le respect scrupuleux du cadre légal, mais il offre, lorsqu’il est mis en œuvre conformément aux textes, une réponse équilibrée aux enjeux économiques et humains du marché du travail.

FAQ

1. Qu’est-ce que le prêt de main-d’œuvre selon le Code du travail ?
Le prêt de main-d’œuvre est défini par l’article L.8241-1 du Code du travail comme l’opération par laquelle une entreprise dite prêteuse met temporairement à disposition une partie de son personnel auprès d’une entreprise utilisatrice. Cette opération ne peut avoir qu’un caractère non lucratif : l’entreprise prêteuse ne peut facturer que les salaires, charges sociales et frais professionnels liés au salarié. Si une marge est appliquée, l’opération devient illégale et peut être requalifiée en prêt illicite de main-d’œuvre.
Ce mécanisme se distingue du travail temporaire, qui relève des entreprises de travail intérimaire, et du portage salarial, encadré par d’autres dispositions spécifiques du Code du travail.

2. Quels sont les droits du salarié pendant un prêt de main-d’œuvre ?
Le salarié conserve l’intégralité de ses droits contractuels. Le contrat de travail conclu avec l’entreprise prêteuse n’est ni rompu ni suspendu :

  • le salarié reste membre du personnel de l’entreprise prêteuse et continue de bénéficier de ses avantages collectifs ;
  • il retrouve son poste initial ou un poste équivalent à l’issue de la mission (principe de garantie d’emploi) ;
  • il bénéficie des mêmes conditions de travail que les salariés de l’entreprise utilisatrice (accès aux cantines, transports collectifs, équipements, etc.) ;
  • il conserve sa protection en cas de mandat représentatif (délégué du personnel, membre du CSE, représentant syndical) ;
  • enfin, le salarié est libre de refuser une mise à disposition sans risquer de sanction, de licenciement ou de mesure discriminatoire (article L.8241-2 du Code du travail).

3. Comment formaliser un prêt de main-d’œuvre entre deux entreprises ?
La formalisation juridique du prêt de main-d’œuvre repose sur deux instruments :

  • Un avenant au contrat de travail du salarié, qui précise la nature des tâches confiées, le lieu d’exécution, les horaires, ainsi que les caractéristiques particulières du poste. Cet avenant doit être signé par le salarié, car son accord est obligatoire.
  • Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice. Cette convention doit mentionner au minimum : l’identité et la qualification du salarié, la durée de la mise à disposition, les conditions financières (rémunération, charges, frais), ainsi que la finalité de l’opération.

En outre, le Comité social et économique (CSE) de chaque entreprise doit être informé et consulté avant la mise en place du dispositif (article R.8241-2 du Code du travail). À défaut, l’opération pourrait être contestée et déclarée irrégulière.

4. Quels sont les avantages du prêt de main-d’œuvre pour les entreprises et les salariés ?
Le prêt de main-d’œuvre est un outil gagnant-gagnant pour les trois acteurs concernés :

  • Pour l’employeur prêteur, il permet d’éviter le chômage partiel ou les licenciements en cas de baisse d’activité, tout en conservant ses effectifs.
  • Pour l’entreprise utilisatrice, il constitue une solution rapide pour disposer de personnel qualifié et immédiatement opérationnel, sans avoir à supporter le coût d’un recrutement.
  • Pour le salarié, il garantit le maintien intégral de son salaire, contrairement à l’activité partielle, et peut enrichir son parcours professionnel grâce à une expérience dans un nouvel environnement.

Le dispositif est particulièrement encouragé dans le cadre de la coopération interentreprises : l’article L.8241-3 du Code du travail autorise même les grandes entreprises à prêter des salariés à des PME ou à de jeunes entreprises, parfois gratuitement, dans une logique de solidarité économique et de développement des compétences.

5. Quelles sanctions en cas de prêt de main-d’œuvre illicite ?
Le non-respect des conditions légales transforme le prêt de main-d’œuvre en prêt illicite, sanctionné sévèrement par le Code du travail. Selon l’article L.8243-1, les peines encourues sont :

  • 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour une personne physique ;
  • jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes (par exemple, récidive ou exploitation systématique) ;
  • des peines complémentaires peuvent être prononcées, telles que l’interdiction de sous-traiter de la main-d’œuvre pour une durée de 2 à 10 ans, ou encore la diffusion publique de la condamnation.

Certaines exceptions sont toutefois prévues : le travail temporaire, le temps partagé, les agences de mannequins agréées, les organisations syndicales et les associations sportives échappent à cette interdiction car elles bénéficient d’un encadrement légal propre.

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