L’exposition à des risques professionnels peut entraîner des maladies graves, parfois invisibles à court terme. Dans ce contexte, la reconnaissance d’une maladie professionnelle permet non seulement d’ouvrir droit à une indemnisation spécifique, mais aussi de bénéficier d’une protection renforcée au titre du droit du travail et de la sécurité sociale.
Cette reconnaissance repose sur une réglementation complexe encadrée par le Code de la sécurité sociale et suppose, selon les cas, l’examen d’un tableau de maladies professionnelles ou l’avis d’un comité spécialisé.
Comment s’articule cette procédure ? Quels sont les critères à remplir ? Quelles conséquences en cas d’arrêt ou de séquelles durables ? Autant de questions auxquelles répond le présent article rédigé par defendstesdroits.fr à la lumière des textes légaux en vigueur et de la jurisprudence récente.
Une maladie professionnelle est une affection contractée par un salarié du fait de son exposition prolongée ou répétée à un risque lié à son activité professionnelle. La définition figure à l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, qui énonce que la reconnaissance d'une telle maladie peut ouvrir droit à des prestations spécifiques dès lors qu’elle est inscrite dans un tableau de maladies professionnelles ou qu’elle est prouvée comme étant essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime.
Les tableaux de maladies professionnelles, annexés au Code de la sécurité sociale, énumèrent des affections en lien avec certains postes ou expositions. Ces tableaux précisent trois conditions cumulatives :
💡 Exemple : Le tableau n°57 traite des affections périarticulaires dues aux gestes répétitifs (comme le syndrome du canal carpien). Pour que ce syndrome soit présumé d’origine professionnelle, il faut que :
Lorsque la maladie figure bien dans un tableau mais une ou plusieurs conditions ne sont pas remplies, la reconnaissance peut être obtenue via l’avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), conformément à l’article L. 461-1 alinéa 3 du CSS.
Une pathologie peut également être reconnue comme maladie professionnelle hors tableau si deux conditions sont réunies :
C’est encore le CRRMP qui est compétent pour valider cette reconnaissance.
💡 Cas particulier : Le burn-out ou syndrome d'épuisement professionnel, bien qu'absent des tableaux, peut être reconnu à condition de passer par la voie hors tableau et après expertise.
La première étape est l’établissement d’un certificat médical initial (CMI) par un médecin traitant, mentionnant précisément la pathologie et son lien avec le travail. L'article R. 461-5 du CSS impose que ce document accompagne toute demande.
Il faut ensuite déclarer la maladie auprès de la CPAM à l’aide du formulaire Cerfa n°16130*01, accompagné :
La caisse dispose de 120 jours pour statuer, conformément à l’article R. 461-9 du CSS. En cas de procédure CRRMP, ce délai peut être prolongé à 240 jours.
Un refus peut être contesté devant la commission de recours amiable (CRA) de la CPAM, puis, en cas d’échec, devant le pôle social du tribunal judiciaire.
Une maladie reconnue comme professionnelle bénéficie d’un régime protecteur renforcé :
Les soins sont intégralement pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie, sans avance de frais, sur présentation de la feuille de maladie professionnelle (Cerfa n°11383*02).
Pendant l'arrêt, l’assuré perçoit des indemnités journalières spécifiques plus élevées que celles versées en cas de maladie non professionnelle (article R. 433-1 et suivants du CSS). Ces IJSS sont :
Elles peuvent être complétées par l'employeur selon les dispositions de la convention collective applicable (loi n°78-49 du 19 janvier 1978 sur la mensualisation).
Si la maladie entraîne une incapacité permanente, le salarié peut prétendre à une rente viagère ou une indemnité forfaitaire en capital :
Le taux d’IPP est fixé par le médecin-conseil et tient compte de :
En cas de manquement à son obligation de sécurité, l’employeur peut voir sa responsabilité engagée pour faute inexcusable (article L. 452-1 du CSS). Cela ouvre droit à une majoration de la rente et à l’indemnisation intégrale du préjudice (souffrance morale, esthétique, d’agrément, etc.).
La reconnaissance d’une maladie professionnelle n’est pas une simple formalité administrative, mais un véritable levier juridique et social de protection du salarié exposé à des conditions de travail délétères.
Elle ouvre droit à une prise en charge intégrale des soins, à des indemnités journalières majorées, voire à une rente viagère en cas d’incapacité durable. En outre, cette reconnaissance peut engager la responsabilité de l’employeur, notamment en cas de faute inexcusable.
Il est donc essentiel d’agir méthodiquement, en respectant les démarches prévues par le Code de la sécurité sociale, et de se faire accompagner, le cas échéant, par un professionnel du droit afin de faire valoir ses droits dans les meilleures conditions.
1. Quelles sont les conditions pour qu’une maladie soit reconnue comme professionnelle ?
Pour qu’une maladie soit reconnue comme professionnelle, elle doit remplir certaines conditions définies par le Code de la sécurité sociale. Deux situations sont possibles :
2. Quelle est la procédure pour faire reconnaître une maladie professionnelle ?
La procédure débute par la consultation d’un médecin traitant, qui établit un certificat médical initial (CMI) précisant la nature de la pathologie et son lien supposé avec le travail.
Ensuite, le salarié doit adresser une déclaration à la CPAM, accompagnée du CMI et, si applicable, des résultats d’examens médicaux exigés par le tableau concerné.
La CPAM dispose d’un délai de 120 jours (ou jusqu’à 240 jours en cas de saisine du CRRMP) pour rendre sa décision. Si la demande est refusée, le salarié peut exercer un recours auprès de la commission de recours amiable (CRA) puis devant le tribunal judiciaire – pôle social.
L’ensemble de cette procédure est encadré par les articles R. 461-5 à R. 461-14 du Code de la sécurité sociale.
3. Quels sont les avantages d'une reconnaissance en maladie professionnelle ?
La reconnaissance permet au salarié de bénéficier d’une prise en charge intégrale à 100 % de tous les soins médicaux liés à la maladie, sans avance de frais, grâce à une feuille spécifique.
Elle donne aussi droit à des indemnités journalières majorées dès le premier jour d’arrêt (sans délai de carence), dont le montant est plus élevé que pour une maladie non professionnelle.
En cas d’incapacité permanente, une indemnisation en capital (si le taux d’IPP est inférieur à 10 %) ou une rente viagère (si le taux est supérieur ou égal à 10 %) est versée.
Le salarié bénéficie également d’une protection renforcée de son contrat de travail : interdiction de licenciement pendant l’arrêt, visite de reprise obligatoire, et acquisition de congés payés même pendant l’absence.
4. Que faire si la CPAM refuse de reconnaître la maladie comme professionnelle ?
En cas de refus de reconnaissance, le salarié peut contester la décision dans un délai de deux mois à compter de la notification, devant la commission de recours amiable (CRA) de la CPAM.
Si ce recours échoue, il peut ensuite saisir le tribunal judiciaire (pôle social).
Lorsqu’un refus repose sur une absence de lien direct ou une absence de tableau, il est également possible de demander la saisine du CRRMP, qui rend un avis sur le lien entre la pathologie et le travail. Cet avis peut parfois faire évoluer la décision initiale de la CPAM.
5. Peut-on obtenir une reconnaissance en cas de maladie psychique comme le burn-out ?
Oui, une maladie psychique telle que le burn-out peut être reconnue comme maladie professionnelle même si elle ne figure dans aucun tableau.
Dans ce cas, la procédure suit celle des maladies hors tableau : il faut prouver que la pathologie est essentiellement et directement causée par l’activité professionnelle et qu’elle a provoqué une incapacité permanente d’au moins 25 % ou un décès.
Le CRRMP est systématiquement saisi pour ces cas complexes. Le salarié devra souvent présenter un dossier médical détaillé, une attestation de souffrance au travail, et des preuves de conditions de travail délétères (surcharge, isolement, harcèlement, etc.).
La jurisprudence admet de plus en plus souvent cette reconnaissance, mais l’accompagnement par un avocat ou un représentant syndical peut être déterminant.