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Procédures et aides : comment l’État soutient les entreprises menacées ?

Jordan Alvarez
Editeur
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Sortie de crise : quelles solutions pour sauver les entreprises en difficulté ?

Les entreprises en difficulté constituent un enjeu majeur pour l’économie française, en particulier depuis la crise sanitaire qui a mis à mal la trésorerie de milliers de structures, qu’il s’agisse de TPE, PME ou grandes sociétés. Confrontées à des baisses d’activité, à des dettes fiscales et sociales importantes et à des tensions sur leur financement, elles s’exposent rapidement à des risques de redressement judiciaire ou de liquidation.

Face à cette réalité, le Gouvernement a élaboré dès 2021 un plan d’actions structuré afin de limiter les défaillances et d’accompagner les dirigeants. Ce plan repose sur trois piliers : détecter les difficultés le plus tôt possible, orienter les entreprises vers les bons interlocuteurs et accompagner juridiquement et financièrement leur redressement. Plusieurs mesures temporaires ont été prolongées ou rendues permanentes, inscrivant désormais dans la durée une approche de prévention renforcée et d’adaptation des procédures collectives.

L’ambition affichée est claire : éviter que les entreprises ne soient contraintes de cesser brutalement leur activité faute d’avoir trouvé à temps les moyens d’un redressement. Pour ce faire, les acteurs du droit (avocats, mandataires judiciaires), du chiffre (experts-comptables, commissaires aux comptes) mais aussi les institutions financières et les juridictions commerciales ont été mobilisés pour détecter les signaux faibles, soutenir les dirigeants et adapter les mécanismes juridiques aux réalités économiques contemporaines.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Détection précoce des difficultés des entreprises
  3. Orientation des entreprises en difficulté
  4. Sauver une entreprise en difficulté : adaptation des procédures
  5. Conclusion

La détection précoce des fragilités des entreprises

Un dispositif collectif de vigilance

Le plan a misé sur une détection rapide des difficultés grâce à la mobilisation de plusieurs acteurs :

  • les commissaires aux comptes et experts-comptables, chargés de proposer un diagnostic de sortie de crise rapide et gratuit ;
  • les banques, tenues d’organiser des rendez-vous spécifiques pour conseiller leurs clients fragilisés ;
  • les CCI et CMA, qui sensibilisent les entreprises et les orientent vers les aides disponibles ;
  • les greffiers des tribunaux de commerce, qui ont mis en place des outils d’autodiagnostic et d’alerte précoce ;
  • les administrateurs judiciaires et mandataires, proposant des diagnostics gratuits et orientant vers les procédures adaptées ;
  • la Banque de France, qui a renforcé son algorithme de détection de signaux faibles pour cibler les fragilités ;
  • les avocats, qui accompagnent leurs clients avec des points de vigilance juridiques et financiers.

Cette détection est coordonnée par les comités départementaux de sortie de crise, présidés par les préfets.

Constat alarmant

Malgré ces mesures, l’année 2023 a connu 57 729 ouvertures de procédures collectives, soit une hausse de 35,8 % par rapport à 2022. On dénombre :

  • 41 085 liquidations judiciaires ;
  • 15 115 redressements judiciaires ;
  • 1 529 sauvegardes ;
    Ce sont près de 243 000 emplois directs qui ont été menacés par ces procédures (source : étude Altares 2024).

Les aides pour l’orientation des entreprises en difficulté

Création d’un comité national de sortie de crise

Un comité national de sortie de crise a été mis en place, réunissant les professions du chiffre et du droit, les institutions financières, les fédérations professionnelles et les organismes consulaires. Dirigé par un conseiller national à la sortie de crise, il collabore avec les régions grâce aux cellules régionales de veille et d’alerte précoce (CVAP).

Depuis juillet 2023, la Direction générale des Finances publiques (DGFIP) a pérennisé l’action de la Mission d’accompagnement des entreprises en sortie de crise (MAESC), confirmant l’ancrage durable de ces dispositifs.

Un numéro unique pour orienter les entreprises

L’État a créé un numéro unique : 0 806 000 245, en partenariat avec l’URSSAF et la DGFIP, permettant aux entreprises de joindre directement un conseiller pour être orientées vers les aides d’urgence et les procédures adaptées.

Des conseillers départementaux dédiés

Chaque département dispose désormais de conseillers à la sortie de crise, chargés d’orienter les entreprises en difficulté, dans le respect du secret des affaires et du secret fiscal. Ces conseillers peuvent rediriger vers :

  • le Médiateur des entreprises ;
  • la médiation du crédit ;
  • le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire compétent.

À un niveau supérieur, des dispositifs spécialisés comme les CRP, les CODEFI et le CIRI apportent un soutien aux entreprises industrielles selon leur taille (de moins de 50 salariés jusqu’aux grandes entreprises).

Comment sauver une entreprise en difficulté ?

Renforcement des procédures préventives

Les commissaires aux comptes sont désormais tenus d’informer plus rapidement les tribunaux de commerce des situations critiques (article L611-2-2 du Code de commerce).
La conciliation a été rendue plus attractive avec la possibilité pour le président du tribunal de suspendre certaines actions en justice des créanciers récalcitrants (ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020).

Création de procédures spécifiques à la sortie de crise

Le mandat ad hoc de sortie de crise, réservé aux entreprises de moins de 10 salariés, permettait une renégociation rapide des dettes sur 3 mois, avec un coût plafonné à 1 500 ou 3 000 euros. Ce dispositif a pris fin en décembre 2022.

La procédure de traitement de sortie de crise, quant à elle, a été prolongée jusqu’au 21 novembre 2025 (loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023). Elle permet une restructuration accélérée des dettes pour les entreprises de petite taille ne dépassant pas certains seuils financiers.

Autres mesures adaptées

  • Le rétablissement professionnel, qui permet un effacement total des dettes des entrepreneurs individuels dans une situation irrémédiablement compromise, a vu ses seuils assouplis (article R645-1 du Code de commerce).
  • La liquidation judiciaire simplifiée a été élargie aux entrepreneurs individuels, y compris ceux dont la résidence principale est désormais protégée (article L641-2 du Code de commerce).

Prolongation des aides financières

Le Gouvernement a également prolongé plusieurs dispositifs financiers :

  • les prêts garantis par l’État (PGE) ;
  • les prêts exceptionnels participatifs pour les petites entreprises ;
  • les avances remboursables et prêts bonifiés pour les PME et ETI ;
  • les plans d’apurement des dettes fiscales et sociales.

Un fonds de transition de 3 milliards d’euros a par ailleurs été créé pour soutenir les ETI et grandes entreprises confrontées à des besoins de refinancement.

Conclusion

Le plan de sortie de crise a permis de créer un véritable réseau d’alerte et d’accompagnement au service des entreprises fragilisées. La détection précoce par les experts du chiffre, la mise en place de conseillers départementaux, l’orientation vers des dispositifs adaptés et l’adoption de procédures judiciaires simplifiées (mandat ad hoc, traitement de sortie de crise, liquidation judiciaire allégée) traduisent une volonté d’allier souplesse et efficacité dans la gestion des difficultés.

Pour autant, les chiffres récents de 2023 montrent que le nombre d’ouvertures de procédures collectives reste en forte hausse. Cela révèle les limites des dispositifs préventifs mais souligne aussi la nécessité de maintenir un arsenal juridique et financier robuste pour accompagner les entreprises. Le fonds de transition de 3 milliards d’euros, la prolongation des prêts garantis par l’État (PGE) ou encore les procédures spécifiques de restructuration témoignent d’une volonté de préserver le tissu économique et l’emploi.

En définitive, la stratégie gouvernementale ne se limite pas à une logique d’urgence : elle consacre une approche globale qui fait de la prévention des difficultés des entreprises une priorité durable du droit économique français. Les dirigeants disposent désormais d’outils renforcés pour anticiper et surmonter leurs difficultés, mais leur efficacité dépend de leur capacité à agir à temps et à solliciter l’accompagnement adapté.

FAQ

1. Quelles sont les principales mesures du plan gouvernemental pour les entreprises en difficulté ?
Le plan gouvernemental s’articule autour de trois axes fondamentaux : détecter, orienter et accompagner. L’objectif est d’éviter que les entreprises fragilisées ne basculent directement en redressement judiciaire ou en liquidation.

  • Détection : mobilisation des commissaires aux comptes, experts-comptables, banques, greffiers des tribunaux de commerce et Banque de France pour identifier rapidement les signaux faibles.
  • Orientation : mise en place d’instances locales et nationales pour rediriger les entreprises vers les bons interlocuteurs.
  • Accompagnement : adaptation des procédures collectives (conciliation, mandat ad hoc, traitement de sortie de crise) et soutien financier par les prêts garantis par l’État (PGE), avances remboursables ou fonds de transition.
    Ce plan, initié en 2021, a été renforcé par la loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023, qui a prolongé certains dispositifs jusqu’en 2025.

2. Comment les entreprises peuvent-elles être orientées vers les bons dispositifs ?
L’orientation repose sur un dispositif multi-niveaux :

  • Un comité national de sortie de crise regroupe professions du chiffre, du droit, institutions financières et fédérations professionnelles. Il est dirigé par un conseiller national à la sortie de crise et travaille avec les régions.
  • Les cellules régionales de veille et d’alerte précoce (CVAP), en lien avec la DGFIP, assurent un suivi de proximité.
  • Un numéro unique (0 806 000 245) permet aux dirigeants de joindre directement un conseiller spécialisé.
  • Des conseillers départementaux à la sortie de crise accueillent les entreprises, garantissant le respect du secret fiscal et du secret des affaires. Ils orientent ensuite vers le Médiateur des entreprises, la médiation du crédit ou, en cas d’urgence, vers le tribunal de commerce ou judiciaire compétent.
    Ces mécanismes assurent une prise en charge rapide et confidentielle, évitant aux dirigeants l’isolement face à leurs difficultés.

3. Quelles sont les procédures spécifiques de traitement des difficultés ?
Plusieurs procédures adaptées ont été prévues :

  • Le mandat ad hoc de sortie de crise, réservé aux entreprises de moins de 10 salariés, visait à renégocier les dettes sur une durée maximale de 3 mois. Ce dispositif a pris fin en décembre 2022.
  • La procédure de traitement de sortie de crise (article 46 de la loi n°2023-1059) reste en vigueur jusqu’au 21 novembre 2025. Elle s’adresse aux petites entreprises qui ne dépassent pas certains seuils financiers. Elle permet une restructuration rapide des dettes, avec une procédure judiciaire simplifiée et accélérée.
  • Le rétablissement professionnel a été assoupli (article R645-1 du Code de commerce), facilitant l’effacement des dettes pour les entrepreneurs individuels sans actifs significatifs.
  • La liquidation judiciaire simplifiée (article L641-2 du Code de commerce) a été élargie, avec une clôture possible en 6 à 12 mois, protégeant la résidence principale de l’entrepreneur.

Ces dispositifs offrent une seconde chance aux dirigeants et évitent une faillite brutale qui détruirait emplois et savoir-faire.

4. Quelles aides financières sont encore accessibles aux entreprises fragilisées ?
Le Gouvernement a prolongé plusieurs outils financiers destinés à renforcer la trésorerie et les fonds propres :

  • Les prêts garantis par l’État (PGE), qui ont permis à des milliers d’entreprises de financer leur activité pendant la crise, restent accessibles pour certaines restructurations.
  • Les prêts exceptionnels participatifs et les avances remboursables ciblent les TPE, PME et ETI.
  • Les plans d’apurement échelonnés permettent d’étaler le remboursement des dettes fiscales et sociales, négociés avec l’URSSAF et la DGFIP.
  • Un fonds de transition de 3 milliards d’euros a été créé pour soutenir les ETI et grandes entreprises ayant besoin de recapitalisation ou de financement de leur développement post-crise.

Ces aides s’inscrivent dans une logique de préservation du tissu économique, mais nécessitent une anticipation : les entreprises doivent solliciter ces soutiens avant que leur situation ne soit irrémédiablement compromise.

5. Pourquoi la détection précoce des difficultés est-elle essentielle ?
La détection précoce est la clé pour éviter l’effet boule de neige. En intervenant dès les premiers signaux faibles (baisse de trésorerie, retards de paiement, baisse du carnet de commandes), il est possible d’éviter une procédure collective lourde.

  • Les experts-comptables et commissaires aux comptes jouent un rôle majeur en alertant rapidement les dirigeants et les tribunaux (article L611-2-2 du Code de commerce).
  • La Banque de France, grâce à ses outils d’analyse, repère les entreprises fragilisées et les dirige vers des dispositifs adaptés.
  • Les CCI et CMA accompagnent les dirigeants dans la mise en œuvre de solutions de restructuration et de formation.

Une prise en charge rapide augmente considérablement les chances de redressement. À l’inverse, plus une entreprise attend, plus les dettes s’accumulent, rendant la liquidation quasi inévitable.

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