Dans le cadre d’un contrat de bail d’habitation, le locataire est tenu d’user paisiblement du logement et d’en assurer l’entretien courant, conformément à l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Pourtant, à l’issue du bail ou en cours de location, il n’est pas rare que des dégradations importantes soient constatées dans le bien loué.
Qu’il s’agisse de trous dans les murs, de revêtements abîmés, d’équipements endommagés ou d’un manque manifeste d’entretien, le propriétaire se retrouve confronté à une situation complexe qui nécessite de déterminer la responsabilité, d’évaluer l’ampleur des dégâts et, le cas échéant, d’engager une procédure de recours.
La loi distingue rigoureusement les dommages imputables au locataire des usures dues à la vétusté ou aux cas de force majeure. La jurisprudence, constante en la matière, vient préciser les obligations de chaque partie et encadrer les modalités de réparation du préjudice subi par le bailleur. En cas de contentieux, la procédure implique plusieurs étapes : état des lieux de sortie, mise en demeure, tentative de règlement amiable, et, en cas d’échec, saisine du juge compétent.
À travers cet article, defendstesdroits.fr propose une analyse détaillée et accessible de la procédure à suivre lorsqu’un logement est dégradé par un locataire. Il s’adresse aussi bien aux propriétaires souhaitant faire valoir leurs droits, qu’aux locataires désireux de connaître les limites de leur responsabilité. Chaque développement s’appuie sur les références légales pertinentes, afin d’apporter aux justiciables une information fiable, rigoureuse et conforme au droit en vigueur.
Selon l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est tenu :
"d’assurer l’entretien courant du logement et des équipements mentionnés au contrat, ainsi que les réparations locatives définies par décret, sauf si celles-ci sont causées par la vétusté, une malfaçon, un vice de construction, un cas fortuit ou de force majeure".
Le décret n° 87-712 du 26 août 1987 fixe la liste des réparations locatives, comprenant entre autres :
Toute négligence du locataire (absence d’entretien, dégradations volontaires ou involontaires) engage sa responsabilité contractuelle, conformément aux dispositions des articles 1732 à 1735 du Code civil, qui posent une présomption de responsabilité à la charge du locataire pour les dégradations constatées.
La jurisprudence constante assimile au locataire toute personne qu’il introduit dans les lieux : cohabitant, invité, artisan, ou sous-locataire. Ainsi, si un tiers cause des dommages, le bailleur est en droit de se retourner contre le locataire, qui pourra ensuite se retourner contre l’auteur du dommage (voir notamment Civ. 3e, 17 octobre 1990, n°89-10.124).
La vétusté correspond à l’usure naturelle des biens par le temps et une utilisation normale. L’article 1755 du Code civil exonère le locataire des réparations liées à cette usure.
Pour évaluer objectivement cette vétusté, le décret n° 2016-382 du 30 mars 2016 autorise les parties à établir une grille de vétusté en amont, permettant d’appliquer des coefficients d’abattement sur les réparations selon la durée de vie normale des matériaux.
Exemple : des murs ternis ou un lino usé par le passage quotidien n’ouvrent pas droit à indemnisation du bailleur, même s’ils apparaissent dans l’état des lieux de sortie.
Conformément à l’article 1218 du Code civil, un événement est qualifié de force majeure s’il est imprévisible, irrésistible et extérieur. Des inondations, incendies provoqués par la foudre ou séismes peuvent relever de cette qualification. Les dégâts occasionnés ne sont alors pas imputables au locataire.
À la fin du bail, un état des lieux de sortie est dressé. Ce document, comparé à celui d’entrée, permet d’identifier les différences imputables au locataire.
Si des détériorations sont constatées, une retenue sur le dépôt de garantie peut être opérée. Toutefois, si ce montant ne couvre pas l’ensemble des frais de remise en état, le bailleur peut réclamer un complément, preuves à l’appui (photos, devis, factures, constats d’huissier...).
En cas de refus du locataire de réparer ou de payer, le bailleur doit adresser une mise en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception, conformément à l’article 1344 du Code civil.
Cette étape marque le point de départ du délai de prescription, qui est de trois ans à compter de l’état des lieux de sortie (article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989).
Si la démarche amiable échoue, le bailleur peut saisir le tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection (si le litige porte sur l’exécution du bail ou l’expulsion), en vertu des articles R. 211-3-26 et suivants du Code de l'organisation judiciaire.
Les demandes peuvent inclure :
Le bailleur peut également opter pour une procédure d’injonction de payer, rapide et non contradictoire, prévue aux articles 1405 et suivants du Code de procédure civile.
Ce recours est particulièrement utile lorsque le locataire est parti et que le montant des dégradations est précisément chiffré.
Dans le cadre d’un litige relatif à des dégradations locatives, la question de la preuve est essentielle. Conformément aux principes généraux du droit civil, il appartient à celui qui allègue un fait de le prouver (article 1353 du Code civil).
Ainsi, c’est au bailleur qu’il revient de démontrer que les dégâts constatés sont bien imputables au locataire et non dus à une cause étrangère.
Cette preuve peut être rapportée par tous moyens, dès lors qu’ils sont légaux, loyaux et pertinents. Il peut s’agir notamment :
La cohérence des éléments de preuve est déterminante pour convaincre le juge et obtenir réparation du préjudice subi. En l’absence de preuve suffisante, la responsabilité du locataire ne pourra pas être retenue, et le bailleur supportera les frais.
Inversement, le locataire peut s’exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve que les dommages ne lui sont pas imputables. Plusieurs causes d’exonération sont admises :
Il appartient alors au locataire de produire des éléments probants (attestations, courriers, constats, expertises) pour démontrer que le dommage résulte d’une défaillance du bailleur ou d’un événement extérieur à sa volonté.
En cas de désaccord persistant, seul le juge des contentieux de la protection peut trancher la question de la responsabilité à la lumière des preuves présentées par les parties. Il est donc essentiel, tant pour le bailleur que pour le locataire, de constituer un dossier solide dès les premières constatations des dégradations.
Face à une situation de logement dégradé au terme d’un bail, la démarche du bailleur doit reposer sur une analyse rigoureuse des faits, de l’état des lieux et des fondements juridiques.
La distinction entre vétusté, cas fortuit, et faute du locataire est déterminante pour établir ou exclure la responsabilité. La mise en œuvre d’un recours amiable ou judiciaire s’appuie sur des outils éprouvés, tels que la mise en demeure, l’état des lieux contradictoire, ou encore la grille de vétusté.
En cas de conflit, il est vivement recommandé de se faire accompagner par un professionnel du droit ou de consulter les ressources fiables proposées sur defendstesdroits.fr pour défendre ses intérêts dans le respect du droit applicable.
Non, le propriétaire ne peut retenir le dépôt de garantie que dans la limite des montants justifiés par des dégradations imputables au locataire. Cette retenue doit impérativement être justifiée par des devis, factures ou constats démontrant l’ampleur des réparations nécessaires. L’article 22 de la loi du 6 juillet 1989 encadre cette retenue. En cas de désaccord sur les montants, le locataire peut saisir la commission départementale de conciliation, voire le juge du contentieux de la protection pour contester la retenue jugée abusive.
La vétusté désigne l’usure normale des matériaux ou équipements due au temps et à un usage conforme à leur destination (peinture défraîchie, parquet terni, etc.). Elle n’est pas imputable au locataire (article 1755 du Code civil). En revanche, une dégradation locative résulte d’un manque d’entretien, de négligence ou de mauvaise utilisation, et engage la responsabilité du locataire. L’utilisation d’une grille de vétusté annexée au contrat de bail permet de limiter les conflits à la sortie du logement.
La charge de la preuve incombe au propriétaire. Il doit démontrer que les dégradations constatées sont postérieures à l’état des lieux d’entrée et non liées à la vétusté ou à un cas de force majeure. Les éléments de preuve incluent l’état des lieux d’entrée et de sortie, des photographies datées, des constats d’huissier, des témoignages ou encore des rapports d’expertise. En cas de contestation, une procédure judiciaire peut être engagée pour trancher le litige sur la base de ces preuves.
Oui, si le contrat de bail comporte une clause résolutoire, le propriétaire peut demander la résiliation judiciaire du bail lorsque les dégradations sont graves, répétées ou intentionnelles (article 24 de la loi du 6 juillet 1989). Cette demande doit être précédée d’une mise en demeure restée infructueuse. En l’absence de clause résolutoire, le juge pourra tout de même prononcer la résiliation en cas d’inexécution suffisamment grave des obligations contractuelles du locataire.
Le délai de prescription pour agir en justice est de trois ans, conformément à l’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989. Ce délai court à partir de la date de l’état des lieux de sortie lorsque le bail est terminé, ou à partir de la constatation des dégradations si le bail est toujours en cours (par exemple, par un constat d’huissier). Il est donc important de ne pas attendre pour faire valoir ses droits, sous peine de se voir opposer la prescription par le juge.