L’arrêt maladie de longue durée constitue un enjeu majeur tant pour le salarié que pour l’employeur. Lorsqu’un salarié est confronté à une affection de longue durée (ALD), c’est toute l’organisation de l’entreprise qui peut être impactée : absence prolongée, nécessité de remplacement, maintien partiel de la rémunération, ou encore incertitude sur la reprise du travail. À cela s’ajoutent les exigences juridiques issues du Code du travail et du Code de la sécurité sociale, que l’employeur ne peut ignorer sous peine de litige.
En pratique, il s’agit d’un période de suspension du contrat de travail encadrée par un régime spécifique, tant en matière d’indemnisation que de protection contre le licenciement.
L’arrêt maladie de longue durée soulève également des problématiques concrètes : le reclassement, l’indemnité complémentaire, la gestion des congés payés, ou encore le droit au report des congés non pris. Il importe également de distinguer les arrêts pour maladie non professionnelle des maladies reconnues en affection longue durée exonérante, qui ouvrent des droits renforcés.
Dès lors, l’employeur doit conjuguer sécurité juridique, respect des obligations sociales et continuité de l’activité. Une mauvaise appréciation de la situation, un licenciement injustifié ou un défaut de remplacement conforme au droit peut exposer à une requalification, voire à des condamnations prud’homales lourdes.
Ce contexte juridique exige une parfaite maîtrise des textes applicables, des durées maximales d’arrêt, du régime d’indemnisation, ainsi que des conditions dans lesquelles il est possible – ou non – de mettre fin au contrat.
Cet article propose une analyse juridique détaillée de la gestion d’un salarié placé en arrêt maladie de longue durée, à la lumière des dispositions légales en vigueur et des dernières jurisprudences.
L’arrêt maladie de longue durée correspond à une suspension du contrat de travail justifiée par une ALD, c’est-à-dire une pathologie grave ou chronique nécessitant des soins prolongés. Ce type d'arrêt est prescrit par le médecin traitant et doit généralement dépasser 6 mois pour être qualifié comme tel.
Il ne faut pas confondre une ALD avec un accident du travail ou une maladie professionnelle, qui obéissent à un régime spécifique.
Certaines affections sont reconnues comme ALD exonérantes, ce qui signifie que les soins sont pris en charge à 100 % par l’Assurance Maladie, sur la base des tarifs de la sécurité sociale. La liste ALD 30 comprend notamment la maladie de Parkinson, le diabète, ou certains cancers.
Les affections non exonérantes ne bénéficient pas de cette exonération, mais peuvent néanmoins permettre la prolongation des arrêts de travail au-delà de six mois, sous contrôle médical.
L’arrêt maladie pour ALD est limité à 3 ans maximum par période glissante, sauf en cas de reprise d’activité supérieure à un an, qui réinitialise le compteur. Cette durée est encadrée par les articles L.321-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.
Les prolongations successives sont autorisées tant que l’état de santé du salarié le justifie et qu’elles sont validées par le médecin conseil.
Dès lors que le salarié est placé en arrêt, la CPAM verse des indemnités journalières représentant 50 % du salaire journalier de base. Un plafond de 360 jours sur 3 ans est applicable, sauf en cas d’ALD exonérante où le versement peut durer jusqu’à 3 ans.
L’employeur complète cette indemnisation, sous certaines conditions, via le maintien de salaire prévu par l’article L.1226-1 du Code du travail :
La durée et le montant du maintien de salaire dépendent de l'ancienneté, sauf clauses conventionnelles plus favorables.
Deux délais de carence distincts s’appliquent :
Certains accords collectifs peuvent aménager ces délais.
Désormais, le salarié acquiert des congés payés même pendant un arrêt maladie non professionnel, en application de la jurisprudence européenne (voir Cass. soc. 13 sept. 2023, n° 22-17340) et de l’article L.3141-5 du Code du travail.
En cas d’impossibilité de prendre ses congés en raison de la maladie, un délai de report de 15 mois est accordé à compter de la reprise ou de la fin de la période de référence.
L’employeur est autorisé à conclure un CDD pour remplacer le salarié absent. Il est fréquent que ce CDD soit à terme imprécis, prenant fin au retour du salarié.
Attention : le contrat doit préciser une durée minimale, sans quoi il pourrait être requalifié en CDI (Cass. soc. 29 oct. 1996, n° 92-44837).
Il est strictement interdit de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son arrêt maladie. Un tel licenciement serait nul et exposerait l’employeur à des dommages et intérêts, dont le minimum est de six mois de salaire.
Un licenciement reste possible s’il repose sur un motif étranger à l’état de santé :
Certaines conventions collectives peuvent prévoir des clauses de garantie d’emploi, interdisant un licenciement pendant une durée déterminée d’arrêt.
Face à une absence prolongée pour maladie longue durée, l’employeur ne saurait improviser. Le droit du travail et de la sécurité sociale impose un cadre strict, dont la méconnaissance expose à des risques de contentieux.
De l’indemnisation par la Sécurité sociale aux obligations de maintien de salaire, du recours au CDD de remplacement à la protection contre le licenciement discriminatoire, chaque étape doit être gérée avec rigueur et en conformité avec les articles du Code du travail et du Code de la sécurité sociale.
La jurisprudence récente a également renforcé les droits des salariés, notamment en matière d’acquisition et de report des congés payés pendant l’arrêt, contraignant les employeurs à adapter leur gestion des ressources humaines.
Par ailleurs, la possibilité de licencier un salarié en ALD ne saurait être exercée sans un motif objectif et indépendant de l’état de santé, sous peine de nullité de la rupture.
Prévoir, anticiper et sécuriser sont les maîtres mots pour assurer une gestion conforme et respectueuse des droits du salarié tout en garantissant la stabilité de l’activité de l’entreprise. Le recours à des outils juridiques fiables, à l’instar des modèles de lettres et contrats proposés sur defendstesdroits.fr, ainsi que le soutien d’un professionnel du droit, constitue un levier essentiel pour accompagner les employeurs face à ces situations complexes.
1. Quelles sont les obligations de l’employeur face à un salarié en arrêt maladie de longue durée ?
L’employeur est tenu à plusieurs obligations dès lors qu’un salarié est placé en arrêt maladie de longue durée. Il doit :
2. Peut-on embaucher un remplaçant en CDD pendant un arrêt maladie de longue durée ?
Oui. Le recours à un contrat à durée déterminée de remplacement est autorisé pendant l’absence du salarié malade, conformément à l’article L1242-2 1° du Code du travail.
En cas d’incertitude sur la date de retour, l’employeur peut conclure un CDD à terme imprécis, mentionnant que la fin du contrat interviendra au retour du salarié. Il est impératif de prévoir une durée minimale, faute de quoi le CDD pourra être requalifié en CDI (voir Cass. soc., 29 oct. 1996, n° 92-44837).
Ce contrat doit comporter une clause précise justifiant le remplacement et peut être renouvelé sous certaines conditions, tant que le salarié initial est absent. L’embauche ne doit pas se transformer en remplacement définitif déguisé.
3. Le salarié en arrêt longue maladie continue-t-il d’acquérir des congés payés ?
Depuis la réforme législative de 2024, le salarié en arrêt maladie – y compris non professionnelle – acquiert désormais des congés payés. Cette évolution vise à mettre le droit français en conformité avec le droit de l’Union européenne et les arrêts récents de la Cour de cassation (voir Cass. soc. 13 sept. 2023, n° 22-17340).
L’article L3141-5 du Code du travail prévoit désormais que les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie, qu’elles soient professionnelles ou non, sont assimilées à du temps de travail effectif pour le calcul des congés.
Toutefois, l’acquisition est limitée à 4 semaines par période annuelle, et le report des congés est encadré dans un délai de 15 mois à compter de la reprise ou de la fin de la période de référence (article L3141-19-1 du Code du travail).
4. L’employeur peut-il licencier un salarié absent pour affection longue durée ?
Il est formellement interdit de licencier un salarié au seul motif de son état de santé, en vertu du principe de non-discrimination (article L1132-1 du Code du travail). Un tel licenciement serait nul, et l’employeur s’expose à des dommages et intérêts d’un minimum de 6 mois de salaire, sans plafond (article L1235-3-1 du Code du travail).
Cependant, un licenciement reste possible s’il repose sur un motif distinct de l’état de santé :
Il convient également de vérifier l’existence de clauses de garantie d’emploi dans la convention collective, qui peuvent interdire tout licenciement pendant une certaine période d’absence.
5. Quelle est la durée maximale d’un arrêt maladie de longue durée et que se passe-t-il ensuite ?
La durée maximale d’un arrêt indemnisé pour ALD est de 3 ans (article L323-1 du Code de la sécurité sociale). Pendant cette période, la Sécurité sociale verse des indemnités journalières, à hauteur de 50 % du salaire journalier de base, voire plus avec un régime complémentaire.
Au terme de ces 3 ans, trois options s’offrent au salarié :
L’employeur a tout intérêt à anticiper cette échéance, en s’informant auprès de la médecine du travail et en préparant l’organisation interne, notamment si un reclassement ou un aménagement de poste est nécessaire.