Créer son entreprise représente un projet ambitieux, porteur de liberté mais également chargé de responsabilités. Pour de nombreux salariés, cette perspective suppose de rompre le lien de subordination qui les unit à leur employeur, en démissionnant d’un contrat à durée indéterminée (CDI). Une telle démarche pose une question centrale : comment assurer sa sécurité financière pendant la transition vers l'entrepreneuriat ?
En droit du travail, la démission constitue un mode de rupture du contrat à l’initiative du salarié, qui ne donne, en principe, aucun droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), prévue par les articles L. 5421-1 et suivants du Code du travail. Ce principe repose sur la distinction fondamentale entre perte involontaire d’emploi, qui ouvre droit à indemnisation, et démission volontaire, qui en est exclue.
Toutefois, la législation a introduit une exception encadrée à cette règle stricte. Depuis le 1er novembre 2019, un dispositif juridique permet à certains salariés démissionnaires de bénéficier du chômage, à condition que leur départ soit motivé par un projet professionnel sérieux et préparé, tel qu’une création ou une reprise d’entreprise. Cette réforme, intégrée au Règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024 relative à l'assurance chômage, répond à une logique de sécurisation des parcours professionnels.
L’accès à ce droit dérogatoire à indemnisation ne se fait pas sans rigueur. Il suppose le respect strict d’un parcours administratif en plusieurs étapes, dont l’omission ou la mauvaise exécution peut entraîner un refus pur et simple de prise en charge par France Travail (anciennement Pôle emploi).
Ainsi, avant d’envoyer sa lettre de démission, il est indispensable de connaître en détail la procédure, les conditions légales, les aides disponibles (ACRE, ARCE...) et les implications concrètes d’un tel choix. Cet article vous propose une analyse juridique approfondie, étape par étape, pour sécuriser votre démission dans le cadre d’un projet entrepreneurial, tout en bénéficiant des droits au chômage que vous avez acquis.
Le principe de base est posé à l’article 2 §2 du Règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024 relative à l'assurance chômage : seules les pertes involontaires d’emploi (licenciement, fin de CDD, rupture conventionnelle, etc.) ouvrent droit à l’ARE. Cependant, une exception a été instaurée : la démission dans le cadre d’un projet de création ou de reprise d’entreprise, sous réserve du respect d’une procédure encadrée par les textes.
Selon l’article 4 du Règlement général précité, pour être éligible à l’ARE dans ce cas, le salarié doit :
Il est également indispensable de ne pas avoir démissionné avant d’entamer la procédure, faute de quoi la demande sera systématiquement rejetée.
Le salarié doit impérativement solliciter un Conseil en évolution professionnelle (CEP) auprès d’un organisme agréé selon sa situation : APEC pour les cadres, Cap emploi pour les travailleurs handicapés, ou opérateurs régionaux habilités par France compétences. Ce dispositif permet de construire un projet professionnel cohérent et réaliste.
La demande de CEP est un acte juridique daté : il est essentiel de conserver une preuve formelle de cette démarche, car toute démission antérieure à cette demande annule le bénéfice potentiel de l’ARE.
Avec l’appui du conseiller CEP, le salarié élabore un dossier de demande d’attestation du caractère réel et sérieux du projet, tel que défini par l’arrêté du 23 octobre 2019 (Annexe 2).
Ce dossier comprend :
Ce n’est qu’après l’avis favorable de la CPIR, désormais connue sous le nom de Transitions Pro, que la démission pourra ouvrir droit à indemnisation.
Le dossier doit être adressé à la Transitions Pro de la région de résidence du salarié ou du lieu de travail. L’envoi par lettre recommandée avec accusé de réception est recommandé, conformément à l’article R. 5422-2-1 du Code du travail, afin de garantir la traçabilité du dépôt.
La commission dispose alors d’un délai de 2 mois à compter de la réception pour statuer :
Dès l’attestation positive obtenue, le salarié peut formellement démissionner, puis procéder à son inscription auprès de France Travail (ex-Pôle emploi). Cette inscription doit intervenir dans un délai maximal de 6 mois à compter de la date de validation du projet.
La démission devient alors une démission légitime, permettant l’ouverture des droits à l’ARE si toutes les étapes ont été respectées.
Une fois inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi, le salarié doit mettre en œuvre son projet dans les 6 mois suivant l’ouverture des droits, sans quoi il risque une radiation temporaire du fichier France Travail et une suspension de l’allocation pendant 4 mois.
France Travail évalue la réalité des démarches engagées : dépôt de statuts, enregistrement de l’entreprise, début d’activité, recherche de financements, etc.
L’ACRE (à ne pas confondre avec l’ARCE) constitue une exonération partielle des cotisations sociales pendant un an. Les micro-entrepreneurs doivent la solliciter auprès de l’Urssaf dès le début de leur activité. Pour les autres formes juridiques d’entreprise, l’ACRE est généralement octroyée automatiquement à la création.
Attention : l’ACRE ne peut être accordée qu’une seule fois tous les 3 ans, et uniquement pour une entreprise créée ou reprise en France.
L’ARCE permet de percevoir 45 % du montant total des droits à l’ARE sous forme de capital, en deux versements. Pour en bénéficier, il faut :
Depuis le 1er avril 2025, le second versement de l’ARCE est conditionné à l’absence d’un CDI à temps plein, conformément au Règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024, articles 32 bis et 35.
Les régions peuvent proposer un accompagnement renforcé à la création d’entreprise, issu de la réforme du dispositif NACRE depuis 2017. Il s’agit de programmes sur-mesure : aide à la structuration juridique, mentorat, coaching financier, etc., accessibles selon des critères propres à chaque région.
La suite peut aborder :
La démission pour création ou reprise d’entreprise n’est pas un saut dans le vide, à condition de s’y préparer juridiquement et stratégiquement. Grâce à un cadre réglementaire spécifique, le salarié peut aujourd’hui quitter son CDI tout en maintenant un filet de sécurité financière, via l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), sous réserve d’avoir respecté chaque exigence procédurale fixée par les textes en vigueur.
Le respect scrupuleux des étapes – demande de CEP, élaboration du projet, validation par Transitions Pro, inscription à France Travail – est la condition sine qua non pour bénéficier d’un droit au chômage légitimé par un projet sérieux et cohérent. Le caractère réel et sérieux de ce projet, notion juridique centrale issue de l’arrêté du 23 octobre 2019, conditionne l’accès aux dispositifs indemnitaires et aux aides à la création d’entreprise, telles que l’ACRE ou l’ARCE.
Au-delà de la procédure, le passage du salariat à l’entrepreneuriat est également un changement de paradigme, qui nécessite une réflexion approfondie sur ses droits, ses obligations, ses sources de financement, ainsi que les dispositifs régionaux d’accompagnement désormais disponibles en complément du droit commun.
L’équipe de defendstesdroits.fr accompagne les justiciables à chaque étape de leur parcours professionnel, en fournissant une information juridique fiable, actualisée et accessible, afin de transformer l’ambition entrepreneuriale en un projet sécurisé et juridiquement fondé.
En principe, une démission volontaire n’ouvre pas droit à l’allocation chômage, sauf si elle est considérée comme légitime. Or, la démission motivée par un projet réel et sérieux de création ou de reprise d’entreprise peut constituer un cas légitime d’ouverture des droits à l’ARE, sous conditions strictes.
Depuis le 1er novembre 2019, ce droit est encadré par le Règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024 relative à l’assurance chômage. Le salarié doit :
Une simple volonté de se lancer ne suffit pas : le projet doit être construit, évalué et reconnu comme viable.
Pour que votre démission vous donne droit à l’ARE, vous devez suivre une procédure rigoureuse en huit étapes :
⚠️ Si vous démissionnez avant la validation de votre projet, vous perdez vos droits au chômage. Le respect chronologique des étapes est fondamental.
Les risques sont majeurs. Si vous ne respectez pas l’ordre des démarches, vous pouvez :
Par ailleurs, si la commission Transitions Pro rejette votre projet, vous ne pouvez plus bénéficier de cette procédure pour ce projet précis. Un recours gracieux est possible dans un délai de 2 mois suivant la notification de refus, mais il ne suspend pas le délai d’inscription auprès de France Travail.
En plus de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), d’autres dispositifs de soutien financier à l’entrepreneuriat existent :
💡 Astuce : Il est possible de cumuler ARE et revenus d'activité sous certaines conditions, ce qui permet de sécuriser sa trésorerie pendant le lancement.
Après avoir obtenu l’attestation du caractère réel et sérieux de votre projet de la part de Transitions Pro, vous disposez d’un délai maximum de 6 mois pour vous inscrire sur les listes de demandeurs d’emploi auprès de France Travail.
Cette inscription est indispensable pour déclencher vos droits à l’allocation chômage (ARE).
À l’issue de l’inscription :
En cas d’absence de justification, vous risquez :