Civil

Réforme de l’indivision : ce qui va changer pour vendre ou gérer un bien hérité

Jordan Alvarez
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Logements indivis : bientôt une sortie d’indivision accélérée ?

Une réforme du Code civil au service de la lutte contre les logements vacants

Une proposition de loi ambitieuse adoptée en première lecture

Dans un contexte de crise du logement marqué par la multiplication des logements vacants et l’inertie de certaines successions bloquées, l’Assemblée nationale a adopté le 6 mars 2025, en première lecture, une proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale. Ce texte déposé le 21 janvier 2025 ambitionne de réduire la durée des indivisions, notamment successorales, responsables de situations de carence dans la gestion et la valorisation de biens immobiliers.

Pour ce faire, plusieurs réformes majeures sont envisagées : des aménagements immédiats de pouvoir judiciaire, l’élargissement des prérogatives de l’administration des domaines, l’abaissement des seuils de majorité entre indivisaires, ainsi que l’extension de dispositifs expérimentés en outre-mer à l’ensemble du territoire. Objectif : fluidifier les procédures de partage, vendre les biens plus rapidement, et éviter leur abandon.

Une reprise en main judiciaire de l’indivision : nouveaux leviers procéduraux

L’administration des domaines pourrait vendre les biens indivis en cas de vacance successorale

La création d’un article 815-5-2 dans le Code civil permettrait au juge judiciaire d’autoriser l’autorité administrative chargée des domaines à aliéner un bien indivis par licitation dans deux cas cumulatifs :

  • L’indivision dure depuis plus de 10 ans ;
  • Un indivisaire est décédé depuis plus de deux ans et sa succession est déclarée vacante, et l’identité ou l’adresse d’autres indivisaires est inconnue, malgré des diligences.

Ce nouveau levier juridique vise à éviter que des immeubles soient gelés pendant des années, faute d’accord ou de représentativité suffisante des indivisaires. Le juge reste garant d’un équilibre proportionné, puisque l’aliénation ne peut être autorisée que si elle ne porte pas une atteinte excessive aux droits des indivisaires connus.

🔍 Contexte juridique :
L’article L.2223-17 du Code général de la propriété des personnes publiques prévoit déjà l’intervention de l’État comme curateur de succession vacante, mais sa capacité à vendre les immeubles est strictement encadrée. Cette réforme donne à l’administration des domaines une arme procédurale plus offensive pour débloquer des biens devenus inexploitables.

Moins de blocages entre indivisaires : la majorité simple pour vendre

L’article 815-5-1 du Code civil prévoit aujourd’hui que les indivisaires détenant au moins deux tiers des droits peuvent demander une autorisation judiciaire de vente. La réforme entend abaisser ce seuil à la majorité simple (plus de 50 % des droits indivis), à condition que :

  • Il n’y ait ni démembrement sur le bien,
  • Aucun indivisaire ne soit présumé absent, hors d’état d’exprimer sa volonté ou placé sous mesure de protection judiciaire.

La procédure resterait formalisée devant notaire, avec un délai de trois mois laissé aux autres indivisaires pour se manifester. En cas d’opposition ou de silence, le notaire dresserait un procès-verbal, permettant la saisine du tribunal judiciaire.

Ce dispositif marque une rupture pragmatique avec l’exigence historique d’unanimité ou de majorité renforcée. Il permettrait à plus de familles d’agir rapidement, surtout en cas de blocage minoritaire.

Vers une gestion plus souple et territorialisée de l’indivision

Partage judiciaire : une expérimentation pour accélérer les procédures

La réforme introduit une procédure expérimentale de partage judiciaire accéléré, applicable pendant 5 ans dans certains ressorts. Elle vise les cas d’inertie d’un indivisaire, souvent responsable de blocages de plusieurs années.

En pratique, si un indivisaire ne répond pas à une mise en demeure de se faire représenter dans le mois, il serait présumé consentant au partage. L’effet serait radical : plus besoin d’une désignation judiciaire formelle d’un représentant. Le partage pourrait avancer malgré l’inertie.

🔍 Éclairage comparé :
Cette procédure s’inspire du droit local alsacien-mosellan (loi du 1er juin 1924), où le notaire commis par le juge dirige les opérations de partage. La proposition de loi envisage même un rapport sur cette procédure locale pour évaluer son extension au reste du territoire.

Extension possible du régime de gestion dérogatoire des biens indivis à usage d’habitation

Actuellement, dans certains territoires ultramarins, un indivisaire peut demander en justice à être autorisé à réaliser seul des travaux ou à louer un bien indivis à usage d’habitation (article 815-7-1 du Code civil). Ce régime dérogatoire, introduit par la loi du 27 décembre 2018, a permis une remise sur le marché de logements dégradés ou vacants.

La proposition de loi prévoit un rapport d’impact sur ce régime dans les six mois suivant la promulgation de la loi, en vue d’un possible déploiement à l’échelle nationale. Si tel était le cas, un indivisaire pourrait seul, sur autorisation judiciaire :

  • Engager des travaux de rénovation ;
  • Conclure un bail d’habitation principale.

Ce serait un bouleversement majeur des règles de gestion en indivision, traditionnellement soumises à une majorité des deux tiers (article 815-3 C. civ.) voire à l’unanimité.

Un équilibre délicat entre efficacité et garanties

Si cette réforme marque un changement de paradigme en matière d’indivision successorale, elle soulève des questions sur la protection des droits des coïndivisaires, notamment ceux absents, vulnérables ou désintéressés. Le recours au juge judiciaire reste cependant systématique, garantissant un filtre de proportionnalité.

En réduisant la durée des indivisions, en facilitant la sortie amiable ou judiciaire et en réaffirmant la finalité d’utilité publique des logements, cette réforme se veut un levier au service de la lutte contre la vacance immobilière.

Conclusion : Pour les héritiers, copropriétaires ou praticiens

Que vous soyez héritier bloqué dans une indivision conflictuelle, praticien du droit successoral, notaire ou gestionnaire de patrimoine, cette proposition de loi modifie profondément la donne. Elle invite à anticiper, à documenter les désaccords, et à envisager des stratégies de sortie d’indivision plus dynamiques, notamment en s’appuyant sur la voie judiciaire.

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