Civil

Réforme des MARD et de l’instruction civile : ce que change le décret n° 2025-660 pour les justiciables

Estelle Marant
Collaboratrice
Partager

Réforme de l’instruction conventionnelle et recodification des MARD : ce que change le décret n° 2025‑660 pour les justiciables

Depuis le 19 juillet 2025, un nouveau décret modifie en profondeur le déroulement d’un procès civil. Il s’agit du décret n° 2025‑660 du 18 juillet 2025, qui réforme à la fois l’instruction conventionnelle et les modes amiables de résolution des différends (MARD).

Pour le justiciable, cela signifie plus de souplesse, plus de responsabilité, mais aussi un changement de culture face au juge.

Jusqu’à présent, dans tout litige civil, on avait tendance à s’en remettre automatiquement au juge pour faire avancer le dossier. Désormais, sauf exceptions, c’est aux parties de structurer elles-mêmes la mise en état de leur affaire.

Autrement dit, elles fixent le rythme de la procédure et échangent leurs arguments dans un cadre qu’elles définissent par accord, sans intervention du juge tant qu’aucun problème n’est soulevé.

Le rôle du magistrat est recentré sur l’homologation ou la résolution des points de blocage.

Ce changement est majeur, mais il ne vient pas seul. Le décret procède également à une recodification complète des règles relatives à la médiation, la conciliation et la procédure participative. Tous ces dispositifs sont désormais regroupés au sein du Code de procédure civile, dans une structure plus cohérente et plus accessible.

Pour les personnes confrontées à un litige ou à une procédure judiciaire, il est essentiel de comprendre ce que cette réforme implique, tant en termes de stratégie que de droits concrets.

Le décret pose d’abord un nouveau principe directeur, celui de la coopération entre le juge et les parties. Cela signifie que le juge peut désormais inviter, à tout moment, les parties à recourir à un mode amiable de résolution du différend.

En clair, si un conflit peut être résolu par le dialogue, le juge ne sera plus automatiquement saisi. Il peut suspendre l’instance pour laisser une chance à une solution amiable, par exemple par une médiation ou une procédure participative.

La mise en état conventionnelle devient la règle : cela signifie que dans la plupart des affaires, les parties fixent ensemble un calendrier d’échange d’écritures, sous le contrôle du juge. Elles peuvent aussi signer une convention de procédure participative, accompagnées de leurs avocats, pour organiser l’avancement du dossier et, si besoin, désigner ensemble un technicien pour éclairer certains points du litige (techniques, financiers, etc.).

Ce technicien n’est plus nommé par le juge mais choisi d’un commun accord.

Cette instruction dite "conventionnelle" se substitue à l’instruction judiciaire classique, où un magistrat de mise en état fixait les dates et relançait les avocats. Cela veut dire plus de liberté, mais aussi plus de rigueur : les parties doivent être réactives, structurées, et prêtes à justifier de leurs démarches.

L’objectif est de désengorger les tribunaux, tout en renforçant l’efficacité de la justice.

Ce changement s’accompagne d’une recodification complète des MARD, c’est-à-dire des dispositifs qui permettent de résoudre un litige sans procès. Il s’agit par exemple :

  • de la médiation conventionnelle,
  • de la conciliation menée par un conciliateur de justice,
  • ou encore de la procédure participative, dans laquelle les avocats négocient un accord écrit entre les parties.

Le décret réunit toutes ces règles dans un titre unique du Code de procédure civile. Cela facilite leur lisibilité et leur mobilisation par les justiciables. Il n’est désormais plus nécessaire de consulter plusieurs textes pour savoir comment fonctionne une conciliation ou comment faire homologuer un accord amiable.

Concrètement, qu’est-ce que cela change pour vous, justiciable ?

D’abord, si vous envisagez une procédure, sachez qu’il vous sera souvent demandé d’avoir d’abord tenté une résolution amiable du litige.

Cela pourra passer par un courrier, un échange formel, voire une médiation ou une procédure participative avec avocat. Si vous entamez directement une procédure judiciaire sans ces démarches, le juge pourra vous demander pourquoi et, dans certains cas, refuser d’examiner l’affaire immédiatement.

Ensuite, une fois la procédure lancée, vous aurez sans doute à organiser avec la partie adverse la mise en état.

Cela veut dire fixer ensemble un calendrier de procédure (dates de conclusions, délais de réponse, etc.) et, éventuellement, prévoir la désignation d’un expert amiablement choisi.

Enfin, si vous parvenez à un accord, vous pourrez demander son homologation au juge, qui lui donnera force exécutoire, c’est-à-dire la même force qu’un jugement. Cela permettra d’éviter des délais de jugement, tout en bénéficiant d’une solution juridiquement sécurisée.

Et si vous êtes déjà en procédure ?

Les dispositions relatives à la recodification des MARD s’appliqueront à toutes les affaires en cours à compter du 1ᵉʳ septembre 2025. En revanche, les nouvelles règles sur la mise en état conventionnelle ne s’appliqueront qu’aux instances engagées après cette date.

Cela signifie que si vous êtes déjà en procès, votre avocat devra vérifier si vous relevez ou non des nouvelles règles de procédure.

En résumé, ce décret marque un véritable changement de paradigme.

Le justiciable n’est plus simplement "l’utilisateur" d’un système judiciaire vertical : il devient un acteur de la procédure, invité à dialoguer, à négocier, et à construire, avec son avocat et la partie adverse, un déroulement du litige qui ne repose plus uniquement sur le juge.

Ce changement peut paraître exigeant. Il l’est.

Mais il permet aussi de gagner du temps, de réduire les frais de justice, et surtout de préserver les relations dans les litiges où un accord reste possible. Pour tirer pleinement parti de cette réforme, l’accompagnement par un professionnel du droit est fortement conseillé.

Les tribunaux ne sont plus l’unique voie : la justice de demain se construit aussi en dehors des salles d’audience, autour de la table de discussion, dans un cadre encadré, sécurisé, et désormais pleinement reconnu par la loi.

Articles Récents

Besoin d'aide ?

Nos équipes sont là pour vous guider !

Thank you! Your submission has been received!
Oops! Something went wrong while submitting the form.