La démission est l’un des modes classiques de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié. Elle marque une volonté personnelle de mettre fin à la relation professionnelle et ne dépend pas de l’accord de l’employeur. Pourtant, dans la pratique, certains employeurs sont tentés de refuser le départ d’un salarié en raison de ses compétences, de son rôle clé dans l’organisation ou du contexte économique de l’entreprise. Cette situation soulève une question essentielle : l’employeur peut-il s’opposer à la démission de son salarié ?
Le Code du travail encadre cette problématique avec précision. Alors que le salarié en CDI bénéficie d’une liberté quasi absolue de démissionner (article L1231-1), le salarié en CDD est soumis à des règles plus strictes qui limitent les cas de rupture anticipée (article L1243-2). En outre, la jurisprudence rappelle que la démission doit être une manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié (Cass. soc., 9 mai 2007, n°05-40315), ce qui impose une vigilance particulière à l’employeur.
Dans ce contexte, il est essentiel de distinguer les régimes applicables selon le type de contrat, de comprendre les obligations de l’employeur face à une démission et de connaître les situations particulières, comme l’abandon de poste assimilé à une démission introduit par la réforme du 21 décembre 2022.
Le salarié en CDI peut démissionner à tout moment (article L1231-1 du Code du travail). L’employeur n’a aucun pouvoir d’opposition dès lors que la décision est libre et éclairée. Ce droit est d’ordre public (article L1231-4 du Code du travail) : aucune convention collective ni clause contractuelle ne peut y déroger.
La Cour de cassation rappelle que la démission doit être une manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de rompre le contrat (Cass. soc., 9 mai 2007, n°05-40315). L’employeur doit donc vérifier que la décision n’est pas affectée par :
Si la démission est entachée d’ambiguïté, elle peut être requalifiée en prise d’acte, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur ne peut pas s’opposer à la démission mais conserve le droit d’exiger le respect du préavis prévu par la loi, la convention collective ou le contrat. À défaut, il peut réclamer une indemnité compensatrice (article L1237-1 du Code du travail).
Le salarié en CDD ne peut pas démissionner librement, car son contrat comporte une échéance déterminée. Il doit en principe aller jusqu’à son terme, sauf exceptions prévues par le Code du travail.
Un salarié en CDD peut rompre son contrat avant son terme uniquement :
En dehors de ces cas, une démission unilatérale constitue une rupture abusive, ouvrant droit à indemnisation au profit de l’employeur.
Un CDD peut aussi être rompu avant son terme en cas de :
Dans ces hypothèses, la rupture ne s’analyse pas comme une démission mais comme une fin de contrat encadrée par la loi.
Un salarié en CDI qui a présenté sa démission peut parfois souhaiter se rétracter. En principe, une fois la démission notifiée, elle est irrévocable : l’employeur n’a aucune obligation d’accepter le retour en arrière.
Toutefois, la jurisprudence apporte une nuance importante. Si la démission n’est pas une manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de mettre fin à son contrat, elle peut être contestée. Par exemple, une démission donnée sous l’effet de la colère, d’un conflit ponctuel ou d’une pression psychologique ne reflète pas une intention libre et réfléchie. Dans ce cas, les juges prud’homaux peuvent considérer que la démission est nulle ou la requalifier en prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 9 mai 2007, n°05-40315).
En pratique, si un salarié revient sur sa décision très rapidement, l’employeur doit analyser le contexte :
Dans le doute, l’employeur doit être prudent et, le cas échéant, solliciter un avis juridique avant de refuser la rétractation, afin d’éviter un contentieux ultérieur.
Depuis la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022, un nouveau régime a été introduit à l’article L1237-1-1 du Code du travail : désormais, un salarié qui abandonne volontairement son poste peut être présumé démissionnaire.
Concrètement, lorsqu’un salarié cesse de se présenter au travail sans justification, l’employeur doit lui adresser une mise en demeure de reprendre son poste dans un délai raisonnable. Si le salarié ne répond pas ou ne revient pas travailler, il sera considéré comme ayant démissionné de son contrat.
Cette réforme marque une rupture avec la pratique antérieure. Avant 2022, l’abandon de poste donnait généralement lieu à un licenciement pour faute grave, ce qui ouvrait droit aux allocations chômage. Désormais, la présomption de démission ferme l’accès à l’assurance chômage, sauf exceptions prévues par la réglementation de Pôle emploi (notamment si le salarié peut démontrer un motif légitime de son absence).
L’objectif du législateur est double :
Il appartient donc aux employeurs de maîtriser cette nouvelle procédure et aux salariés de comprendre que l’abandon de poste ne constitue plus un moyen d’obtenir des droits au chômage.
La démission illustre l’équilibre entre la liberté contractuelle du salarié et les impératifs de sécurité juridique pour l’employeur. Dans le cadre du CDI, l’employeur n’a aucun pouvoir de refus : la décision appartient exclusivement au salarié, à condition qu’elle soit exprimée de manière claire, libre et non équivoque. Toute contestation de la validité de la démission ne peut se faire que devant le juge, et non par une opposition de l’employeur.
En revanche, le régime du CDD rappelle que le contrat à durée déterminée est conçu pour aller à son terme. La rupture anticipée par démission est strictement limitée aux hypothèses légales (accord mutuel ou embauche en CDI). Dans les autres cas, une démission unilatérale est considérée comme abusive et ouvre droit à réparation pour l’employeur.
L’introduction de l’abandon de poste assimilé à une démission témoigne de la volonté du législateur de renforcer la sécurité juridique et d’éviter les départs déguisés. Pour les employeurs, il est donc indispensable de maîtriser ces règles, d’exiger le respect du préavis, de sécuriser la gestion administrative de la rupture et d’éviter toute réaction inappropriée face à une démission. Pour les salariés, connaître leurs droits permet de faire valoir une rupture licite et de se protéger contre toute remise en cause abusive de leur décision.
1. L’employeur peut-il refuser la démission d’un salarié en CDI ?
Non, un employeur n’a aucun droit de refus lorsqu’un salarié en CDI décide de démissionner. L’article L1231-1 du Code du travail prévoit que la rupture du contrat à durée indéterminée peut intervenir à l’initiative du salarié, à condition que cette décision soit claire et non équivoque.
Le droit de démissionner est qualifié d’ordre public (article L1231-4), ce qui signifie qu’aucune convention collective ni aucun contrat ne peut restreindre cette liberté.
Exemple pratique : si un salarié présente sa lettre de démission en bonne et due forme, l’employeur est tenu d’en prendre acte. Il peut toutefois exiger le respect du préavis, sauf dispense convenue entre les parties.
2. Quelles sont les conditions pour qu’une démission soit valable ?
La démission doit répondre à plusieurs critères :
3. Un salarié en CDD peut-il démissionner avant le terme prévu ?
En principe, le salarié en CDD ne peut pas quitter son emploi avant la fin du contrat, car la durée a été fixée d’avance. Toutefois, l’article L1243-2 du Code du travail prévoit deux exceptions :
4. Un salarié peut-il revenir sur sa décision de démissionner ?
Le principe est qu’une démission, une fois notifiée, est définitive. L’employeur n’a pas l’obligation d’accepter la rétractation du salarié. Cependant, la jurisprudence distingue deux situations :
5. Quelles sont les conséquences de l’abandon de poste depuis 2023 ?
La loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 a introduit l’article L1237-1-1 du Code du travail : désormais, un salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail dans le délai fixé par l’employeur est présumé démissionnaire.
Avant cette réforme, l’abandon de poste entraînait généralement un licenciement pour faute grave, permettant au salarié d’accéder à l’assurance chômage. Désormais, cette possibilité est fermée : la présomption de démission prive le salarié des allocations chômage, sauf exceptions.
Exemple : si un salarié cesse de venir travailler sans justification, l’employeur doit lui adresser une mise en demeure de reprendre son poste. S’il ne répond pas, il sera réputé avoir démissionné. Cela protège l’entreprise contre des situations de blocage et renforce la sécurité juridique de la rupture.