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Remboursement des frais de constitution : conditions, procédure et traitement comptable

Francois Hagege
Fondateur
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Dépenses engagées avant immatriculation : tout savoir sur leur remboursement

Créer une entreprise est une aventure exigeante, marquée par des choix stratégiques et des démarches juridiques et administratives souvent lourdes. Avant même que la société n’acquière sa personnalité morale par son immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS), les associés ou le futur dirigeant doivent généralement avancer des frais indispensables : signature d’un bail commercial, honoraires d’avocats, frais de greffe, achat de matériel, ouverture d’un site internet ou encore souscription à une assurance professionnelle. Ces dépenses, assumées sur fonds personnels, sont pourtant effectuées dans l’intérêt exclusif de la société en formation.

Le législateur a prévu un mécanisme précis afin que ces frais puissent être légalement remboursés une fois la société constituée : la reprise des actes passés pour son compte (article L210-6 du Code de commerce). Encore faut-il savoir distinguer les dépenses éligibles, respecter les conditions posées par la loi et mettre en œuvre les bonnes pratiques comptables et fiscales. L’enjeu n’est pas seulement de récupérer des sommes parfois importantes, mais aussi de sécuriser la situation juridique de la société et de ses associés, en évitant que des engagements personnels ne restent indéfiniment à leur charge.

Ainsi, comprendre le régime applicable au remboursement des frais de création constitue une étape essentielle pour tout porteur de projet. Cet article revient en détail sur les frais remboursables, les modalités juridiques de reprise des actes, le traitement comptable des dépenses ainsi que la récupération de la TVA.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Quels sont les frais remboursables ?
  3. Quelles conditions pour être remboursé ?
  4. La reprise des actes : procédure de remboursement
  5. Le traitement comptable des frais de création
  6. Le remboursement de la TVA sur les frais engagés
  7. Conclusion

Quels sont les frais remboursables ?

Lorsqu’une société est encore en formation, elle n’a pas encore de personnalité morale et ne peut donc agir en son nom propre. Conformément à l’article L210-6 du Code de commerce, ce sont souvent les associés fondateurs ou les dirigeants qui engagent les dépenses nécessaires au lancement de l’activité.

Ces frais peuvent être classés en trois catégories :

  • les charges courantes : fournitures, primes d’assurance, honoraires de conseils ;
  • les immobilisations : acquisition de matériel technique, de logiciels, de véhicules, ou frais liés à la conception d’un site internet ;
  • les frais liés aux locaux : dépôt de garantie, loyers initiaux, travaux d’aménagement.

Ces dépenses, si elles sont directement liées à la création, sont en principe remboursables par la société une fois immatriculée.

Quelles conditions pour obtenir le remboursement ?

Le remboursement des frais engagés suppose plusieurs conditions cumulatives :

  • les dépenses doivent avoir été faites personnellement pour le compte de la société en formation ;
  • elles doivent être justifiées par des factures précises, mentionnant si possible la dénomination sociale prévue ;
  • elles doivent avoir été exposées dans un délai raisonnable : la pratique et la doctrine comptable fixent généralement une limite de 6 mois avant l’immatriculation.

La Cour de cassation, dans un arrêt récent (Cass. com., 29 novembre 2023, n° 22-18.295), rappelle qu’il n’est pas strictement nécessaire que l’acte mentionne explicitement la formule « pour le compte de la société en formation ». Le juge peut apprécier l’intention des parties et la finalité de la dépense pour en déterminer la validité.

La reprise des actes : procédure de remboursement

La technique juridique permettant à la société d’assumer ces frais est appelée reprise des actes accomplis pour son compte. Trois modalités existent :

Par voie statutaire

Les statuts peuvent comporter une clause de reprise, accompagnée en annexe de la liste des actes et dépenses effectués avant l’immatriculation. Dans ce cas, la reprise est automatique à la signature des statuts.

Par mandat spécial

Un associé fondateur (ou un tiers) peut recevoir un mandat avant l’immatriculation, lui permettant d’agir au nom de la société. À l’immatriculation, ces actes sont automatiquement repris.

Par décision des associés

Si aucun des deux mécanismes précédents n’a été prévu, la première assemblée générale après l’immatriculation peut voter la reprise, à la majorité simple, des actes accomplis.

Attention : à défaut de reprise, les dépenses restent à la charge personnelle de l’associé ou du dirigeant qui les a engagées.

Le traitement comptable des frais de création

Les frais de constitution peuvent être intégrés en comptabilité de deux façons :

  • en charges immédiates, permettant leur déduction totale du bénéfice imposable dès le premier exercice ;
  • en frais d’établissement, amortissables sur une durée maximale de cinq ans, ce qui permet d’étaler leur impact sur la trésorerie et le résultat comptable.

Le remboursement effectif à l’associé peut prendre la forme :

  • d’un virement après l’immatriculation, une fois le capital social libéré ;
  • d’une inscription au compte courant d’associé, créant une créance exigible contre la société.

Dans le cadre d’une entreprise individuelle, ces frais sont simplement affectés au compte personnel de l’entrepreneur.

Le remboursement de la TVA sur les frais engagés

Sous réserve que la société ait opté pour le régime de la TVA déductible, il est possible de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée réglée par l’associé avant l’immatriculation.

Conditions :

  • la facture doit mentionner la TVA distinctement ;
  • la dépense doit concerner l’activité future de l’entreprise ;
  • la demande de récupération est possible dès la première déclaration de TVA de la société.

En revanche, les entreprises placées sous le régime de franchise en base de TVA (article 293 B du Code général des impôts) ne peuvent pas bénéficier de ce remboursement.

Conclusion

La question du remboursement des frais de création d’entreprise ne doit jamais être sous-estimée. Nombre d’associés avancent des sommes significatives avant l’immatriculation, convaincus qu’elles seront automatiquement reprises par la société. Or, la loi encadre strictement cette possibilité et impose des conditions de forme et de preuve qu’il convient de respecter. En pratique, la sécurisation de ces dépenses passe par une anticipation rigoureuse : insertion d’une clause de reprise dans les statuts, établissement de justificatifs précis, tenue d’un état récapitulatif des dépenses et, le cas échéant, adoption d’une décision des associés dès la première assemblée générale.

Sur le plan comptable et fiscal, le choix entre une déduction immédiate en charges ou un amortissement sur plusieurs exercices doit être réfléchi, en fonction de la stratégie financière de la société. De même, la récupération de la TVA peut constituer un avantage substantiel pour alléger le coût réel des investissements initiaux, à condition de ne pas être soumis à la franchise en base.

En définitive, maîtriser le mécanisme de reprise des actes permet d’éviter que la charge des frais de constitution ne pèse durablement sur les associés et garantit une meilleure transparence dans les relations financières entre fondateurs et société. Pour sécuriser vos démarches, il est fortement recommandé de vous entourer d’un expert-comptable et, lorsque la situation le justifie, d’un avocat en droit des sociétés, afin de garantir la conformité de chaque étape avec les textes applicables.

FAQ

1. Quels frais peuvent être remboursés lors de la création d’une entreprise ?
Les frais de création d’entreprise sont nombreux et souvent supportés par les associés avant l’immatriculation. Ils se classent en trois catégories :

  • les charges courantes : honoraires de conseils (avocats, experts-comptables), frais de greffe, frais de publication dans un journal d’annonces légales, assurances professionnelles, fournitures ;
  • les immobilisations : acquisition de matériel informatique, achat de mobilier, véhicules, logiciels ;
  • les frais liés aux locaux : dépôt de garantie versé au bailleur, premiers loyers, travaux d’aménagement.
    Conformément à l’article L210-6 du Code de commerce, ces dépenses sont considérées comme faites pour le compte de la société en formation et peuvent donc être reprises par celle-ci, à condition qu’elles soient nécessaires et directement rattachées au projet entrepreneurial.

2. Quelles sont les conditions légales pour obtenir le remboursement des frais de création ?
Pour être valablement remboursés, les frais doivent répondre à plusieurs critères cumulatifs :

  • Lien direct avec la création de l’entreprise : seules les dépenses liées à la constitution de la société peuvent être reprises. Par exemple, l’achat d’un ordinateur utilisé exclusivement pour l’activité future est éligible, tandis qu’un achat d’ordre personnel ne l’est pas.
  • Justificatifs précis : les factures doivent être conservées, idéalement au nom de la future société (même si elle n’est pas encore immatriculée).
  • Délai limité : les dépenses doivent en principe avoir été effectuées dans les 6 mois précédant l’immatriculation.
    La jurisprudence (Cass. com., 29 novembre 2023, n° 22-18.295) précise que l’absence de mention expresse « pour le compte de la société en formation » n’invalide pas la reprise, mais cette mention reste une sécurité juridique recommandée.

3. Comment fonctionne la reprise des actes d’une société en formation ?
La reprise est le mécanisme par lequel la société prend à sa charge les frais engagés avant son immatriculation. Trois méthodes sont prévues :

  • La clause statutaire : les statuts peuvent lister les dépenses effectuées avant la signature. Dès leur enregistrement, la reprise est automatique.
  • Le mandat spécial : un associé ou un tiers reçoit mandat pour agir au nom de la société en formation. Lors de l’immatriculation, ces actes sont automatiquement repris.
  • La décision des associés : lors de la première assemblée générale, les associés peuvent voter la reprise des dépenses engagées.
    À défaut, l’associé reste personnellement responsable des dépenses, ce qui peut générer des litiges si les montants sont élevés.

4. Comment enregistrer les frais de création dans la comptabilité de l’entreprise ?
Dès l’immatriculation, deux traitements comptables sont possibles :

  • En charges immédiatement déductibles : les frais sont inscrits au compte de résultat et viennent réduire le bénéfice imposable de l’exercice en cours. Cette option est favorable si les dépenses sont limitées.
  • En frais d’établissement : ils sont inscrits à l’actif du bilan et amortis sur une durée maximale de 5 ans (article 212-1 du Plan comptable général). Cela permet de lisser les charges si les frais sont importants, comme des travaux ou du matériel coûteux.
    Le remboursement effectif peut se faire soit par virement bancaire une fois le capital débloqué, soit par l’inscription d’une créance en compte courant d’associé. Dans ce dernier cas, l’associé peut récupérer ses fonds ultérieurement ou les laisser comme apport quasi-capitalistique.

5. Peut-on récupérer la TVA sur les frais de constitution d’une société ?
Oui, la TVA réglée sur les factures de frais de création peut être récupérée, mais sous certaines conditions :

  • La société doit être assujettie à la TVA et avoir opté pour ce régime dès sa constitution. Les entreprises relevant de la franchise en base de TVA (article 293 B du Code général des impôts) ne peuvent pas obtenir de remboursement.
  • Les factures doivent mentionner distinctement la TVA. Une facture simplifiée ou sans TVA n’ouvre aucun droit à déduction.
  • La récupération s’effectue lors de la première déclaration de TVA de la société.
    Exemple : un associé achète pour 1 200 € TTC de matériel (dont 200 € de TVA) avant immatriculation. Si la société reprend l’acte et est assujettie à la TVA, elle pourra récupérer 200 €, ramenant le coût réel du matériel à 1 000 €.

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