Créer une entreprise est une aventure exigeante, marquée par des choix stratégiques et des démarches juridiques et administratives souvent lourdes. Avant même que la société n’acquière sa personnalité morale par son immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS), les associés ou le futur dirigeant doivent généralement avancer des frais indispensables : signature d’un bail commercial, honoraires d’avocats, frais de greffe, achat de matériel, ouverture d’un site internet ou encore souscription à une assurance professionnelle. Ces dépenses, assumées sur fonds personnels, sont pourtant effectuées dans l’intérêt exclusif de la société en formation.
Le législateur a prévu un mécanisme précis afin que ces frais puissent être légalement remboursés une fois la société constituée : la reprise des actes passés pour son compte (article L210-6 du Code de commerce). Encore faut-il savoir distinguer les dépenses éligibles, respecter les conditions posées par la loi et mettre en œuvre les bonnes pratiques comptables et fiscales. L’enjeu n’est pas seulement de récupérer des sommes parfois importantes, mais aussi de sécuriser la situation juridique de la société et de ses associés, en évitant que des engagements personnels ne restent indéfiniment à leur charge.
Ainsi, comprendre le régime applicable au remboursement des frais de création constitue une étape essentielle pour tout porteur de projet. Cet article revient en détail sur les frais remboursables, les modalités juridiques de reprise des actes, le traitement comptable des dépenses ainsi que la récupération de la TVA.
Lorsqu’une société est encore en formation, elle n’a pas encore de personnalité morale et ne peut donc agir en son nom propre. Conformément à l’article L210-6 du Code de commerce, ce sont souvent les associés fondateurs ou les dirigeants qui engagent les dépenses nécessaires au lancement de l’activité.
Ces frais peuvent être classés en trois catégories :
Ces dépenses, si elles sont directement liées à la création, sont en principe remboursables par la société une fois immatriculée.
Le remboursement des frais engagés suppose plusieurs conditions cumulatives :
La Cour de cassation, dans un arrêt récent (Cass. com., 29 novembre 2023, n° 22-18.295), rappelle qu’il n’est pas strictement nécessaire que l’acte mentionne explicitement la formule « pour le compte de la société en formation ». Le juge peut apprécier l’intention des parties et la finalité de la dépense pour en déterminer la validité.
La technique juridique permettant à la société d’assumer ces frais est appelée reprise des actes accomplis pour son compte. Trois modalités existent :
Les statuts peuvent comporter une clause de reprise, accompagnée en annexe de la liste des actes et dépenses effectués avant l’immatriculation. Dans ce cas, la reprise est automatique à la signature des statuts.
Un associé fondateur (ou un tiers) peut recevoir un mandat avant l’immatriculation, lui permettant d’agir au nom de la société. À l’immatriculation, ces actes sont automatiquement repris.
Si aucun des deux mécanismes précédents n’a été prévu, la première assemblée générale après l’immatriculation peut voter la reprise, à la majorité simple, des actes accomplis.
Attention : à défaut de reprise, les dépenses restent à la charge personnelle de l’associé ou du dirigeant qui les a engagées.
Les frais de constitution peuvent être intégrés en comptabilité de deux façons :
Le remboursement effectif à l’associé peut prendre la forme :
Dans le cadre d’une entreprise individuelle, ces frais sont simplement affectés au compte personnel de l’entrepreneur.
Sous réserve que la société ait opté pour le régime de la TVA déductible, il est possible de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée réglée par l’associé avant l’immatriculation.
Conditions :
En revanche, les entreprises placées sous le régime de franchise en base de TVA (article 293 B du Code général des impôts) ne peuvent pas bénéficier de ce remboursement.
La question du remboursement des frais de création d’entreprise ne doit jamais être sous-estimée. Nombre d’associés avancent des sommes significatives avant l’immatriculation, convaincus qu’elles seront automatiquement reprises par la société. Or, la loi encadre strictement cette possibilité et impose des conditions de forme et de preuve qu’il convient de respecter. En pratique, la sécurisation de ces dépenses passe par une anticipation rigoureuse : insertion d’une clause de reprise dans les statuts, établissement de justificatifs précis, tenue d’un état récapitulatif des dépenses et, le cas échéant, adoption d’une décision des associés dès la première assemblée générale.
Sur le plan comptable et fiscal, le choix entre une déduction immédiate en charges ou un amortissement sur plusieurs exercices doit être réfléchi, en fonction de la stratégie financière de la société. De même, la récupération de la TVA peut constituer un avantage substantiel pour alléger le coût réel des investissements initiaux, à condition de ne pas être soumis à la franchise en base.
En définitive, maîtriser le mécanisme de reprise des actes permet d’éviter que la charge des frais de constitution ne pèse durablement sur les associés et garantit une meilleure transparence dans les relations financières entre fondateurs et société. Pour sécuriser vos démarches, il est fortement recommandé de vous entourer d’un expert-comptable et, lorsque la situation le justifie, d’un avocat en droit des sociétés, afin de garantir la conformité de chaque étape avec les textes applicables.
1. Quels frais peuvent être remboursés lors de la création d’une entreprise ?
Les frais de création d’entreprise sont nombreux et souvent supportés par les associés avant l’immatriculation. Ils se classent en trois catégories :
2. Quelles sont les conditions légales pour obtenir le remboursement des frais de création ?
Pour être valablement remboursés, les frais doivent répondre à plusieurs critères cumulatifs :
3. Comment fonctionne la reprise des actes d’une société en formation ?
La reprise est le mécanisme par lequel la société prend à sa charge les frais engagés avant son immatriculation. Trois méthodes sont prévues :
4. Comment enregistrer les frais de création dans la comptabilité de l’entreprise ?
Dès l’immatriculation, deux traitements comptables sont possibles :
5. Peut-on récupérer la TVA sur les frais de constitution d’une société ?
Oui, la TVA réglée sur les factures de frais de création peut être récupérée, mais sous certaines conditions :