L’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes constitue un principe fondamental du droit du travail européen depuis la fondation de la Communauté économique européenne. Pourtant, plus de soixante ans après son inscription dans les traités, les écarts salariaux persistent. En 2020, selon Eurostat, les femmes gagnaient encore en moyenne 13 % de moins que les hommes dans l’Union européenne, et 15,8 % en France. Ces disparités, nourries par des stéréotypes de genre, une répartition inégale des postes à responsabilité et une faible transparence salariale, traduisent les limites du cadre juridique actuel.
Face à ce constat, l’Union européenne a décidé d’agir avec force. Le 10 mai 2023, elle a adopté la directive (UE) 2023/970, véritable tournant en matière de transparence des rémunérations. Ce texte ambitieux impose aux États membres, dont la France, de renforcer leurs dispositifs de lutte contre les inégalités salariales en s’appuyant sur la transparence, la responsabilité et le droit à l’information.
Sa transposition devra intervenir au plus tard le 7 juin 2026, date à laquelle les entreprises devront être pleinement en conformité avec les nouvelles exigences.
Derrière cette réforme se joue un changement de paradigme : il ne s’agit plus seulement de sanctionner les discriminations lorsqu’elles sont prouvées, mais de prévenir leur apparition en rendant visible et mesurable chaque écart de rémunération. L’objectif est clair : garantir que le même travail ou un travail de valeur égale soit effectivement rémunéré à un niveau identique, indépendamment du sexe du salarié, conformément à l’article L3221-2 du Code du travail et à l’article 157 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Ainsi, la directive 2023/970 instaure un arsenal complet de mesures : obligation de transparence avant l’embauche, communication régulière des écarts salariaux, droit individuel d’accès à l’information, et mécanismes de recours renforcés.
Ces nouvelles règles transformeront durablement les pratiques RH et la gouvernance des entreprises, en plaçant l’égalité salariale au cœur de leur stratégie sociale.
La directive (UE) 2023/970 du 10 mai 2023, publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 17 mai 2023, marque une avancée majeure vers l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Son objectif est clair : rendre les rémunérations plus transparentes afin de faciliter la détection et la correction des discriminations salariales persistantes. Cette directive devra être transposée en droit français au plus tard le 7 juin 2026.
Selon l’article L3221-2 du Code du travail, tout employeur doit assurer une égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, qu’il s’agisse du salaire de base ou d’avantages en nature (article L3221-3). Ces obligations nationales s’inscrivent dans la continuité du principe d’égalité de rémunération inscrit à l’article 157 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et dans la directive 2006/54/CE relative à l’égalité de traitement.
Désormais, les employeurs devront indiquer la rémunération initiale ou la fourchette salariale applicable au poste dans leurs offres d’emploi, conformément à l’article 5 de la directive. Ces montants doivent être déterminés selon des critères objectifs et non sexistes, en s’appuyant sur des éléments tels que les compétences, les qualifications et l’expérience requises.
L’employeur ne pourra plus interroger un candidat sur son historique salarial, une pratique considérée comme contraire à la transparence et à l’égalité. Les dénominations de poste devront également être neutres du point de vue du genre.
Les employeurs devront publier et mettre à disposition des salariés les critères utilisés pour fixer les salaires, leurs progressions et leurs révisions (article 6 de la directive). Ces critères devront être objectifs, neutres et vérifiables, excluant toute référence au sexe du salarié.
Cette exigence favorise une plus grande prévisibilité salariale et contraint les entreprises à justifier toute évolution ou stagnation de salaire par des éléments concrets liés à la performance ou à la compétence, et non à des considérations discriminatoires.
L’article 7 de la directive consacre un droit individuel à l’information salariale. Chaque salarié pourra demander des données sur son salaire et sur la rémunération moyenne des collègues exerçant un travail de même valeur, ventilées par sexe.
L’employeur disposera de deux mois pour répondre. En cas d’absence de réponse, ou de réponse incomplète, le salarié pourra saisir les représentants du personnel ou un organisme spécialisé dans l’égalité professionnelle.
En outre, toute clause interdisant la divulgation de sa rémunération sera réputée nulle en vertu du principe de transparence.
À compter du 7 juin 2027, les entreprises de 250 salariés ou plus devront publier des données chiffrées sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes (article 9). Ces informations incluent :
Les entreprises de 100 à 249 salariés devront publier ces données tous les trois ans, et celles de moins de 100 salariés pourront le faire à titre volontaire.
En France, cette obligation viendra compléter l’actuel Index de l’égalité femmes-hommes (EGAPRO) prévu à l’article L1142-8 du Code du travail.
Lorsque les écarts publiés révèlent une différence injustifiée de plus de 5 % entre les sexes, les employeurs seront tenus de procéder à une évaluation conjointe avec les représentants du personnel (article 10). Cette évaluation devra identifier :
Cette démarche vise à instaurer un dialogue social structuré autour de l’égalité salariale et à encourager la correction rapide des écarts injustifiés.
Reconnaissant les contraintes des petites structures, la directive impose aux États membres d’apporter un soutien technique et juridique aux entreprises de moins de 250 salariés (article 11).
Cet appui pourra prendre la forme de formations, de modèles de rapports ou d’outils d’évaluation pour faciliter la mise en conformité avec la réglementation à venir.
Tout salarié s’estimant victime d’une discrimination salariale pourra obtenir une réparation intégrale du préjudice subi, incluant les arriérés de salaire, les primes, le préjudice moral et les intérêts de retard (articles 14 et 15).
La directive interdit toute limitation du montant des indemnités et précise que la charge de la preuve repose sur l’employeur dès lors que des éléments laissent présumer une inégalité de rémunération.
Ce mécanisme renforce la protection juridique des salariés et incite les employeurs à anticiper les risques contentieux par des politiques salariales équitables et documentées.
En harmonisant les pratiques au sein des États membres, la directive 2023/970 vise à réduire l’écart salarial moyen de 13 % observé dans l’Union européenne, selon les données Eurostat. En France, cet écart atteignait encore 15,8 % en 2020, traduisant la persistance de stéréotypes de genre et d’une répartition inégale des postes à responsabilité.
Cette réforme s’inscrit dans la continuité de la stratégie européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2020-2025, adoptée par la Commission le 5 mars 2020, et impose aux États de revoir leur législation pour garantir une égalité salariale effective et mesurable.
La directive européenne 2023/970 marque une étape déterminante dans la construction d’un marché du travail plus équitable et transparent. En imposant des obligations concrètes de publication, d’information et d’évaluation, elle met fin à une opacité salariale longtemps tolérée et souvent source d’inégalités structurelles.
Pour la France, cette transposition s’annonce comme un choc de conformité sociale : les entreprises devront non seulement ajuster leurs pratiques RH, mais aussi repenser leurs systèmes de classification, de rémunération et de communication interne.
Les employeurs devront anticiper la mise en place d’outils d’audit, de tableaux de bord et de procédures internes pour démontrer la conformité de leur politique salariale aux nouvelles normes européennes.
Du côté des salariés, cette réforme ouvre la voie à une vraie démocratie salariale, où chacun pourra connaître et contester une différence de rémunération injustifiée. À terme, l’objectif est de replacer la valeur du travail au centre de la rémunération, en dépassant les biais historiques et les stéréotypes de genre.
En 2026, la transparence ne sera plus une option, mais une obligation légale et morale pour toutes les entreprises opérant sur le sol européen. Elle participera à renforcer la confiance au sein des organisations et à affirmer que, dans une société moderne, l’égalité de rémunération n’est pas seulement un droit, mais une exigence de justice sociale.
Q1. Qu’impose la directive 2023/970 en matière de transparence salariale ?
La directive (UE) 2023/970 du 10 mai 2023 marque une étape majeure dans la lutte contre les inégalités salariales. Elle impose aux États membres, dont la France, d’introduire des mesures contraignantes pour rendre les rémunérations plus transparentes et garantir une application réelle du principe d’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale.
Les principales obligations comprennent :
Q2. Quelles sont les principales échéances à retenir en France ?
Le calendrier de mise en œuvre s’articule en deux étapes clés :
Q3. Comment définir un “travail de valeur égale” pour comparer les salaires ?
La notion de travail de valeur égale est centrale pour évaluer les écarts de rémunération. Elle ne se limite pas à l’intitulé du poste ou au service concerné, mais repose sur des critères objectifs, définis par le Code du travail (articles L3221-2 et L3221-3) :
Q4. Quelles données sur les écarts femmes-hommes devront être publiées ?
À partir de 2027, les employeurs de 250 salariés ou plus devront publier un ensemble de données chiffrées reflétant la réalité des rémunérations internes. Ces informations comprendront :
Q5. Quels sont les risques en cas de non-conformité ou de discrimination avérée ?
La directive impose des voies de recours effectives et une protection renforcée des victimes. Un salarié qui prouve ou présume une inégalité salariale bénéficie désormais :