Immobilier

Réparations locatives : obligations légales du locataire

Estelle Marant
Collaboratrice
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Locataire : quels travaux sont à votre charge ?

La vie en location repose sur un équilibre contractuel précis entre le bailleur et le locataire. L’un met à disposition un logement répondant aux normes de décence, l’autre s’engage à en assurer un usage paisible et conforme aux termes du bail.

Cet équilibre se traduit notamment dans la répartition des charges liées aux travaux d’entretien et aux réparations du logement. Si les travaux de gros-œuvre incombent au propriétaire, le locataire doit, quant à lui, prendre en charge un certain nombre d’interventions relevant de l’entretien courant ou des réparations locatives.

Ce principe, bien qu’encadré par la loi, est souvent source d’incompréhensions, voire de litiges, en particulier lorsque les limites de responsabilité ne sont pas clairement identifiées. C’est pourquoi il est essentiel d’apporter un éclairage juridique sur ce que recouvrent précisément les travaux à la charge du locataire, en s’appuyant sur les textes en vigueur et la jurisprudence constante.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Entretien courant et réparations locatives : les obligations légales du locataire
  3. Dégradations imputables au locataire : que prévoit la loi ?
  4. Travaux réalisés par le locataire : quels droits et quelles limites ?
  5. Litiges fréquents et recours possibles
  6. FAQ

Entretien courant et réparations locatives : les obligations légales du locataire

Un fondement juridique clair

L’article 7d de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 impose au locataire d’entretenir les locaux loués et d’assurer les menues réparations ainsi que celles rendues nécessaires par l’usage normal des lieux. Ce texte est complété par le décret n°87-712 du 26 août 1987, qui établit une liste exhaustive des réparations à la charge du locataire.

Ces travaux incluent notamment :

  • Le dégorgement des canalisations,
  • L’entretien des joints d’étanchéité,
  • Le détartrage des installations sanitaires et des appareils électroménagers,
  • Le nettoyage régulier des sols, murs, vitres,
  • Le ramonage des conduits de cheminée,
  • La remise en état de menues pièces : interrupteurs, poignées, flexibles de douche, etc.

En matière de location meublée, l’entretien du mobilier fourni incombe également au locataire.

Les limites de l’obligation d’entretien

L’obligation du locataire ne s’étend ni aux réparations causées par la vétusté, ni à celles liées à une malfaçon ou à un vice de construction. L’article 7d précité exclut également les dégradations résultant d’un cas de force majeure ou fortuit (ex. : dégâts causés par une tempête ou un cambriolage).

En ce sens, la Cour de cassation a précisé que le locataire ne saurait être tenu pour responsable des réparations locatives si le logement mis à disposition n’était pas en bon état initial (Cass. 3e civ., 5 nov. 2015, n° 14-23.693).

Dégradations imputables au locataire : que prévoit la loi ?

L’article 7c de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que le locataire est responsable des dégradations et pertes constatées dans le logement pendant la durée du bail, à moins qu’il ne puisse démontrer qu’elles résultent :

  • d’un cas de force majeure (tempête, inondation, incendie d’origine extérieure, etc.) ;
  • d’une faute du bailleur, par exemple un défaut d’entretien des équipements communs ou des infiltrations dues à une toiture vétuste ;
  • ou de l’intervention d’un tiers non autorisé, telle qu’une dégradation causée par un voisin ou un cambriolage.

À défaut de preuve contraire, la présomption de responsabilité pèse sur le locataire. Cette règle constitue une obligation de résultat, et non une simple obligation de moyens.

Parmi les dégradations couramment imputées au locataire, on peut citer :

  • Des trous importants dans les murs non rebouchés à la fin du bail, notamment ceux causés par des fixations ou chevilles lourdes ;
  • Des brûlures de moquette ou de parquet, consécutives à une négligence (fer à repasser, cigarette, appareil chauffant...) ;
  • Des portes, fenêtres ou volets abîmés par des gestes brusques, une mauvaise utilisation ou un défaut d’entretien ;
  • Un manque manifeste d’entretien, visible par des joints moisis, des moisissures non traitées, ou une saleté excessive persistante.

Ces détériorations sont généralement relevées lors de l’état des lieux de sortie, lequel est comparé à l’état des lieux d’entrée. Si des différences sont constatées et qu’elles ne relèvent ni de l’usure normale, ni de la vétusté, le propriétaire peut effectuer une retenue sur le dépôt de garantie du locataire.

Pour ce faire, il doit justifier le montant de la retenue par des devis ou des factures de professionnels ou d’entreprises de rénovation.

En l’absence de justification suffisante, ou si les dégradations ne peuvent être imputées au locataire, ce dernier est en droit de contester la retenue et de saisir, si nécessaire, le juge des contentieux de la protection. Il est donc recommandé au locataire de documenter l’état du logement tout au long de la location, notamment par photos datées et signalements écrits des éventuels désordres ou anomalies constatées.

Travaux réalisés par le locataire : quels droits et quelles limites ?

Travaux sans autorisation préalable

Selon l’article 6d de la loi de 1989, le locataire peut effectuer des aménagements non structurants (qui ne modifient pas la nature du bien). Parmi les interventions tolérées :

  • Peindre ou tapisser les murs,
  • Poser des étagères ou placards démontables,
  • Percer les cloisons pour y fixer des cadres.

Cependant, le locataire devra remettre le logement en état en fin de bail, notamment en rebouchant les trous ou en restaurant la peinture dans une teinte neutre, sous peine de retenue sur le dépôt de garantie.

Travaux nécessitant l'accord du propriétaire

Dès lors que les travaux envisagés modifient la structure ou l’usage du bien (création d’une salle de bain, changement du sol, abattement de cloisons), l’autorisation expresse du propriétaire est impérative. À défaut, celui-ci peut :

  • Exiger la remise en état des lieux,
  • Ou conserver les améliorations sans indemnisation (Cass. 3e civ., 29 juin 2011, n°10-18.160).

Cas particulier : travaux liés au handicap

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015 et du décret n°2016-1282, le locataire en situation de handicap ou de perte d’autonomie peut entreprendre des travaux d’adaptation du logement sans l’accord explicite du bailleur, à condition de respecter une procédure stricte :

  • Notification en lettre recommandée avec AR,
  • Description précise des travaux et de l’entreprise retenue,
  • Délai de 4 mois pour le refus du bailleur, au-delà duquel l’autorisation est présumée acquise.

Aucun remise en état ne pourra être exigée à l’issue du bail.

Litiges fréquents et recours possibles

Les conflits liés aux travaux locatifs figurent parmi les litiges les plus fréquents dans les relations bailleur-locataire. Ils peuvent naître à différents stades de la location, notamment en raison de l’inexécution des obligations d’entretien ou d’interventions non autorisées.

Le locataire peut notamment :

  • Contester l’inaction du propriétaire lorsque ce dernier refuse ou tarde à réaliser des travaux nécessaires à la salubrité, à la sécurité ou à la décence du logement (fuite d’eau, installation électrique défectueuse, chaudière en panne, humidité excessive, etc.) ;
  • Demander le remboursement des frais avancés pour des réparations urgentes effectuées en l’absence du bailleur, dans les conditions prévues à l’article 1724 du Code civil, qui autorise de telles dépenses lorsque la réparation ne peut être différée sans danger.

Le propriétaire, de son côté, peut engager la responsabilité du locataire dans les cas suivants :

  • Défaut d’entretien manifeste, entraînant une détérioration prématurée du logement ou des équipements ;
  • Travaux réalisés sans autorisation préalable, lorsque ceux-ci transforment le bien ;
  • Retenue contestée du dépôt de garantie, si le locataire refuse d’assumer les frais justifiés de remise en état à l’issue du bail.

Quels recours en cas de litige ?

  1. La conciliation amiable
    Avant toute procédure judiciaire, une tentative de résolution amiable est vivement recommandée. L’article 20 de la loi du 6 juillet 1989 permet aux parties de saisir gratuitement la Commission départementale de conciliation (CDC). Cette instance, compétente pour les litiges locatifs, peut être sollicitée pour :
  • Répartir les responsabilités en matière de travaux,
  • Statuer sur l’état du logement ou les conditions d’exécution du bail,
  • Valider un accord entre les parties.

En cas d’accord, un procès-verbal de conciliation est établi, qui a la même force qu’un contrat.

  1. La voie judiciaire
    En l’absence de conciliation, ou si l’une des parties refuse de se présenter devant la CDC, le recours au juge des contentieux de la protection devient possible. Ce magistrat, rattaché au tribunal judiciaire, peut être saisi pour :
  • Ordonner l’exécution de travaux par le propriétaire ou le locataire ;
  • Condamner l’une des parties à verser des dommages et intérêts, en cas de préjudice (ex. : logement rendu inhabitable, frais non remboursés) ;
  • Prononcer la résiliation du bail, notamment en cas de manquement grave aux obligations contractuelles.

Il est fortement conseillé de conserver toutes les preuves écrites (courriels, lettres recommandées, devis, factures, constats, photos, état des lieux) pour étayer toute demande ou défense en justice. Une bonne traçabilité des échanges et des faits est souvent déterminante dans l’issue du litige.

Conclusion

La répartition des charges entre bailleur et locataire ne repose pas sur une simple appréciation subjective mais sur un cadre normatif rigoureux, principalement issu de la loi du 6 juillet 1989 et du décret du 26 août 1987.

L’entretien du logement, les menues réparations, la remise en état en fin de bail ou encore les aménagements personnels obéissent à des règles précises, que chaque partie se doit de respecter pour garantir la sécurité juridique du contrat de location.

À défaut, les désaccords peuvent dégénérer en contentieux, avec des conséquences parfois lourdes, comme la retenue sur le dépôt de garantie, l’obligation de remise en état, voire la résiliation judiciaire du bail. Ainsi, que l’on soit locataire ou propriétaire, il est indispensable de connaître ses droits et obligations pour prévenir tout litige et assurer une relation locative équilibrée.

FAQ

1. Quels sont les travaux d'entretien à la charge du locataire selon la loi ?

La loi n°89-462 du 6 juillet 1989, à son article 7d, impose au locataire l'obligation d'assurer l’entretien courant du logement et les menues réparations. Le décret n°87-712 du 26 août 1987 précise la nature de ces obligations. Sont notamment concernés :

  • Le nettoyage des sols, murs, vitres, moquettes ;
  • Le dégorgement des canalisations ;
  • L’entretien des joints et de la robinetterie ;
  • Le ramonage des conduits de cheminée ;
  • Le détartrage des équipements sanitaires et électroménagers ;
  • Le remplacement des petites pièces, comme ampoules, interrupteurs, poignées, flexibles de douche, etc.

Ces travaux doivent être effectués de manière régulière, à défaut de quoi le locataire peut être tenu responsable des dégradations qui en résultent.

2. Le locataire doit-il réparer les dégradations causées par l’usure naturelle ?

Non, le locataire n’est pas responsable des réparations liées à l’usure normale ou à la vétusté du logement et de ses équipements. Ce principe est rappelé par l’article 7d de la loi de 1989 et confirmé par la jurisprudence, notamment dans l’arrêt de la Cour de cassation du 5 novembre 2015 (n°14-23.693). Ainsi, des papiers peints défraîchis, des joints noircis avec le temps ou une moquette usée ne peuvent être imputés au locataire, sauf preuve d’un défaut d’entretien manifeste ou d’une dégradation volontaire.

3. Le locataire peut-il effectuer des travaux d’aménagement sans autorisation ?

Oui, mais uniquement s’il ne s’agit pas de transformations du logement. L’article 6d de la loi de 1989 autorise le locataire à réaliser des aménagements simples, comme :

  • Peindre ou tapisser les murs ;
  • Poser des étagères ;
  • Percer des cloisons pour y fixer des objets décoratifs ;
  • Installer des meubles démontables.

En revanche, ces travaux doivent être réversibles et ne pas altérer la structure ou la destination du logement. À la fin du bail, le locataire peut être tenu de remettre les lieux dans leur état d’origine, notamment en rebouchant les trous ou en repeignant les murs dans une couleur neutre.

4. Quels travaux nécessitent l’accord préalable du propriétaire ?

Tous les travaux modifiant la structure, la distribution ou la consistance du logement requièrent l’autorisation écrite du bailleur. Il s’agit notamment de :

  • Remplacement d’un revêtement de sol ;
  • Réaménagement complet d’une salle de bain ou cuisine ;
  • Modification de cloisons (suppression ou ajout) ;
  • Installation définitive de nouveaux équipements.

Si le locataire réalise ces travaux sans autorisation, le propriétaire peut exiger une remise en état, ou conserver les améliorations sans indemnité, conformément à la jurisprudence constante (ex. : Cass. 3e civ., 29 juin 2011, n°10-18.160).

5. Quels sont les recours en cas de litige sur les travaux entre locataire et propriétaire ?

En cas de désaccord sur la répartition des travaux (ex. : refus du propriétaire d’effectuer des travaux urgents, contestation des retenues sur dépôt de garantie, exigence abusive de remise en état), plusieurs recours sont possibles :

  1. Conciliation amiable : saisie de la commission départementale de conciliation (CDC) pour les litiges locatifs. Cette démarche est gratuite et peut éviter une procédure judiciaire.
  2. Mise en demeure : envoi d’une lettre recommandée avec AR pour exiger l’exécution des obligations.
  3. Saisine du juge des contentieux de la protection : ce magistrat peut ordonner l'exécution des travaux, la restitution du dépôt de garantie, voire la résiliation du bail pour manquement grave.

Une preuve solide (état des lieux, devis, photographies, échanges écrits) est toujours recommandée pour soutenir ses prétentions.

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