Face à un impayé persistant, un créancier se retrouve souvent dans une position délicate, entre la nécessité de recouvrer sa créance et la volonté d’éviter un contentieux long et coûteux.
C’est dans cette optique que la procédure d’injonction de payer trouve tout son intérêt. Régie par les articles 1405 à 1425 du Code de procédure civile, cette voie judiciaire présente l’avantage d’être simple, rapide et peu onéreuse, tout en permettant l’obtention d’un titre exécutoire sans audience préalable.
Elle constitue ainsi une réponse efficace aux situations de défaut de paiement, à condition toutefois de respecter certaines exigences juridiques strictes, tant sur la nature de la créance que sur les modalités procédurales. Cet article propose une analyse approfondie de cette procédure, depuis son initiation jusqu’à l’exécution des mesures de recouvrement, en passant par les recours possibles.
La procédure d’injonction de payer est un dispositif judiciaire simplifié, destiné à permettre à un créancier d’obtenir rapidement le recouvrement d’une créance sans passer par un procès contradictoire classique.
Elle s’appuie sur un formalisme allégé, ce qui signifie que le juge statue unilatéralement, sans convoquer le débiteur à une audience, sur la base d’un dossier constitué uniquement par le créancier. Cette procédure est régie par les articles 1405 à 1425 du Code de procédure civile.
Elle est réservée aux cas où la créance est fondée sur une obligation contractuelle, statutaire (comme les charges de copropriété ou les cotisations sociales), ou issue d’un effet de commerce (tels que les lettres de change, billets à ordre ou chèques impayés). Cela signifie que le créancier doit justifier l'existence d’un engagement juridique clair du débiteur envers lui.
Ce recours est souvent utilisé par les entreprises, artisans, bailleurs ou prestataires de services confrontés à des factures restées impayées ou à des échéances non respectées. Il constitue une alternative efficace à la procédure classique d’assignation, car elle permet d’obtenir, sous certaines conditions, une ordonnance exécutoire sans débat préalable, à condition que la créance soit certaine (non contestable dans son principe), liquide (d’un montant chiffré) et exigible (délai de paiement expiré).
En pratique, cette procédure permet non seulement de gagner du temps, mais également de limiter les coûts de justice, notamment lorsque l’enjeu financier est modéré. Elle s’inscrit dans une logique de rationalisation du contentieux en matière de recouvrement de créances civiles ou commerciales, tout en assurant une protection suffisante des droits du débiteur, notamment via la possibilité de former opposition.
Avant d’engager la procédure, le créancier doit avoir tenté un recouvrement amiable (mise en demeure, médiation, conciliation), notamment lorsque le montant de la créance est inférieur à 5 000 € (article 750-1 CPC). Ce préalable vise à désengorger les juridictions et favoriser le dialogue entre les parties.
Pour être recevable, la créance doit :
Une facture impayée, un contrat de prestation non exécuté ou un prêt non remboursé peuvent constituer des fondements recevables (article 1405 CPC).
La requête est formalisée au moyen d’un formulaire spécifique (ex. cerfa n° 12946*02, 12948*06 ou 16040*01), accompagnée :
Elle peut être transmise par courrier, remise au greffe ou en ligne.
En cas d’acceptation, le juge rend une ordonnance portant injonction de payer (article 1409 CPC), exécutoire sans nécessité d’apposition d’une formule depuis le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021.
Le créancier doit alors signifier l’ordonnance au débiteur par commissaire de justice (anciennement huissier), dans un délai de six mois (article 1411 CPC). L’acte de signification doit contenir les mentions prévues aux articles 1413 et 648 CPC.
Si la demande est rejetée, aucun recours spécifique n’est prévu dans la procédure d’injonction de payer (article 1409 alinéa 2 CPC). Le créancier doit alors saisir le tribunal par voie d’assignation classique (articles 54 et 56 CPC) ou en référé-provision (article 835 CPC) s’il existe une absence manifeste de contestation sérieuse.
Le débiteur dispose d’un mois à compter de la signification pour former opposition (article 1416 CPC) au moyen du formulaire cerfa n° 15602*04 ou d’un acte rédigé en bonne et due forme.
L’opposition a un effet suspensif (article 1422 CPC) : elle annule l’ordonnance et fait basculer le litige dans une phase contradictoire, le juge convoquant les parties pour un débat équitable.
Lorsque l’ordonnance d’injonction de payer a été signifiée au débiteur et que ce dernier ne forme pas opposition dans le délai légal d’un mois (article 1416 du Code de procédure civile), ou si l’opposition a été rejetée, l’ordonnance devient exécutoire de plein droit. Elle acquiert alors force de chose jugée, ce qui permet au créancier d’en demander l’exécution forcée à l’aide d’un commissaire de justice (anciennement huissier de justice), conformément aux dispositions de l’article L. 111-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE).
Le créancier peut ainsi mettre en œuvre plusieurs mesures d’exécution afin de contraindre le débiteur à s’acquitter de sa dette :
Chaque mesure doit respecter les garanties procédurales du débiteur et être ordonnée dans le cadre strict des règles prévues par le droit de l’exécution forcée, sous le contrôle du juge de l’exécution.
Lorsque le montant de la créance est inférieur ou égal à 5 000 €, la loi offre une procédure allégée dite de recouvrement simplifié. Ce mécanisme est prévu par les articles L. 125-1 et R. 125-1 à R. 125-7 du Code des procédures civiles d’exécution.
Dans ce cadre, le commissaire de justice envoie au débiteur un courrier recommandé avec accusé de réception ou un courriel l’invitant à accepter la procédure amiable de recouvrement. Ce courrier doit mentionner notamment :
Le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour répondre.
Cette solution permet de limiter les frais et d’accélérer le règlement dans les petits litiges, tout en respectant le droit d’opposition du débiteur. Elle constitue un outil efficace pour les créanciers face à des impayés de faible montant.
La procédure d’injonction de payer constitue donc un levier stratégique pour le créancier souhaitant agir rapidement et efficacement contre un débiteur défaillant, tout en évitant les lourdeurs d’un procès classique.
Son cadre légal bien balisé impose toutefois de maîtriser les conditions de recevabilité de la demande, de veiller au respect scrupuleux des formalités procédurales, et d’anticiper les éventuelles contestations du débiteur.
En cas de rejet de la requête ou d’opposition formulée, le créancier dispose encore de voies de droit classiques, telles que l’assignation au fond ou le référé-provision, lui permettant de faire valoir ses droits devant une juridiction. Pour aller plus loin et sécuriser chaque étape de la démarche, il peut être utile de se faire accompagner par un professionnel du droit, ou de consulter les ressources mises à disposition sur defendstesdroits.fr.
Pour qu’une requête en injonction de payer soit recevable, plusieurs conditions doivent être réunies. La créance doit tout d’abord être certaine, liquide et exigible. Cela signifie qu’elle ne doit pas faire l’objet d’un doute quant à son existence, qu’elle doit être précisément chiffrée, et que son échéance de paiement doit être dépassée. Par ailleurs, la créance doit reposer sur une obligation contractuelle, statutaire ou sur un effet de commerce (article 1405 du Code de procédure civile). Avant toute saisine, une tentative de résolution amiable du différend est exigée, notamment via une mise en demeure ou une tentative de médiation ou de conciliation (article 750-1 CPC pour les litiges inférieurs à 5 000 €).
La juridiction compétente dépend de la nature de la créance. Si celle-ci est commerciale (entre professionnels), c’est le tribunal de commerce qui doit être saisi. Pour les créances civiles (entre particuliers ou entre un particulier et une entreprise), c’est le tribunal judiciaire. Certaines créances spécifiques, comme celles relatives aux baux d’habitation ou crédits à la consommation, relèvent du juge des contentieux de la protection (JCP). En outre, le tribunal territorialement compétent est celui du domicile du débiteur (article 1406 alinéa 2 CPC).
Une fois la requête déposée, le juge examine le dossier sans convoquer le débiteur. Si la demande est jugée fondée, il rend une ordonnance portant injonction de payer (article 1409 CPC). Cette ordonnance doit ensuite être signifiée au débiteur dans un délai de six mois, à peine de caducité (article 1411 CPC). Le débiteur peut alors former opposition dans le mois suivant la signification (article 1416 CPC). En cas d’absence d’opposition, l’ordonnance devient exécutoire, et le créancier peut procéder à l’exécution forcée.
Le rejet de la requête en injonction de payer, total ou partiel, n’est pas susceptible de recours (article 1409 alinéa 2 CPC). Toutefois, le créancier conserve la possibilité d’exercer une action en recouvrement par voie contentieuse, notamment par assignation au fond (article 56 CPC) ou par référé-provision (article 835 CPC) si la créance ne paraît pas sérieusement contestable. Ces procédures permettent de rétablir le principe du contradictoire et d’obtenir une décision de justice exécutoire si les conditions sont réunies.
Les délais de recours sont essentiels dans cette procédure. Pour les créances civiles, la prescription est généralement de 5 ans (article 2224 du Code civil). Pour les créances commerciales, c’est également 5 ans (article L. 110-4 du Code de commerce). En revanche, certaines matières sont soumises à des délais de forclusion spécifiques : 2 ans pour les crédits à la consommation (article R. 312-35 du Code de la consommation), 10 ans en droit de la construction (article 1792-4-3 du Code civil), ou 2 mois pour déclarer une créance dans le cadre d’une procédure collective (article R. 622-24 du Code de commerce). L'inobservation de ces délais entraîne l’irrecevabilité de la demande.