Travail

Rupture de période d’essai : droit au chômage, exceptions et délais

Francois Hagege
Fondateur
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Chômage et période d’essai rompue : vos droits selon votre situation

La période d’essai constitue une phase singulière du contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Elle permet à l’employeur d’évaluer les compétences professionnelles du salarié nouvellement embauché, et à ce dernier d’apprécier la réalité du poste qui lui est confié.

Cette période n’est pas une simple formalité : sa rupture, qu’elle émane de l’employeur ou du salarié, entraîne des conséquences juridiques et sociales immédiates, notamment en matière de droit aux allocations chômage.

Or, si la liberté de rompre la période d’essai est garantie par les articles L1221-19 à L1221-26 du Code du travail, l’accès à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) n’est pas automatique. Tout dépend de qui prend l’initiative de la rupture, du moment où celle-ci intervient, et de la situation professionnelle antérieure du salarié.

Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024, dont certaines dispositions sont effectives depuis le 1er avril 2025, le régime applicable a été clarifié, mais également durci.

Le salarié doit désormais scrupuleusement justifier sa situation pour ne pas perdre son droit à l’indemnisation. En cas de rupture de la période d’essai par l’employeur, il convient de déterminer si cette rupture permet effectivement d’ouvrir ou de maintenir des droits au chômage — un enjeu capital pour toute personne concernée par une interruption prématurée de contrat.

Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre les règles applicables à la rupture de la période d’essai à l’initiative de l’employeur, les conditions d’accès à l’ARE, les exceptions prévues par les textes, ainsi que les recours possibles pour protéger ses droits sociaux.

Sommaire

  1. Conditions générales d’ouverture des droits au chômage
  2. Rupture de la période d’essai par l’employeur avant 65 jours
  3. Rupture par l’employeur après 65 jours travaillés
  4. Particularités liées à une démission précédente
  5. Droit au chômage en cas de rupture à l’initiative du salarié
  6. Respect du délai de prévenance
  7. Délai de carence et différés d’indemnisation
  8. Recours devant l’Instance Paritaire Régionale
  9. Conclusion

1. Conditions générales d’ouverture des droits au chômage

Le droit à l’ARE est subordonné à plusieurs conditions prévues par le règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024 :

  • être privé involontairement d’emploi ;
  • justifier d’une durée minimale d’affiliation (généralement 6 mois de travail au cours des 24 derniers mois) ;
  • être apte au travail et inscrit comme demandeur d’emploi auprès de France Travail ;
  • accomplir des actes positifs de recherche d’emploi.

Cependant, la situation se complexifie lorsqu’il s’agit d’une rupture de période d’essai, notamment si elle intervient très tôt dans le contrat, ou si le salarié a récemment quitté un autre emploi.

2. Rupture de la période d’essai par l’employeur avant 65 jours

Si la période d’essai est rompue dans les 65 premiers jours travaillés par l’employeur, le salarié peut percevoir l’ARE sous réserve que la perte d’emploi antérieure n’ait pas été volontaire.

Ainsi :

  • si le salarié a été licencié, ou que son précédent CDD est arrivé à terme, il peut être indemnisé ;
  • en revanche, s’il a démissionné, le droit au chômage dépendra de la légitimité de cette démission.

La jurisprudence et le règlement chômage reconnaissent notamment comme légitime la démission en vue d’un CDI effectivement signé, lorsque la période d’essai est rompue dans les 65 jours suivant l’embauche.

3. Rupture par l’employeur après 65 jours travaillés

Lorsque la rupture à l’initiative de l’employeur intervient au-delà de 65 jours calendaires de travail effectif, la situation devient plus favorable au salarié :

  • l’origine de la précédente rupture de contrat n’a plus d’impact ;
  • l’employeur étant à l’initiative de la rupture, le salarié est considéré comme privé involontairement d’emploi ;
  • l’ARE peut être ouverte, si les conditions d’affiliation sont remplies.

Cette distinction vise à éviter les abus, tout en sécurisant les parcours professionnels discontinus.

4. Particularités liées à une démission précédente

En cas de démission antérieure, le salarié peut se retrouver privé de droits si les règles de reprise d’activité ne sont pas strictement respectées. Pour ouvrir droit au chômage malgré une démission, il faut :

  • soit que la démission ait été légitime au regard des textes ;
  • soit que le salarié ait travaillé au moins 65 jours dans un nouveau CDI, auquel cas la rupture par l’employeur permet l’indemnisation.

Dans les autres cas, le salarié devra attendre 121 jours sans emploi pour solliciter un réexamen par l’Instance Paritaire Régionale (cf. infra).

5. Droit au chômage en cas de rupture à l’initiative du salarié

Lorsque la rupture de la période d’essai est décidée par le salarié lui-même, elle est assimilée à une démission et ne permet pas en principe l’ouverture des droits à l’ARE.

Des exceptions existent :

  • si le salarié quitte un emploi repris juste après une perte involontaire d’emploi (licenciement, fin de CDD) dans les 65 premiers jours ;
  • si l’emploi est repris en cours d’indemnisation, et que le salarié travaille moins de 88 jours ou 610 heures, il peut récupérer ses droits ouverts.

Enfin, certaines situations exceptionnelles (activité de moins de 6 jours ou temps partiel inférieur à 17 heures hebdomadaires) peuvent également permettre une réactivation des droits chômage.

6. Respect du délai de prévenance

Toute rupture de période d’essai doit respecter un délai de prévenance, prévu par les articles L1221-25 et L1221-26 du Code du travail :

  • Pour le salarié : 24 à 48 heures selon l’ancienneté ;
  • Pour l’employeur : 24 heures si le salarié a moins de 8 jours d’ancienneté, 48 heures jusqu’à un mois, et jusqu’à 1 mois au-delà.

Les conventions collectives peuvent prévoir des délais différents. Il est donc recommandé de consulter celle applicable à son secteur pour éviter toute irrégularité dans la procédure de rupture.

7. Délai de carence et différés d’indemnisation

Même si les droits au chômage sont ouverts, le versement de l’ARE ne débute pas immédiatement. Il faut tenir compte :

  • du délai d’attente de 7 jours, applicable à tous ;
  • d’un différé d’indemnisation "congés payés" si une indemnité compensatrice a été versée ;
  • d’un différé "spécifique" si le salarié a perçu des indemnités supra-légales.

Ces délais peuvent retarder de plusieurs semaines le début effectif du versement, ce qui impose une planification budgétaire rigoureuse pour éviter toute précarité immédiate.

8. Recours devant l’Instance Paritaire Régionale (IPR)

Lorsqu’un salarié ne remplit pas les conditions d’ouverture des droits au chômage à la suite de la rupture de sa période d’essai, il peut saisir l’Instance Paritaire Régionale (IPR) au terme d’un délai de 121 jours.

L’IPR peut accorder une indemnisation à titre exceptionnel, à condition que :

  • le demandeur ait effectué des démarches actives de recherche d’emploi ;
  • il remplisse toutes les autres conditions d’ouverture des droits.

Ce recours, souvent ignoré, représente une voie de rattrapage essentielle pour les salariés ayant connu un enchaînement défavorable de ruptures contractuelles.

Conclusion

La rupture de la période d’essai par l’employeur est loin d’être une simple formalité contractuelle. Elle peut entraîner, pour le salarié, une situation de précarité immédiate si les conditions d’ouverture des droits au chômage ne sont pas rigoureusement remplies.

Si cette rupture est généralement considérée comme une privation involontaire d’emploi, ouvrant la voie à l’indemnisation par France Travail, la chronologie et la nature des ruptures contractuelles précédentes peuvent tout bouleverser.

Le régime d’assurance chômage repose sur une logique cumulative : être involontairement privé d’emploi, mais aussi remplir des critères d’affiliation, d’âge, d’aptitude, de disponibilité et de comportement actif dans la recherche d’emploi.

En cas de doute, le salarié ne doit pas hésiter à se faire accompagner, à conserver tous les justificatifs de sa situation, et à faire valoir ses droits dans les délais impartis, notamment auprès de l’Instance Paritaire Régionale, compétente pour réexaminer certains cas après 121 jours de carence.

À l’heure où les parcours professionnels se fragmentent et où les ruptures de contrats deviennent plus fréquentes, la vigilance juridique et administrative s’impose. Chez defendstesdroits.fr, nous vous aidons à anticiper les conséquences d’une période d’essai rompue, à sécuriser vos droits au chômage et à agir efficacement en cas de litige ou d’incompréhension. Car maîtriser le droit du travail, c’est avant tout protéger son avenir professionnel.

FAQ

1. Ai-je droit au chômage si mon employeur met fin à ma période d’essai ?

Oui, mais sous conditions. Le droit au chômage repose sur deux piliers :

  • la privation involontaire d’emploi, ce qui est le cas si la rupture émane de l’employeur ;
  • et les conditions d’affiliation, définies par la convention d’assurance chômage (15 novembre 2024), notamment avoir travaillé au moins 130 jours ou 910 heures au cours des 24 derniers mois (ou 36 mois pour les 53 ans et plus).

Mais attention : si la rupture a lieu dans les 65 premiers jours travaillés, il faut également que votre précédente perte d’emploi n’ait pas été volontaire, sauf cas de démission légitime. À défaut, France Travail considérera que vous êtes responsable de votre situation de chômage, et refusera l’ARE.

📌 Exemple : après un CDD arrivé à terme, vous signez un CDI, mais l’employeur y met fin au bout de 50 jours. Si vous remplissez les autres conditions, vous percevrez l’ARE.

2. Quelles conséquences si j’ai démissionné de mon précédent emploi avant ce CDI ?

La démission exclut en principe tout droit au chômage, sauf exceptions prévues par le règlement général annexé à la convention d’assurance chômage. Une démission peut être qualifiée de légitime si vous avez quitté un emploi :

  • occupé durant au moins 3 ans sans interruption,
  • pour accepter un CDI,
  • et que la rupture de la période d’essai est du fait de l’employeur dans les 65 jours suivant l’embauche (article 2 §2).

Dans ce cas, le salarié sera considéré comme involontairement privé d’emploi, même si sa précédente rupture était une démission.

📌 Exemple : Sarah quitte un poste occupé pendant 4 ans pour un CDI. L’essai est rompu au bout de 45 jours. Elle est éligible à l’ARE.

📌 Attention : si elle avait travaillé 2 ans seulement, la démission ne serait pas légitime, et elle ne serait pas indemnisée.

3. Puis-je percevoir le chômage si je suis à l’origine de la rupture de période d’essai ?

Non, sauf situations très précises. Une rupture de période d’essai à l’initiative du salarié est assimilée à une démission volontaire, ne donnant pas droit à l’ARE (article L5422-1 du Code du travail).

Cependant, des exceptions temporaires ou quantitatives existent :

  • si vous rompez une période d’essai dans les 65 jours de travail après avoir repris un emploi à la suite d’une perte involontaire précédente, sans vous être inscrit à France Travail entre les deux postes ;
  • si vous étiez en cours d’indemnisation au moment de la reprise d’emploi, et que vous avez travaillé moins de 88 jours (ou 610 heures) : vous pouvez alors récupérer vos droits restants.

Enfin, si vous travaillez moins de 6 jours ou moins de 17 heures par semaine, la rupture volontaire n’interrompt pas votre indemnisation (article 26 du règlement).

📌 Exemple : vous êtes indemnisé, acceptez un CDD de 2 jours et démissionnez. Vos anciens droits restent valables. En revanche, au-delà de 88 jours, vous ne pourrez plus les réactiver sans motif légitime.

4. Le respect d’un délai de prévenance est-il obligatoire ?

Oui. La rupture de la période d’essai doit être précédée d’un délai de prévenance, que vous soyez salarié ou employeur.

🔹 Pour l’employeur (article L1221-25) :
  • 24 h si ancienneté < 8 jours ;
  • 48 h si 8 jours ≤ ancienneté < 1 mois ;
  • 2 semaines si ancienneté ≥ 1 mois ;
  • 1 mois si ancienneté ≥ 3 mois.
🔹 Pour le salarié (article L1221-26) :
  • 24 h si ancienneté < 8 jours ;
  • 48 h au-delà.

⚠️ Ce délai peut être modifié ou allongé par votre convention collective. L’absence de respect du délai ouvre droit à une indemnité compensatrice.

📌 Exemple : si l’employeur rompt une période d’essai après 2 mois de travail sans respecter 2 semaines de prévenance, il doit payer une indemnité équivalente au délai non respecté.

5. Existe-t-il un recours si je n’ai pas droit immédiatement au chômage ?

Oui : l’Instance Paritaire Régionale (IPR). Si vous êtes toujours sans emploi après 121 jours sans avoir perçu d’allocation, vous pouvez demander un réexamen de votre situation (article 46 bis du règlement).

Conditions :

  • justifier de démarches actives de recherche d’emploi (preuves exigées : candidatures, entretiens, formations…) ;
  • remplir les autres critères d’indemnisation, notamment d’affiliation.

L’IPR pourra vous accorder l’ARE à titre exceptionnel, même si vous ne remplissez pas l’ensemble des conditions classiques.

📌 Exemple : après une rupture d’essai volontaire, vous restez sans emploi pendant 4 mois. Vous pouvez saisir l’IPR avec justificatifs de vos recherches d’emploi et solliciter une ouverture exceptionnelle de vos droits.

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