La période d’essai constitue une phase singulière du contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Elle permet à l’employeur d’évaluer les compétences professionnelles du salarié nouvellement embauché, et à ce dernier d’apprécier la réalité du poste qui lui est confié.
Cette période n’est pas une simple formalité : sa rupture, qu’elle émane de l’employeur ou du salarié, entraîne des conséquences juridiques et sociales immédiates, notamment en matière de droit aux allocations chômage.
Or, si la liberté de rompre la période d’essai est garantie par les articles L1221-19 à L1221-26 du Code du travail, l’accès à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) n’est pas automatique. Tout dépend de qui prend l’initiative de la rupture, du moment où celle-ci intervient, et de la situation professionnelle antérieure du salarié.
Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024, dont certaines dispositions sont effectives depuis le 1er avril 2025, le régime applicable a été clarifié, mais également durci.
Le salarié doit désormais scrupuleusement justifier sa situation pour ne pas perdre son droit à l’indemnisation. En cas de rupture de la période d’essai par l’employeur, il convient de déterminer si cette rupture permet effectivement d’ouvrir ou de maintenir des droits au chômage — un enjeu capital pour toute personne concernée par une interruption prématurée de contrat.
Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre les règles applicables à la rupture de la période d’essai à l’initiative de l’employeur, les conditions d’accès à l’ARE, les exceptions prévues par les textes, ainsi que les recours possibles pour protéger ses droits sociaux.
Le droit à l’ARE est subordonné à plusieurs conditions prévues par le règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024 :
Cependant, la situation se complexifie lorsqu’il s’agit d’une rupture de période d’essai, notamment si elle intervient très tôt dans le contrat, ou si le salarié a récemment quitté un autre emploi.
Si la période d’essai est rompue dans les 65 premiers jours travaillés par l’employeur, le salarié peut percevoir l’ARE sous réserve que la perte d’emploi antérieure n’ait pas été volontaire.
Ainsi :
La jurisprudence et le règlement chômage reconnaissent notamment comme légitime la démission en vue d’un CDI effectivement signé, lorsque la période d’essai est rompue dans les 65 jours suivant l’embauche.
Lorsque la rupture à l’initiative de l’employeur intervient au-delà de 65 jours calendaires de travail effectif, la situation devient plus favorable au salarié :
Cette distinction vise à éviter les abus, tout en sécurisant les parcours professionnels discontinus.
En cas de démission antérieure, le salarié peut se retrouver privé de droits si les règles de reprise d’activité ne sont pas strictement respectées. Pour ouvrir droit au chômage malgré une démission, il faut :
Dans les autres cas, le salarié devra attendre 121 jours sans emploi pour solliciter un réexamen par l’Instance Paritaire Régionale (cf. infra).
Lorsque la rupture de la période d’essai est décidée par le salarié lui-même, elle est assimilée à une démission et ne permet pas en principe l’ouverture des droits à l’ARE.
Des exceptions existent :
Enfin, certaines situations exceptionnelles (activité de moins de 6 jours ou temps partiel inférieur à 17 heures hebdomadaires) peuvent également permettre une réactivation des droits chômage.
Toute rupture de période d’essai doit respecter un délai de prévenance, prévu par les articles L1221-25 et L1221-26 du Code du travail :
Les conventions collectives peuvent prévoir des délais différents. Il est donc recommandé de consulter celle applicable à son secteur pour éviter toute irrégularité dans la procédure de rupture.
Même si les droits au chômage sont ouverts, le versement de l’ARE ne débute pas immédiatement. Il faut tenir compte :
Ces délais peuvent retarder de plusieurs semaines le début effectif du versement, ce qui impose une planification budgétaire rigoureuse pour éviter toute précarité immédiate.
Lorsqu’un salarié ne remplit pas les conditions d’ouverture des droits au chômage à la suite de la rupture de sa période d’essai, il peut saisir l’Instance Paritaire Régionale (IPR) au terme d’un délai de 121 jours.
L’IPR peut accorder une indemnisation à titre exceptionnel, à condition que :
Ce recours, souvent ignoré, représente une voie de rattrapage essentielle pour les salariés ayant connu un enchaînement défavorable de ruptures contractuelles.
La rupture de la période d’essai par l’employeur est loin d’être une simple formalité contractuelle. Elle peut entraîner, pour le salarié, une situation de précarité immédiate si les conditions d’ouverture des droits au chômage ne sont pas rigoureusement remplies.
Si cette rupture est généralement considérée comme une privation involontaire d’emploi, ouvrant la voie à l’indemnisation par France Travail, la chronologie et la nature des ruptures contractuelles précédentes peuvent tout bouleverser.
Le régime d’assurance chômage repose sur une logique cumulative : être involontairement privé d’emploi, mais aussi remplir des critères d’affiliation, d’âge, d’aptitude, de disponibilité et de comportement actif dans la recherche d’emploi.
En cas de doute, le salarié ne doit pas hésiter à se faire accompagner, à conserver tous les justificatifs de sa situation, et à faire valoir ses droits dans les délais impartis, notamment auprès de l’Instance Paritaire Régionale, compétente pour réexaminer certains cas après 121 jours de carence.
À l’heure où les parcours professionnels se fragmentent et où les ruptures de contrats deviennent plus fréquentes, la vigilance juridique et administrative s’impose. Chez defendstesdroits.fr, nous vous aidons à anticiper les conséquences d’une période d’essai rompue, à sécuriser vos droits au chômage et à agir efficacement en cas de litige ou d’incompréhension. Car maîtriser le droit du travail, c’est avant tout protéger son avenir professionnel.
Oui, mais sous conditions. Le droit au chômage repose sur deux piliers :
Mais attention : si la rupture a lieu dans les 65 premiers jours travaillés, il faut également que votre précédente perte d’emploi n’ait pas été volontaire, sauf cas de démission légitime. À défaut, France Travail considérera que vous êtes responsable de votre situation de chômage, et refusera l’ARE.
📌 Exemple : après un CDD arrivé à terme, vous signez un CDI, mais l’employeur y met fin au bout de 50 jours. Si vous remplissez les autres conditions, vous percevrez l’ARE.
La démission exclut en principe tout droit au chômage, sauf exceptions prévues par le règlement général annexé à la convention d’assurance chômage. Une démission peut être qualifiée de légitime si vous avez quitté un emploi :
Dans ce cas, le salarié sera considéré comme involontairement privé d’emploi, même si sa précédente rupture était une démission.
📌 Exemple : Sarah quitte un poste occupé pendant 4 ans pour un CDI. L’essai est rompu au bout de 45 jours. Elle est éligible à l’ARE.
📌 Attention : si elle avait travaillé 2 ans seulement, la démission ne serait pas légitime, et elle ne serait pas indemnisée.
Non, sauf situations très précises. Une rupture de période d’essai à l’initiative du salarié est assimilée à une démission volontaire, ne donnant pas droit à l’ARE (article L5422-1 du Code du travail).
Cependant, des exceptions temporaires ou quantitatives existent :
Enfin, si vous travaillez moins de 6 jours ou moins de 17 heures par semaine, la rupture volontaire n’interrompt pas votre indemnisation (article 26 du règlement).
📌 Exemple : vous êtes indemnisé, acceptez un CDD de 2 jours et démissionnez. Vos anciens droits restent valables. En revanche, au-delà de 88 jours, vous ne pourrez plus les réactiver sans motif légitime.
Oui. La rupture de la période d’essai doit être précédée d’un délai de prévenance, que vous soyez salarié ou employeur.
⚠️ Ce délai peut être modifié ou allongé par votre convention collective. L’absence de respect du délai ouvre droit à une indemnité compensatrice.
📌 Exemple : si l’employeur rompt une période d’essai après 2 mois de travail sans respecter 2 semaines de prévenance, il doit payer une indemnité équivalente au délai non respecté.
Oui : l’Instance Paritaire Régionale (IPR). Si vous êtes toujours sans emploi après 121 jours sans avoir perçu d’allocation, vous pouvez demander un réexamen de votre situation (article 46 bis du règlement).
Conditions :
L’IPR pourra vous accorder l’ARE à titre exceptionnel, même si vous ne remplissez pas l’ensemble des conditions classiques.
📌 Exemple : après une rupture d’essai volontaire, vous restez sans emploi pendant 4 mois. Vous pouvez saisir l’IPR avec justificatifs de vos recherches d’emploi et solliciter une ouverture exceptionnelle de vos droits.