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Salarié en arrêt longue durée : comment réagir légalement ?

Jordan Alvarez
Editeur
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Maladie longue durée du salarié : indemnisation et gestion RH

Dans la gestion quotidienne des ressources humaines, l'absence prolongée d'un salarié pour raison médicale constitue une problématique sensible, tant sur le plan organisationnel que juridique.

Lorsqu'un salarié est touché par une affection de longue durée (ALD), l'entreprise doit naviguer entre les impératifs de continuité de l'activité, le respect des obligations sociales et la préservation des droits individuels du salarié. Cette situation soulève une pluralité de questions : comment encadrer l'absence du salarié malade ? Quelles sont les obligations de l'employeur en matière d'indemnisation et de remplacement ? Le licenciement est-il envisageable ?

En France, le régime juridique applicable aux arrêts maladie longue durée repose principalement sur les dispositions du Code de la sécurité sociale et du Code du travail, enrichies par la jurisprudence constante de la Cour de cassation.

Ces textes fixent le cadre légal du maintien des droits des salariés en arrêt, encadrent les modalités de versement des indemnités journalières, imposent des règles strictes en matière de non-discrimination et organisent la possibilité de recourir à un CDD de remplacement.

Par ailleurs, la gestion d'une ALD soulève des enjeux RH majeurs : désorganisation du service, nécessité de maintenir un lien avec le salarié absent, gestion administrative des congés payés acquis durant l'absence, ou encore anticipation du retour au poste après une longue suspension du contrat.

La sensibilité du sujet impose à l'employeur une vigilance constante, sous peine de s'exposer à des sanctions pour licenciement discriminatoire ou à une requalification de contrat.

Face à ces exigences complexes, il est impératif pour chaque employeur de maîtriser les règles encadrant l'arrêt maladie longue durée, afin de concilier continuité du service et sécurité juridique. Cet article vous propose une analyse complète des textes en vigueur, illustrée par les principales décisions jurisprudentielles récentes, pour vous permettre de gérer efficacement et en conformité l'absence d'un salarié touché par une affection longue durée.

Sommaire

  1. Qu'est-ce qu'un arrêt maladie longue durée
  2. Les affections longue durée reconnues par la loi
  3. Quelle est la durée maximale d'un arrêt maladie longue durée
  4. Qui indemnise le salarié en arrêt maladie longue durée
  5. Quel est le délai de carence en cas de maladie longue durée
  6. Acquisition des congés payés pendant l'arrêt longue maladie
  7. Peut-on reporter les congés payés du salarié absent pour maladie longue durée
  8. Remplacer un salarié en arrêt longue durée : les règles du CDD
  9. Peut-on licencier un salarié en arrêt maladie longue durée
  10. Conclusion

Qu'est-ce qu'un arrêt maladie longue durée ?

Un arrêt maladie longue durée (ALD) correspond à une suspension temporaire du contrat de travail justifiée par une affection de longue durée, telle que définie par le Code de la sécurité sociale. Il s'agit d'une maladie grave et/ou chronique nécessitant des soins prolongés. L'article L324-1 du Code de la sécurité sociale encadre juridiquement cette situation, en distinguant les ALD exonérantes des ALD non exonérantes.

La reconnaissance de l'ALD relève du médecin traitant, complétée par un avis du médecin-conseil de la CPAM, lorsque l’état de santé du salarié nécessite des traitements continus sur une durée généralement supérieure à six mois.

Les affections longue durée reconnues

Trois catégories coexistent :

  • ALD 30 : Liste des 29 affections sévères visées à l'article D160-4 du Code de la sécurité sociale, comme le diabète, la sclérose en plaques ou la maladie de Parkinson ;
  • ALD 31 : Affections dites « hors liste », caractérisées par une évolution prévisible sur plus de six mois avec un traitement coûteux ;
  • ALD 32 : Polypathologies invalidantes cumulant plusieurs affections graves.

Pour ces catégories, les soins sont pris en charge à 100 % sur la base du tarif de la Sécurité sociale, conformément à l'article L322-3 du Code de la sécurité sociale.

Quelle durée maximale pour un arrêt maladie longue durée ?

L'article L323-4 du Code de la sécurité sociale précise que l'indemnisation par la Sécurité sociale ne peut excéder 3 ans sur une période continue. Au terme de cette période, deux issues principales s'imposent :

  • Une reprise du travail (éventuellement avec aménagement) ;
  • Ou un passage en invalidité, ouvrant droit à une pension.

Le nombre de prolongations d'arrêt n'est pas limité, sous réserve de l'avis favorable du médecin-conseil.

Qui paie le salarié en arrêt maladie longue durée ?

Le versement du salaire est suspendu durant l'arrêt. Toutefois, deux régimes d'indemnisation se combinent :

Les indemnités journalières de la Sécurité sociale (IJSS)

Versées après un délai de carence de trois jours (article R323-1 du Code de la sécurité sociale), les IJSS représentent 50 % du salaire journalier de base, dans la limite de 360 jours par période de 3 ans. En cas d'ALD reconnue, cette période est portée à 3 ans continus (article L323-4 CSS).

L'indemnité complémentaire versée par l'employeur

En application de l'article L1226-1 du Code du travail, l'employeur verse une indemnité complémentaire sous conditions :

  • Ancienneté minimale d'un an ;
  • Justification de l'absence sous 48 heures ;
  • Prise en charge par la Sécurité sociale.

Cette indemnisation commence après 7 jours (délai de carence prévu à l'article D1226-3 du Code du travail) et assure :

  • 90 % du salaire brut durant 30 à 90 premiers jours ;
  • 66,66 % ensuite pour une période équivalente, avec modulation selon l'ancienneté (articles D1226-1 et D1226-2 du Code du travail).

La convention collective applicable peut prévoir des conditions plus favorables.

Le salarié en arrêt maladie longue durée acquiert-il des congés payés ?

La réforme induite par les arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 (n° 22-17340 et n° 22-10529) a conduit à la modification de l'article L3141-5 du Code du travail. Désormais, toute période d'arrêt, qu'elle ait une origine professionnelle ou non, est assimilée à du temps de travail effectif pour l'acquisition des congés payés.

Le salarié empêché de poser ses congés en raison de son arrêt bénéficie d'un report dans un délai maximal de 15 mois, comme prévu par l'article L3141-19-1 du Code du travail.

Peut-on recruter un salarié en CDD pour remplacement ?

Face à l'incertitude de la durée d'un arrêt longue maladie, l'article L1242-7 du Code du travail autorise le recours à un CDD de remplacement à terme imprécis, prenant fin au retour du salarié remplacé. Attention : une durée minimale d'engagement doit figurer au contrat, sous peine de requalification en CDI (jurisprudence Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-44837).

Peut-on licencier un salarié en arrêt maladie longue durée ?

L'article L1132-1 du Code du travail prohibe formellement tout licenciement fondé sur l'état de santé du salarié, sous peine de voir le licenciement annulé et d'indemnités judiciaires sanctionnant la discrimination (article L1235-3-1).

Toutefois, un licenciement pour motif étranger est envisageable :

  • En cas de faute grave ou lourde (article L1226-9 du Code du travail) ;
  • Ou pour motif économique réel et sérieux.

Les conventions collectives peuvent instaurer des garanties d'emploi spécifiques, imposant à l'employeur de respecter certaines conditions avant toute procédure de licenciement.

Conclusion

La gestion d'un arrêt maladie longue durée mobilise simultanément les dispositions protectrices du Code de la sécurité sociale et les règles du Code du travail, dans un équilibre constant entre la protection du salarié et les nécessités du fonctionnement de l'entreprise. Du maintien partiel de la rémunération par le versement des IJSS et des indemnités complémentaires, au report des congés payés acquis, sans oublier la possibilité de recruter un remplaçant en CDD, chaque étape de l'absence doit être rigoureusement encadrée.

Si le licenciement fondé sur l'état de santé demeure strictement interdit, l'employeur conserve toutefois la faculté de rompre le contrat pour des motifs disciplinaires ou économiques, sous réserve d'une vigilance particulière quant aux stipulations éventuelles de la convention collective applicable. L'ensemble de ces mesures s'inscrit dans le respect du principe de non-discrimination (article L1132-1 du Code du travail) et du droit à la santé des travailleurs.

Enfin, la récente réforme concernant l’acquisition des congés payés en cas d'arrêt maladie témoigne d'une évolution du droit social vers une meilleure prise en compte des périodes d'inactivité, en conformité avec les exigences du droit européen. L’anticipation du retour au poste, par la mise en place des visites de pré-reprise et de reprise, et la gestion administrative des droits restants du salarié en fin de période d'arrêt s'avèrent tout aussi déterminantes.

Face à ces enjeux, chaque employeur se doit d'adopter une gestion pragmatique et conforme aux textes afin de sécuriser sa pratique et limiter les risques contentieux. Le respect des droits du salarié, associé à une organisation efficace du remplacement, permet à l’entreprise de préserver sa performance tout en assurant la protection des salariés fragilisés par la maladie.

FAQ

1. Quelle est la définition légale d'un arrêt maladie longue durée ?
L'arrêt maladie longue durée (ALD) est défini par l'article L324-1 du Code de la sécurité sociale. Il s'agit d'une période d'interruption du contrat de travail, motivée par une affection grave et/ou chronique, nécessitant des soins prolongés sur une durée minimale de six mois. La reconnaissance de l'ALD repose sur l’évaluation médicale du médecin traitant, avec validation éventuelle du médecin-conseil de la CPAM. Certaines maladies bénéficient d'un statut spécifique d'ALD exonérante, permettant une prise en charge intégrale des soins par la Sécurité sociale (article D160-4 du Code de la sécurité sociale). La maladie doit être dissociée d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

2. Pendant combien de temps le salarié perçoit-il des indemnités journalières ?
En arrêt longue durée, le salarié bénéficie d'indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS), calculées sur 50 % du salaire journalier de base (article L323-4 du Code de la sécurité sociale). Ce versement est limité à 360 jours par période de trois ans, sauf pour les ALD reconnues où l'indemnisation peut se prolonger jusqu’à trois années continues. Si l'état du salarié le justifie, la période peut être renouvelée après un retour au travail d’au moins douze mois. En complément, l’employeur doit verser une indemnité complémentaire, prévue par l'article L1226-1 du Code du travail, sous réserve d'une ancienneté minimale d'un an et d’une prise en charge par la Sécurité sociale. Le cumul des IJSS et de l'indemnité complémentaire permet de compenser en partie la perte de salaire.

3. Peut-on recruter un salarié en CDD pour remplacer un salarié malade ?
L'absence prolongée d'un salarié en ALD autorise l'employeur, selon l'article L1242-7 du Code du travail, à conclure un contrat à durée déterminée (CDD) de remplacement à terme imprécis. Ce contrat prend fin automatiquement au retour du salarié absent. L'employeur doit préciser dans le contrat une durée minimale d'engagement : en son absence, le CDD pourrait être requalifié en CDI (jurisprudence Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-44837). L'employeur reste libre de fixer une durée de remplacement couvrant uniquement la période d'absence effective. Ce dispositif permet d'assurer la continuité de l’activité sans contrevenir aux règles du Code du travail.

4. L'employeur peut-il licencier un salarié absent pour cause de maladie longue durée ?
La maladie du salarié ne constitue jamais un motif légitime de licenciement. L'article L1132-1 du Code du travail interdit expressément toute rupture du contrat fondée sur l’état de santé. Un licenciement en raison de la maladie serait jugé discriminatoire et annulé par le conseil de prud’hommes. Toutefois, un licenciement est envisageable pour un motif étranger à la maladie : faute grave, manquement professionnel, ou motif économique, à condition qu’il soit justifié et distinct de l'état de santé du salarié (article L1226-9 du Code du travail). Avant toute décision, il est recommandé de vérifier les éventuelles clauses de garantie d’emploi prévues dans la convention collective applicable, qui peuvent limiter la possibilité de licenciement pendant l’arrêt.

5. Comment se passent les congés payés pendant un arrêt maladie longue durée ?
La jurisprudence récente (arrêts Cass. soc., 13 septembre 2023) impose de considérer les périodes d'arrêt maladie comme des périodes de travail effectif pour l’acquisition des congés payés (article L3141-5 du Code du travail), même lorsque l'origine de la maladie n’est pas professionnelle. Cette disposition aligne le droit français sur le droit de l’Union européenne. Le salarié acquiert donc 2,5 jours ouvrables de congé par mois d'arrêt. Lorsque le salarié ne peut pas poser ses congés en raison de son arrêt prolongé, il bénéficie d'un report automatique de ces jours, dans un délai maximal de 15 mois (article L3141-19-1 du Code du travail). Cette période de report commence à courir dès la communication par l’employeur des informations actualisées relatives aux droits à congés après la reprise du travail. L'employeur est donc tenu de tenir informé le salarié dès son retour.

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