L’embauche de travailleurs étrangers en France soulève de nombreuses questions juridiques et administratives pour les employeurs. Dans un contexte où la mobilité internationale des compétences devient un levier essentiel de croissance pour les entreprises, comprendre les règles encadrant la conclusion d’un contrat de travail avec un salarié étranger est indispensable.
La distinction entre ressortissants de l’Union européenne, étrangers hors UE, ou encore professionnels titulaires de titres spécifiques impose aux entreprises une vigilance renforcée. Le non-respect des formalités expose l'employeur à des sanctions sévères, tant administratives que pénales, en cas d’emploi d'un travailleur sans autorisation. La réglementation actuelle, combinant les exigences du Code du travail, du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des directives européennes, impose une maîtrise rigoureuse des procédures : de l’obtention de l’autorisation de travail jusqu'à la délivrance des titres de séjour appropriés.
Les modalités contractuelles, qu’il s’agisse d’un CDD, d’un CDI, ou d’un contrat spécifique, influencent directement le statut administratif du salarié étranger, impactant sa capacité à résider et à travailler légalement en France. Par ailleurs, l’employeur doit également anticiper les incidences du renouvellement de titre, de la rupture du contrat, et des éventuelles démarches de régularisation par le travail en cas de situation irrégulière.
Dans cet article, defendstesdroits.fr vous propose une analyse juridique détaillée, enrichie de références légales et jurisprudentielles, pour vous guider dans vos démarches et sécuriser vos pratiques d’embauche. Qu’il s’agisse d’un recrutement depuis l’étranger ou de la régularisation d’un salarié déjà présent sur le territoire, chaque étape mérite une attention minutieuse afin d’assurer la conformité de votre entreprise au regard de la législation française.
En France, l’employeur peut conclure différents types de contrats avec un travailleur étranger, selon le cadre du recrutement :
Il est important de souligner que des règles spécifiques s’appliquent pour les étudiants étrangers ou les ressortissants algériens, en application notamment des accords bilatéraux.
Avant toute embauche d’un salarié étranger hors Union européenne (UE), Espace économique européen (EEE) ou Suisse, l’employeur doit obtenir une autorisation de travail, conformément à l’article L5221-5 du Code du travail. L’autorisation peut être :
Le salarié doit également être en situation régulière sur le territoire français, conformément à l’article L5221-6 du Code du travail.
Les dispenses d’autorisation
Certains étrangers sont dispensés de cette autorisation, notamment :
Si le salarié étranger ne réside pas encore en France, l’employeur doit engager une procédure d’introduction (équivalente à une demande d’autorisation de travail), condition indispensable à l’obtention d’un visa long séjour.
Le contrat de travail doit obligatoirement être rédigé en français À la demande du salarié, une traduction dans sa langue peut être annexée. En cas de contradiction entre les deux versions, celle rédigée dans la langue du salarié étranger prévaut contre ce dernier.
Une fois l’autorisation obtenue, l’employeur doit accomplir les formalités classiques :
Depuis le 1er janvier 2023, l’employeur est soumis, dans certaines situations, au paiement d’une taxe perçue par la Direction générale des finances publiques (DGFiP), anciennement recouvrée par l’Ofii.
Un salarié étranger embauché sous CDI peut solliciter une carte de séjour « salarié » (cf. article L421-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). D’une durée initiale d’1 an, elle peut évoluer en carte pluriannuelle de 4 ans lors du renouvellement, sous réserve du maintien dans le même emploi.
Pour un CDD, le salarié peut obtenir un titre de séjour « travailleur temporaire » , d’une durée équivalente à celle du contrat, dans la limite d'1 an.
En fin de contrat, une nouvelle demande d’autorisation de travail doit être réalisée pour permettre la continuité de séjour et d’activité professionnelle.
Un salarié étranger en situation régulière peut faire l’objet :
Toutefois, en cas de non-renouvellement de titre de séjour, l’employeur a le droit de mettre fin au contrat, comme l’a rappelé la Cour de cassation (Cass. soc., 29 novembre 2023, n°22-10004).
Attention : si le salarié prouve avoir entamé les démarches de renouvellement dans les délais, l’employeur ne peut le licencier avant l’expiration d’un délai de 3 mois.
L’embauche d’un salarié étranger non autorisé à travailler est interdite et expose l’employeur à :
Depuis la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024, une amende administrative spécifique s’applique en lieu et place des anciennes contributions spéciales versées à l’Ofii.
En application des articles L435-1 et R435-1 du CESEDA, la procédure d’admission exceptionnelle au séjour permet, sous conditions :
De régulariser un salarié sans-papiers via la délivrance d’une carte de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire », sans exigence de visa préalable.
La circulaire Retailleau du 23 janvier 2025 a cependant durci les conditions d’accès à cette procédure.
La conclusion d’un contrat de travail avec un salarié étranger en France nécessite, pour tout employeur, une anticipation juridique rigoureuse et une gestion administrative méthodique. Depuis l’examen du statut migratoire du candidat jusqu’à la vérification des mentions figurant sur son titre de séjour, chaque formalité est encadrée par des textes précis issus du Code du travail et du CESEDA.
Le recours à un CDD ou un CDI, tout comme l’embauche dans le cadre d’une admission exceptionnelle au séjour, conditionne l’obtention ou le renouvellement du titre de séjour autorisant le travail. La vigilance de l’employeur ne doit pas faiblir tout au long de la relation de travail : la durée du titre de séjour, les éventuelles démarches de renouvellement, et la preuve des démarches entreprises par le salarié en cas d’expiration du titre, sont autant d’éléments devant être suivis avec soin.
En cas de manquement, les sanctions administratives et pénales prévues par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 et le décret du 9 juillet 2024 peuvent être particulièrement lourdes pour l’employeur. Par ailleurs, les possibilités de régularisation via le travail, encadrées par les articles L435-1 et suivants du CESEDA, doivent être envisagées dans les situations de salariés en situation irrégulière exerçant dans des secteurs en tension.
Enfin, il est impératif de rappeler que le respect du principe d’égalité de traitement (article L1132-1 du Code du travail) doit guider l’entreprise dans la gestion quotidienne du salarié étranger, évitant toute discrimination directe ou indirecte.
Pour vous accompagner dans ces démarches et sécuriser l’ensemble de votre processus de recrutement, les juristes de defendstesdroits.fr mettent à votre disposition des modèles juridiques actualisés, des dossiers thématiques, et un accompagnement personnalisé conforme aux dernières évolutions législatives et réglementaires.
1. Quel contrat peut-on proposer à un salarié étranger en France ?
L’employeur a le choix entre plusieurs types de contrats de travail : contrat à durée déterminée (CDD), contrat à durée indéterminée (CDI), contrat d’apprentissage, contrat de professionnalisation, ou encore contrat d’intérim. Le choix du contrat est libre, mais il a des conséquences sur la nature du titre de séjour du salarié. En effet, un salarié embauché en CDI pourra obtenir une carte de séjour « salarié » valable initialement un an, renouvelable par la suite en carte pluriannuelle. En revanche, un CDD donnera lieu à la délivrance d’une carte « travailleur temporaire », dont la durée sera calquée sur celle du contrat, dans la limite d’un an. Ces distinctions sont prévues par les articles L421-1 et L421-3 du CESEDA.
2. Quelles démarches effectuer avant de recruter un salarié étranger ?
Avant toute embauche, il est impératif de vérifier le titre de séjour du candidat. Si celui-ci n’a pas encore de titre autorisant le travail, l’employeur devra solliciter une autorisation de travail auprès de l’administration (préfecture ou plateforme numérique). Cette formalité est exigée pour tous les ressortissants hors Union européenne, Espace économique européen et Suisse, conformément à l’article L5221-5 du Code du travail. Certains cas permettent une dispense, notamment pour les titulaires d’une carte de séjour « vie privée et familiale ». Si le salarié est encore à l’étranger, il faudra suivre la procédure d’introduction, permettant l’obtention du visa long séjour et du futur titre de séjour professionnel.
3. Quels documents doivent figurer dans le contrat de travail d'un salarié étranger ?
Le contrat de travail doit être obligatoirement rédigé en français selon l’article L1221-3 du Code du travail. À la demande du salarié, une traduction dans sa langue maternelle peut être annexée. Cette traduction est opposable et prévaut en cas de litige si elle est invoquée par le salarié. Le contrat doit mentionner précisément le poste occupé, la rémunération, la durée du contrat (en cas de CDD), ainsi que les conditions d’exécution du travail. Il est également nécessaire de respecter le principe d’égalité de traitement avec les autres salariés de l’entreprise, comme prévu par l’article L1132-1 du Code du travail, pour éviter toute discrimination liée à la nationalité ou à l’origine du salarié.
4. Quelles sont les sanctions encourues en cas d'emploi d'un salarié étranger sans autorisation ?
Employer un salarié étranger non muni d’un titre l’autorisant à travailler expose l’employeur à une amende administrative, créée par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 et précisée par le décret n°2024-814 du 9 juillet 2024. Cette amende remplace l’ancienne contribution spéciale versée à l’Ofii. Le montant de cette amende dépend du nombre de salariés concernés et peut atteindre plusieurs milliers d’euros par salarié. Des sanctions pénales sont également prévues en cas de récidive ou d’emploi massif. Le tribunal administratif du ressort statue sur les litiges relatifs à ces sanctions. De plus, en cas de sous-traitance, le donneur d’ordre peut voir sa responsabilité engagée au titre de la solidarité financière, si un de ses sous-traitants emploie des salariés non autorisés.
5. Comment procéder à la régularisation d'un salarié étranger en situation irrégulière ?
La procédure d’admission exceptionnelle au séjour permet la régularisation par le travail d’un salarié étranger sans-papiers. Prévue par les articles L435-1 et R435-1 du CESEDA, cette procédure concerne principalement les métiers en tension. Pour y prétendre, le salarié doit justifier :
Le salarié pourra alors obtenir une carte de séjour portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire », selon le contrat signé. La récente circulaire Retailleau du 23 janvier 2025 a toutefois renforcé les conditions d’accès à cette procédure, limitant certaines régularisations automatiques et renforçant l’analyse individuelle des dossiers par les préfectures.