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Salarié voleur : Quelle procédure disciplinaire respecter ?

Jordan Alvarez
Editeur
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Vol en entreprise : Procédures et risques du licenciement

Dans la relation de travail, la confiance entre l’employeur et le salarié constitue un fondement essentiel du lien contractuel. Lorsqu’un salarié commet un vol au sein de l’entreprise, cette confiance peut se trouver irrémédiablement compromise, posant la question délicate de la rupture du contrat de travail pour motif disciplinaire.

La question du licenciement pour vol s’inscrit donc au croisement du droit disciplinaire interne à l’entreprise et du droit pénal, le vol étant défini comme un délit par le Code pénal (articles 311-1 à 311-11).

Toutefois, le recours au licenciement n’est pas automatique et suppose une analyse rigoureuse des circonstances, afin d’assurer le respect des droits du salarié tout en préservant les intérêts légitimes de l’employeur.

Le droit du travail prévoit que l’employeur dispose d’un pouvoir disciplinaire lui permettant de sanctionner les comportements fautifs de ses salariés, dans le cadre d’une procédure strictement encadrée par le Code du travail et la jurisprudence.

Mais sanctionner un salarié pour vol impose de répondre à plusieurs interrogations fondamentales : le vol constitue-t-il nécessairement une cause réelle et sérieuse de licenciement ? S’agit-il d’une faute grave ou d’une faute lourde ? Comment l’employeur peut-il apporter la preuve du vol sans porter atteinte aux libertés fondamentales du salarié ? Et quelles sont les conséquences indemnitaires de cette rupture disciplinaire du contrat de travail ?

Face à ces enjeux, il est impératif pour tout employeur confronté à un vol interne de connaître avec précision le cadre juridique applicable, afin d'éviter les risques de contentieux prud’homal et de sécuriser la procédure.

À travers cet article, nous examinerons le statut du vol en entreprise au regard du droit du travail, les différentes modalités de licenciement possibles, les modes de preuve recevables, ainsi que la procédure à suivre pour respecter les droits du salarié tout en défendant les intérêts économiques de l’entreprise.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Le vol en entreprise : Un motif de licenciement ?
  3. Faute simple, grave ou lourde : Quelle qualification retenir ?
  4. Comment prouver le vol d’un salarié
  5. La procédure à respecter pour un licenciement pour vol
  6. Quelles indemnités en cas de licenciement pour faute grave ou lourde
  7. Conclusion
  8. FAQ

Le vol en entreprise : un motif de licenciement ?

Le vol constitue, selon l’article 311-1 du Code pénal, une soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. Lorsqu’il est commis dans un cadre professionnel, ce comportement peut être qualifié de faute disciplinaire, susceptible de justifier une rupture du contrat de travail. Toutefois, chaque situation requiert une appréciation circonstanciée.

Il est établi par la jurisprudence que le contexte et les conséquences du vol sur l’entreprise sont déterminants. En effet, lorsque le préjudice subi est minime ou que le salarié présente une ancienneté importante sans antécédent disciplinaire, le licenciement pourrait être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 19 mai 1993, n°91-43706).

Exemple : Le vol isolé d’un objet de faible valeur, par un salarié au parcours professionnel irréprochable, peut ne pas justifier la rupture du contrat.

Licenciement pour faute simple, grave ou lourde ?

En principe, le vol peut être qualifié de faute grave ou de faute lourde, selon l’intention et la gravité du comportement.

  • La faute grave : Selon la Cour de cassation (Cass. soc., 5 mai 2011, n°09-43338), le vol répété de carburant constitue une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même temporairement. Le salarié peut être immédiatement écarté via une mise à pied conservatoire dans l’attente de la procédure disciplinaire.
  • La faute lourde : Elle suppose une intention de nuire à l’employeur (Cass. soc., 27 octobre 1998, n°96-43302). C’est le cas du salarié qui dérobe délibérément des sommes dans la caisse dans le but de causer un préjudice significatif.

Chaque employeur devra analyser :

  • La nature et la valeur du bien soustrait,
  • La récidive éventuelle,
  • La fonction occupée par le salarié,
  • Les répercussions du vol sur l’entreprise.

Le principe de proportionnalité guide l’appréciation de la sanction disciplinaire : un avertissement peut suffire lorsque les circonstances le justifient.

Comment prouver un vol en entreprise ?

L’employeur doit apporter la preuve des faits fautifs conformément à l’article L1332-1 du Code du travail. La jurisprudence admet une pluralité de modes de preuve, mais certains sont strictement encadrés afin de garantir le respect des droits fondamentaux du salarié.

Peuvent constituer des preuves licites :

  • Les enregistrements vidéos installés dans le respect des obligations d’information du personnel,
  • Les données informatiques professionnelles (Cass. soc., 21 octobre 2009, n°07-43877),
  • Les témoignages ou constats établis par un huissier.

Attention : la fouille du salarié ou le recours à un détective privé restent des méthodes illicites (CA Paris, 11 septembre 2013, n°11-10392 ; Cass. civ. 2e, 17 mars 2016, n°15-11412).

Depuis l’arrêt du 14 février 2024 (Cass. soc., n°22-23073), une preuve obtenue de manière déloyale peut exceptionnellement être admise si :

  • Elle est indispensable à l’exercice du droit à la preuve,
  • Sa production ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié.

Le juge du Conseil de prud’hommes appréciera donc, au cas par cas, la recevabilité des éléments produits.

La procédure de licenciement pour vol : étapes obligatoires

Pour respecter les exigences de l’article L1232-2 du Code du travail, l’employeur doit suivre strictement la procédure disciplinaire prévue pour un licenciement pour motif personnel :

  1. Convocation à entretien préalable : par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge.
  2. Entretien préalable : moment d’échange où l’employeur expose les faits reprochés et recueille les explications du salarié (article L1232-3).
  3. Notification du licenciement : par écrit, au plus tôt 2 jours ouvrables après l’entretien et au plus tard 1 mois après (article L1232-6).

Le délai de 2 mois à compter de la connaissance des faits fautifs est impératif pour engager la procédure (article L1332-4), sauf si des poursuites pénales sont engagées.

Il est essentiel de documenter chaque étape pour se prémunir contre une éventuelle contestation devant le Conseil de prud’hommes.

Quelles indemnités pour un licenciement pour vol ?

Le licenciement pour faute grave ou faute lourde prive le salarié :

  • De l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
  • De l’indemnité compensatrice de préavis.

En revanche, il conserve le bénéfice de l’indemnité compensatrice de congés payés, conformément aux dispositions des articles L3141-28 et suivants du Code du travail.

En cas de contestation, le salarié pourra solliciter la requalification du licenciement devant le Conseil de prud’hommes. Il appartient alors à l’employeur de démontrer le bien-fondé du licenciement disciplinaire, au regard de la gravité des faits et de la proportionnalité de la sanction.

Conclusion

En définitive, le licenciement d’un salarié pour vol est une mesure disciplinaire particulièrement sensible qui exige une appréciation rigoureuse et contextualisée des faits reprochés. Si le vol constitue en principe une faute disciplinaire, sa qualification en faute grave ou faute lourde dépendra des circonstances spécifiques, telles que la gravité du préjudice subi, la valeur de l’objet soustrait, ou encore l’intention malveillante éventuelle du salarié.

L’employeur doit faire preuve d’une grande vigilance dans la constitution de son dossier disciplinaire, en s’assurant de la licéité des preuves collectées et du respect strict de la procédure de licenciement prévue par le Code du travail (articles L1232-2 et suivants). La moindre irrégularité pourrait entraîner la nullité du licenciement ou sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec des conséquences financières importantes devant le Conseil de prud’hommes.

En parallèle, le salarié dispose de voies de contestation judiciaire s’il estime que la sanction infligée est disproportionnée ou que les droits de la défense n’ont pas été respectés. La jurisprudence veille ainsi à garantir un équilibre entre le droit de l’employeur à sanctionner les fautes et les droits fondamentaux du salarié.

En somme, avant de prononcer un licenciement pour vol, l’employeur doit soigneusement évaluer l’ensemble des éléments constitutifs de la faute reprochée et s’entourer de conseils juridiques afin d’assurer la sécurisation de la procédure disciplinaire dans le strict respect des exigences légales.

FAQ

1. Un simple vol peut-il suffire à justifier un licenciement ?
Tout dépend des circonstances. La loi exige que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, ce qui impose une analyse contextuelle. Si le vol concerne un objet de faible valeur, commis par un salarié avec une ancienneté importante et sans antécédents disciplinaires, il est possible que le licenciement soit jugé abusif par le Conseil de prud’hommes (Cass. soc., 19 mai 1993, n°91-43706). À l’inverse, le vol répété, ou commis dans un contexte de méfiance croissante, pourra justifier la rupture du contrat. L’employeur doit apprécier :

  • Le préjudice causé,
  • Le comportement global du salarié,
  • La confiance encore possible ou non.

2. Quelle différence entre faute grave et faute lourde en cas de vol ?
Le vol peut être qualifié de :

  • Faute grave : lorsque l’acte rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même temporairement. Il n’est pas nécessaire de prouver une intention de nuire. C’est le cas du salarié qui vole des outils, du carburant ou des produits finis (Cass. soc., 5 mai 2011, n°09-43338).
  • Faute lourde : suppose la volonté manifeste du salarié de nuire à l’employeur. Exemple : le salarié qui dérobe des fonds en caisse, dans une intention de porter atteinte à l’entreprise (Cass. soc., 27 octobre 1998, n°96-43302).
    L’employeur doit ainsi étudier si le salarié a agi dans une logique de préjudice volontaire à l’entreprise.

3. Comment un employeur peut-il prouver légalement le vol ?
L’employeur doit établir la preuve du vol pour sécuriser la procédure disciplinaire. Les preuves licites sont privilégiées :

  • Vidéo-surveillance, si déclarée et utilisée dans un objectif professionnel.
  • Témoignages de collègues ou de clients.
  • Données informatiques professionnelles du salarié (Cass. soc., 21 octobre 2009, n°07-43877).
    En revanche, les preuves illicites comme la filature ou la fouille corporelle sont prohibées. Toutefois, une preuve obtenue de manière déloyale peut être exceptionnellement admise depuis 2024, si elle est indispensable et proportionnée (Cass. soc., 14 février 2024, n°22-23073). Le juge exerce un contrôle strict avant de valider la preuve.

4. Quelles sont les étapes à respecter pour licencier un salarié pour vol ?
L’employeur doit suivre scrupuleusement la procédure de licenciement pour motif personnel :

  • Convocation à un entretien préalable (lettre recommandée ou remise contre décharge, article L1232-2 du Code du travail).
  • Entretien préalable, durant lequel l’employeur expose les faits reprochés et recueille les observations du salarié (article L1232-3).
  • Notification du licenciement, au plus tôt 2 jours après l’entretien, par courrier recommandé (article L1232-6).
    L’employeur doit respecter le délai de 2 mois à compter de la connaissance du fait fautif pour engager la procédure (article L1332-4), sauf poursuites pénales dans le même délai. Toute irrégularité expose à une requalification devant le Conseil de prud’hommes.

5. Le salarié licencié pour vol a-t-il droit à des indemnités ?
En cas de licenciement pour faute grave ou lourde :

  • Pas d’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
  • Pas d’indemnité compensatrice de préavis.
    Cependant, le salarié conserve son droit à l’indemnité compensatrice de congés payés, conformément aux articles L3141-28 et suivants du Code du travail.
    En cas de contestation du licenciement et de requalification par le Conseil de prud’hommes, l’employeur pourrait être condamné à verser :
  • Des dommages-intérêts pour licenciement abusif,
  • Le rappel des indemnités non perçues.
    Le respect des procédures et des qualifications disciplinaires est donc déterminant pour l’employeur.

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