Protection sociale

Salariés et canicule : obligations renforcées pour l’été 2025

Jordan Alvarez
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Prévention des risques de chaleur : ce que dit le décret 2025 pour les usines

Face à l’intensification des vagues de chaleur liée au changement climatique, la protection des travailleurs exposés aux fortes températures devient un enjeu majeur pour les employeurs, notamment dans les secteurs industriels et le BTP.

Les risques pour la santé et la sécurité des salariés, déjà encadrés par le Code du travail (articles L. 4121-1 et suivants), se précisent désormais grâce à de nouvelles dispositions réglementaires.

Depuis le 1er juillet 2025, un décret est venu détailler les obligations spécifiques de prévention que chaque employeur doit impérativement respecter sous peine de voir sa responsabilité engagée. Sur defendstesdroits.fr, nous vous proposons un décryptage clair et complet de ces nouvelles règles, pour aider chaque salarié et employeur à comprendre leurs droits et devoirs face aux fortes chaleurs au travail.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Une intensification des risques climatiques
  3. Le nouveau cadre réglementaire
  4. Équipements, hydratation et aménagement du temps de travail
  5. Document unique et mise en demeure
  6. Droit de retrait et rôle des représentants du personnel
  7. Vers une évolution des normes européennes
  8. FAQ

Une intensification des risques climatiques

Les épisodes de fortes chaleurs se multiplient en France sous l’effet du réchauffement climatique, exposant particulièrement les travailleurs de l’industrie, du BTP et de l’agriculture à des risques accrus pour leur santé et leur sécurité.

La déshydratation, la perte de connaissance, le coup de chaleur, mais aussi l’épuisement physique prolongé peuvent entraîner des accidents du travail mortels, comme le démontrent les chiffres alarmants publiés chaque année par Santé publique France.

Conformément au Code du travail, et notamment aux articles L. 4121-1 et suivants, tout employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.

Cette obligation générale inclut la mise en place d’une organisation du travail adaptée, la fourniture d’équipements appropriés et la formation des salariés aux risques spécifiques.

Face à la multiplication et à l’intensité croissante des vagues de chaleur, le décret du 27 mai 2025, entré en vigueur le 1er juillet 2025, vient renforcer et préciser ce devoir de prévention en fixant de nouvelles exigences légales que chaque employeur doit désormais intégrer dans sa politique de santé et sécurité au travail.

Le nouveau cadre réglementaire

Conformément au décret n° 2025-632 relatif à la prévention des risques liés aux vagues de chaleur, toute entreprise doit, dès que les seuils de vigilance Météo France sont atteints ou dépassés, mettre en place des mesures de protection adaptées pour garantir la sécurité des salariés. Ce texte vient préciser des obligations qui, jusque-là, reposaient essentiellement sur des recommandations générales peu contraignantes.

Les seuils de vigilance sont désormais clairement définis en trois niveaux progressifs, permettant aux employeurs de s’adapter à la gravité de la situation :

  • Jaune : pics de chaleur de courte durée ou chaleur persistante de plus de trois jours.
  • Orange : canicule caractérisée par une chaleur intense durant trois jours et trois nuits consécutifs, mettant à l’épreuve l’endurance des salariés.
  • Rouge : situation de canicule extrême, exigeant une vigilance maximale et une mobilisation renforcée des moyens de prévention.

À ce jour, il faut rappeler qu’aucune température maximale de travail n’est expressément fixée par la loi française.

Toutefois, la Cour de cassation, à travers plusieurs décisions, notamment Cass. soc., 20 novembre 2019, n° 18-22.037, a confirmé que l’employeur reste tenu d’adapter les conditions de travail aux contraintes climatiques exceptionnelles. Cette jurisprudence souligne l’importance du principe de précaution et du devoir de vigilance de l’employeur pour protéger ses salariés face à tout risque prévisible.

Ainsi, le nouveau décret complète et renforce le cadre juridique existant, en rendant obligatoires des mesures jusqu’alors souvent laissées à l’appréciation de chaque entreprise, ce qui garantit une protection renforcée et plus homogène pour l’ensemble des travailleurs exposés.

Équipements, hydratation et aménagement du temps de travail

Le texte précise que l’employeur doit fournir des équipements de protection individuelle adaptés : vêtements rafraîchissants, lunettes de protection, brumisateurs, mais également climatisation, ventilation ou protections contre l’exposition directe au soleil (article R. 4225-1 du Code du travail).

De plus, chaque salarié doit bénéficier d’au moins trois litres d’eau fraîche par jour, et l’employeur doit garantir une température convenable dans les locaux fermés (article R. 4222-1). La nouveauté réside dans l’obligation d’assurer non seulement un chauffage l’hiver, mais aussi une fraîcheur minimale en été.

S’y ajoutent des mesures d’aménagement du temps de travail : modification des horaires pour éviter les heures les plus chaudes, mise en place de pauses supplémentaires, voire réduction temporaire de la cadence de production.

Document unique et mise en demeure

Le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) constitue l’un des piliers de la politique de prévention en entreprise. Conformément à l’article R. 4121-1 du Code du travail, l’employeur a l’obligation de recenser et évaluer tous les risques auxquels ses salariés peuvent être exposés, y compris ceux liés aux fortes chaleurs.

Désormais, avec le décret du 27 mai 2025, les mesures spécifiques de prévention contre les vagues de chaleur doivent impérativement y figurer de façon claire et actualisée.

Pour les entreprises de plus de 50 salariés, ces mesures doivent également être intégrées dans le PAPRIPACT (Programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail).

Ce programme précise les actions concrètes, les moyens mobilisés, les échéances et les responsables désignés pour mettre en œuvre la politique de prévention. Il s’agit d’un outil essentiel pour démontrer la bonne foi de l’employeur en cas de contrôle ou de litige.

En cas de manquement, l’inspection du travail dispose d’un pouvoir de mise en demeure, prévu par l’article L. 4721-1 du Code du travail. Elle peut ainsi obliger l’employeur à régulariser la situation dans un délai qui ne peut être inférieur à huit jours.

Bien qu’aucune amende administrative immédiate ne soit prévue à ce stade, le risque pour l’employeur est réel : un accident du travail survenu du fait d’une exposition excessive à la chaleur, sans mesures adéquates, peut entraîner la reconnaissance d’une faute inexcusable (Cass. soc., 28 février 2002, n° 99-18.389).

Cette faute engage non seulement la responsabilité civile de l’employeur mais entraîne également une majoration du coût des cotisations AT/MP (article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale), sans compter les possibles poursuites pénales pour mise en danger de la vie d’autrui.

Le DUERP et le PAPRIPACT ne sont donc pas de simples formalités : ils constituent de véritables garanties juridiques pour prévenir les accidents et protéger efficacement les salariés, tout en limitant le risque de sanctions lourdes pour l’entreprise.

Droit de retrait et rôle des représentants du personnel

Le salarié peut invoquer son droit de retrait, prévu par l’article L. 4131-1 du Code du travail, dès lors qu’il est exposé à un danger grave et imminent pour sa santé ou sa sécurité, notamment en cas de fortes chaleurs mal prises en compte par l’employeur.

L’exercice de ce droit permet au salarié de cesser immédiatement son activité sans qu’aucune sanction ni retenue de salaire ne puisse être légalement appliquée, sous réserve que le danger soit réel et sérieux.

Dans le secteur de l’industrie, où la présence syndicale est historiquement forte, cette prérogative est fréquemment mobilisée pour exiger une protection immédiate et pousser l’employeur à agir rapidement face aux situations à risque. Les syndicats jouent ici un rôle de relais pour informer, accompagner et défendre les salariés qui souhaitent exercer ce droit.

Les comités sociaux et économiques (CSE) disposent pour leur part d’un pouvoir d’alerte en matière de santé, sécurité et conditions de travail, conformément à l’article L. 2312-59 du Code du travail.

Cette capacité d’alerte permet aux élus du personnel de signaler tout danger grave et imminent, de demander des explications à l’employeur et, si nécessaire, de saisir l’inspection du travail pour faire respecter les obligations de prévention. Par ce biais, le CSE contribue activement à un contrôle interne renforcé, garantissant que les mesures de protection contre les fortes chaleurs sont réellement mises en œuvre et suivies dans l’intérêt des salariés.

Vers une évolution des normes européennes ?

À l’échelle européenne, certaines confédérations syndicales plaident déjà pour la fixation d’une température maximale au poste de travail, à l’image de l’Espagne ou de la Belgique qui ont établi des seuils indicatifs. En France, la discussion reste ouverte, mais le contexte climatique pousse à un renforcement progressif du cadre réglementaire.

En pratique, defendstesdroits.fr recommande aux employeurs de former le personnel, de sensibiliser les encadrants et de documenter chaque mesure pour démontrer leur bonne foi en cas de contrôle ou de contentieux.

Conclusion

Dans ce contexte de réchauffement climatique, la prévention des risques liés aux fortes chaleurs s’impose plus que jamais comme une composante essentielle de la politique de santé et sécurité au travail.

Le décret du 27 mai 2025, en complétant les obligations prévues par le Code du travail, marque une avancée notable en imposant des mesures concrètes : équipements adaptés, accès facilité à l’eau potable, aménagement du temps de travail et surveillance accrue par l’inspection du travail.

Employeurs comme salariés ont tout intérêt à intégrer ces nouvelles exigences dans le document unique d’évaluation des risques professionnels, à anticiper les contrôles et à dialoguer avec les représentants du personnel afin de garantir des conditions de travail respectueuses de la santé et de la dignité de chacun.

FAQ

1) Quels sont les textes de loi qui encadrent la protection des salariés contre les fortes chaleurs ?
La protection des travailleurs exposés aux fortes chaleurs s’appuie principalement sur les articles L. 4121-1 et suivants du Code du travail, qui imposent à l’employeur une obligation générale de sécurité. Depuis le décret du 27 mai 2025, des mesures spécifiques viennent compléter ces dispositions en fixant de nouvelles exigences : équipements de protection, aménagement du temps de travail, approvisionnement en eau fraîche et ajustement des horaires pour éviter les pics de chaleur. Ces obligations doivent être intégrées au Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) et, pour les structures de plus de 50 salariés, détaillées dans le PAPRIPACT.

2) L’employeur peut-il être sanctionné s’il ne respecte pas les nouvelles mesures contre la canicule ?
Oui. En cas de non-respect, l’inspection du travail est habilitée à émettre une mise en demeure en vertu de l’article L. 4721-1 du Code du travail. Si l’employeur persiste à ne pas appliquer les mesures de prévention imposées, il risque une reconnaissance de faute inexcusable en cas d’accident lié à la chaleur (Cass. soc., 28 févr. 2002, n° 99-18.389). Cela peut entraîner une majoration des cotisations AT/MP et des indemnisations alourdies au profit de la victime ou de ses ayants droit.

3) Quelles mesures concrètes l’employeur doit-il prévoir en cas de canicule ?
L’employeur doit mettre en place plusieurs actions cumulatives :

  • Fournir au moins trois litres d’eau fraîche par salarié et par jour.
  • Prévoir des équipements de protection individuelle comme des vêtements respirants, brumisateurs, ventilateurs, climatiseurs ou protections solaires.
  • Aménager les horaires pour éviter les périodes les plus chaudes et instaurer des pauses supplémentaires.
  • Contrôler la température ambiante pour qu’elle reste « convenable » dans les locaux fermés (article R. 4222-1 du Code du travail).
    Ces mesures doivent être précisées dans le DUERP et communiquées aux salariés.

4) Un salarié peut-il exercer son droit de retrait en cas de forte chaleur ?
Oui. Conformément à l’article L. 4131-1 du Code du travail, un salarié peut se retirer de toute situation de travail présentant un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, notamment si l’employeur ne met pas en place de mesures de prévention face à un épisode caniculaire. Ce droit de retrait est encadré : le salarié doit avertir immédiatement l’employeur ou son représentant. L’exercice abusif de ce droit peut toutefois être sanctionné, mais il est rarement contesté lorsque le danger est avéré et non pris en charge.

5) Qui contrôle l’application de ces nouvelles obligations face aux canicules ?
Le contrôle relève de l’inspection du travail, qui peut réaliser des visites inopinées dans les entreprises pour vérifier l’application du décret et du Code du travail. Elle dispose du pouvoir de demander la mise en conformité dans un délai imposé et peut également signaler toute carence grave pouvant engager la responsabilité pénale de l’employeur. Les représentants du personnel, via le CSE, jouent aussi un rôle actif en matière de prévention et de signalement des manquements aux règles de sécurité.

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