Dans un contexte économique où la flexibilité du travail est devenue une nécessité, les heures supplémentaires demeurent un mécanisme essentiel de gestion du temps de travail. Elles permettent à l’employeur d’adapter la production ou les services aux besoins de l’entreprise, tout en garantissant au salarié une compensation financière ou en repos. Cependant, la pratique des heures supplémentaires obéit à un cadre légal strict, fixé par le Code du travail, la jurisprudence et les conventions collectives.
En France, toute heure effectuée au-delà de la durée légale hebdomadaire de 35 heures (article L3121-28 du Code du travail) est considérée comme une heure supplémentaire. Mais entre le calcul, la majoration, le contingent annuel et les droits afférents, les règles sont nombreuses et parfois complexes.
Cet article vous aide à comprendre le fonctionnement juridique des heures supplémentaires, leur régime de rémunération, ainsi que les droits et obligations de chaque partie. Que vous soyez salarié ou employeur, connaître ces règles est indispensable pour éviter les erreurs de gestion, les litiges prud’homaux ou les situations de travail dissimulé.
Selon l’article L3121-28 du Code du travail, toute heure accomplie au-delà de 35 heures hebdomadaires ou de la durée conventionnelle équivalente constitue une heure supplémentaire.
Ces heures ne peuvent être accomplies que sur demande ou avec l’accord implicite de l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction (Cass. Soc., 11 févr. 2003, n°01-41289).
Les heures supplémentaires sont encadrées par trois niveaux normatifs :
Une heure travaillée au-delà du seuil légal sans autorisation de l’employeur peut être reconnue par le juge si celui-ci constate une demande implicite de la hiérarchie ou un contrôle régulier du temps de travail.
Le recours aux heures supplémentaires relève exclusivement de la décision de l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction. Le salarié ne dispose d’aucun droit automatique à en effectuer, sauf clause contractuelle contraire ou usage établi.
Toutefois, l’employeur doit motiver la nécessité de ces heures par un besoin lié à l’activité de l’entreprise. Il peut à tout moment décider d’y mettre fin si l’activité ne le justifie plus.
En revanche, l’imposition d’heures supplémentaires abusives — par exemple sans préavis raisonnable ou de manière systématique — peut être considérée comme une modification du contrat de travail (Cass. Soc., 8 sept. 2021, n°19-16908).
Le salarié ne peut pas, en principe, refuser d’exécuter les heures supplémentaires demandées par son employeur. Un tel refus peut constituer une faute disciplinaire, voire justifier un licenciement pour faute grave en cas de refus répété.
Cependant, certaines exceptions sont admises :
Ainsi, le refus est légitime si la demande d’heures supplémentaires viole les dispositions légales sur la durée maximale du travail ou les temps de repos obligatoires.
Le Code du travail fixe des plafonds clairs pour protéger la santé et la sécurité du salarié :
En cas de circonstances exceptionnelles, l’autorité administrative peut autoriser jusqu’à 60 heures par semaine. Le CSE doit alors être consulté avant toute demande.
Le dépassement de ces plafonds peut ouvrir droit à des dommages-intérêts, même sans préjudice prouvé (Cass. Soc., 11 mai 2023, n°21-22281).
Le calcul des heures supplémentaires s’effectue par semaine civile, soit du lundi 0 h au dimanche 24 h. Toute heure au-delà de la 35e est comptabilisée, sauf dispositions conventionnelles différentes.
En l’absence d’accord collectif, la majoration de salaire s’applique comme suit :
La base de calcul comprend le salaire horaire effectif, ainsi que les primes inhérentes au travail (Cass. Soc., 23 sept. 2009, n°08-40636), notamment :
En revanche, les primes d’ancienneté ou les frais professionnels sont exclus du calcul.
Un accord collectif peut prévoir le remplacement du paiement par un repos compensateur équivalent.
Ce repos peut être total ou partiel, et doit être pris dans un délai déterminé par la convention ou par accord avec le CSE.
Au-delà du contingent annuel d’heures supplémentaires (fixé à 220 heures par défaut – article D3121-24), les salariés bénéficient d’une contrepartie obligatoire en repos :
Le non-paiement des heures supplémentaires constitue une violation grave des obligations contractuelles de l’employeur.
Le salarié peut :
Le juge apprécie la preuve par présomptions concordantes : plannings, relevés d’horaires, attestations, e-mails, etc.
Le non-paiement récurrent peut justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et, dans certains cas, être qualifié de travail dissimulé (article L8221-5 du Code du travail), passible de 45 000 € d’amende et trois ans d’emprisonnement.
Depuis la loi de finances 2025, les heures supplémentaires sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite de 7 500 € par an (article 81 quater du CGI).
Elles bénéficient également d’une réduction de cotisations sociales pour le salarié, dans la limite de 11,31 % (articles L241-17 et D241-21 du Code de la Sécurité sociale).
Pour les employeurs, une déduction forfaitaire de cotisations patronales s’applique aux entreprises de moins de 250 salariés, à condition que les salariés bénéficient de la réduction générale de charges (décret n°2022-1506 du 1er décembre 2022).
Les salariés à temps partiel peuvent effectuer des heures complémentaires, dans la limite du dixième de leur durée contractuelle (article L3123-9). Ces heures ne doivent jamais aboutir à un temps plein.
Les cadres dirigeants et les salariés au forfait annuel en jours sont exclus du dispositif des heures supplémentaires (article L3111-2), sauf preuve que le statut de cadre dirigeant est fictif.
Les heures supplémentaires constituent un levier d’adaptation du temps de travail indispensable à la flexibilité économique, mais elles ne peuvent être utilisées qu’en respectant un cadre juridique rigoureux. Le Code du travail, la jurisprudence et les conventions collectives ont pour objectif d’assurer un équilibre entre les besoins de l’entreprise et la protection des salariés. Cet équilibre repose sur trois principes essentiels : la légalité, la transparence et la juste compensation.
Sur le plan légal, toute heure accomplie au-delà de la durée hebdomadaire de référence doit être reconnue et rémunérée en conséquence. L’article L3121-28 du Code du travail ne laisse aucune ambiguïté : dès lors que le salarié dépasse la durée légale de 35 heures, ces heures doivent être comptabilisées et faire l’objet d’une majoration salariale ou d’un repos compensateur équivalent. Cette reconnaissance traduit un principe fondamental du droit social français : tout travail mérite salaire.
Sur le plan pratique, la responsabilité de l’employeur est double. Il doit non seulement organiser le temps de travail de manière conforme aux durées maximales fixées par la loi — 10 heures par jour, 48 heures par semaine — mais aussi veiller à la traçabilité des heures accomplies. L’omission de ces mentions sur le bulletin de paie constitue une irrégularité sanctionnable et peut, dans les cas les plus graves, s’apparenter à du travail dissimulé (article L8221-5 du Code du travail). Le non-paiement répété des heures supplémentaires expose l’entreprise à des dommages-intérêts, voire à une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.
Sur le plan fiscal et social, le législateur a introduit des mesures incitatives pour favoriser le recours déclaré aux heures supplémentaires. L’exonération d’impôt sur le revenu jusqu’à 7 500 euros par an, combinée à une réduction des cotisations sociales, encourage la transparence et renforce le pouvoir d’achat des salariés. Pour l’entreprise, la déduction forfaitaire des charges patronales vise à compenser le surcoût salarial lié aux majorations, notamment dans les structures de moins de 250 salariés.
Mais au-delà des chiffres, les heures supplémentaires soulèvent un véritable enjeu de santé et de sécurité au travail. Un salarié régulièrement sollicité au-delà des limites légales risque la fatigue chronique, le stress et la perte d’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Le respect du droit au repos (articles L3121-16 et suivants) n’est donc pas une simple formalité : c’est une garantie de dignité et de performance durable.
Pour les salariés à temps partiel, la distinction entre heures supplémentaires et heures complémentaires doit être maîtrisée afin d’éviter toute dérive vers un temps plein déguisé. Quant aux cadres dirigeants, leur autonomie contractuelle ne saurait les priver de leurs droits fondamentaux si leur statut ne correspond pas à la réalité de leurs fonctions, comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation.
En définitive, les heures supplémentaires sont un instrument utile mais exigeant. Leur gestion doit s’inscrire dans une logique de conformité juridique et de dialogue social. Le Comité social et économique (CSE), lorsqu’il existe, joue un rôle essentiel dans la concertation autour des dépassements de contingent, garantissant la transparence et la prévention des abus.
Maîtriser le régime des heures supplémentaires, c’est donc bien plus qu’une question de calcul : c’est une manière de consolider la relation de confiance entre employeur et salarié. Lorsqu’elles sont encadrées, payées équitablement et déclarées conformément à la loi, les heures supplémentaires deviennent un outil d’équilibre, au service à la fois de la productivité et de la justice sociale.
1. Qu’est-ce qu’une heure supplémentaire selon le Code du travail ?
Une heure supplémentaire est une heure de travail effectuée au-delà de la durée légale hebdomadaire de 35 heures, telle que définie par l’article L3121-28 du Code du travail. Elle peut également être calculée sur une période différente (quinzaine, mois, cycle de travail) si un accord collectif le prévoit.
Ces heures doivent être accomplies à la demande expresse ou implicite de l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction. La jurisprudence a précisé que même en l’absence d’ordre formel, des heures accomplies avec l’accord tacite de l’employeur (qui connaît les dépassements et ne s’y oppose pas) sont considérées comme des heures supplémentaires (Cass. soc., 14 nov. 2013, n°12-19711).
Elles donnent droit à une majoration de salaire ou à un repos compensateur équivalent (article L3121-36). Ces dispositifs ont pour finalité de garantir la juste rémunération du travail effectif et de prévenir les abus de durée excessive.
Certaines conventions collectives prévoient une organisation spécifique : par exemple, un décompte sur une période plus longue (semestre, trimestre) pour les entreprises où l’activité varie fortement. Dans ce cas, les heures supplémentaires ne sont décomptées qu’au-delà de la moyenne des 35 heures sur la période de référence.
2. Combien d’heures supplémentaires un salarié peut-il effectuer au maximum ?
Le Code du travail fixe des limites absolues destinées à protéger la santé du salarié et à encadrer le recours à la surcharge de travail :
Ces plafonds s’appliquent à tous les salariés, sauf exceptions prévues pour certains secteurs (transport, hôtellerie, agriculture, etc.). En cas de circonstances exceptionnelles, le ministère du Travail peut autoriser temporairement le dépassement de la limite hebdomadaire, jusqu’à 60 heures par semaine (article L3121-21).
Par ailleurs, les heures supplémentaires sont encadrées par un contingent annuel, c’est-à-dire un plafond d’heures que l’employeur peut imposer sans autorisation spécifique. En l’absence d’accord collectif, ce contingent est fixé à 220 heures par salarié et par an (article D3121-24).
Au-delà, le Comité social et économique (CSE) doit être consulté et le salarié bénéficie d’une contrepartie obligatoire en repos (COR).
⚖️ Exemple : dans une entreprise de plus de 20 salariés, si un employé dépasse les 220 heures supplémentaires, il a droit à un repos compensateur égal à 100 % du temps accompli au-delà de ce contingent (article L3121-38).
3. Comment sont rémunérées les heures supplémentaires ?
La rémunération des heures supplémentaires dépend d’abord de la convention collective ou d’un accord d’entreprise applicable. Cet accord fixe le taux de majoration et les modalités de compensation. En l’absence d’accord, s’appliquent les taux légaux prévus par l’article L3121-36 du Code du travail :
La base de calcul inclut le salaire horaire brut, augmenté des primes directement liées au travail (primes de rendement, de travail de nuit, d’astreinte, etc.). En revanche, les frais professionnels, primes d’ancienneté ou indemnités de panier ne sont pas intégrés.
Les heures supplémentaires doivent figurer distinctement sur le bulletin de paie avec mention du taux appliqué et du nombre d’heures effectuées. Leur omission peut constituer une irrégularité sanctionnable par l’inspection du travail.
Si un repos compensateur de remplacement est prévu, celui-ci équivaut au temps de travail supplémentaire majoré. Par exemple, une heure supplémentaire à 25 % donne droit à 1 h 15 de repos.
4. Que faire si les heures supplémentaires ne sont pas payées ?
Le salarié dispose de trois ans pour réclamer le paiement de ses heures supplémentaires (article L3245-1 du Code du travail). Pour cela, il doit apporter des éléments de preuve laissant présumer la réalisation de ces heures :
Le juge du conseil de prud’hommes appréciera ces éléments et demandera à l’employeur de fournir, à son tour, les relevés d’heures qu’il détient. En cas d’absence de preuve suffisante, le juge peut trancher en faveur du salarié sur la base d’indices concordants (Cass. soc., 18 mars 2020, n°18-10.919).
Si le manquement est reconnu, l’employeur devra :
En cas de manquement répété ou intentionnel, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat ou demander une résiliation judiciaire aux torts de l’employeur. Le non-paiement délibéré peut être requalifié en travail dissimulé (article L8221-5), puni de 45 000 euros d’amende et 3 ans d’emprisonnement.
5. Les heures supplémentaires sont-elles imposables et soumises à cotisations ?
Depuis la loi TEPA réformée par la loi de finances 2025, les heures supplémentaires bénéficient d’un régime fiscal et social avantageux :
Pour l’employeur, une déduction forfaitaire de cotisations patronales s’applique aux entreprises de moins de 250 salariés, à condition que les salariés bénéficient de la réduction générale de charges dite « Fillon » (décret n°2022-1506 du 1er décembre 2022).
Les heures supplémentaires doivent être déclarées à l’administration fiscale, même lorsqu’elles sont exonérées, afin de vérifier le respect du plafond annuel. En cas de dépassement, la fraction excédentaire est réintégrée dans le revenu imposable.
En outre, les salariés en forfait jours qui renoncent volontairement à des jours de repos peuvent bénéficier du même régime d’exonération, à condition que cette monétisation soit formalisée par un accord écrit et conforme à la loi du 23 décembre 2022.