Le choix du statut juridique est une étape déterminante pour tout professionnel libéral souhaitant exercer son activité de manière indépendante. Il conditionne non seulement l’organisation et la gestion de l’activité, mais aussi la protection du patrimoine, la fiscalité applicable, le régime social de l’entrepreneur et les perspectives de développement. Parmi les formes sociales disponibles, la Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle (SASU) séduit de nombreux praticiens du droit, de la santé, du conseil ou encore des professions intellectuelles, grâce à sa flexibilité et à ses atouts spécifiques.
La SASU, régie par les dispositions du Code de commerce (articles L. 227-1 et suivants), est une société commerciale constituée par un associé unique. Elle combine la souplesse de fonctionnement de la SAS et les avantages d’une structure individuelle, tout en permettant une évolution vers une société pluripersonnelle sans démarches lourdes. Pour les professions libérales non réglementées, elle constitue souvent une alternative attractive à l’Entreprise Individuelle (EI), à l’Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée (EURL) ou encore à la Société d’Exercice Libéral (SEL).
Afin de mieux comprendre son intérêt, il convient d’examiner les principaux avantages de la SASU dans l’exercice d’une profession libérale.
L’un des atouts majeurs de la SASU réside dans la liberté laissée à l’associé unique pour déterminer les règles de fonctionnement. Contrairement à l’EURL, le Code de commerce (article L. 227-5) confère une grande latitude dans la rédaction des statuts.
Il est possible de désigner soi-même le président ou d’en nommer un tiers (personne physique ou morale). Les statuts peuvent prévoir des clauses limitatives de pouvoir, des conditions d’autorisation pour certains actes ou encore des modalités de transformation de la société. Cette souplesse organisationnelle réduit le risque de blocage en cas d’évolution future de l’activité.
La SASU permet une évolution naturelle vers une SAS sans lourde formalité. En cas d’entrée de nouveaux associés, la société n’a pas besoin de céder son fonds de commerce ni de changer de forme juridique. L’article L. 227-4 du Code de commerce facilite ainsi le passage d’une structure unipersonnelle à une structure pluripersonnelle.
À l’inverse, si les associés se retirent, la société redevient une SASU. Ce mécanisme garantit une stabilité juridique et évite des procédures coûteuses.
La SASU se distingue par sa composition en actions, et non en parts sociales. Cette caractéristique entraîne plusieurs conséquences pratiques :
L’article L. 227-1 du Code de commerce établit que la responsabilité de l’associé unique est limitée au montant de ses apports. Le patrimoine personnel est ainsi protégé, sauf en cas de caution personnelle ou de faute de gestion engageant la responsabilité civile, pénale ou fiscale de l’associé.
Cette séparation patrimoniale constitue un gage de sécurité pour les professions libérales souhaitant protéger leurs biens propres contre les aléas de leur activité.
La SASU permet de réduire les contraintes administratives. Si l’associé unique est président, l’approbation des comptes se confond avec leur dépôt au greffe (article L. 232-1 du Code de commerce).
De plus, la dispense d’établissement du rapport de gestion est possible tant que la société ne dépasse pas deux des trois seuils fixés aux articles L. 123-16 et D. 123-200 du Code de commerce :
La SASU offre à son président un statut assimilé salarié, régi par l’article L. 311-3, 23° du Code de la Sécurité sociale. Contrairement au gérant majoritaire d’EURL affilié au régime des indépendants, le président de SASU bénéficie du régime général.
Ce statut assure une couverture complète : assurance maladie et maternité, accidents du travail, retraite de base et complémentaire. Les cotisations sociales sont calculées uniquement sur la rémunération perçue, sans tenir compte des dividendes.
Pour un professionnel libéral qui crée une SASU tout en étant indemnisé au titre du chômage, le maintien de l’Allocation de Retour à l’Emploi (ARE) constitue un avantage stratégique non négligeable. En effet, tant que le président associé unique ne perçoit pas de rémunération, il conserve le bénéfice intégral de ses allocations chômage. Cette possibilité a été confirmée par Pôle emploi, qui considère que l’absence de rémunération équivaut à une absence de revenu d’activité, permettant donc le maintien de l’indemnisation.
Ce dispositif représente un levier de sécurité financière particulièrement intéressant lors du lancement d’une activité. L’entrepreneur peut ainsi tester la viabilité de son projet, investir ses ressources dans le développement de sa structure et assurer ses charges de démarrage, tout en bénéficiant d’un revenu de substitution garanti.
Toutefois, il est important de souligner que la perception de l’ARE est conditionnée à l’absence de rémunération. Dès que le président commence à se verser un salaire, les allocations sont réduites proportionnellement aux revenus perçus, selon les règles de cumul fixées par Pôle emploi. Ce mécanisme permet néanmoins une transition progressive entre l’indemnisation et l’autonomie financière de l’activité.
En revanche, la SASU ne permet pas de cotiser à l’assurance chômage pour le président associé unique. Celui-ci ne relève pas du régime obligatoire, sauf dans le cas très particulier où il cumule un mandat social avec un contrat de travail effectif répondant aux critères posés par la jurisprudence (subordination, fonctions techniques distinctes, rémunération correspondante). Dans la pratique, ces conditions sont rarement réunies pour l’associé unique d’une SASU.
Pour pallier cette absence de couverture, il est toutefois possible d’adhérer volontairement à une assurance chômage privée ou au régime spécifique proposé par l’Unédic pour certains dirigeants. Cette option, bien que facultative et onéreuse, peut constituer une protection complémentaire utile en cas d’échec du projet entrepreneurial.
En définitive, le maintien de l’ARE en SASU est un atout majeur pour les professions libérales en phase de lancement : il assure une stabilité financière tout en permettant d’investir pleinement dans le développement de l’activité, sans renoncer à la sécurité du revenu.
Par défaut, la SASU est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) conformément à l’article 1655 quinquies du Code général des impôts. Ce régime fiscal présente plusieurs avantages : les bénéfices de la société sont imposés au nom de la personne morale, puis les dividendes éventuellement distribués sont imposés chez l’associé. Cette dissociation permet de choisir entre se rémunérer sous forme de salaire, soumis aux cotisations sociales, ou de dividendes, fiscalisés différemment.
Toutefois, l’associé unique peut demander à relever de l’impôt sur le revenu (IR) pour une durée maximale de cinq ans, en application de l’article 239 bis AB du Code général des impôts. Cette option, appelée parfois translucidité fiscale, permet que les bénéfices ou les pertes de la société soient directement intégrés dans la déclaration personnelle du dirigeant.
Cette possibilité est réservée aux petites sociétés respectant certaines conditions, notamment :
Le choix de l’IR peut s’avérer particulièrement intéressant en démarrage d’activité, lorsque les bénéfices sont encore modestes, voire lorsque la société enregistre des pertes. En effet, ces pertes peuvent alors être imputées sur le revenu global du foyer fiscal de l’associé, réduisant immédiatement l’impôt dû. À l’inverse, dans une société soumise à l’IS, les déficits ne peuvent être reportés que sur les résultats futurs ou, sous certaines conditions, sur les résultats antérieurs (mécanisme du report en arrière).
En revanche, il convient de noter que l’option pour l’IR n’est pas toujours avantageuse sur le long terme. Dès lors que les bénéfices deviennent plus importants, l’imposition à l’IS peut se révéler plus protectrice et optimisée, grâce notamment au taux réduit de 15 % sur une fraction des bénéfices (sous conditions, article 219 du CGI) et au maintien du taux normal de 25 % sur le reste.
Ainsi, le choix entre IS et IR doit être fait en fonction de la situation particulière de l’entrepreneur libéral, de ses objectifs patrimoniaux et de son horizon de développement. Une étude personnalisée avec un expert-comptable ou un avocat fiscaliste est vivement recommandée pour sécuriser cette décision et éviter toute conséquence fiscale défavorable.
Le statut de la SASU offre aux professions libérales un cadre juridique protecteur, souple et évolutif. Entre la limitation de responsabilité, la fiscalité avantageuse des cessions, le régime social du président et la possibilité de transformer la structure en SAS, la SASU s’impose comme une solution particulièrement adaptée à l’entrepreneuriat individuel.
Les professionnels doivent toutefois rédiger des statuts précis afin d’anticiper les évolutions futures et veiller à se conformer aux obligations comptables et sociales. Grâce à ces atouts, la SASU représente un choix stratégique pour les libéraux désireux d’allier sécurité juridique et flexibilité de gestion.
La SASU séduit de nombreux professionnels libéraux car elle offre un compromis entre souplesse de fonctionnement et sécurité juridique. Contrairement à l’entreprise individuelle ou à la micro-entreprise, la SASU constitue une société commerciale distincte de son créateur. Cela signifie que le patrimoine de l’associé unique est séparé de celui de la société, ce qui limite sa responsabilité (article L. 227-1 du Code de commerce).
De plus, la SASU permet de préparer une éventuelle ouverture du capital à d’autres associés, sans avoir à changer de structure. Par exemple, un consultant libéral qui démarre seul peut aisément accueillir un associé investisseur quelques années plus tard en transformant sa SASU en SAS.
La fiscalité constitue un point fort de la SASU. Par défaut, elle relève de l’impôt sur les sociétés (IS) (article 1655 quinquies du Code général des impôts), avec des taux adaptés : 15 % pour les bénéfices jusqu’à 42 500 € (sous conditions), puis 25 % au-delà (article 219 CGI). Cette imposition permet de maîtriser la pression fiscale, notamment si l’on choisit de se verser une rémunération limitée et de laisser une partie des bénéfices dans la société.
L’associé unique peut aussi opter pour l’impôt sur le revenu (IR) pendant 5 ans maximum (article 239 bis AB du CGI). Cette option est particulièrement avantageuse lors des premières années d’activité, lorsque les charges sont élevées et les bénéfices modestes. Cela permet d’imputer directement les pertes éventuelles sur le revenu global du foyer fiscal.
Oui. C’est l’un des arguments les plus décisifs en faveur de la SASU. Le président rémunéré relève du régime général de la Sécurité sociale (article L. 311-3, 23° du Code de la Sécurité sociale), contrairement au gérant majoritaire d’EURL qui dépend du régime des indépendants (ex-RSI).
Cela signifie que le président de SASU bénéficie :
En revanche, la contrepartie est que les cotisations sociales sont généralement plus élevées que pour un travailleur indépendant. Ce choix convient donc mieux aux professions libérales qui recherchent une protection sociale complète, quitte à supporter une charge plus lourde.
La responsabilité limitée est un atout majeur de la SASU. L’associé unique n’est responsable des dettes sociales qu’à concurrence de ses apports. Ses biens personnels sont donc protégés en cas de difficultés financières, sauf exceptions (article L. 227-1 du Code de commerce).
Toutefois, cette protection connaît des limites :
Ainsi, même si la SASU sécurise le patrimoine, il est essentiel d’adopter une gestion prudente et conforme aux obligations légales.
La SASU présente de nombreux avantages, mais elle comporte aussi certaines limites qu’il convient d’évaluer avant de se lancer :
En pratique, la SASU convient particulièrement aux professionnels libéraux qui souhaitent sécuriser leur patrimoine, optimiser leur fiscalité et se donner la possibilité d’ouvrir leur capital à terme.