Travail

SMIC ou salaire conventionnel ? Les règles à maîtriser en entreprise

Francois Hagege
Fondateur
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Salaire conventionnel : Les points de contrôle indispensables pour l’employeur

La question du salaire minimum conventionnel occupe une place centrale dans le droit du travail contemporain, au croisement des obligations légales de l’employeur et des attentes légitimes des salariés quant à la protection de leur pouvoir d’achat. Alors que le SMIC, fixé par la loi, constitue un socle de rémunération uniforme à l’échelle nationale, les conventions collectives, elles, élaborent des grilles salariales plus fines, adaptées à la réalité des métiers, des qualifications et des responsabilités propres à chaque branche professionnelle.

Dans un contexte marqué par la hausse des prix, l’évolution régulière du SMIC et la nécessité pour les branches de maintenir l’attractivité de leurs secteurs, de nombreux employeurs s’interrogent : doit-on impérativement appliquer le salaire minimum prévu par la convention collective, même lorsqu’il dépasse le SMIC ? Et à l’inverse, que se passe-t-il lorsque la grille conventionnelle est inférieure au minimum légal ?

Ces enjeux ne relèvent pas seulement de la gestion des ressources humaines : ils déterminent la conformité juridique de l’entreprise, influencent les contentieux prud’homaux, et conditionnent même les contrôles menés par l’inspection du travail. En effet, le non-respect des minima conventionnels peut entraîner des rappels de salaire, des sanctions civiles, des contraventions, et même des amendes administratives, conformément aux obligations découlant du Code du travail et des arrêts de la Cour de cassation.

C’est pourquoi defendstesdroits.fr propose une analyse complète, structurée et sourcée, permettant à chaque employeur, DRH ou salarié de comprendre précisément :

  • le rôle et la portée juridique du SMC,
  • sa distinction avec le SMIC,
  • les conditions dans lesquelles l’un ou l’autre doit être appliqué,
  • les modalités de vérification du respect des minima,
  • les sanctions encourues en cas de manquement,
  • les évolutions récentes des branches professionnelles et les exigences renforcées des pouvoirs publics.

À travers cet éclairage, il s’agit de permettre à chacun d’appréhender correctement le cadre juridique applicable et d’éviter les erreurs de rémunération susceptibles d’engager la responsabilité de l’employeur.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Définition du salaire minimum conventionnel (SMC)
  3. Distinctions entre SMIC et SMC
  4. Application obligatoire du salaire conventionnel
  5. Comment vérifier le respect du SMC ?
  6. Où trouver les grilles de salaires applicables ?
  7. Exemple d’application d’une grille conventionnelle (SYNTEC)
  8. Sanctions en cas de non-respect du SMC
  9. Évolutions et positions du Gouvernement
  10. Conclusion

Définition juridique du salaire minimum conventionnel (SMC)

Aucune disposition du Code du travail ne définit expressément la notion de salaire minimum conventionnel. La pratique et la jurisprudence utilisent indistinctement les termes salaire minimum conventionnel, salaire minimum hiérarchique ou salaire minimum professionnel, qui renvoient à un même mécanisme : un seuil de rémunération fixé par la branche professionnelle en fonction de la classification du salarié.

Le SMC, un minimum obligatoire issu de la négociation collective

Le SMC correspond au montant plancher qu’un employeur doit verser à un salarié selon :

  • son emploi,
  • son niveau de classification,
  • son coefficient,
  • ses responsabilités.

Aucun salarié ne peut être rémunéré en-dessous de ce montant lorsque la convention collective applicable y fait référence. Cette obligation est issue de l’article L2253-1 du Code du travail, qui impose le respect des dispositions conventionnelles plus favorables.

Classement du salarié et mentions obligatoires sur la fiche de paie

Le niveau ou le coefficient hiérarchique du salarié doit obligatoirement figurer sur le bulletin de paie conformément à l’article R3243-1 du Code du travail.

Cette classification conditionne directement l’application du SMC.

SMIC et SMC : deux sources distinctes, deux obligations convergentes

Le SMIC : un minimum légal d’ordre public

Prévu par les articles L3231-1 et suivants du Code du travail, le SMIC constitue le minimum national obligatoire. Il s’impose à tous les employeurs sans distinction.
Depuis la revalorisation du 1er novembre 2024, le SMIC horaire s’établit à 11,88 € brut (Décret n°2024-951 du 23 octobre 2024).

Le SMC : un minimum professionnel issu de la branche

Le SMC ne s’applique qu’aux entreprises relevant d’une convention collective. Il résulte d’un accord de branche négocié entre les partenaires sociaux.

Quel minimum doit être appliqué par l’employeur ?

Le principe est clair :
L’employeur doit appliquer le montant le plus favorable au salarié.

Ainsi :

  • si SMC > SMIC, l’employeur doit appliquer le SMC ;
  • si SMIC > SMC, le SMC devient inopposable car moins favorable.

Cette règle découle du principe de faveur, qui irrigue tout le droit du travail.

Entreprises concernées par l’obligation de respecter le SMC

Entreprises adhérant à une organisation patronale signataire

Lorsqu’une entreprise adhère à une organisation patronale ayant signé l’accord sur les salaires minima, elle est obligatoirement tenue de l’appliquer, en vertu des articles L2261-1 et L2261-2 du Code du travail.

Entreprises soumises à un accord étendu

En cas d’arrêté d’extension, l’accord sur les minima conventionnels devient obligatoire pour toutes les entreprises comprises dans son champ d’application (article L2261-15 du Code du travail).

Comment vérifier si la rémunération versée respecte le SMC ?

Comparaison salaire réel / minima conventionnels

Pour apprécier le respect du SMC, l’employeur doit comparer :

  1. la rémunération réellement versée,
  2. le minimum conventionnel applicable.

La comparaison s’effectue selon la jurisprudence mois par mois (Cass. soc., 2 juillet 2014, n°12-25752), sauf si la convention collective autorise une appréciation sur l’année (Cass. soc., 20 novembre 2019, n°18-11811).

Quels éléments de rémunération peuvent être intégrés ?

La Cour de cassation admet l’intégration dans l’assiette :

  • des primes constituant la contrepartie directe du travail (Cass. soc., 4 février 2015, n°13-20879),
  • de la prime de rendement (Cass. soc., 8 novembre 1983, n°81-41538),
  • des commissions (Cass. soc., 2 avril 2003, n°01-40338),
  • de certaines gratifications collectives (Cass. soc., 1er juin 1983, n°80-41666).

En sont exclus :

  • les primes liées à la présence ou à l’ancienneté ;
  • la participation de l’employeur aux titres-restaurant, qui n’est pas la contrepartie du travail (Cass. soc., 3 juillet 2019, n°17-18210).

Où trouver les grilles des salaires minima conventionnels applicables ?

Les grilles de SMC sont accessibles :

  • dans les accords de branche relatifs aux salaires,
  • dans les avenants salariaux intégrés à la convention collective,
  • dans les textes étendus publiés au Journal officiel.

Ces documents déterminent précisément le minimum à appliquer selon la classification du salarié.

: lecture d’une grille conventionnelle

Prenons l’exemple de la branche SYNTEC.
L’accord du 26 juin 2024, étendu le 8 novembre 2024, fixe directement les montants des salaires minima hiérarchiques.

Ainsi, pour un salarié classé coefficient 240, le salaire minimum conventionnel s’élève à 1 815 € brut mensuels, soit une rémunération supérieure au SMIC.
L’employeur doit donc appliquer ce montant.

Conséquences du non-respect du SMC

Sanctions civiles : rappel de salaire

Le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir :

  • un rappel de salaire,
  • des dommages et intérêts.

L’action en paiement des salaires se prescrit par trois ans (article L3245-1 du Code du travail).

Les organisations syndicales peuvent également agir pour défendre l’intérêt collectif de la profession (article L2132-3 du Code du travail, Cass. soc., 20 janvier 2021).

Sanctions pénales

Si l’accord salarial a été étendu, le non-respect du SMC constitue une contravention de 4e classe, autant de fois qu'il y a de salariés lésés (article R2263-3 du Code du travail).

Sanctions administratives

La DREETS peut :

  • adresser un avertissement,
  • prononcer une amende administrative pouvant aller jusqu’à 4 000 € par salarié (article L8115-3 du Code du travail).

Branches professionnelles en dessous du SMIC : un enjeu national

Au début de l’année 2025, 75 branches professionnelles affichaient encore des minima inférieurs au SMIC revalorisé.
Le Gouvernement a renforcé les exigences envers les branches afin de :

  • mettre à jour régulièrement leurs grilles,
  • assurer une progression salariale cohérente,
  • éviter les minima inférieurs au SMIC après chaque revalorisation liée à l’inflation.

Ces orientations ont été réaffirmées dans plusieurs allocutions publiques, notamment celles du Président de la République et du Gouvernement.

Conclusion

L’analyse du régime juridique du salaire minimum conventionnel révèle un principe clair et constant : l’employeur doit toujours appliquer le montant le plus favorable au salarié entre le SMIC et le SMC. Cette exigence découle à la fois du principe de faveur, des articles du Code du travail relatifs aux conventions collectives et d’une jurisprudence abondante qui a façonné les contours de l’obligation.

Le respect des minima conventionnels ne constitue pas une option mais une obligation, dès lors que l’entreprise relève d’une convention collective applicable, qu’elle soit étendue ou que l’employeur soit adhérent à une organisation patronale signataire. Cette obligation implique une vigilance accrue, tant dans la vérification des grilles salariales que dans l’intégration des éléments de rémunération permettant d’apprécier la conformité du salaire versé.

Les sanctions civiles, pénales et administratives montrent que le législateur et les juges entendent protéger la rémunération due au salarié, considérée comme une dette d’ordre public social. Le salarié peut réclamer un rappel de salaire sur trois ans, les organisations syndicales peuvent agir en défense de l’intérêt collectif, et l’administration peut sanctionner l’employeur en cas de non-respect d’un accord étendu.

À cela s’ajoute un mouvement politique et institutionnel visant à harmoniser les branches dont les minima se situent encore sous le SMIC. Le Gouvernement encourage fortement les partenaires sociaux à réévaluer leurs grilles afin de garantir à chaque salarié une rémunération décente et conforme au droit du travail. Cette dynamique reflète l’importance accordée, au niveau national, à la sécurisation de la rémunération minimale et à la cohérence des classifications professionnelles.

Dans cet environnement juridique en constante évolution, il appartient aux employeurs de demeurer attentifs aux modifications conventionnelles, aux arrêtés d’extension, et aux revalorisations légales. La transparence salariale, la mise à jour des bulletins de paie et la conformité aux minima applicables sont autant d’éléments indispensables pour sécuriser les pratiques internes et prévenir tout litige.

FAQ

1. Quelle est la différence exacte entre le SMIC et le salaire minimum conventionnel, et pourquoi cette distinction est-elle essentielle en droit du travail ?

Le SMIC est un minimum légal fixé par décret conformément aux articles L3231-1 et suivants du Code du travail. Il s’applique à tous les salariés du territoire national, quels que soient leur secteur ou leur classification.
Le salaire minimum conventionnel (SMC), au contraire, résulte d’un accord négocié entre les partenaires sociaux au niveau d’une branche professionnelle. Il est directement lié à la qualification, au niveau hiérarchique et au coefficient du salarié.

Cette distinction est fondamentale car le SMC peut prévoir un montant supérieur au SMIC, auquel cas l’employeur est obligé de l’appliquer. Lorsque le SMC est inférieur au SMIC (cas fréquent après une revalorisation légale), il devient inopposable car un accord de branche ne peut jamais être moins favorable que la loi.

Ainsi, la hiérarchie des normes impose l’application du montant le plus favorable au salarié, ce qui constitue l’un des piliers du droit de la rémunération.

2. Un employeur peut-il rémunérer un salarié en dessous du salaire minimum conventionnel si celui-ci effectue des tâches simples ou débutantes ?

Non. Le salaire minimum conventionnel ne dépend pas du niveau d’expérience réel mais du positionnement du salarié dans la classification conventionnelle. Une fois que le salarié est classé à un niveau ou un coefficient donné, correspondant à des fonctions déterminées, l’employeur doit impérativement appliquer le minima salarial attaché à ce niveau, même si le salarié est jeune, nouvellement embauché, en période d’essai ou peu expérimenté.

La Cour de cassation rappelle qu’un employeur ne peut jamais déroger à un minima conventionnel dès lors que la classification est établie. Tout manquement constitue une violation d’un accord de branche et expose l’employeur à des demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts.

Même si les missions du salarié paraissent moins complexes que ce que prévoit la classification, l’employeur doit alors revoir la classification, et non baisser la rémunération.

3. Comment déterminer précisément si la rémunération réellement versée respecte le SMC applicable ? Quels éléments doivent être inclus ou exclus ?

Pour vérifier le respect du SMC, l’employeur doit analyser, mois par mois (sauf disposition conventionnelle contraire), la rémunération brute versée et la comparer au minima fixé.

La jurisprudence distingue clairement les éléments inclus dans l’assiette du SMC :

  • les primes liées à la performance,
  • les commissions,
  • les primes d’objectifs directement liées au travail,
  • les gratifications collectives représentant la contrepartie du travail.

Ces éléments sont intégrables car ils rémunèrent effectivement la prestation fournie.

Sont en revanche exclus :

  • les primes d’ancienneté,
  • les primes de présence,
  • les primes liées à la fidélité au poste,
  • la participation de l’employeur aux titres-restaurant,
  • les indemnités ayant une finalité autre que la rémunération du travail.

Ces éléments ne constituent pas une compensation du travail effectué et ne peuvent donc pas être comptabilisés pour atteindre le salaire minimum conventionnel.
Cette distinction a été confirmée par plusieurs décisions de la Cour de cassation, notamment celles des 3 juillet 2019, 4 février 2015, 2 juillet 2014, entre autres.

4. Où consulter les grilles de salaires minima conventionnels et comment comprendre leur articulation avec la classification du salarié ?

Les grilles de salaires se trouvent dans :

  • les accords annuels de salaires de branche,
  • les avenants salariaux aux conventions collectives,
  • les annexes relatives à la classification,
  • les arrêtés d’extension publiés au Journal officiel.

Chaque grille classe les salariés par catégorie (ouvrier, employé, technicien, agent de maîtrise, cadre), puis par niveau, échelon ou coefficient.

Pour déterminer le SMC applicable, il faut :

  1. identifier la convention collective applicable à l’entreprise (via le numéro IDCC, le code APE ou les déclarations de l’employeur),
  2. déterminer la classification exacte du salarié (via les critères classants),
  3. consulter la grille de salaires la plus récente,
  4. appliquer le minima correspondant strictement au niveau du salarié.

En cas d’accord étendu, la grille s’impose à tous, même aux entreprises non adhérentes à une organisation patronale.

5. Quelles sont les sanctions possibles si l’employeur ne respecte pas le salaire minimum conventionnel ?

Les sanctions sont particulièrement structurées et peuvent être lourdes pour l’employeur :

  1. Sanctions civiles
    Le salarié peut réclamer un rappel de salaire sur une période de trois ans (article L3245-1 du Code du travail), assorti d’intérêts de retard. Les organisations syndicales peuvent agir pour défendre l’intérêt collectif de la profession.
  2. Sanctions pénales
    Si la convention collective est étendue, le non-respect des minima constitue une contravention de 4ᵉ classe, autant de fois qu’il y a de salariés lésés. Cette sanction est prévue par l’article R2263-3 du Code du travail.
  3. Sanctions administratives
    La DREETS peut adresser un avertissement ou infliger une amende administrative allant jusqu’à 4 000 euros par salarié, conformément aux articles L8115-1 et L8115-3 du Code du travail.
  4. Risques sociaux et réputationnels
    Outre le risque financier, l’entreprise s’expose à une perte de confiance interne, à des tensions sociales et à des difficultés lors des contrôles de l’inspection du travail.

Cette multiplicité des sanctions reflète la volonté du législateur de protéger la rémunération minimale des salariés et de garantir l’égalité de traitement au sein des branches professionnelles.

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