Travail

Taux AT/MP : ce que chaque employeur doit savoir en 2025

Francois Hagege
Fondateur
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Entreprises : comment le taux AT/MP 2025 affecte vos cotisations ?

Le financement des risques professionnels en entreprise constitue un levier majeur de la politique de santé au travail en France. À ce titre, la cotisation accidents du travail / maladies professionnelles (AT/MP) revêt une importance particulière : elle ne se limite pas à une simple charge sociale supplémentaire. Elle est aussi un indicateur direct de la sinistralité et du niveau de prévention d’une structure, et donc un facteur d’attractivité sociale et économique.

Chaque année, la Caisse d’Assurance Retraite et de Santé au Travail (CARSAT) attribue à chaque établissement un taux de cotisation AT/MP, en application de l’article L.242-5 du Code de la sécurité sociale, en fonction de l’activité exercée, de la taille de l’effectif, mais surtout de la fréquence et de la gravité des sinistres déclarés. Ce taux, applicable aux rémunérations versées, impacte directement les charges patronales et peut significativement varier selon le mode de tarification applicable (collectif, mixte ou individuel).

L’année 2025 est marquée par la stabilisation du taux net moyen à 2,12 %, mais également par des évolutions réglementaires notables, telles que la révision des majorations M2 et M3, et une réforme de fond concernant la répartition du coût des sinistres liés au travail temporaire. Par ailleurs, le respect des obligations dématérialisées (inscription au compte AT/MP) devient un enjeu de conformité, sous peine de sanction financière.

Face à ces changements, il est primordial pour chaque employeur, quelle que soit la taille de son entreprise, de comprendre le mode de calcul de son taux, les marges de manœuvre pour le contester, et les implications financières à court et long terme. Cet article, publié sur defendstesdroits.fr, vous fournit une analyse complète et juridiquement référencée du dispositif AT/MP applicable en 2025.

Sommaire

  1. Procédure de recours gracieux auprès de la Carsat
  2. Recours contentieux devant la Cour d’appel d’Amiens
  3. Répartition des coûts AT/MP en intérim : réforme applicable dès 2026
  4. Particularités du régime AT/MP en Alsace-Moselle
  5. Conclusion : anticiper les effets du taux AT/MP sur la stratégie sociale
  6. FAQ

Procédure de recours gracieux devant la Carsat

Tout employeur dispose d’un droit de contestation du taux AT/MP qui lui est notifié par la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat). Ce recours est strictement encadré par les textes.

Conformément à l’article R.142-1 du Code de la sécurité sociale, l’entreprise peut engager un recours gracieux dans un délai de 2 mois suivant la mise à disposition du taux sur le téléservice defendstesdroits.fr. La demande doit être :

  • Motivée en droit et en fait (erreur de code risque, sinistres mal imputés, effectif erroné…) ;
  • Accompagnée de pièces justificatives, telles que les déclarations d'accidents rectifiées, attestations ou rapports internes de prévention.

En l'absence de réponse dans ce délai, la demande est considérée comme implicitement rejetée.

Recours contentieux devant la Cour d’appel d’Amiens

Depuis le 1er janvier 2019, toute contestation relative à la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP) relève exclusivement de la compétence de la Cour d’appel d’Amiens, conformément aux dispositions de l’article R.142-18 du Code de la sécurité sociale.

Il s’agit d’une juridiction nationale unique pour tous les litiges relatifs à la fixation, la révision ou la rectification du taux de cotisation AT/MP, quelle que soit la localisation géographique de l’entreprise ou de son siège social.

Conditions de recevabilité du recours contentieux

L’entreprise doit introduire son recours contentieux :

  • dans un délai de deux mois à compter de :
    • la décision explicite de rejet notifiée par la Carsat suite à un recours gracieux ;
    • ou, en cas d’absence de réponse dans un délai de deux mois, à compter de la naissance du rejet implicite (silence de l'administration).
  • par requête motivée, adressée au greffe de la Cour d’appel d’Amiens. Celle-ci doit contenir :
    • une exposition claire des faits ;
    • une analyse juridique argumentée ;
    • les pièces justificatives (notification du taux, courrier de la Carsat, éléments techniques de sinistralité, etc.).

Procédure applicable : un contentieux écrit et technique

La procédure suivie devant la Cour d’appel d’Amiens est écrite et non orale. Cela signifie que :

  • il n’y a pas d’audience classique ni de plaidoirie, sauf exception ;
  • le dépôt de conclusions écrites est obligatoire pour chaque partie ;
  • les délais de procédure sont stricts et contrôlés par le juge rapporteur.

Il est fortement recommandé de se faire assister par un avocat spécialisé en droit de la sécurité sociale ou en droit du travail, étant donné la technicité de la tarification AT/MP et les enjeux financiers parfois considérables pour l’entreprise.

Bon à savoir : la Cour d’appel d’Amiens statue en dernier ressort, sauf pourvoi en cassation. Son arrêt peut donc avoir un impact direct et durable sur les charges sociales de l’entreprise, et plus largement sur sa stratégie de gestion des risques professionnels.

Répartition du coût des AT/MP en intérim : une réforme structurante

Le décret n°2024-723 du 5 juillet 2024, publié au Journal officiel, introduit une réforme majeure en matière d’imputation des coûts des accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) concernant les salariés intérimaires.

Jusqu’alors, la règle était simple : seuls les sinistres les plus graves — à savoir ceux entraînant une incapacité permanente d’au moins 10 % ou un décès — faisaient l’objet d’une répartition financière entre l’entreprise de travail temporaire (ETT) et l’entreprise utilisatrice. Cette répartition s’effectuait selon une clé de 1/3 pour l’entreprise utilisatrice et 2/3 pour l’ETT.

Nouveau principe de répartition à compter du 1er janvier 2026

À partir de 2026, le dispositif est profondément modifié. Le texte instaure une imputation conjointe systématique, quelle que soit la gravité du sinistre :

  • Les coûts moyens des incapacités temporaires ou permanentes sont désormais répartis à parts égales entre :
    • l’ETT ;
    • et l’entreprise utilisatrice.

Ce nouveau principe s’appliquera à tous les sinistres, même ceux n’entraînant qu’une interruption temporaire de travail (ITT).

Mise en œuvre progressive entre 2026 et 2028

Conformément au cycle triennal de tarification AT/MP, la réforme entrera en vigueur de manière progressive, selon un calendrier échelonné jusqu’en 2028. Cette progressivité vise à :

  • préserver l’équilibre économique des entreprises utilisatrices ;
  • permettre une adaptation des pratiques de prévention dans les relations entre ETT et donneurs d’ordre.

Les effets concrets sur les taux de cotisation AT/MP ne seront donc visibles qu’à compter de l’exercice 2026, pour être pleinement intégrés aux calculs de taux à partir de l’année tarifaire 2028.

Un renforcement de la responsabilité des entreprises utilisatrices

Cette réforme poursuit une logique de responsabilisation croisée des deux parties impliquées dans le contrat de mission :

  • L’entreprise utilisatrice, en tant qu’acteur principal du poste de travail, voit désormais sa responsabilité engagée financièrement, même en cas de sinistre léger.
  • Elle devra donc renforcer ses mesures de prévention, adapter ses protocoles d’accueil sécurité, et collaborer étroitement avec l’ETT pour anticiper tout risque d’accident ou de maladie professionnelle.

Ce changement de paradigme marque la reconnaissance du rôle effectif de l’entreprise utilisatrice dans la maîtrise du risque professionnel, notamment via le respect des obligations de sécurité de résultat, telles qu’interprétées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation.

Spécificité Alsace-Moselle : des seuils adaptés

Dans les départements du Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle, le régime de tarification des accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) obéit à des règles dérogatoires par rapport au reste du territoire national. Cette particularité repose sur les dispositions locales applicables à l’ancienne Alsace-Moselle, en vertu de l’article D.242-6-2 du Code de la sécurité sociale.

La différence porte principalement sur les seuils d’effectif utilisés pour déterminer le mode de tarification applicable à l’entreprise :

  • Taux collectif : appliqué aux entreprises dont l’effectif est inférieur à 50 salariés, alors que ce seuil est de 20 salariés dans le droit commun national ;
  • Taux mixte : applicable aux structures comptant entre 50 et 149 salariés ;
  • Taux individuel : dès lors que l’entreprise atteint 150 salariés ou plus, comme dans le régime général.

Ce système repose sur une volonté d’adapter la réglementation nationale aux réalités économiques et sociales régionales. Historiquement, le droit local en Alsace-Moselle s’est toujours caractérisé par une approche protectrice du risque professionnel, avec une implication forte des caisses locales et une attention particulière portée à la solidarité entre entreprises.

En pratique, cela signifie que les TPE et PME de moins de 50 salariés dans ces trois départements bénéficient d’une mutualisation plus large du risque grâce à l’application du taux collectif, ce qui peut limiter l’impact d’un sinistre isolé sur leurs cotisations.

Toutefois, cela n’exonère pas ces entreprises d’une obligation de prévention ni d’un suivi rigoureux de leur sinistralité. En cas de dépassement du seuil, le passage au taux mixte ou individuel peut entraîner une revalorisation significative du taux AT/MP, avec un effet immédiat sur les charges sociales.

Ainsi, les entreprises situées en Alsace-Moselle doivent intégrer cette logique d’évolution par seuil dans leur stratégie RH et budgétaire, en particulier lorsqu’elles approchent des paliers de 50 ou 150 salariés.

Conclusion

La cotisation AT/MP n’est pas une ligne comptable anodine. Elle est la traduction chiffrée d’une politique de prévention, d’un effort de maîtrise du risque professionnel, mais également d’une vigilance administrative constante.

Pour l’année 2025, les employeurs doivent prendre acte non seulement de la stabilité apparente des taux, mais surtout des ajustements structurels opérés par les dernières réformes : nouvelle répartition des coûts pour les intérimaires, reconfiguration des majorations M2/M3, extension des obligations de dématérialisation, et renforcement du droit de contestation.

Il est donc essentiel de :

  • Vérifier avec précision le taux notifié sur le compte AT/MP ;
  • Contrôler la correcte imputation des sinistres par la Carsat ;
  • Optimiser sa politique de prévention, car moins de sinistres signifie mécaniquement une baisse du taux individuel ;
  • Recourir à la contestation en cas d’erreur manifeste, dans les délais stricts ;
  • Anticiper les impacts budgétaires des nouvelles règles applicables aux ETT et entreprises utilisatrices.

À défaut, l’entreprise s’expose à un alourdissement durable de sa charge sociale, mais aussi à une dégradation de sa réputation interne, dans un contexte où le bien-être au travail constitue un critère d’attractivité croissant pour les talents.

Sur defendstesdroits.fr, nos juristes vous accompagnent pour sécuriser chaque étape : de la notification au contentieux, en passant par l’optimisation de votre stratégie AT/MP. Ne laissez pas ce sujet échapper à votre radar juridique : il structure à la fois vos engagements sociaux et votre équilibre économique.

FAQ

1. Comment est calculé le taux de cotisation AT/MP en 2025 ?

Le taux de cotisation AT/MP est calculé en tenant compte de plusieurs éléments fixés par les articles L.242-5 et D.242-6-3 à D.242-6-9 du Code de la sécurité sociale. Il s'agit :

  • du code risque de l’établissement, attribué selon la nature de l’activité exercée ;
  • du mode de tarification applicable (collectif, mixte ou individuel), en fonction de l’effectif moyen de l’entreprise ;
  • de la sinistralité, mesurée sur une période de trois ans (N-1 à N-3), incluant le nombre d’accidents du travail, de trajets et de maladies professionnelles déclarés ;
  • des majorations forfaitaires (M1 à M4), appliquées au taux brut pour obtenir le taux net.

La formule de calcul du taux net 2025 est la suivante :
Taux net = (Taux brut + M1) × (1 + M2) + M3 + M4

Ce taux s’applique à la masse salariale brute de l’établissement. Une erreur dans les données déclarées (effectifs, sinistres, activité) peut impacter le montant à verser, d’où l’importance d’une vérification annuelle.

2. Quelles sont les fonctions des majorations M1, M2, M3 et M4 dans le calcul du taux AT/MP ?

Les majorations M1 à M4 sont prévues par l’article D.242-6-9 du CSS et servent à financer des dépenses spécifiques à la branche AT/MP :

  • M1 (0,18 % en 2025) : finance les accidents de trajet, qui ne sont pas couverts par la sinistralité directe ;
  • M2 (56 % du taux brut à partir de mai 2025) : couvre les frais de rééducation, de reconversion, les dépenses de gestion du fonds national AT, ainsi que certains prélèvements réglementaires ;
  • M3 (0,19 %) : vise les transferts inter-régimes et la prise en charge des expositions à l’amiante ;
  • M4 (0,03 %) : finance les mesures liées à la pénibilité du travail (compte professionnel de prévention, C2P).

Ces majorations s’appliquent uniformément à toutes les entreprises, quel que soit leur secteur ou leur sinistralité. Leur évolution annuelle est fixée par arrêté ministériel.

3. Quelles sanctions s’appliquent si l’entreprise ne s’inscrit pas au compte AT/MP sur net-entreprises.fr ?

Depuis le 1er janvier 2022, l’ensemble des employeurs relevant du régime général — y compris ceux de moins de 10 salariés — ont l’obligation de créer un compte AT/MP dématérialisé sur le portail net-entreprises.fr.

À défaut d’inscription dans les délais, une sanction financière peut être appliquée chaque année :

  • 0,5 % du PMSS par salarié pour les entreprises de moins de 20 salariés ;
  • 1 % du PMSS pour celles de 20 à 149 salariés ;
  • 1,5 % du PMSS pour les entreprises de 150 salariés et plus.

La pénalité est plafonnée à 10 000 € par an et par entreprise. Elle est notifiée par la caisse régionale (CARSAT), conformément à l’arrêté du 8 octobre 2020. Cette obligation permet à l’administration de garantir une notification électronique régulière et sécurisée du taux AT/MP.

4. Quelles démarches suivre pour contester le taux de cotisation AT/MP ?

La contestation du taux notifié par la Carsat suit une procédure à deux niveaux :

Étape 1 : Recours gracieux

L’employeur peut former un recours gracieux auprès de la Carsat dans un délai de deux mois suivant la notification sur le compte AT/MP.

La demande doit être :

  • écrite, motivée et argumentée en droit ;
  • accompagnée de pièces justificatives (attestations, déclarations rectificatives, relevés d’effectifs).

Si la Carsat ne répond pas dans les deux mois, cela vaut rejet implicite du recours (article R.142-1 CSS).

Étape 2 : Recours contentieux

En cas de rejet, l’entreprise peut saisir la Cour d’appel d’Amiens, juridiction nationale compétente en matière de tarification depuis le 1er janvier 2019 (article R.142-18 CSS). Ce recours doit être déposé dans un délai de deux mois à compter de la décision explicite ou implicite.

💡 À noter : toute erreur sur le code risque, le nombre de sinistres, ou l’effectif moyen peut justifier une rectification du taux.

5. Comment la réforme de 2024 impacte-t-elle les entreprises utilisatrices de travailleurs intérimaires ?

Le décret n°2024-723 du 5 juillet 2024 modifie profondément les règles de prise en charge des AT/MP pour les salariés intérimaires. Avant cette réforme, seuls les sinistres ayant entraîné une incapacité permanente ≥ 10 % ou un décès étaient partagés entre l’ETT (2/3) et l’entreprise utilisatrice (1/3).

Dès 2026, la nouvelle règle impose une répartition à parts égales (50/50) entre les deux structures pour tous les sinistres, y compris ceux causant une incapacité temporaire. L’objectif est de responsabiliser davantage les entreprises utilisatrices sur la prévention des risques professionnels.

Cette réforme s’applique :

  • de manière progressive de 2026 à 2028, selon le cycle triennal de tarification ;
  • à toutes les entreprises, y compris celles relevant du taux collectif ou mixte.

⚖️ Cela implique une revalorisation probable du taux AT/MP pour les entreprises ayant fréquemment recours au travail temporaire sans mesure de prévention adéquate.

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