Le financement des risques professionnels en entreprise constitue un levier majeur de la politique de santé au travail en France. À ce titre, la cotisation accidents du travail / maladies professionnelles (AT/MP) revêt une importance particulière : elle ne se limite pas à une simple charge sociale supplémentaire. Elle est aussi un indicateur direct de la sinistralité et du niveau de prévention d’une structure, et donc un facteur d’attractivité sociale et économique.
Chaque année, la Caisse d’Assurance Retraite et de Santé au Travail (CARSAT) attribue à chaque établissement un taux de cotisation AT/MP, en application de l’article L.242-5 du Code de la sécurité sociale, en fonction de l’activité exercée, de la taille de l’effectif, mais surtout de la fréquence et de la gravité des sinistres déclarés. Ce taux, applicable aux rémunérations versées, impacte directement les charges patronales et peut significativement varier selon le mode de tarification applicable (collectif, mixte ou individuel).
L’année 2025 est marquée par la stabilisation du taux net moyen à 2,12 %, mais également par des évolutions réglementaires notables, telles que la révision des majorations M2 et M3, et une réforme de fond concernant la répartition du coût des sinistres liés au travail temporaire. Par ailleurs, le respect des obligations dématérialisées (inscription au compte AT/MP) devient un enjeu de conformité, sous peine de sanction financière.
Face à ces changements, il est primordial pour chaque employeur, quelle que soit la taille de son entreprise, de comprendre le mode de calcul de son taux, les marges de manœuvre pour le contester, et les implications financières à court et long terme. Cet article, publié sur defendstesdroits.fr, vous fournit une analyse complète et juridiquement référencée du dispositif AT/MP applicable en 2025.
Tout employeur dispose d’un droit de contestation du taux AT/MP qui lui est notifié par la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat). Ce recours est strictement encadré par les textes.
Conformément à l’article R.142-1 du Code de la sécurité sociale, l’entreprise peut engager un recours gracieux dans un délai de 2 mois suivant la mise à disposition du taux sur le téléservice defendstesdroits.fr. La demande doit être :
En l'absence de réponse dans ce délai, la demande est considérée comme implicitement rejetée.
Depuis le 1er janvier 2019, toute contestation relative à la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP) relève exclusivement de la compétence de la Cour d’appel d’Amiens, conformément aux dispositions de l’article R.142-18 du Code de la sécurité sociale.
Il s’agit d’une juridiction nationale unique pour tous les litiges relatifs à la fixation, la révision ou la rectification du taux de cotisation AT/MP, quelle que soit la localisation géographique de l’entreprise ou de son siège social.
L’entreprise doit introduire son recours contentieux :
La procédure suivie devant la Cour d’appel d’Amiens est écrite et non orale. Cela signifie que :
Il est fortement recommandé de se faire assister par un avocat spécialisé en droit de la sécurité sociale ou en droit du travail, étant donné la technicité de la tarification AT/MP et les enjeux financiers parfois considérables pour l’entreprise.
Bon à savoir : la Cour d’appel d’Amiens statue en dernier ressort, sauf pourvoi en cassation. Son arrêt peut donc avoir un impact direct et durable sur les charges sociales de l’entreprise, et plus largement sur sa stratégie de gestion des risques professionnels.
Le décret n°2024-723 du 5 juillet 2024, publié au Journal officiel, introduit une réforme majeure en matière d’imputation des coûts des accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) concernant les salariés intérimaires.
Jusqu’alors, la règle était simple : seuls les sinistres les plus graves — à savoir ceux entraînant une incapacité permanente d’au moins 10 % ou un décès — faisaient l’objet d’une répartition financière entre l’entreprise de travail temporaire (ETT) et l’entreprise utilisatrice. Cette répartition s’effectuait selon une clé de 1/3 pour l’entreprise utilisatrice et 2/3 pour l’ETT.
À partir de 2026, le dispositif est profondément modifié. Le texte instaure une imputation conjointe systématique, quelle que soit la gravité du sinistre :
Ce nouveau principe s’appliquera à tous les sinistres, même ceux n’entraînant qu’une interruption temporaire de travail (ITT).
Conformément au cycle triennal de tarification AT/MP, la réforme entrera en vigueur de manière progressive, selon un calendrier échelonné jusqu’en 2028. Cette progressivité vise à :
Les effets concrets sur les taux de cotisation AT/MP ne seront donc visibles qu’à compter de l’exercice 2026, pour être pleinement intégrés aux calculs de taux à partir de l’année tarifaire 2028.
Cette réforme poursuit une logique de responsabilisation croisée des deux parties impliquées dans le contrat de mission :
Ce changement de paradigme marque la reconnaissance du rôle effectif de l’entreprise utilisatrice dans la maîtrise du risque professionnel, notamment via le respect des obligations de sécurité de résultat, telles qu’interprétées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation.
Dans les départements du Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle, le régime de tarification des accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) obéit à des règles dérogatoires par rapport au reste du territoire national. Cette particularité repose sur les dispositions locales applicables à l’ancienne Alsace-Moselle, en vertu de l’article D.242-6-2 du Code de la sécurité sociale.
La différence porte principalement sur les seuils d’effectif utilisés pour déterminer le mode de tarification applicable à l’entreprise :
Ce système repose sur une volonté d’adapter la réglementation nationale aux réalités économiques et sociales régionales. Historiquement, le droit local en Alsace-Moselle s’est toujours caractérisé par une approche protectrice du risque professionnel, avec une implication forte des caisses locales et une attention particulière portée à la solidarité entre entreprises.
En pratique, cela signifie que les TPE et PME de moins de 50 salariés dans ces trois départements bénéficient d’une mutualisation plus large du risque grâce à l’application du taux collectif, ce qui peut limiter l’impact d’un sinistre isolé sur leurs cotisations.
Toutefois, cela n’exonère pas ces entreprises d’une obligation de prévention ni d’un suivi rigoureux de leur sinistralité. En cas de dépassement du seuil, le passage au taux mixte ou individuel peut entraîner une revalorisation significative du taux AT/MP, avec un effet immédiat sur les charges sociales.
Ainsi, les entreprises situées en Alsace-Moselle doivent intégrer cette logique d’évolution par seuil dans leur stratégie RH et budgétaire, en particulier lorsqu’elles approchent des paliers de 50 ou 150 salariés.
La cotisation AT/MP n’est pas une ligne comptable anodine. Elle est la traduction chiffrée d’une politique de prévention, d’un effort de maîtrise du risque professionnel, mais également d’une vigilance administrative constante.
Pour l’année 2025, les employeurs doivent prendre acte non seulement de la stabilité apparente des taux, mais surtout des ajustements structurels opérés par les dernières réformes : nouvelle répartition des coûts pour les intérimaires, reconfiguration des majorations M2/M3, extension des obligations de dématérialisation, et renforcement du droit de contestation.
Il est donc essentiel de :
À défaut, l’entreprise s’expose à un alourdissement durable de sa charge sociale, mais aussi à une dégradation de sa réputation interne, dans un contexte où le bien-être au travail constitue un critère d’attractivité croissant pour les talents.
Sur defendstesdroits.fr, nos juristes vous accompagnent pour sécuriser chaque étape : de la notification au contentieux, en passant par l’optimisation de votre stratégie AT/MP. Ne laissez pas ce sujet échapper à votre radar juridique : il structure à la fois vos engagements sociaux et votre équilibre économique.
Le taux de cotisation AT/MP est calculé en tenant compte de plusieurs éléments fixés par les articles L.242-5 et D.242-6-3 à D.242-6-9 du Code de la sécurité sociale. Il s'agit :
La formule de calcul du taux net 2025 est la suivante :
Taux net = (Taux brut + M1) × (1 + M2) + M3 + M4
Ce taux s’applique à la masse salariale brute de l’établissement. Une erreur dans les données déclarées (effectifs, sinistres, activité) peut impacter le montant à verser, d’où l’importance d’une vérification annuelle.
Les majorations M1 à M4 sont prévues par l’article D.242-6-9 du CSS et servent à financer des dépenses spécifiques à la branche AT/MP :
Ces majorations s’appliquent uniformément à toutes les entreprises, quel que soit leur secteur ou leur sinistralité. Leur évolution annuelle est fixée par arrêté ministériel.
Depuis le 1er janvier 2022, l’ensemble des employeurs relevant du régime général — y compris ceux de moins de 10 salariés — ont l’obligation de créer un compte AT/MP dématérialisé sur le portail net-entreprises.fr.
À défaut d’inscription dans les délais, une sanction financière peut être appliquée chaque année :
La pénalité est plafonnée à 10 000 € par an et par entreprise. Elle est notifiée par la caisse régionale (CARSAT), conformément à l’arrêté du 8 octobre 2020. Cette obligation permet à l’administration de garantir une notification électronique régulière et sécurisée du taux AT/MP.
La contestation du taux notifié par la Carsat suit une procédure à deux niveaux :
L’employeur peut former un recours gracieux auprès de la Carsat dans un délai de deux mois suivant la notification sur le compte AT/MP.
La demande doit être :
Si la Carsat ne répond pas dans les deux mois, cela vaut rejet implicite du recours (article R.142-1 CSS).
En cas de rejet, l’entreprise peut saisir la Cour d’appel d’Amiens, juridiction nationale compétente en matière de tarification depuis le 1er janvier 2019 (article R.142-18 CSS). Ce recours doit être déposé dans un délai de deux mois à compter de la décision explicite ou implicite.
💡 À noter : toute erreur sur le code risque, le nombre de sinistres, ou l’effectif moyen peut justifier une rectification du taux.
Le décret n°2024-723 du 5 juillet 2024 modifie profondément les règles de prise en charge des AT/MP pour les salariés intérimaires. Avant cette réforme, seuls les sinistres ayant entraîné une incapacité permanente ≥ 10 % ou un décès étaient partagés entre l’ETT (2/3) et l’entreprise utilisatrice (1/3).
Dès 2026, la nouvelle règle impose une répartition à parts égales (50/50) entre les deux structures pour tous les sinistres, y compris ceux causant une incapacité temporaire. L’objectif est de responsabiliser davantage les entreprises utilisatrices sur la prévention des risques professionnels.
Cette réforme s’applique :
⚖️ Cela implique une revalorisation probable du taux AT/MP pour les entreprises ayant fréquemment recours au travail temporaire sans mesure de prévention adéquate.