Depuis la généralisation du télétravail, la question de la prise en charge des frais professionnels liés à cette organisation s’impose comme un enjeu majeur de droit du travail. L’usage d’équipements personnels, l’augmentation des dépenses de connexion internet, d’électricité ou encore de chauffage soulève une question essentielle : dans quelle mesure l’employeur est-il tenu d’indemniser son salarié pour les frais engagés à domicile ?
Si le Code du travail ne prévoit pas expressément une obligation générale d’indemnisation, la jurisprudence et les accords collectifs en précisent les contours. En effet, le principe de remboursement des frais professionnels découle directement de l’article L. 1222-10 du Code du travail, qui encadre le télétravail, et de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle les dépenses engagées dans l’intérêt de l’entreprise ne peuvent être supportées par le salarié.
À travers cet article, defendstesdroits.fr revient sur les règles applicables à l’indemnisation du télétravail, les modalités de calcul des allocations forfaitaires, les frais concernés et les obligations déclaratives du salarié, afin d’apporter une lecture claire, juridique et actualisée de cette matière désormais incontournable.
Le télétravail peut générer des coûts supplémentaires pour le salarié, notamment liés à l’utilisation de son domicile personnel comme espace professionnel. Selon le ministère du Travail, l’employeur n’est pas tenu de verser une indemnité de télétravail, sauf si un accord collectif, une charte d’entreprise ou le contrat de travail le prévoit expressément.
Cependant, l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 impose à l’employeur la prise en charge des frais professionnels engagés par le salarié pour l’exécution de ses fonctions (art. 3.1.5). Cette règle découle également du principe jurisprudentiel selon lequel le salarié ne doit pas supporter de dépenses faites dans l’intérêt de l’entreprise. Ainsi, la Cour de cassation a rappelé que « les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur sa rémunération » (Cass. soc., 25 mars 2010, n°08-43156).
Autrement dit, si le salarié démontre que les dépenses engagées sont nécessaires à la réalisation de ses missions, l’employeur est juridiquement tenu d’en assurer le remboursement, que ce soit par remboursement au réel ou allocation forfaitaire.
L’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles de l’assiette des cotisations sociales distingue deux modalités de remboursement :
Cette allocation est réévaluée chaque année. Pour 2025, le plafond exonéré s’élève à 2,70 euros par jour de télétravail, soit un maximum de 59,40 euros par mois, ou 10,90 euros par mois pour une journée hebdomadaire de télétravail (Arrêté du 4 septembre 2025). Lorsque la prise en charge découle d’un accord collectif, les plafonds sont portés à 3,25 euros par jour ou 13 euros par mois pour une journée par semaine.
Ces montants s’appliquent uniquement lorsque l’indemnité couvre les frais réels liés à l’activité professionnelle (connexion internet, consommations énergétiques, fournitures de bureau). En revanche, les frais d’adaptation du domicile (travaux, mobilier permanent) ne peuvent pas faire l’objet d’un remboursement forfaitaire et doivent être évalués au réel.
Trois grandes catégories de frais peuvent être indemnisées :
La Cour de cassation a admis qu’un salarié pouvait prétendre à une indemnité d’occupation de son domicile lorsque aucun bureau professionnel n’était mis à sa disposition (Cass. soc., 19 mars 2025, n°22-17315). Cette indemnité est distincte du remboursement des frais courants et vise à compenser l’utilisation d’un espace privé à des fins professionnelles.
Les allocations versées par l’employeur au titre du télétravail sont exonérées d’impôt sur le revenu, à condition de ne pas dépasser les plafonds définis par l’Urssaf.
Si le salarié n’opte pas pour la déduction au réel, il bénéficie automatiquement de l’abattement de 10 % appliqué par l’administration fiscale. En revanche, s’il choisit la déduction au réel, il peut déclarer ses dépenses à hauteur de 2,70 euros par jour de télétravail, dans la limite de 59,40 euros par mois, à condition de pouvoir les justifier.
En cas de cumul entre une allocation employeur et la déduction au réel, le salarié ne peut pas déduire deux fois les mêmes frais. Il doit donc opter soit pour la déduction réelle, soit pour le régime forfaitaire.
L’indemnisation du télétravail n’est pas uniquement une question financière : elle s’inscrit dans une dynamique sociale et juridique plus large, visant à encadrer les conditions de travail à distance. De nombreuses conventions collectives prévoient des dispositions spécifiques sur la prise en charge des coûts, la fourniture du matériel informatique, ou encore la maintenance des équipements.
L’employeur, en vertu de son obligation de sécurité (article L. 4121-1 du Code du travail), doit veiller à ce que le télétravail ne porte pas atteinte à la santé ou au bien-être des salariés. Cela suppose un environnement matériel adapté, des outils performants, et une transparence dans la gestion des coûts professionnels.
Les représentants du personnel, notamment le Comité social et économique (CSE), peuvent être consultés sur les modalités de mise en œuvre du télétravail et sur les mécanismes de compensation financière.
Au-delà des obligations légales, l’indemnisation du télétravail traduit un engagement de l’employeur envers l’équité et la reconnaissance du travail à distance. Le principe selon lequel « le salarié ne doit pas subir de frais pour l’exercice de son emploi » fonde un droit à compensation qui dépasse le simple remboursement matériel : il s’agit d’une condition de justice contractuelle et de confiance professionnelle.
Loin d’être une option, la prise en charge des frais de télétravail constitue aujourd’hui un instrument de gouvernance sociale. Elle permet d’instaurer un dialogue équilibré entre employeurs et salariés, tout en assurant la conformité de l’entreprise avec le droit du travail, la réglementation sociale et les recommandations de l’Urssaf.
En intégrant la question de l’indemnisation dans la politique interne de gestion du télétravail, l’entreprise renforce non seulement sa sécurité juridique, mais aussi sa responsabilité sociale et son attractivité auprès des talents.
Le télétravail n’est plus une exception, mais une forme d’organisation pérenne de l’activité professionnelle. Sa généralisation, accélérée par les transformations technologiques et sociétales, a profondément redéfini les rapports entre employeurs et salariés. Désormais, l’enjeu n’est plus seulement de permettre le travail à distance, mais d’en garantir l’équité et la conformité juridique.
L’indemnisation du télétravail s’inscrit au cœur de cette évolution : elle ne constitue pas une faveur, mais la traduction d’un principe fondamental du droit du travail, selon lequel le salarié ne doit supporter aucune dépense engagée pour l’exécution de son contrat (Cass. soc., 25 mars 2010, n°08-43156). En ce sens, l’employeur reste responsable de l’ensemble des frais professionnels, qu’ils concernent l’équipement matériel, la consommation énergétique, ou encore l’occupation d’un espace privé à des fins professionnelles.
L’enjeu de cette obligation dépasse le seul cadre financier. Elle touche à la qualité du lien social et à la confiance contractuelle entre les parties. Un salarié justement indemnisé, informé et soutenu dans ses conditions de travail à distance est un salarié engagé, productif et loyal. À l’inverse, une absence de reconnaissance ou un refus de prise en charge peut générer des tensions sociales, des litiges prud’homaux, voire des redressements Urssaf liés à une mauvaise qualification des frais professionnels.
En pratique, la conformité de l’entreprise repose sur plusieurs piliers :
À l’heure où les frontières entre sphère professionnelle et personnelle deviennent plus poreuses, le respect des droits du salarié en télétravail apparaît comme un impératif de gouvernance responsable. La bonne application des textes – qu’il s’agisse du Code du travail, de l’ANI du 26 novembre 2020, ou des arrêtés relatifs aux frais professionnels – participe à un équilibre durable entre performance économique et bien-être au travail.
Le télétravail, lorsqu’il est encadré et indemnisé dans le respect du droit, devient alors un levier de modernisation sociale. Il incarne une approche du management fondée sur la confiance, l’autonomie et la responsabilité partagée, en phase avec les exigences du droit du travail contemporain et les attentes légitimes des salariés.
Ainsi, loin d’être une contrainte administrative, l’indemnisation des frais de télétravail symbolise une nouvelle ère du dialogue social, où la transparence et la sécurité juridique deviennent les garants d’une collaboration équilibrée, efficace et respectueuse des droits de chacun.
1. L’employeur est-il obligé de verser une indemnité de télétravail ?
En principe, l’indemnité de télétravail n’est pas systématiquement obligatoire. Aucune disposition du Code du travail ne contraint l’employeur à verser une somme forfaitaire à chaque salarié exerçant à distance.
Cependant, la jurisprudence et les textes réglementaires imposent un principe de remboursement des frais professionnels engagés par le salarié pour les besoins de son activité.
Ainsi, selon la Cour de cassation (Cass. soc., 25 mars 2010, n° 08-43156), les dépenses engagées pour les besoins du travail — comme l’abonnement Internet, l’électricité ou le matériel informatique — doivent être remboursées, à moins qu’un accord contractuel n’ait prévu une compensation forfaitaire.
De plus, l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 sur le télétravail rappelle que l’employeur doit prendre en charge les frais liés à l’exécution du contrat, sauf disposition contraire d’une convention collective.
En pratique, l’obligation dépend donc de trois critères :
En l’absence d’accord, un salarié peut réclamer le remboursement sur le fondement du principe de remboursement des frais professionnels reconnu par le droit du travail.
2. Quels types de frais liés au télétravail doivent être pris en charge par l’entreprise ?
Le remboursement des frais de télétravail repose sur une distinction entre frais fixes, frais variables et frais matériels, conformément à l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles de cotisations sociales, modifié par l’arrêté du 4 septembre 2025.
Les principaux frais remboursables sont les suivants :
Certaines dépenses peuvent être partiellement prises en charge via une allocation forfaitaire mensuelle, sous réserve qu’elles ne dépassent pas les plafonds fixés par l’Urssaf (2,70 € par jour ou 59,40 € par mois, ou 3,25 € par jour si un accord collectif le prévoit).
En revanche, les frais de logement personnel non dédié à un usage professionnel (ex : loyer global sans pièce aménagée), ou d’équipements non nécessaires à l’activité (meubles de décoration, par exemple), ne sont pas remboursables.
3. Comment calculer et verser une indemnité de télétravail conforme à la réglementation ?
Deux modalités principales de remboursement existent :
En 2025, les plafonds applicables sont :
⚖️ Base légale : Articles 6 et suivants de l’arrêté du 20 décembre 2002 sur les frais professionnels et article 3.1.5 de l’ANI du 26 novembre 2020.
L’employeur doit conserver une trace écrite du mode de calcul (charte, avenant ou justificatifs) pour éviter toute requalification en avantage en nature par l’Urssaf.
4. Les indemnités de télétravail sont-elles imposables pour le salarié ?
Les indemnités versées au salarié pour couvrir ses frais de télétravail ne sont pas imposables, dès lors qu’elles :
Si ces conditions sont réunies, elles sont exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales (articles 81 du Code général des impôts et L242-1 du Code de la sécurité sociale).
En revanche :
Depuis 2023, l’administration fiscale admet une déduction de 2,70 € par jour ou 59,40 € par mois pour les frais réels, sans justificatif détaillé, à condition de pouvoir attester du nombre de jours télétravaillés.
5. Quels sont les recours du salarié en cas de refus de remboursement par l’employeur ?
Un employeur qui refuse de rembourser les frais professionnels liés au télétravail s’expose à plusieurs risques juridiques.
La Cour de cassation (Soc., 19 mars 2025, n° 22-17315) a également précisé qu’un salarié pouvait réclamer une indemnité d’occupation de son domicile lorsque l’entreprise n’avait pas mis à sa disposition un local professionnel, même si le télétravail n’était pas initialement prévu au contrat.