Le contrat de travail à temps plein constitue la forme la plus courante de relation salariée en droit français. Pourtant, derrière cette apparente simplicité se cache une réglementation dense, souvent mal comprise des employeurs comme des salariés. La notion de « temps plein » ne se résume pas à un simple volume horaire hebdomadaire ; elle renvoie à un ensemble de règles encadrées par le Code du travail, définissant la durée du travail, les modalités de décompte des heures, les conditions de dépassement, ainsi que les droits et obligations en matière de repos et de rémunération.
Comprendre précisément ce qu’implique un contrat à temps plein est indispensable tant pour sécuriser la relation de travail que pour éviter tout litige prud’homal. En effet, un salarié à temps plein ne peut être traité comme un salarié à temps partiel, notamment en matière de majoration des heures supplémentaires, de dérogations horaires, ou encore de suivi du temps de travail. La frontière avec d'autres régimes, tels que le temps partiel ou le forfait jours, est parfois ténue mais juridiquement déterminante.
Cet article publié sur defendstesdroits.fr vous propose un décryptage rigoureux du régime applicable au temps plein, à la lumière des dispositions légales, des textes réglementaires et de la jurisprudence récente. Il s’adresse aussi bien aux professionnels des ressources humaines qu’aux justiciables désireux de maîtriser les fondements de leur contrat de travail. À travers ce guide complet, vous découvrirez non seulement les principes généraux applicables, mais également les nombreuses subtilités pratiques qui peuvent influer sur vos droits ou responsabilités en tant qu’employeur ou salarié.
1. Définition du contrat de travail à temps plein
2. Différences entre temps plein et temps partiel
3. Durées maximales légales pour le salarié à temps plein
4. Dérogations possibles aux limites horaires
5. Modalités de décompte du temps de travail
6. Heures supplémentaires : calcul et rémunération
7. Pauses obligatoires et temps de repos quotidien/hebdomadaire
8. Spécificités du statut des cadres dirigeants
9. Notion d’équivalent temps plein (ETP)
Le contrat de travail à temps plein, également appelé temps complet, désigne un engagement contractuel entre un salarié et un employeur dans lequel le salarié s’engage à effectuer une durée de travail équivalente à la durée légale du travail prévue par le Code du travail. Cette durée est fixée à 35 heures par semaine par l’article L3121-27 du Code du travail.
Il est fondamental de noter que cette durée de 35 heures hebdomadaires constitue un seuil de référence et non une limite rigide. Autrement dit, il ne s’agit ni d’un plafond, au-delà duquel le travail serait interdit, ni d’un plancher, en deçà duquel le contrat perdrait sa qualification de temps plein. Elle sert notamment à déterminer :
Ainsi, un salarié à temps plein effectue en principe :
Le temps plein constitue la forme normale d’exécution du contrat de travail en droit français. Il est compatible aussi bien avec un contrat à durée indéterminée (CDI) qu’avec un contrat à durée déterminée (CDD). La durée du contrat (sa temporalité) n’a donc aucune incidence juridique sur la qualification du temps de travail. Ce point est souvent source de confusion, mais il est essentiel de distinguer :
Enfin, le contrat à temps plein, lorsqu’il est écrit (ce qui est obligatoire dans certains cas, notamment pour un CDD), doit mentionner expressément la durée de travail prévue, ainsi que les modalités d’organisation (répartition hebdomadaire, horaires, pauses, etc.) si ces éléments ne sont pas définis par un accord collectif applicable à l’entreprise. En l’absence de ces mentions, et en cas de contentieux, la jurisprudence prud’homale peut requalifier un contrat et faire peser la charge de la preuve sur l’employeur.
La différence réside dans la quantité d’heures effectuées :
Seuls les salariés à temps plein peuvent accomplir des heures supplémentaires au-delà de 35 heures (article L3121-28 du Code du travail), tandis que les salariés à temps partiel peuvent effectuer des heures complémentaires, qui ne peuvent en aucun cas porter leur temps de travail au niveau d’un temps plein (article L3123-9 du Code du travail).
Les droits (congés, accès à la formation, protection sociale) sont identiques à poste égal, à proportion du temps de travail. La rémunération d’un salarié à temps partiel est proportionnelle à celle d’un salarié à temps plein exerçant le même emploi.
Le Code du travail encadre strictement les durées maximales :
Des dérogations sont possibles :
Lorsque tous les salariés suivent les mêmes horaires, l'employeur est tenu d'afficher les heures de début et de fin du travail, ainsi que les temps de pause.
Si les horaires sont personnalisés, un système de décompte fiable doit être mis en place : badgeuse, tableau de pointage, ou tout moyen infalsifiable. En cas de litige, la charge de la preuve repose sur l’employeur.
Les heures effectuées au-delà de 35 heures constituent des heures supplémentaires, qui doivent respecter les plafonds légaux. Elles sont :
Elles peuvent également donner lieu à un repos compensateur.
Un salarié travaillant au moins 6 heures consécutives bénéficie d’une pause minimale de 20 minutes consécutives. Des durées plus longues peuvent être prévues par la convention collective applicable.
Le Code du travail impose :
Les cadres dirigeants ne sont pas soumis à la réglementation sur la durée du travail. En principe, ils ne peuvent donc être considérés comme "à temps plein".
Leur statut se caractérise par :
La Cour de cassation a exclu les cadres dirigeants du dispositif du forfait annuel en jours (Cass. soc., 12 janv. 2022, n°19-25080 ; Cass. soc., 20 nov. 2024, n°23-17881).
L’ETP est une unité de mesure permettant de quantifier un effectif en "équivalent temps plein". Il ne s’agit ni d’un type de contrat, ni d’un statut.
Un salarié travaillant à 50 % représente 0,5 ETP, un salarié à temps plein correspond à 1 ETP. Ce calcul permet de déterminer des seuils d’effectifs pour l’application de certaines obligations légales.
Le temps plein est bien plus qu’un standard contractuel : il représente un pilier de l’organisation du travail salarié, à la croisée des exigences économiques de l’entreprise et des impératifs de protection du travailleur. La législation française, en constante évolution, fixe un cadre strict destiné à équilibrer la charge de travail, assurer des temps de repos effectifs et garantir une juste rémunération des heures accomplies au-delà du seuil légal.
Qu’il s’agisse de dérogations aux durées maximales, de modalités de calcul des heures supplémentaires, ou encore du rôle des accords collectifs, chaque aspect du temps plein répond à une logique juridique précise, souvent enrichie par la jurisprudence de la Cour de cassation. Ce régime, bien qu'encadré, n’est pas figé : il peut être adapté à la réalité de l’entreprise, à condition de respecter les bornes fixées par le Code du travail.
Enfin, comprendre la notion d’équivalent temps plein (ETP) s’avère stratégique pour l’évaluation des effectifs et des seuils sociaux. Pour les employeurs, une bonne maîtrise des règles applicables au temps plein permet de prévenir les contentieux ; pour les salariés, c’est un levier essentiel pour faire valoir leurs droits, notamment en matière de repos, de rémunération et d’aménagement du temps de travail.
Sur defendstesdroits.fr, nous vous accompagnons dans l’analyse et l’application concrète du droit du travail pour que chaque relation contractuelle repose sur une base juridique claire, sécurisée et conforme aux exigences légales.
1. Quelle est la durée légale du travail pour un salarié à temps plein ?
En droit français, la durée légale du travail effectif est fixée à 35 heures par semaine, soit 151,67 heures par mois et 1 607 heures par an (article L3121-27 du Code du travail). Cette durée est un seuil de référence servant notamment à déclencher le paiement des heures supplémentaires ou à définir le temps partiel. Il ne s’agit pas d’une durée maximale de travail : un salarié peut être amené à travailler plus, à condition de respecter les plafonds horaires prévus par la loi.
À noter que des accords collectifs ou conventions de branche peuvent aménager différemment la durée du travail, par exemple en instaurant un forfait jours ou une répartition annualisée des heures. Le dépassement de la durée légale reste toutefois encadré par des limites journalières et hebdomadaires strictes.
2. Peut-on dépasser les 10 heures de travail par jour dans un contrat à temps plein ?
Le Code du travail fixe la durée maximale quotidienne à 10 heures de travail effectif par jour (article L3121-18). Toutefois, des dérogations encadrées sont possibles dans certains cas limités :
Il est impératif que l’employeur respecte ces conditions, sous peine de sanctions pénales et de condamnation prud’homale en cas de dépassement illicite.
3. Quelles sont les différences entre heures supplémentaires et heures complémentaires ?
La distinction entre heures supplémentaires et heures complémentaires dépend du type de contrat de travail :
Attention : confondre ces deux types d’heures peut avoir des conséquences juridiques et financières, notamment en matière de rappel de salaire et de requalification du contrat.
4. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de pause et de repos pour les salariés à temps plein ?
Le Code du travail impose des temps de pause et de repos obligatoires, applicables à tous les salariés, y compris ceux à temps plein :
Le non-respect de ces temps de repos constitue une infraction susceptible d’être sanctionnée par l’inspection du travail et de donner lieu à des dommages et intérêts devant le conseil de prud’hommes.
5. Les cadres dirigeants sont-ils soumis aux règles du temps plein ?
Non, les cadres dirigeants bénéficient d’un régime dérogatoire prévu à l’article L3111-2 du Code du travail. En raison de leurs fonctions de direction, de leur autonomie dans l’organisation de leur temps de travail et de leur niveau élevé de rémunération, ils ne sont pas soumis aux dispositions relatives :
La jurisprudence a précisé que le statut de cadre dirigeant exclut la possibilité de conclure une convention de forfait annuel, sauf si les conditions cumulatives définies par la Cour de cassation sont remplies (Cass. soc., 12 janv. 2022, n°19-25080 ; Cass. soc., 20 nov. 2024, n°23-17881).
Ce statut est donc exceptionnel et doit faire l’objet d’une analyse rigoureuse, notamment en cas de litige sur le paiement des heures supplémentaires.