Le 1er juillet 2025, deux décrets majeurs sont entrés en vigueur, modifiant en profondeur le régime social applicable aux personnes détenues exerçant une activité professionnelle ou suivant une formation en prison. Pris en application de l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022, les décrets n° 2025-600 et 2025-601 participent à une transformation historique du droit pénitentiaire social.
Longtemps considéré comme un “travail hors droit”, le travail en prison évolue vers un statut hybride. Le décret n° 2025-600 consacre le contrat d’emploi pénitentiaire, nouvelle catégorie juridique introduite par l’ordonnance de 2022. Ce contrat remplace l’ancienne logique du “travail pénal” dans un souci de modernisation terminologique et de cohérence avec le droit commun.
L’objectif du texte est double :
Le décret n° 2025-601 précise les modalités techniques d’affiliation des personnes détenues au régime général de sécurité sociale, lorsqu’elles travaillent sous contrat pénitentiaire ou suivent une formation professionnelle agréée.
Sont désormais dues :
L’assiette forfaitaire de cotisation est fixée à 50 fois la valeur horaire du SMIC par mois (article D. 382-35 CSS), et les taux sont calqués sur ceux du droit commun (notamment pour les assurances maladie, maternité, invalidité, décès…).
Il s’agit là d’un tournant : la personne détenue devient un travailleur cotisant au régime général, même si les modalités sont adaptées au contexte pénitentiaire. Ce mouvement d’intégration sociale progressive vise à lutter contre la précarisation des parcours de détention et à préparer la réinsertion.
Autre évolution majeure introduite par les deux décrets : la clarification du régime d’indemnisation maladie pour les détenus.
Désormais, les indemnités journalières sont :
Cette réforme inclut également des dispositions spécifiques aux grossesses à risque et aux stagiaires de la formation professionnelle, qui pourront bénéficier d’une protection minimale en cas d’incapacité temporaire.
L’un des volets les plus symboliques du décret n° 2025-601 concerne la possibilité offerte aux personnes ayant travaillé en détention avant 1977 de racheter des trimestres de cotisation vieillesse (articles R. 382-138 à R. 382-145 CSS).
Deux conditions alternatives sont fixées :
Ce rachat est payable de manière échelonnée, dans les conditions du régime général, et donne lieu à une révision des prestations déjà liquidées le cas échéant. La mesure vise à réparer une inégalité historique, longtemps dénoncée par les associations de défense des droits des personnes incarcérées.
Le texte introduit aussi un dispositif de constatation et de maintien des pensions d’invalidité pendant la détention, assurant une continuité dans la prise en charge, y compris en cas de rechute. Les compétences sont partagées entre les caisses d’affiliation antérieures et la CPAM du département de détention (article R. 382-137).
Le décret n° 2025-600 met fin à de nombreuses incertitudes concernant la réparation des accidents survenus en prison, qu’il s’agisse d’une activité de travail ou d’une formation professionnelle.
Deux cas sont distingués :
Le texte prévoit en outre les modalités de suivi médical, de remise de la feuille d’accident en cas de libération ou d’aménagement de peine, ainsi que le rôle du médecin de l’unité sanitaire de l’établissement.
La réforme apporte aussi une série de modifications terminologiques et techniques :
Ces éléments permettent de rapprocher le traitement social des personnes détenues des autres assurés sociaux, sans nier la spécificité du cadre carcéral.
Ces décrets impliquent des ajustements importants pour l’administration pénitentiaire, les établissements de santé en milieu fermé, mais aussi pour les organismes de sécurité sociale.
Les CPAM, les caisses vieillesse, la CNAM, la CNAV et les caisses de retraite complémentaire devront adapter leurs systèmes de traitement, notamment pour les affiliés détenus et les demandes de rachat de cotisation.
Pour les détenus eux-mêmes, la réforme ouvre la voie à une reconnaissance accrue de leurs droits sociaux, dans une logique de réinsertion et de réparation, bien qu’aucune égalité stricte avec les travailleurs libres ne soit encore proclamée.
Cette évolution du statut social des personnes détenues s’inscrit dans les principes de dignité humaine, de droit à la santé et au travail consacrés par :
Elle reflète également les exigences de la jurisprudence constitutionnelle française et des rapports du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui dénoncent depuis des années les lacunes du régime antérieur.
Les décrets du 30 juin 2025 constituent une avancée structurante du droit social en détention. Ils marquent une étape vers la reconnaissance du détenu comme sujet de droit social à part entière, même si des écarts subsistent avec le droit commun.
À terme, ce socle juridique rénové pourrait servir de tremplin vers une véritable égalité d’accès aux droits sociaux fondamentaux, condition indispensable à une réinsertion effective et durable.
1️⃣ Quelle est la principale nouveauté apportée par les décrets du 30 juin 2025 pour les personnes détenues ?
Les décrets n° 2025-600 et 2025-601 instaurent une véritable modernisation du statut social des détenus exerçant une activité professionnelle ou suivant une formation en prison. La grande nouveauté est l’introduction du contrat d’emploi pénitentiaire, qui remplace l’ancien “travail pénal”. Cela rapproche le régime carcéral du droit du travail commun, tout en l’adaptant aux contraintes de la détention. Pour la première fois, le travail en prison devient assujetti au régime général de sécurité sociale, permettant aux détenus de cotiser pour leur retraite, leurs droits maladie et accident du travail.
2️⃣ Les personnes détenues cotisent-elles désormais comme des salariés ordinaires ?
Pas totalement, mais le système s’en rapproche :
3️⃣ Qu’en est-il de l’indemnisation en cas de maladie ou d’accident du travail en détention ?
C’est une avancée majeure :
4️⃣ Que prévoit la réforme pour les personnes détenues ayant travaillé avant 1977 ?
C’est un aspect réparateur inédit : le décret autorise le rachat de trimestres de cotisation vieillesse pour les périodes de travail en prison antérieures à 1977, période pour laquelle les détenus n’avaient souvent aucun droit ouvert.
5️⃣ Quels impacts concrets pour la réinsertion et le droit au respect de la dignité ?
En élargissant l’accès aux droits sociaux fondamentaux, cette réforme s’inscrit dans une dynamique constitutionnelle et européenne qui vise à garantir la dignité des personnes incarcérées.