Travail

Travail et handicap : le dispositif des entreprises adaptées décrypté

Estelle Marant
Collaboratrice
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Entreprises adaptées : emploi, contrat et aides pour l'inclusion

L’accès à l’emploi constitue un levier fondamental d’inclusion sociale pour les personnes en situation de handicap. Pourtant, nombre d’entre elles demeurent confrontées à des obstacles structurels sur le marché du travail, en raison de leur état de santé, du manque d’aménagements adaptés ou encore de la persistance de discriminations.

Pour répondre à cette problématique, le législateur a mis en place un cadre juridique spécifique destiné à favoriser leur insertion professionnelle, notamment par le biais des entreprises adaptées (EA).

Ces structures, à la fois acteurs économiques à part entière et outils d’intégration sociale, occupent une place singulière dans le droit du travail français. Leur régime juridique, leur fonctionnement opérationnel et leur financement par l’État témoignent d’une volonté d’allier performance économique et justice sociale, au service d’un emploi durable et accompagné.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Définition juridique des entreprises adaptées
  3. Différence entre entreprise adaptée et ESAT
  4. Fonctionnement des entreprises adaptées
  5. Conditions de recrutement des travailleurs handicapés
  6. Financement des entreprises adaptées
  7. Les aides financières attribuées aux EA et EATT
  8. FAQ

Définition juridique des entreprises adaptées

Les entreprises adaptées (EA) sont des structures de droit privé, régies par le Code du travail, qui emploient majoritairement des personnes en situation de handicap. Conformément à l’article L5213-13 du Code du travail, elles doivent employer au minimum 55 % de travailleurs handicapés parmi leurs effectifs de production.

Elles exercent une activité économique classique, mais bénéficient d’un agrément préfectoral qui leur permet de prétendre à des aides publiques spécifiques. Leur mission est de favoriser l’accès ou le retour à l’emploi de personnes durablement éloignées du marché du travail en raison de leur handicap, tout en contribuant au développement économique local.

Distinction entre EA et ESAT

Il est fondamental de distinguer les entreprises adaptées (EA) des établissements et services d’aide par le travail (ESAT), bien qu’ils partagent un objectif commun d’insertion des personnes en situation de handicap.

Les ESAT relèvent du secteur médico-social et sont régis par le Code de l’action sociale et des familles (CASF), en particulier par ses articles L344-2 et suivants. Ces structures ne sont pas considérées comme des employeurs au sens du Code du travail, car elles ne concluent pas de contrat de travail avec les usagers qu’elles accueillent. À la place, les personnes accompagnées bénéficient d’un contrat de soutien et d’aide par le travail, qui n’entraîne pas les obligations classiques d’un employeur envers un salarié.

Les personnes accueillies en ESAT sont des adultes handicapés dont les capacités de travail sont altérées de manière substantielle et durable, les empêchant d’exercer une activité professionnelle dans un cadre ordinaire ou dans une entreprise adaptée. Ces personnes sont orientées vers un ESAT par la CDAPH (Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées), en raison de leurs besoins d’encadrement renforcé.

Les ESAT offrent des activités à caractère professionnel, mais toujours assorties d’un accompagnement médico-social, éducatif et psychologique. L’objectif est autant le développement de l’autonomie que la valorisation sociale des bénéficiaires, dans un environnement protégé.

À l’inverse, les entreprises adaptées (EA) sont des entreprises de droit commun, soumises au Code du travail, et employant leurs salariés dans les mêmes conditions contractuelles que n’importe quel autre salarié, tout en bénéficiant d’un agrément préfectoral spécifique. Les personnes en situation de handicap y sont intégrées dans le cadre d’un contrat de travail classique, bénéficiant de tous les droits sociaux associés (congés payés, assurance chômage, droits à la retraite, etc.).

L’objectif principal des EA est de permettre à des personnes reconnues handicapées, mais disposant d’une autonomie suffisante pour exercer une activité professionnelle, de travailler dans des conditions aménagées, tout en leur offrant une perspective de transition vers le marché du travail ordinaire.

Ainsi, les EA et les ESAT ne relèvent ni du même cadre juridique, ni du même public, ni des mêmes modalités d’accompagnement. Leur articulation permet toutefois de construire un parcours progressif et individualisé d’insertion professionnelle pour les personnes en situation de handicap.

Modalités de fonctionnement des entreprises adaptées

Pour obtenir le statut d’EA, l’entreprise doit conclure un Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) avec le préfet de région (article R5213-68 du Code du travail). Ce contrat, d’une durée maximale de cinq ans, fixe les engagements économiques et sociaux de l’entreprise, les objectifs d’insertion professionnelle, ainsi que les modalités de suivi et d’évaluation.

Le CPOM prévoit notamment :

  • le projet économique et social de l’entreprise,
  • le nombre de travailleurs handicapés concernés,
  • les documents justificatifs comptables,
  • les modalités de résiliation du contrat,
  • les aides financières allouées, fixées par avenants.

Une EA peut être créée par une collectivité territoriale, une association, un organisme public ou une société commerciale, à condition que l’entité juridique soit distincte.

Conditions de recrutement en EA

Le recrutement dans une EA peut s’effectuer de deux manières :

  • sur proposition du service public de l’emploi : France Travail, Cap Emploi, Missions locales,
  • directement par l’EA, sous réserve du respect des conditions légales.

Conformément à l’arrêté du 12 mars 2025, les personnes recrutées doivent :

  • être titulaires d’une RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé),
  • être éloignées durablement de l’emploi en raison de leur handicap.

S’ajoutent des critères spécifiques selon le mode de recrutement. Par exemple, pour un recrutement direct, peuvent être concernés les sortants récents de structures comme les instituts médico-professionnels ou les services d’accompagnement à la vie sociale, ou encore les personnes âgées de plus de 55 ans.

Financement des entreprises adaptées

Les aides publiques constituent une part essentielle du fonctionnement des EA. Elles sont versées mensuellement par l’Agence de services et de paiement (ASP).

Aide à l’emploi des travailleurs handicapés

Depuis le 1er novembre 2024, l’arrêté du 16 janvier 2025 a revalorisé les montants suivants pour un poste à temps plein :

  • 18.230 € pour un salarié de moins de 50 ans,
  • 18.465 € pour les 50–55 ans,
  • 18.941 € pour les 56 ans et plus.

À Mayotte, ces montants sont minorés en fonction du coût de la vie local.

Aide à la mise à disposition

Lorsqu’une EA met à disposition un salarié handicapé auprès d’un autre employeur en vue d’une embauche, elle perçoit une aide à l’accompagnement professionnel individualisé, d’un montant de 4.854 € (ou 3.665 € à Mayotte) pour un emploi à temps plein.

Aide au titre des CDD Tremplin

Les CDD Tremplin, institués à titre expérimental par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 et pérennisés depuis le 1er janvier 2024, permettent une transition progressive vers l’emploi durable. L’EA perçoit une aide composée :

  • d’un montant socle annuel : 12.453 € (ou 9.408 € à Mayotte),
  • d’un montant modulé allant jusqu’à 10 % du socle, selon les profils.

Aide aux entreprises adaptées de travail temporaire (EATT)

Les EATT bénéficient d’un dispositif similaire pour accompagner les salariés dans un emploi temporaire en vue d’une insertion durable. L’aide est fixée à 5.293 € par poste à temps plein (3.999 € à Mayotte), avec le même système de modulation selon les caractéristiques du public.

Les entreprises adaptées s’inscrivent ainsi au cœur de la politique d’inclusion professionnelle, offrant un cadre de travail structuré et sécurisé aux personnes en situation de handicap, tout en participant pleinement à l’économie de marché. Ces structures incarnent un modèle d’emploi hybride, conjuguant performance économique et responsabilité sociale, encadré par un arsenal juridique précis et évolutif.

Conclusion

Les entreprises adaptées représentent aujourd’hui un dispositif essentiel de la politique publique d’emploi des travailleurs handicapés. Encadrées par des textes législatifs et réglementaires précis, elles conjuguent obligations d’utilité sociale et exigences entrepreneuriales.

À travers leur agrément préfectoral, leur contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), et les différentes aides financières mises en œuvre par l’État, les EA permettent de créer un véritable pont vers l’emploi durable pour des publics jusqu’alors marginalisés.

Elles s’inscrivent ainsi dans une dynamique vertueuse de reconnaissance des compétences, de développement territorial et de lutte contre l’exclusion. Pour les employeurs comme pour les salariés en situation de handicap, elles constituent une opportunité stratégique à la croisée des logiques économiques et sociales.

FAQ

1. Qu’est-ce qu’une entreprise adaptée et à qui s’adresse-t-elle ?
Une entreprise adaptée (EA) est une structure de droit privé soumise au Code du travail, agréée par l’État, dont l’effectif de production est composé d’au moins 55 % de travailleurs handicapés. Elle vise à favoriser l’emploi durable de personnes en situation de handicap, particulièrement celles qui rencontrent des difficultés significatives d’insertion sur le marché du travail ordinaire. Ces personnes doivent bénéficier d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) et répondre à des critères spécifiques d’éloignement de l’emploi. Contrairement aux ESAT, les EA emploient leurs salariés sous contrat de travail classique, leur garantissant des droits identiques à ceux des autres salariés.

2. Quelle est la différence entre une entreprise adaptée et un ESAT ?
Les entreprises adaptées sont des entreprises classiques, juridiquement autonomes, dont l’activité économique est soumise au droit commun. En revanche, les ESAT (Établissements et Services d’Aide par le Travail) relèvent du secteur médico-social et sont régis par le Code de l’action sociale et des familles (CASF, art. L344-2 et suivants). Les personnes accueillies en ESAT ne sont pas liées par un contrat de travail, mais par un contrat de soutien et d’aide à l’insertion, car elles présentent une capacité de travail très réduite. L’objectif des EA est l’insertion professionnelle durable, tandis que celui des ESAT est l’accompagnement médico-social et éducatif.

3. Quelles conditions doivent remplir les travailleurs handicapés pour être recrutés en entreprise adaptée ?
Pour intégrer une EA, un travailleur doit :

  • être titulaire d’une RQTH délivrée par la CDAPH ;
  • être éloigné durablement du marché de l’emploi du fait de son handicap.
    Depuis l’arrêté du 12 mars 2025, des critères supplémentaires s’appliquent selon le type de recrutement (direct ou via France Travail/Cap Emploi). Parmi ces critères :
  • être sans emploi depuis au moins 24 mois sur les 48 derniers mois ;
  • être réfugié, demandeur d’asile ou bénéficiaire de protection temporaire ;
  • sortir d’un ESAT, d’un établissement médico-éducatif ou d’une unité scolaire spécialisée depuis moins de 12 mois ;
  • avoir plus de 55 ans ou bénéficier d’une pension d’invalidité.
    Ces conditions permettent à l’EA de bénéficier des aides financières spécifiques, versées par l’État.

4. Quelles sont les aides financières versées aux entreprises adaptées ?
L’État soutient les EA par plusieurs dispositifs :

  • Une aide au poste annuelle revalorisée au 1er novembre 2024 (jusqu’à 18.941 € pour les plus de 56 ans, selon l’âge du salarié et la zone géographique – cf. arrêté du 16 janvier 2025) ;
  • Une aide à la mise à disposition de travailleurs handicapés auprès d’autres employeurs (4.854 €) pour favoriser leur embauche durable ;
  • Une aide au CDD tremplin, composée d’un montant socle (12.453 €) et d’un montant modulé selon les profils ;
  • Une aide aux EATT (entreprises adaptées de travail temporaire) à hauteur de 5.293 € par poste à temps plein.
    Ces aides sont gérées et versées par l’Agence de services et de paiement (ASP), sur la base d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) signé avec le préfet.

5. Comment une entreprise obtient-elle l’agrément d’entreprise adaptée ?
L’agrément d’entreprise adaptée est accordé par le préfet de région via la conclusion d’un CPOM (contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens) pour une durée maximale de 5 ans. Ce contrat formalise les engagements de l’entreprise en matière de recrutement de travailleurs handicapés, précise les objectifs sociaux et économiques, les modalités de suivi et d’évaluation, ainsi que les aides financières octroyées. Sans signature de ce CPOM, l’entreprise ne peut être reconnue comme entreprise adaptée ni bénéficier des subventions correspondantes. Le CPOM s’inscrit dans une logique de pilotage partenarial entre l’État et les EA, garantissant leur mission d’utilité sociale.

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