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Travailler l’été ou l’hiver : peut-on réclamer une prime à la fin ?

Francois Hagege
Fondateur
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Travail saisonnier et précarité : bénéficiez-vous d’une indemnité ?

Chaque année, des milliers de personnes sont embauchées pour répondre aux besoins accrus d’activité liés aux saisons touristiques ou agricoles. Que ce soit pour les vendanges, la restauration en station de ski ou l’animation estivale, ces emplois saisonniers reposent sur des contrats à durée déterminée spécifiques.

Dans ce contexte, une question revient fréquemment : le travailleur saisonnier a-t-il droit à la prime de précarité prévue pour les CDD ? Instinctivement, on pourrait penser que oui, puisqu’il s’agit d’un contrat précaire par nature.

Pourtant, la réponse juridique est plus nuancée, et dépend de critères stricts. À travers une analyse fondée sur les textes du Code du travail et la jurisprudence, nous faisons le point sur les droits du salarié saisonnier en matière d’indemnité de fin de contrat.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Définition de la prime de précarité
  3. L'exclusion légale des contrats saisonniers
  4. Distinction entre CDD saisonnier et CDD classique
  5. Les autres cas d’exonération de la prime
  6. Les éventuelles exceptions conventionnelles
  7. Droits au chômage du travailleur saisonnier
  8. Conclusion
  9. FAQ

Définition de la prime de précarité

L’indemnité de fin de contrat, communément appelée prime de précarité, est prévue à l’article L1243-8 du Code du travail. Elle vise à compenser l’absence de stabilité d’emploi pour les salariés en contrat à durée déterminée (CDD), lorsqu’aucune embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) ne suit la fin de leur mission.

Le montant de cette indemnité est fixé à 10 % de la rémunération brute totale perçue pendant le contrat, sauf accord ou convention collective prévoyant un taux réduit (au minimum 6 %) si un accès à une formation professionnelle est offert au salarié.

Cette règle s’applique aussi aux travailleurs intérimaires (cf. article L1251-32 du Code du travail), dans une logique de réparation de l’instabilité professionnelle.

L'exclusion légale des contrats saisonniers

Toutefois, les contrats de travail saisonniers échappent en principe au versement de la prime de précarité. Cette exception légale est prévue par l’article L1243-10 du Code du travail, qui dispose expressément que l’indemnité de fin de contrat n’est pas due lorsque le contrat est conclu pour un emploi à caractère saisonnier.

L’emploi saisonnier est défini par la jurisprudence et la doctrine comme un emploi dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année, à des périodes fixes, en raison :

  • soit des variations saisonnières d’activité (ex : récoltes agricoles, affluence touristique en été ou en hiver) ;
  • soit des modes de vie collectifs, comme les congés scolaires ou les pics de consommation.

Ce caractère cyclique, prévisible et temporaire justifie que le recours au CDD soit la norme dans ces secteurs, sans qu’il soit nécessaire de proposer un CDI, même à long terme. La non-versement de la prime de précarité s’explique donc par la nature même de l’activité exercée et non par une volonté de précariser le salarié.

Les secteurs traditionnellement concernés sont :

  • l’agriculture (vendanges, récoltes, moissons) ;
  • l’hôtellerie-restauration en station balnéaire ou de montagne ;
  • les parcs d’attractions, les campings, les centres de vacances ;

Distinction entre CDD saisonnier et CDD classique

Il est fondamental de distinguer un CDD saisonnier d’un CDD classique, car les effets juridiques sont différents, notamment en ce qui concerne l’indemnité de fin de contrat.

Le CDD saisonnier est conclu uniquement pour des activités qui ne peuvent être réalisées que pendant une période précise de l’année, liée à un besoin récurrent mais limité dans le temps. Par exemple :

  • un moniteur de ski employé durant l’hiver uniquement ;
  • un cueilleur de fruits embauché pendant la période des récoltes.

À l’inverse, un emploi qui se poursuit toute l’année, même si l’activité est plus intense à certaines périodes, ne peut pas être qualifié de saisonnier.

La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 26 juin 2008 (n° 07-42.670) : un emploi éducatif en centre de loisirs qui perdure pendant les vacances et au-delà ne revêt pas un caractère saisonnier, car il est durable dans le fonctionnement de l’organisation.

En outre, le contrat saisonnier doit impérativement mentionner son caractère saisonnier, conformément aux exigences posées par l’article D1242-1 du Code du travail. À défaut, le salarié pourrait requalifier son contrat en CDD de droit commun, voire en CDI, et réclamer la prime de précarité si aucun CDI ne lui est proposé au terme de son contrat.

Il est donc primordial que l’employeur justifie la nature saisonnière du poste, tant dans la rédaction du contrat que dans la réalité des tâches confiées. En cas de litige, les juridictions prud’homales examinent attentivement le caractère temporaire, répétitif et périodique de l’activité pour statuer sur le droit à indemnisation du salarié.

Les autres cas d’exonération de la prime

En dehors du caractère saisonnier du contrat, la prime de précarité — ou indemnité de fin de contratn’est pas systématiquement versée à l’issue d’un CDD.

L’article L1243-10 du Code du travail énumère plusieurs situations dans lesquelles l’employeur est dispensé de ce versement, même si le contrat est de droit commun. Ces exceptions visent des cas particuliers où la rupture du contrat ou les circonstances de son exécution justifient l’absence d’indemnisation.

Voici les principales hypothèses légales d’exonération :

  • Refus par le salarié d’un CDI : si, au terme de son contrat, l’employeur propose au salarié un contrat à durée indéterminée pour le même emploi ou un emploi similaire, avec une rémunération au moins équivalente, et que le salarié refuse cette proposition, alors aucune prime de précarité n’est due. Cette disposition vise à inciter les salariés à accepter une stabilisation de leur emploi.
  • Rupture anticipée du contrat à l’initiative du salarié : lorsqu’un salarié met fin à son contrat avant son terme, par démission ou prise d’acte, il renonce de fait à l’indemnité de précarité. Il en va de même si la rupture anticipée est liée à une faute grave du salarié, caractérisée par une violation sérieuse de ses obligations contractuelles.
  • Cas de force majeure : si le contrat prend fin de manière imprévisible, irrésistible et extérieure à la volonté des parties (ex : catastrophe naturelle, incendie, interdiction administrative), l’employeur n’est pas tenu de verser la prime. La force majeure doit toutefois être reconnue comme telle par les juridictions ou les autorités compétentes.
  • CDD étudiant pendant les vacances scolaires ou universitaires : lorsque le contrat est conclu avec un étudiant pour une période exclusivement située pendant ses congés scolaires ou universitaires, l’indemnité de précarité n’est pas due, car ce type d’emploi est considéré comme compatible avec la formation de l’étudiant et n’ouvre pas droit à une compensation pour précarité.

Dans chacune de ces hypothèses, le droit à l’indemnité de fin de contrat est écarté, indépendamment de la durée du CDD ou du secteur d’activité concerné. Il appartient à l’employeur, en cas de litige, de justifier concrètement la situation exonératoire invoquée.

Ainsi, il est essentiel pour le salarié de vérifier la nature de la rupture de son contrat et les propositions faites à son issue, car ces éléments conditionnent l’ouverture du droit à la prime de précarité.

Les éventuelles exceptions conventionnelles

Même si la loi exclut expressément les travailleurs saisonniers du bénéfice de la prime de précarité, une convention collective ou un accord d’entreprise peut instaurer une indemnité spécifique en leur faveur.

Ces dispositifs conventionnels permettent d'améliorer la situation du salarié par rapport au régime légal, conformément au principe de faveur reconnu par le droit du travail français.

Ces primes conventionnelles peuvent prendre plusieurs formes, parmi lesquelles :

  • une prime de fidélité, destinée à récompenser les salariés revenant chaque saison dans la même entreprise ;
  • une prime de réengagement, visant à encourager le retour du salarié pour une mission future ;
  • une prime compensatoire, accordée en raison de la pénibilité ou de l’instabilité de l’activité ;
  • une indemnité spécifique de fin de mission, assimilable à une prime de précarité sans en avoir le fondement légal.

Pour qu’elles soient opposables à l’employeur, ces primes doivent être clairement prévues par un accord collectif applicable, qu’il s’agisse d’une convention collective de branche, d’un accord d’entreprise ou d’un usage établi reconnu dans l’établissement.

Il appartient donc au salarié de vérifier les dispositions conventionnelles en vigueur :

  • soit en consultant directement le texte de la convention collective applicable à son contrat, accessible sur defendstesdroits.fr ;
  • soit en consultant le panneau d’affichage obligatoire présent dans les locaux de l’entreprise ;
  • soit en demandant une copie au représentant du personnel ou au service des ressources humaines.

En l’absence de disposition favorable, l’exclusion de la prime de précarité reste applicable, mais une clause contractuelle particulière pourrait aussi ouvrir droit à une prime si elle est expressément stipulée dans le contrat de travail.

Ainsi, le recours au droit conventionnel permet parfois de pallier la rigueur du droit commun, et d’améliorer les droits des saisonniers dans certaines entreprises ou secteurs, notamment dans les branches touristiques, agricoles ou hôtelières.

Droits au chômage du travailleur saisonnier

L’absence de prime de précarité ne signifie pas que le travailleur saisonnier est exclu des droits au chômage. Bien au contraire, il peut bénéficier des mêmes protections sociales que les autres salariés en contrat à durée déterminée, sous réserve de remplir certaines conditions.

Pour pouvoir percevoir l’allocation de retour à l’emploi (ARE), le salarié saisonnier doit :

  • justifier d’une période minimale d’activité salariée, soit 610 heures travaillées ou 88 jours d’emploi au cours des 24 derniers mois (ou 36 mois pour les demandeurs d’emploi âgés de 53 ans ou plus) ;
  • être inscrit comme demandeur d’emploi auprès de France Travail (anciennement Pôle emploi) ;
  • être apte physiquement à l’emploi et effectuer des démarches actives de recherche d’emploi.

Ces critères sont définis dans le règlement d’assurance chômage et sont identiques pour tous les salariés, qu’ils aient été employés en CDD classique, intérim ou contrat saisonnier.

Il est donc erroné de penser qu’un travailleur saisonnier, du seul fait de l’absence de prime de précarité, serait privé d’un filet de sécurité à l’issue de sa mission. L’ouverture des droits au chômage est indépendante de la nature juridique de la prime de fin de contrat.

Ce qui compte, c’est le volume d’heures travaillées, la situation administrative du demandeur, et son implication dans la recherche active d’un nouvel emploi.

Par ailleurs, le salarié saisonnier peut également, s’il le souhaite, faire valoir ses droits au chômage partiel dans certains cas (fermeture saisonnière anticipée, conditions climatiques extrêmes, etc.), dès lors que son employeur le déclare dans les règles auprès de l’administration.

En résumé, la perte de la prime de précarité ne prive pas d’une indemnisation via l’assurance chômage, et les droits au revenu de remplacement sont maintenus, sous les conditions classiques imposées par la réglementation applicable.

Conclusion

Le travailleur saisonnier se trouve dans une situation contractuelle particulière, encadrée par des règles dérogatoires au régime commun des CDD. Bien qu’il exerce une activité temporaire, il ne bénéficie pas automatiquement de la prime de précarité, sauf exceptions expressément prévues par les conventions collectives ou les accords d’entreprise.

Toutefois, cette exclusion légale ne remet pas en cause ses droits aux prestations sociales, notamment en matière d’assurance chômage. Pour faire valoir pleinement ses droits, il est donc essentiel de distinguer clairement la nature de son contrat et de vérifier les éventuelles dispositions conventionnelles applicables.

FAQ

1. Un travailleur saisonnier peut-il percevoir une prime de précarité ?

En principe, non. Conformément à l’article L1243-10 du Code du travail, l’indemnité de fin de contrat — souvent appelée prime de précaritén’est pas due lorsqu’un contrat est conclu pour un emploi à caractère saisonnier. Ce type de contrat, bien que temporaire, est considéré comme inhérent à une activité cyclique prévisible liée aux saisons (tourisme, agriculture, etc.). La loi considère donc qu’il ne s’agit pas d’une situation de précarité compensable, à la différence des autres CDD. Le salarié saisonnier ne peut ainsi prétendre à cette prime, sauf si une disposition conventionnelle plus favorable le prévoit.

2. Comment reconnaître un contrat saisonnier ouvrant ou non droit à la prime de précarité ?

Un contrat saisonnier doit répondre à deux critères essentiels :

  • L’emploi doit avoir un caractère cyclique, c’est-à-dire qu’il revient de manière régulière chaque année à la même période en raison des saisons ou des habitudes sociales ;
  • Il doit correspondre à une activité temporaire propre à un secteur comme le tourisme, l’agriculture ou les loisirs.

À l’inverse, un CDD qui couvre une période de vacances mais pour une activité poursuivie tout au long de l’année (comme un poste administratif permanent dans une colonie de vacances) ne peut être qualifié de contrat saisonnier. Dans ce cas, la prime de précarité pourrait être due si aucun CDI n’est proposé à l’issue du contrat.

3. Quels sont les autres cas où la prime de précarité n’est pas versée ?

Outre les contrats saisonniers, la prime de précarité n’est pas due dans les cas suivants :

  • Lorsque le salarié refuse un CDI proposé par l’employeur pour un poste équivalent, avec rémunération similaire (article L1243-10 du Code du travail) ;
  • En cas de rupture anticipée du contrat à l’initiative du salarié, ou pour faute grave de ce dernier ;
  • Si le contrat est rompu pour cas de force majeure ;
  • Lorsque le CDD est conclu avec un étudiant pour une période située pendant ses vacances scolaires ou universitaires (job d’été).

Il est donc essentiel d’examiner attentivement la situation et les motifs de rupture pour déterminer si l’indemnité de fin de contrat est exigible.

4. Un employeur peut-il volontairement verser une prime à un travailleur saisonnier ?

Oui. Même si la loi n’impose pas le versement d’une indemnité de précarité au salarié saisonnier, un employeur peut prévoir une compensation financière par le biais d’une convention collective, d’un accord d’entreprise ou d’un usage établi dans la société. Cette prime peut être désignée comme prime de fidélité, de réengagement, ou d’assiduité, selon les termes choisis.

Le salarié a donc tout intérêt à consulter :

  • Sa convention collective ;
  • Le contrat de travail lui-même ;
  • Les accords d’entreprise applicables.

Sur defendstesdroits.fr, vous pouvez accéder à votre convention collective à jour pour savoir si un tel avantage est prévu.

5. Un travailleur saisonnier peut-il toucher le chômage à la fin de son contrat ?

Oui. Le fait de ne pas percevoir la prime de précarité n’empêche pas le travailleur saisonnier de bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi (ARE), versée par France Travail (anciennement Pôle emploi). Pour cela, il doit remplir les mêmes conditions que tout autre salarié, à savoir :

  • Avoir travaillé au moins 610 heures ou 88 jours au cours des 24 derniers mois (ou 36 mois pour les plus de 53 ans) ;
  • Être inscrit comme demandeur d’emploi ;
  • Être physiquement apte à l’emploi et rechercher activement un poste.

Ainsi, même en l’absence de prime de précarité, le système de l’assurance chômage assure une continuité minimale de revenus après un emploi saisonnier, à condition d’en remplir les conditions.

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