Chaque année, avec l’arrivée des premiers froids, une mesure protectrice suspend temporairement l’exécution des expulsions locatives : la trêve hivernale. Fruit d’un engagement historique en faveur des plus vulnérables, cette période reflète un équilibre délicat entre droit au logement et droit de propriété.
Si elle empêche l’éviction forcée des locataires pendant cinq mois, elle ne fait pas obstacle aux démarches judiciaires entreprises par les bailleurs.
Son cadre juridique, enrichi au fil des réformes, notamment par les lois ALUR et ELAN, encadre strictement les droits et obligations de chaque partie. Comprendre les contours de cette suspension légale est essentiel pour éviter toute méprise sur ses effets et ses exceptions.
La trêve hivernale constitue une mesure de protection sociale instaurée en France depuis 1956, destinée à interdire l’exécution des décisions d’expulsion des occupants d’un logement pendant une période déterminée.
En application de l’article L613-3 du Code de la construction et de l’habitation, aucune expulsion ne peut être mise en œuvre entre le 1er novembre et le 31 mars de l’année suivante, même si une décision judiciaire a ordonné l’expulsion.
Instituée sous l’impulsion de l’Abbé Pierre, cette période vise à protéger les personnes les plus précaires contre le risque de se retrouver sans abri en pleine saison hivernale.
Elle repose sur une logique humanitaire et sociale, en interdisant aux propriétaires, pendant cinq mois, de faire exécuter une mesure d’expulsion locative, quelle que soit la situation du locataire (impayés de loyers, fin de bail, etc.).
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi ALUR) a prolongé la durée de cette trêve jusqu’au 31 mars, contre le 15 mars auparavant. Le dispositif s’applique de plein droit à toute résidence principale, y compris en cas de jugement d’expulsion exécutoire.
Durant cette période, les locataires, ainsi que les membres de leur foyer, bénéficient du maintien dans les lieux, ainsi que des fournitures essentielles telles que l’électricité, le gaz, l’eau et le chauffage, conformément à l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles.
En cas de non-respect de la trêve hivernale, notamment si un propriétaire tente de procéder lui-même à une expulsion forcée, ce dernier s’expose à des sanctions pénales sévères : trois ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, en vertu de l’article 226-4-2 du Code pénal, relatif à la violation de domicile.
Dans le prolongement direct de la trêve hivernale, le législateur a instauré une protection complémentaire : la trêve énergétique. Cette dernière vise à préserver l’accès aux services essentiels pour les personnes en situation de précarité énergétique, même en cas de factures impayées.
Conformément à l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles, aucune coupure d’électricité, de gaz ou d’eau ne peut être opérée dans une résidence principale entre le 1er novembre et le 31 mars inclus.
Cette interdiction s’applique à l’ensemble des fournisseurs d’énergie, qu’ils soient publics ou privés, et s’inscrit dans une volonté de garantir des conditions de vie dignes pendant les mois les plus rigoureux.
Il est également formellement interdit aux bailleurs de couper eux-mêmes l’accès à ces services, sous peine de sanctions pénales, notamment en cas de harcèlement ou d’intimidation du locataire (article 226-4-2 du Code pénal).
En matière d’électricité, une réduction de puissance du compteur peut cependant être envisagée par le fournisseur, dans le respect des engagements de la Charte d’engagement des fournisseurs d’énergie, signée sous l’égide des pouvoirs publics.
Toutefois, cette réduction est interdite si le foyer est bénéficiaire du chèque énergie, une aide publique accordée sous conditions de ressources.
La trêve énergétique vise donc à empêcher toute forme de pression indirecte ou de stratégie dissuasive visant à inciter un locataire à quitter les lieux. Que ce soit un propriétaire ou un opérateur énergétique, aucune entité n’est autorisée à interrompre ces services durant la période hivernale pour contraindre un occupant au départ. Toute infraction peut donner lieu à une procédure judiciaire, notamment pour voie de fait ou non-respect des obligations légales.
Bien que les expulsions effectives soient suspendues, cela ne signifie pas pour autant une interdiction des procédures. Un bailleur peut, durant cette période, saisir le Juge des contentieux de la protection pour engager une procédure visant à obtenir une décision d’expulsion.
Une décision judiciaire rendue pendant la trêve ne pourra simplement pas être exécutée avant le 31 mars (ou plus tôt si la trêve est levée de manière exceptionnelle par les pouvoirs publics). L'huissier de justice peut signifier un commandement de quitter les lieux, mais l’expulsion ne sera réalisée qu’après l’expiration de la période de suspension.
Par ailleurs, dans les cas de dettes locatives importantes, les bailleurs peuvent, dans certains cas, solliciter une aide du Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL). Ce dispositif, prévu à l’article L300-1 du Code de la construction et de l’habitation, est souvent mobilisé pour soutenir les ménages en difficulté, mais certaines antennes départementales élargissent son accès aux propriétaires confrontés à une perte de revenus locatifs.
La protection instaurée par la trêve hivernale ne s’applique pas de manière absolue. La loi prévoit plusieurs cas d’exclusion, parmi lesquels :
La trêve hivernale suspend l’exécution des expulsions, mais n’empêche pas un bailleur d’engager des démarches judiciaires à l’encontre d’un locataire en situation d’impayé.
Lorsque ce dernier cesse de payer son loyer ou accumule une dette locative, le propriétaire dispose de plusieurs voies d’action, à condition de respecter scrupuleusement le cadre légal :
Il est strictement interdit au bailleur de procéder de lui-même à une expulsion sans autorisation judiciaire, même en cas de loyers impayés. Une telle auto-expulsion constituerait une voie de fait, passible de sanctions pénales, conformément à l’article 226-4-2 du Code pénal.
Enfin, que l’on soit propriétaire ou locataire, il est fortement recommandé de se faire accompagner par un avocat spécialisé, ou de faire appel à des structures d’assistance juridique.
Le site defendstesdroits.fr peut orienter vers des conseillers juridiques capables de sécuriser les démarches et d’assurer le respect des droits fondamentaux au logement et à la propriété.
La trêve hivernale ne saurait être interprétée comme une immunité généralisée pour les locataires, ni comme un abandon des droits des propriétaires. Elle s’inscrit dans une dynamique de protection sociale, tempérée par des dispositions légales précises et des exceptions rigoureusement encadrées.
Si le respect de cette période est impératif, il n’interdit ni la saisine du juge, ni la recherche de solutions de relogement ou de médiation.
Le recours au Juge des contentieux de la protection, aux dispositifs sociaux, ou encore l’accompagnement par des juristes spécialisés, notamment via defendstesdroits.fr, demeure une voie à privilégier pour sécuriser les démarches et préserver les intérêts de chacun.
1. Qu’est-ce que la trêve hivernale et quelles expulsions sont suspendues pendant cette période ?
La trêve hivernale est une période légale pendant laquelle il est interdit de procéder à l’expulsion d’un locataire, même en cas de décision judiciaire exécutoire. Elle s’étend du 1er novembre au 31 mars (article L613-3 du Code de la construction et de l’habitation). L’objectif est d’éviter que des personnes soient mises à la rue pendant les mois les plus froids. Sont suspendues toutes les expulsions locatives dans le cadre d’un bail d’habitation, que ce soit pour impayés de loyers, fin de bail, ou encore résiliation judiciaire.
Cependant, la trêve n’annule pas les procédures en cours : un propriétaire peut tout à fait saisir le juge pendant cette période, mais l’exécution de la décision sera reportée à l’issue de la trêve.
2. Est-il légal de couper l’électricité ou le chauffage pendant la trêve hivernale ?
Non. En vertu de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles, il est formellement interdit de couper l’alimentation en énergie (électricité, gaz, eau) dans une résidence principale pendant la trêve hivernale, même en cas de factures impayées. Cette protection s’applique à tous les occupants, qu’ils soient locataires ou propriétaires occupants en difficulté.
Un fournisseur peut toutefois réduire la puissance du compteur électrique, sauf si le foyer est bénéficiaire du chèque énergie. De la même manière, un bailleur ne peut pas interrompre ces services pour contraindre son locataire à quitter les lieux, sous peine de sanctions pénales pour voie de fait ou harcèlement.
3. La trêve hivernale protège-t-elle les squatteurs ?
Depuis l’entrée en vigueur de la loi ELAN (n° 2018-1021 du 23 novembre 2018), les squatteurs ne bénéficient plus de la protection de la trêve hivernale s’ils occupent illégalement une résidence principale ou secondaire, un garage, ou un terrain. Le propriétaire doit porter plainte pour violation de domicile, prouver sa propriété, et faire constater l’occupation par les forces de l’ordre.
Le préfet peut alors autoriser l’expulsion sans délai, et les occupants sans droit ni titre doivent quitter les lieux sous 24 heures. Cette procédure dérogatoire s’inscrit dans une volonté législative de renforcer les droits des propriétaires face au squat.
4. Quelles sont les exceptions à la trêve hivernale ?
Malgré son objectif protecteur, la trêve hivernale ne s’applique pas dans tous les cas. Les principales exceptions sont :
Ces cas permettent à la justice ou à l’administration préfectorale d’agir, même pendant la trêve, pour protéger les personnes ou garantir la sécurité des biens.
5. Que peut faire un propriétaire si son locataire cesse de payer pendant la trêve hivernale ?
Le propriétaire peut engager une procédure judiciaire, même en période de trêve. Il peut délivrer un commandement de payer (conformément à l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989) via un huissier de justice, et saisir le Juge des contentieux de la protection pour demander :
La décision du juge peut être rendue pendant la trêve, mais l’exécution de l’expulsion sera suspendue jusqu’au 1er avril, sauf exception. Le propriétaire peut également solliciter la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions (CCAPEX), ou demander une aide du Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL) pour compenser la perte de loyers si sa situation devient précaire. Tous ces dispositifs sont accessibles avec l’appui d’un avocat ou via defendstesdroits.fr.