La loi n° 2024-494 du 31 mai 2024, publiée au Journal officiel le 1er juin 2024, introduit d’importantes mesures destinées à renforcer la protection des époux et des héritiers face à certaines atteintes graves. Son objectif est clair : assurer une justice patrimoniale équitable au sein de la famille, notamment en cas de violences conjugales ou de contentieux successoraux.
Désormais, un époux condamné pour avoir tué ou tenté de tuer son conjoint, ou pour avoir commis des violences ayant entraîné sa mort sans intention homicide, perd automatiquement le bénéfice des clauses avantageuses du contrat de mariage (donations entre époux, clauses de partage inégal, attribution intégrale, etc.).
Cette déchéance matrimoniale de plein droit s’applique dès le décès ou la dissolution du régime matrimonial, sans besoin de décision judiciaire.
La loi prévoit aussi une déchéance judiciaire dans les cas où l’un des époux est condamné pour des infractions particulièrement graves contre son conjoint, comme :
Cette exclusion ne peut être décidée que par le tribunal judiciaire, saisi par un héritier, l’autre époux ou le ministère public. Elle permet de protéger le patrimoine familial contre celui qui aurait trahi la confiance conjugale.
Le conjoint déchu devra restituer les revenus et fruits tirés des avantages matrimoniaux depuis la dissolution du régime matrimonial.
L’un des apports majeurs de la loi n° 2024-494 réside dans la sécurisation des biens propres de l’époux victime de violences. Concrètement, lorsque des biens personnels (héritages, donations, biens acquis avant le mariage) ont été intégrés à la communauté matrimoniale, la loi permet désormais d’éviter que l’époux violent puisse en tirer un quelconque bénéfice, même indirect.
Pourquoi cette mesure ?
Jusqu’ici, en l’absence de protection particulière, certains époux condamnés pour des faits graves de violences conjugales pouvaient, lors du partage des biens, bénéficier d’une partie du patrimoine que leur conjoint avait personnellement apporté dans la communauté. Cette situation apparaissait profondément injuste, notamment lorsqu’il s’agissait d’héritages ou de biens familiaux.
Désormais, le texte prévoit expressément que l'époux victime pourra revendiquer la protection de ses biens propres contre tout effet de dilution dans la masse commune. Cette mesure garantit une séparation plus équitable du patrimoine au moment de la dissolution du régime matrimonial.
Autre disposition notable : dans le cadre d’un régime de communauté, la loi permet désormais de dresser un inventaire des biens communs au décès de l’un des époux.
L’objectif est de sécuriser le processus de liquidation du patrimoine et d’éviter les litiges entre héritiers ou entre le conjoint survivant et les enfants issus d’union(s) précédente(s). L’inventaire peut ainsi permettre de :
C’est un outil juridique protecteur, particulièrement pertinent dans des situations de familles recomposées ou de relations patrimoniales complexes.
La loi modifie également l’article 265 du Code civil pour offrir davantage de souplesse aux couples dans la rédaction de leur contrat de mariage.
Il est désormais possible de prévoir qu’un avantage matrimonial ne sera pas révoqué automatiquement en cas de divorce, à condition que cette clause soit explicitement insérée dans l’acte.
Cela concerne par exemple :
Cette mesure vise les époux qui, malgré une séparation, souhaitent préserver certains équilibres économiques, souvent pour des raisons professionnelles ou familiales. Elle permet d’anticiper les conséquences patrimoniales d’un éventuel divorce tout en maintenant un climat de confiance.
Enfin, la loi introduit une procédure inédite en matière de fiscalité post-conjugale. Elle concerne les personnes divorcées ou séparées dont l’ex-conjoint a commis une fraude fiscale au cours de la vie commune.
Jusqu’alors, en raison de la solidarité fiscale, un ex-conjoint pouvait se retrouver tenu de payer des dettes fiscales issues de déclarations frauduleuses qu’il ignorait. Ce mécanisme, bien qu’encadré, pouvait s’avérer extrêmement injuste.
Avec la nouvelle procédure :
Cette évolution législative permet donc de protéger les ex-conjoints de bonne foi contre des dettes fiscales qui ne leur sont pas imputables, tout en conservant les droits de l’administration.
Avec cette réforme, le législateur consacre un principe de justice patrimoniale : on ne peut conserver des avantages matrimoniaux si l’on a gravement manqué aux devoirs du mariage, et encore moins lorsqu’on a porté atteinte à la vie ou à l’intégrité physique de son conjoint.
Le texte introduit également des garanties concrètes de protection du patrimoine et des droits individuels, dans un cadre familial souvent complexe.