Les retards d’avion font partie des désagréments les plus redoutés par les voyageurs. Au-delà de la simple contrariété, ils peuvent bouleverser un séjour, entraîner des frais supplémentaires et même compromettre des obligations professionnelles ou familiales importantes.
Consciente de ces enjeux, l’Union européenne a adopté le Règlement (CE) n°261/2004 du 11 février 2004, qui encadre de manière stricte les droits des passagers aériens. Ce texte établit les obligations des compagnies aériennes en matière de prise en charge, de réacheminement et, dans certaines situations, d’indemnisation financière.
Mais encore faut-il comprendre à partir de quel seuil un vol est considéré comme « retardé » par la loi, quelles exceptions exonèrent la compagnie de sa responsabilité, et quelles démarches concrètes le voyageur doit entreprendre pour faire valoir ses droits. Cet article propose une analyse approfondie du régime juridique applicable aux vols retardés, afin de permettre à chaque passager de voyager informé et de réagir efficacement en cas de litige.
L’article 6 du Règlement (CE) n°261/2004 définit les seuils de retard ouvrant droit à une prise en charge :
Ainsi, un simple retard d’une heure ou d’1h30, bien que contraignant, ne donne pas lieu à indemnisation ni à obligation de prise en charge par la compagnie.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon) a précisé qu’un retard supérieur à 3 heures à l’arrivée ouvre droit à indemnisation, sauf circonstances exceptionnelles. En pratique, un vol arrivé avec 3h30 de décalage peut être assimilé à une annulation.
Le transporteur n’est pas tenu d’indemniser les passagers si le retard résulte de circonstances exceptionnelles qu’il ne pouvait éviter malgré toutes les mesures raisonnables prises. Il peut s’agir notamment de :
En revanche, une panne technique liée à l’entretien courant de l’appareil ne constitue pas une circonstance exceptionnelle (CJUE, arrêt du 17 septembre 2015, C-257/14).
Selon la durée du retard et la distance du vol, les passagers doivent recevoir gratuitement :
Lorsque le retard atteint 5 heures ou plus, le voyageur peut exiger :
En l’absence de circonstances exceptionnelles, l’indemnisation varie selon la distance parcourue :
L’indemnisation est due :
Ainsi, un vol New York → Paris avec Air France est indemnisable, mais pas nécessairement un vol New York → Paris opéré par une compagnie américaine.
Le passager doit adresser une lettre recommandée avec accusé de réception à la compagnie, en invoquant le règlement européen et en joignant :
En cas de refus de la compagnie :
Le vol retardé ne doit pas être perçu comme une fatalité pour le passager : le droit européen lui offre des garanties solides, allant de la simple prise en charge logistique jusqu’à l’indemnisation financière pouvant atteindre 600 euros.
Si les compagnies aériennes invoquent parfois des circonstances exceptionnelles pour échapper à leurs obligations, les juridictions – notamment la Cour de justice de l’Union européenne – ont rappelé à de nombreuses reprises que la protection des voyageurs constitue un principe fondamental.
La clé réside dans la connaissance précise du cadre légal et dans la capacité du passager à produire les preuves nécessaires (billets, attestations de retard, correspondances). En exerçant leurs droits avec rigueur et persévérance, les passagers peuvent obtenir réparation et contribuer à l’effectivité d’une législation conçue pour rétablir l’équilibre entre voyageurs et transporteurs aériens.
1. À partir de combien d’heures un vol est-il considéré comme retardé ?
La qualification de vol retardé est fixée par l’article 6 du règlement (CE) n°261/2004. Les seuils varient selon la distance du vol :
⚠️ Toutefois, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 19 novembre 2009, aff. C-402/07 et C-432/07) a précisé que un retard d’au moins 3 heures à l’arrivée donne droit à indemnisation, sauf circonstances exceptionnelles. Ainsi, même un vol long-courrier de 7h prévu à 18h mais arrivé à 22h peut ouvrir droit à compensation.
2. Quelles circonstances excluent l’indemnisation d’un vol retardé ?
L’article 5 §3 du règlement européen exempte les compagnies en cas de circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire des événements imprévisibles et inévitables malgré toutes les mesures raisonnables.
Exemples :
En revanche, la CJUE a rappelé que les problèmes techniques liés à l’entretien courant des avions ne constituent pas une circonstance exceptionnelle (CJUE, 17 septembre 2015, aff. C-257/14). Autrement dit, une panne mécanique n’exonère pas la compagnie de l’indemnisation.
3. Quels droits conservent les passagers pendant un vol retardé ?
Selon l’article 9 du règlement (CE) n°261/2004, les passagers bénéficient de droits immédiats d’assistance proportionnels à la durée du retard :
Exemple pratique : un vol Paris–Lisbonne retardé de 5 heures doit donner droit à repas et rafraîchissements. Si le départ est reporté au lendemain, la compagnie doit réserver et payer l’hôtel ainsi que le transfert.
Même si l’indemnisation financière n’est pas due (ex. cas de force majeure), la prise en charge reste obligatoire. Un refus de la compagnie engage sa responsabilité et peut être contesté devant les juridictions compétentes.
4. Quel montant peut être réclamé en cas de retard d’avion ?
L’article 7 du règlement européen prévoit des indemnités forfaitaires, calculées en fonction de la distance parcourue :
Exemple : un vol Paris–New York (6 000 km) qui arrive avec 4h de retard ouvre droit à 600 € par passager. Une famille de quatre personnes peut donc prétendre à 2 400 € d’indemnisation.
⚠️ Le montant peut être réduit de 50 % si le passager accepte un réacheminement vers sa destination avec un retard inférieur à 4 heures (art. 7 §2).
5. Quelles démarches entreprendre pour obtenir une indemnisation ?
La procédure repose sur plusieurs étapes :
Exemple concret : un passager bloqué 6 heures sur un vol Paris–Berlin peut réclamer 250 € d’indemnisation. S’il ne reçoit pas de réponse satisfaisante, il peut déposer un dossier auprès de la DGAC qui pourra contraindre la compagnie à indemniser.