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Vol retardé : droits des passagers et indemnisations possibles

Francois Hagege
Fondateur
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Indemnisation vol retardé : ce que dit le droit européen

Les retards d’avion font partie des désagréments les plus redoutés par les voyageurs. Au-delà de la simple contrariété, ils peuvent bouleverser un séjour, entraîner des frais supplémentaires et même compromettre des obligations professionnelles ou familiales importantes.

Consciente de ces enjeux, l’Union européenne a adopté le Règlement (CE) n°261/2004 du 11 février 2004, qui encadre de manière stricte les droits des passagers aériens. Ce texte établit les obligations des compagnies aériennes en matière de prise en charge, de réacheminement et, dans certaines situations, d’indemnisation financière.

Mais encore faut-il comprendre à partir de quel seuil un vol est considéré comme « retardé » par la loi, quelles exceptions exonèrent la compagnie de sa responsabilité, et quelles démarches concrètes le voyageur doit entreprendre pour faire valoir ses droits. Cet article propose une analyse approfondie du régime juridique applicable aux vols retardés, afin de permettre à chaque passager de voyager informé et de réagir efficacement en cas de litige.

Sommaire

  1. Définition juridique du vol retardé
  2. Seuils de retard prévus par le règlement européen
  3. Circonstances exceptionnelles et absence d’indemnisation
  4. Droits des passagers en cas de vol retardé
  5. Indemnisation financière prévue par la loi
  6. Démarches pour obtenir réparation

Quand un vol est-il considéré comme retardé par la loi ?

Les critères fixés par le Règlement européen

L’article 6 du Règlement (CE) n°261/2004 définit les seuils de retard ouvrant droit à une prise en charge :

  • Vols intra-Union européenne :
    • 2 heures ou plus pour les vols ≤ 1 500 km
    • 3 heures ou plus pour les vols > 1 500 km
  • Vols internationaux hors UE :
    • 2 heures ou plus pour les vols ≤ 1 500 km
    • 3 heures ou plus pour les vols entre 1 500 et 3 500 km
    • 4 heures ou plus pour les vols > 3 500 km

Ainsi, un simple retard d’une heure ou d’1h30, bien que contraignant, ne donne pas lieu à indemnisation ni à obligation de prise en charge par la compagnie.

Les retards assimilés à des annulations

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon) a précisé qu’un retard supérieur à 3 heures à l’arrivée ouvre droit à indemnisation, sauf circonstances exceptionnelles. En pratique, un vol arrivé avec 3h30 de décalage peut être assimilé à une annulation.

Les circonstances exceptionnelles exonérant la compagnie

Le transporteur n’est pas tenu d’indemniser les passagers si le retard résulte de circonstances exceptionnelles qu’il ne pouvait éviter malgré toutes les mesures raisonnables prises. Il peut s’agir notamment de :

  • conditions météorologiques extrêmes (tempête, neige, brouillard dense) ;
  • instabilité politique, risques sécuritaires ;
  • grèves du personnel aéroportuaire ou du contrôle aérien ;
  • collisions avec des oiseaux ;
  • éruptions volcaniques ou autres catastrophes naturelles.

En revanche, une panne technique liée à l’entretien courant de l’appareil ne constitue pas une circonstance exceptionnelle (CJUE, arrêt du 17 septembre 2015, C-257/14).

Droits des passagers en cas de vol retardé

La prise en charge obligatoire (article 9 du règlement)

Selon la durée du retard et la distance du vol, les passagers doivent recevoir gratuitement :

  • boissons et restauration adaptées à l’attente ;
  • hébergement si le retard nécessite une nuit sur place, ainsi que le transport entre l’hôtel et l’aéroport ;
  • la possibilité d’envoyer deux communications (appel, mail, fax).

Les choix offerts aux passagers (article 8 du règlement)

Lorsque le retard atteint 5 heures ou plus, le voyageur peut exiger :

  • le remboursement du billet sous 7 jours,
  • un réacheminement vers la destination finale,
  • ou un retour vers l’aéroport de départ.

L’indemnisation financière du retard

Montant des compensations (article 7 du règlement)

En l’absence de circonstances exceptionnelles, l’indemnisation varie selon la distance parcourue :

  • 250 € pour les vols ≤ 1 500 km ;
  • 400 € pour les vols entre 1 500 et 3 500 km ;
  • 600 € pour les vols > 3 500 km.

Conditions de recevabilité

L’indemnisation est due :

  • pour tous les vols au départ d’un aéroport situé dans l’UE ;
  • pour les vols à destination de l’UE opérés par une compagnie européenne.

Ainsi, un vol New York → Paris avec Air France est indemnisable, mais pas nécessairement un vol New York → Paris opéré par une compagnie américaine.

Que faire en cas de vol retardé ?

Étape 1 : réclamation auprès de la compagnie

Le passager doit adresser une lettre recommandée avec accusé de réception à la compagnie, en invoquant le règlement européen et en joignant :

  • son billet électronique,
  • la carte d’embarquement,
  • toute preuve du retard (attestation délivrée par la compagnie, capture d’écran des horaires).

Étape 2 : médiation ou recours judiciaire

En cas de refus de la compagnie :

  • saisir le médiateur du tourisme et du voyage (si la compagnie est établie en France) ;
  • déposer une réclamation auprès de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) ;
  • saisir le tribunal judiciaire compétent pour obtenir l’indemnisation due.

Conclusion

Le vol retardé ne doit pas être perçu comme une fatalité pour le passager : le droit européen lui offre des garanties solides, allant de la simple prise en charge logistique jusqu’à l’indemnisation financière pouvant atteindre 600 euros.

Si les compagnies aériennes invoquent parfois des circonstances exceptionnelles pour échapper à leurs obligations, les juridictions – notamment la Cour de justice de l’Union européenne – ont rappelé à de nombreuses reprises que la protection des voyageurs constitue un principe fondamental.

La clé réside dans la connaissance précise du cadre légal et dans la capacité du passager à produire les preuves nécessaires (billets, attestations de retard, correspondances). En exerçant leurs droits avec rigueur et persévérance, les passagers peuvent obtenir réparation et contribuer à l’effectivité d’une législation conçue pour rétablir l’équilibre entre voyageurs et transporteurs aériens.

FAQ

1. À partir de combien d’heures un vol est-il considéré comme retardé ?
La qualification de vol retardé est fixée par l’article 6 du règlement (CE) n°261/2004. Les seuils varient selon la distance du vol :

  • 2 heures pour les vols de moins de 1 500 km (ex. : Paris–Rome, Paris–Barcelone).
  • 3 heures pour les vols de plus de 1 500 km à l’intérieur de l’UE ou entre 1 500 et 3 500 km (ex. : Paris–Athènes, Paris–Moscou).
  • 4 heures pour les vols de plus de 3 500 km (ex. : Paris–New York, Paris–Tokyo).

⚠️ Toutefois, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 19 novembre 2009, aff. C-402/07 et C-432/07) a précisé que un retard d’au moins 3 heures à l’arrivée donne droit à indemnisation, sauf circonstances exceptionnelles. Ainsi, même un vol long-courrier de 7h prévu à 18h mais arrivé à 22h peut ouvrir droit à compensation.

2. Quelles circonstances excluent l’indemnisation d’un vol retardé ?
L’article 5 §3 du règlement européen exempte les compagnies en cas de circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire des événements imprévisibles et inévitables malgré toutes les mesures raisonnables.
Exemples :

  • Conditions météorologiques extrêmes (neige paralysant les pistes, tempête, éruption volcanique comme celle de l’Islande en 2010).
  • Risques de sécurité (alerte terroriste, menace d’incendie).
  • Grèves du personnel aéroportuaire (contrôleurs aériens, agents de sûreté).

En revanche, la CJUE a rappelé que les problèmes techniques liés à l’entretien courant des avions ne constituent pas une circonstance exceptionnelle (CJUE, 17 septembre 2015, aff. C-257/14). Autrement dit, une panne mécanique n’exonère pas la compagnie de l’indemnisation.

3. Quels droits conservent les passagers pendant un vol retardé ?
Selon l’article 9 du règlement (CE) n°261/2004, les passagers bénéficient de droits immédiats d’assistance proportionnels à la durée du retard :

  • Restauration et boissons gratuites, quel que soit le retard.
  • Deux communications gratuites (appels, emails).
  • Hébergement et transport hôtel–aéroport si le retard entraîne une nuit d’attente.

Exemple pratique : un vol Paris–Lisbonne retardé de 5 heures doit donner droit à repas et rafraîchissements. Si le départ est reporté au lendemain, la compagnie doit réserver et payer l’hôtel ainsi que le transfert.

Même si l’indemnisation financière n’est pas due (ex. cas de force majeure), la prise en charge reste obligatoire. Un refus de la compagnie engage sa responsabilité et peut être contesté devant les juridictions compétentes.

4. Quel montant peut être réclamé en cas de retard d’avion ?
L’article 7 du règlement européen prévoit des indemnités forfaitaires, calculées en fonction de la distance parcourue :

  • 250 € pour les vols ≤ 1 500 km.
  • 400 € pour les vols de 1 500 à 3 500 km.
  • 600 € pour les vols > 3 500 km.

Exemple : un vol Paris–New York (6 000 km) qui arrive avec 4h de retard ouvre droit à 600 € par passager. Une famille de quatre personnes peut donc prétendre à 2 400 € d’indemnisation.

⚠️ Le montant peut être réduit de 50 % si le passager accepte un réacheminement vers sa destination avec un retard inférieur à 4 heures (art. 7 §2).

5. Quelles démarches entreprendre pour obtenir une indemnisation ?
La procédure repose sur plusieurs étapes :

  1. Réclamation écrite à la compagnie aérienne (de préférence en lettre recommandée avec accusé de réception) en joignant :
    • carte d’embarquement ou billet électronique,
    • attestation de retard fournie à l’aéroport,
    • justificatifs de dépenses engagées (repas, hôtel).
  2. En cas de refus ou de silence de la compagnie sous 2 mois, saisine de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) ou de l’organisme national compétent du pays concerné.
  3. Si aucun accord n’est trouvé, recours judiciaire devant le tribunal judiciaire ou le tribunal d’instance compétent, sur le fondement du règlement européen et de l’article 1231-1 du Code civil (responsabilité contractuelle).

Exemple concret : un passager bloqué 6 heures sur un vol Paris–Berlin peut réclamer 250 € d’indemnisation. S’il ne reçoit pas de réponse satisfaisante, il peut déposer un dossier auprès de la DGAC qui pourra contraindre la compagnie à indemniser.

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