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Durées des congés familiaux : ce que prévoit le Code du travail

Jordan Alvarez
Editeur
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Congés exceptionnels en entreprise : durées minimales et règles d’application

Les congés exceptionnels pour événements familiaux constituent aujourd’hui un élément essentiel du droit du travail, au cœur de l’équilibre entre obligations professionnelles et impératifs personnels.

Ces congés, définis aux articles L.3142-1 à L.3142-4 du Code du travail, répondent à une exigence sociale forte : permettre au salarié de se rendre disponible lors de situations marquantes, heureuses ou douloureuses, sans que sa rémunération ou sa relation contractuelle ne soient compromises. Leur encadrement légal, renforcé par des réformes récentes, vise à garantir une protection uniforme tout en laissant aux partenaires sociaux la possibilité d’adapter certains droits par la voie conventionnelle.

Les évolutions législatives, notamment issues de la Loi n°2023-622 du 19 juillet 2023, ont profondément remodelé certains dispositifs en prolongeant la durée des congés liés au décès d’un enfant, à l’annonce d’un handicap, d’une pathologie chronique ou d’un cancer. Ces avancées traduisent une volonté de mieux soutenir les familles confrontées à des circonstances d’une particulière intensité.

Elles renforcent également les obligations de l’employeur, tenu d’appliquer des durées minimales impératives, même lorsque les accords collectifs en vigueur prévoient des dispositions moins favorables.

Si le législateur encadre strictement les droits des salariés, la mise en œuvre opérationnelle de ces congés demeure source de nombreuses interrogations :
quelle est l’étendue réelle de ces absences ?
quelles démarches le salarié doit-il accomplir ?
quelles obligations pèsent sur l’employeur en matière de rémunération, de justification, de contrôle ou d’articulation avec les autres congés ?

L’enjeu est double : garantir au salarié un droit effectif, protecteur et aisément mobilisable, tout en permettant à l’employeur de s’organiser dans le respect du cadre conventionnel et légal. À travers ce développement approfondi, defendstesdroits.fr propose une lecture juridique complète des congés exceptionnels, de leurs fondements légaux aux modalités pratiques, afin de sécuriser leur application dans l’entreprise.

Sommaire

1. Définition des congés exceptionnels et fondements légaux
2. Événements familiaux ouvrant droit à congé exceptionnel
3. Conditions d’accès : qui peut bénéficier des congés exceptionnels ?
4. Formalités : demande, justificatifs et organisation interne
5. Articulation avec les autres congés et règles de rémunération
6. Réformes récentes : allongement de certaines durées
7. Litiges et sanctions : responsabilité de l’employeur

Définition juridique du congé exceptionnel : un droit légal pour faire face à des événements familiaux

Le congé exceptionnel, prévu à l’article L.3142-1 du Code du travail, constitue une autorisation d’absence rémunérée accordée au salarié pour répondre à un événement familial qualifié. Contrairement aux congés payés, il ne relève pas d’un droit à repos mais d’un droit à absence justifiée imposé à l’employeur.

Finalité du congé pour événement familial

L’objectif est de permettre au salarié :

  • de participer à un événement familial majeur ;
  • d’assumer une obligation personnelle urgente ;
  • de faire face à un choc émotionnel ou organisationnel ne pouvant être différé.

Ce droit est d’ordre public : aucune condition d’ancienneté ne peut être imposée.

Les situations ouvrant droit à congés exceptionnels prévus par la loi

L’article L.3142-1 liste de manière exhaustive les événements donnant lieu à congé légal. Le salarié peut en bénéficier, sur présentation d’un justificatif, dans les cas suivants :

Mariage ou PACS du salarié

Le salarié bénéficie de 4 jours ouvrables, quelle que soit son ancienneté.

Mariage d’un enfant

Le Code du travail prévoit 1 jour.

Naissance ou adoption

Pour la naissance ou l’arrivée d’un enfant placé en vue d’une adoption, le salarié bénéficie de 3 jours ouvrables.

Décès d’un enfant ou d’un proche

La loi distingue plusieurs situations :

  • Décès d’un enfant : 12 jours (article L.3142-1).
  • Décès d’un enfant de moins de 25 ans ou d’un enfant parent : 14 jours.
  • Décès d’un enfant à charge effective et permanente âgé de moins de 25 ans : 14 jours.
  • Décès du conjoint, partenaire de PACS, concubin, père, mère, beau-père, belle-mère, frère, sœur : 3 jours.

Annonce d’un handicap ou d’une pathologie grave chez un enfant

Depuis la loi du 19 juillet 2023 :

  • Annonce d’un handicap : 5 jours (au lieu de 2 auparavant).
  • Annonce d’une pathologie chronique nécessitant un apprentissage thérapeutique ou d’un cancer : 5 jours.

Cas prévus par les conventions collectives

Les accords collectifs peuvent ajouter des événements, tels que :

  • décès d’un grand-parent ;
  • déménagement ;
  • événements religieux ou personnels.

En cas de dispositions plus favorables, l’accord collectif s’applique (article L.3142-4).
En cas de dispositions moins favorables, le salarié bénéficie des durées légales, qui constituent un minimum impératif.

Conditions d’octroi : quels salariés peuvent bénéficier des congés exceptionnels ?

Une ouverture à tous les salariés, sans distinction de contrat

Ont droit aux congés exceptionnels :

  • salariés en CDI ;
  • salariés en CDD ;
  • salariés à temps plein ;
  • salariés à temps partiel ;
  • apprentis.

Le cas des stagiaires

Les stagiaires ne sont pas juridiquement salariés. Ils n’entrent donc pas dans le champ de l’article L.3142-1.
Cependant :

  • l’employeur peut accorder une autorisation exceptionnelle d’absence ;
  • une convention collective peut étendre ce droit aux stagiaires.

Durée des congés exceptionnels : application des minima légaux

Les durées légales s’appliquent en l'absence d’accord collectif

Si aucun accord collectif ne fixe de règles particulières, les employeurs doivent appliquer les durées prévues par les articles L.3142-1 à L.3142-4.

Les durées conventionnelles ne peuvent être inférieures à celles prévues par la loi

Lorsqu’un accord collectif prévoit des durées plus courtes :

  • l’employeur doit écarter l’accord ;
  • les durées minimales légales doivent être appliquées.

Cette règle garantit l'harmonisation nationale d’un socle minimal.

Articulation entre congés exceptionnels et congés payés

Le congé exceptionnel ne peut être déduit des congés payés

Les deux dispositifs sont juridiquement distincts.
L’employeur ne peut jamais :

  • déduire un congé exceptionnel du solde des congés payés ;
  • imposer au salarié d’utiliser ses congés payés pour couvrir un événement familial.

Cas particulier : événement survenant pendant les congés payés

Si l’événement se produit alors que le salarié est déjà en congé :

  • l’employeur n’est pas obligé d’accorder un congé exceptionnel supplémentaire ;
  • sauf disposition conventionnelle contraire.

Cette règle est régulièrement rappelée par la jurisprudence.

Demande de congé exceptionnel : formalités et justificatifs

Absence de formalisme légal

Aucun formalisme n’est imposé par le Code du travail.
La demande peut être faite :

  • par écrit ;
  • par e-mail ;
  • oralement, si l’entreprise le permet.

Justificatifs obligatoires

Le salarié doit présenter un document attestant l’événement :

  • acte de mariage ;
  • acte de naissance ;
  • certificat de décès ;
  • attestation médicale (handicap ou pathologie grave).

Sans justificatif, une absence injustifiée peut donner lieu à sanction disciplinaire.

Litiges relatifs aux congés exceptionnels : compétence du Conseil de prud’hommes

L’article L.3142-3 renvoie explicitement les litiges relatifs à l’octroi ou au refus de congés exceptionnels devant le Conseil de prud’hommes, selon la procédure accélérée au fond.
Le juge examine :

  • la réalité de l’événement familial ;
  • l’obligation légale ou conventionnelle de l’employeur ;
  • l’éventuel abus dans le refus d’octroi du congé.

Le salarié peut obtenir :

  • l’annulation d’un refus irrégulier ;
  • l’indemnisation de son préjudice ;
  • le paiement des jours injustement refusés.

Risques encourus par l’employeur en cas de non-respect des congés exceptionnels

L’article R.3143-1 du Code du travail prévoit une amende de 1 500 euros, doublée en cas de récidive, lorsque l’employeur ne respecte pas les règles applicables aux congés.

Au-delà de la sanction financière, le non-respect :

  • dégrade les conditions de travail ;
  • affecte la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) ;
  • expose l’entreprise à un contentieux prud’homal.

Les employeurs doivent donc appliquer strictement les obligations légales et conventionnelles.

Conclusion

Les congés exceptionnels pour événements familiaux s’imposent comme un droit fondamental pour les salariés, participant d’un équilibre indispensable entre vie professionnelle et exigences personnelles ou familiales.

Le Code du travail, enrichi par les évolutions législatives récentes, établit un cadre précis qui s’impose à tous les employeurs, qu’il s’agisse des durées minimales, des justificatifs requis, des conditions d’octroi ou encore de l’articulation avec les conventions collectives.

La portée protectrice de ces congés, confirmée par la jurisprudence et par les dernières réformes, illustre la volonté du législateur de mieux accompagner les salariés confrontés à des situations majeures, parfois douloureuses ou éprouvantes.

L’employeur doit veiller à respecter scrupuleusement les articles L.3142-1 à L.3142-4, qui ne laissent aucune marge d’appréciation sur les événements ouvrant droit au congé ni sur les durées minimales applicables.

Il lui appartient également de connaître les dispositions conventionnelles susceptibles d’accorder des droits plus étendus, ces dernières s’appliquant toujours lorsque leur contenu est plus favorable au salarié. Le non-respect de ces obligations expose l’entreprise à des sanctions pénales prévues par l’article R.3143-1, ainsi qu’à un contentieux prud’homal pouvant être particulièrement défavorable, notamment en cas de refus injustifié ou d’atteinte aux droits du salarié.

Au-delà des implications juridiques, les congés exceptionnels participent à une politique globale de bien-être au travail et de qualité de vie et des conditions de travail (QVCT). Leur bonne gestion contribue à renforcer la confiance des salariés, à améliorer le climat social et à favoriser une culture d’entreprise respectueuse des responsabilités familiales.

Pour ces raisons, il est indispensable que les employeurs maîtrisent ce dispositif, mettent en place des procédures internes claires et sensibilisent les managers à leur rôle dans l’application de ce droit.

Dans un contexte où les attentes des salariés évoluent et où les obligations légales se renforcent, les congés exceptionnels apparaissent comme un levier juridique et social incontournable, nécessitant une vigilance permanente et une compréhension approfondie du cadre légal applicable.

FAQ

1. Les congés exceptionnels sont-ils obligatoires pour l’employeur et dans quelles limites peut-il s’opposer à la demande d’un salarié ?

Les congés exceptionnels constituent une obligation légale impérative, prévue par les articles L.3142-1 à L.3142-4 du Code du travail. L’employeur ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire pour accepter ou refuser ces absences dès lors que l’événement familial entre dans la liste légale et que le salarié présente un justificatif valide.

Il n’existe aucune possibilité de report, même en cas de surcharge d’activité, de circonstances exceptionnelles ou de désorganisation avérée du service. Contrairement aux congés payés, le congé exceptionnel est de droit et s’impose à l’entreprise.

L’employeur ne peut s’opposer à la demande qu’en deux cas précis :

  • absence de justificatif ou justificatif non conforme ;
  • évènement ne figurant pas dans la liste légale, sauf si une convention collective prévoit des dispositions plus larges.

S’il refuse un congé légal, le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes, qui statue selon la procédure accélérée au fond. Le juge pourra ordonner la reconnaissance du congé, condamner l’employeur à des dommages-intérêts et, le cas échéant, requalifier un refus en entrave à un droit du salarié.

2. Une convention collective peut-elle modifier, prolonger ou réduire les congés prévus par la loi ? Quels sont les impacts pour l’entreprise ?

Les conventions collectives jouent un rôle central dans l’aménagement des congés exceptionnels. Conformément à l’article L.3142-4, elles peuvent :

  • augmenter la durée des congés ;
  • élargir la liste des événements familiaux ouvrant droit à un congé (ex : décès d’un grand-parent, déménagement, cérémonie religieuse) ;
  • créer des congés spécifiques non prévus par le Code du travail.

En revanche, elles ne peuvent jamais prévoir des dispositions moins favorables que la loi. Si un accord de branche ou d’entreprise réduit la durée des congés, il est automatiquement écarté au profit du Code du travail.

Pour les employeurs, cela implique :

  • une veille réglementaire et conventionnelle permanente ;
  • une adaptation des règles internes à chaque site, lorsque plusieurs conventions s’appliquent ;
  • une formation des managers aux droits applicables, afin d’éviter les erreurs d’interprétation.

Le non-respect d’un accord collectif plus favorable engage également la responsabilité de l’entreprise.

3. Les congés exceptionnels sont-ils rémunérés et comment s’intègrent-ils dans la gestion des congés payés, RTT ou absences diverses ?

Les congés exceptionnels sont assimilés à du temps de travail effectif, ce qui entraîne plusieurs conséquences juridiques :

  • Ils sont intégralement rémunérés, sans retenue de salaire (article L.3142-1).
  • Ils ne peuvent pas être remplacés par des jours de congés payés, RTT ou repos compensateur : l’employeur ne peut ni imposer, ni suggérer un remplacement.
  • Ils sont comptabilisés dans l’ancienneté, l’ouverture du droit aux congés payés annuels, et les calculs liés à certaines indemnités.

En cas d’événement familial survenant pendant les congés payés, le salarié n’a pas droit à un report, sauf dispositions conventionnelles plus avantageuses. Le jour exceptionnel n’interrompt donc pas les congés payés déjà pris.

Certaines entreprises choisissent d’adopter des pratiques plus favorables (report, remplacement, cumul), mais elles ne peuvent jamais être imposées.

4. Quelle procédure doit respecter le salarié pour demander un congé exceptionnel et quels justificatifs l’employeur peut-il exiger ?

La loi n’impose aucun formalisme, ce qui laisse à l’employeur la possibilité d’organiser une procédure interne. Le salarié peut formuler sa demande :

  • par écrit ;
  • par e-mail ;
  • via un formulaire interne ;
  • par simple avertissement oral, lorsque cela est admis.

En revanche, l’employeur peut exiger un justificatif, et ce contrôle est parfaitement légal. Les exemples les plus courants sont :

  • acte de naissance ;
  • acte de mariage ou PACS ;
  • certificat de décès ;
  • certificat médical attestant d’un handicap ou d’une pathologie grave.

Si le salarié refuse de fournir un justificatif, il s’agit d’une absence injustifiée, pouvant conduire à :

  • un avertissement ;
  • une mise à pied ;
  • dans les cas les plus graves, un licenciement.

L’employeur doit toutefois faire preuve de proportionnalité, notamment lorsque le salarié traverse un événement traumatisant (deuil d’un enfant, pathologie grave d’un enfant).

5. Quels risques juridiques l’employeur encourt-il en cas de non-respect des congés exceptionnels ou de refus illégal ?

Le non-respect des congés exceptionnels peut entraîner des conséquences importantes :

1. Sanctions administratives

L’article R.3143-1 du Code du travail prévoit une amende de 1 500 euros, doublée en cas de récidive. Cette sanction peut viser une entreprise ayant :

  • refusé un congé légal sans motif sérieux ;
  • réduit la durée d’un congé imposé par la loi ;
  • exigé l’utilisation de congés payés pour couvrir l’absence.
2. Risques prud’homaux

Le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes, qui peut :

  • ordonner l’octroi rétroactif du congé ;
  • condamner l’employeur à verser des dommages-intérêts ;
  • requalifier un refus abusif en violation d’un droit fondamental ;
  • sanctionner une éventuelle mesure disciplinaire prise de manière illégale.
3. Atteinte à la qualité de vie au travail (QVCT)

Le non-respect systématique de ces droits peut constituer :

  • un élément de harcèlement managérial ;
  • un facteur de risque psychosocial ;
  • une preuve de manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur (articles L.4121-1 et L.4121-2).

Ainsi, la gestion défaillante des congés exceptionnels ne concerne pas uniquement le droit des absences : elle peut engager la responsabilité de l’employeur à plusieurs niveaux.

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