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Quitter son emploi : les dispositifs permettant d’être indemnisé

Jordan Alvarez
Editeur
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Chômage et rupture du contrat de travail : les options légales

Quitter un emploi tout en souhaitant bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) constitue une problématique courante pour de nombreux salariés. En effet, un départ professionnel mal anticipé peut entraîner une absence totale de ressources financières, alors même que les règles encadrant l'indemnisation chômage demeurent strictes. Selon l’article L5422-1 du Code du travail, les allocations chômage sont en principe réservées aux situations de perte involontaire d’emploi, telles que le licenciement, la fin de CDD, ou encore la rupture conventionnelle. Pour autant, le droit positif a progressivement évolué pour permettre, dans certaines hypothèses, l’ouverture de droits après une rupture initiée par le salarié, sous réserve que les conditions légales et réglementaires soient réunies.

Les salariés s’interrogent ainsi sur l’ensemble des dispositifs pouvant leur permettre de quitter leur emploi sans pour autant être privés d’indemnisation. Entre démission légitime, démission pour projet professionnel, rupture conventionnelle, résiliation pour faute de l’employeur, ou encore rupture anticipée du CDD, les possibilités sont multiples, mais chacune obéit à des règles précises. La jurisprudence, tout comme les textes issus du règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024 relative à l’assurance chômage, apporte des précisions indispensables que tout salarié doit connaître avant d’envisager une rupture.

Ce panorama juridique complet proposé par defendstesdroits.fr vise à éclairer les justiciables sur les mécanismes légaux permettant d’accéder à l’indemnisation chômage selon le mode de rupture envisagé. Il permet également de comprendre les erreurs à éviter, notamment celles qui, comme l’abandon de poste, peuvent conduire à une privation totale de droits en raison de la présomption de démission désormais prévue par l’article L1237-1-1 du Code du travail.
L’enjeu pour le salarié est donc d’identifier la procédure adaptée, d’en connaître les exigences, les risques, les délais, et les conséquences financières. Cette analyse, structurée et détaillée, permet de comparer les solutions existantes afin d’anticiper une transition professionnelle dans un cadre légal sécurisé.

Sommaire

  1. Introduction
  2. La démission pour motif légitime
  3. La démission pour création d’entreprise ou reconversion
  4. La rupture conventionnelle
  5. La rupture aux torts de l’employeur
  6. La rupture anticipée du CDD
  7. Pourquoi éviter l’abandon de poste
  8. L’inscription auprès de France Travail

Solution n°1 : La démission du CDI pour motif légitime

Principe : l’ouverture des droits au chômage en cas de perte involontaire d’emploi

Selon l’article L5422-1 du Code du travail, seules les ruptures involontaires du contrat ouvrent droit à l’ARE. La démission étant, par nature, une rupture volontaire, elle ne permet normalement pas l’indemnisation.
Toutefois, lorsque la démission répond à un motif légitime, elle est traitée comme une rupture involontaire.

Qu’est-ce qu’une démission légitime ?

Certaines situations sont expressément reconnues comme légitimes par le régime d’assurance chômage. Elles permettent au salarié démissionnaire d’être indemnisé dès lors qu’il remplit les conditions d’affiliation prévues par France Travail.

Exemples de motifs légitimes reconnus
  • départ pour suivre un conjoint changeant de lieu de résidence pour un nouvel emploi,
  • démission consécutive à un mariage ou PACS impliquant un déménagement,
  • rupture pour cause de non-paiement du salaire,
  • démission d’un jeune engagé volontaire en service civique souhaitant reprendre une activité salariée.

La démission légitime ne dispense pas le salarié de respecter les conditions générales d’ouverture des droits (ancienneté d'affiliation, inscription à France Travail, démarches de recherche d’emploi).

Solution n°2 : La démission pour création d’entreprise ou reconversion

Un dispositif mis en place depuis le 1ᵉʳ novembre 2019

La réforme entrée en vigueur le 1ᵉʳ novembre 2019 permet à un salarié en CDI de percevoir le chômage lorsqu’il démissionne pour :

  • un projet de reconversion nécessitant une formation,
  • un projet de création ou reprise d’entreprise.

Cette démission dite « pour projet professionnel » est encadrée par le règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024, notamment son article 4.

Conditions pour toucher le chômage dans ce cadre

Pour ouvrir droit à l’ARE, le salarié doit justifier :

  • d’un projet professionnel réel et sérieux, validé par la Commission Paritaire Interprofessionnelle Régionale (CPIR – Transitions Pro) ;
  • d’une affiliation minimale de 1 300 jours travaillés sur les 60 mois précédant la fin du contrat, comme le prévoit l’article 4 du règlement général ;
  • d’une démarche préalable auprès du Conseil en Évolution Professionnelle (CEP).

Le salarié ne doit en aucun cas démissionner avant la validation de son dossier, sous peine de se voir refuser l’indemnisation.

Solution n°3 : Signer une rupture conventionnelle du CDI

Un mode de rupture ouvrant droit à l’ARE

La rupture conventionnelle, prévue à l’article L1237-11 du Code du travail, permet au salarié et à l’employeur de convenir d’un commun accord de la rupture du CDI.
Ce mode de rupture ouvre systématiquement droit à l’ARE, sous réserve du respect des conditions générales d’attribution.

Un processus encadré

La rupture conventionnelle doit :

  • faire l’objet d’un ou plusieurs entretiens,
  • être formalisée dans une convention signée par les deux parties,
  • être homologuée par la DREETS.

Après homologation, le salarié touche le chômage après expiration :

  • du délai d’attente obligatoire,
  • du différé congés payés,
  • du différé spécifique, le cas échéant.

Ce mécanisme constitue l’un des moyens les plus utilisés pour quitter un CDI tout en préservant ses droits.

Solution n°4 : Rompre le contrat aux torts de l’employeur

Quand l’employeur manque à ses obligations contractuelles

Le salarié peut rompre son contrat aux torts de l’employeur lorsque celui-ci commet des manquements graves rendant impossible la poursuite du contrat.
Les deux voies possibles sont :

  • la résiliation judiciaire,
  • la prise d’acte.

Exemples de manquements justifiant la rupture

  • non-paiement du salaire ou paiement erroné,
  • harcèlement moral,
  • discrimination,
  • modification unilatérale du contrat (ex. : temps de travail, rémunération),
  • mise en danger de la santé ou de la sécurité du salarié.

Si les juges reconnaissent que les torts incombent à l’employeur, la rupture produit les effets d’un licenciement injustifié, ouvrant droit :

  • au versement des indemnités légales,
  • à l’indemnisation chômage.

Solution n°5 : La rupture anticipée du CDD

Un régime différent du CDI

Le salarié en CDD ne peut ni démissionner, ni signer une rupture conventionnelle.
Cependant, certaines ruptures anticipées ouvrent droit à l’ARE.

Cas permettant d’accéder au chômage
  • accord mutuel entre le salarié et l’employeur,
  • inaptitude constatée par le médecin du travail,
  • faute grave de l’employeur,
  • rupture anticipée décidée par l’employeur sans motif légitime, ce qui équivaut à une rupture injustifiée.

Ces situations constituent des pertes involontaires d’emploi ouvrant droit à l’allocation.

Solution n°6 : Éviter l’abandon de poste

Une fausse solution aux conséquences importantes

Historiquement utilisé pour provoquer un licenciement et toucher le chômage, l’abandon de poste a été sévèrement encadré par la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 et le décret n°2023-275 du 17 avril 2023.

Ces textes prévoient désormais une présomption de démission pour tout salarié abandonnant volontaire son poste, telle que prévue à l’article L1237-1-1 du Code du travail.

Conséquence principale : la perte du droit au chômage

Lorsque la présomption est appliquée, la rupture est considérée comme volontaire, et le salarié ne peut plus percevoir l’ARE.
Même lorsque l’employeur opte pour un licenciement plutôt que la présomption, l’abandon de poste expose le salarié à plusieurs semaines sans rémunération, ce qui fragilise sa situation financière.

Quand et comment s’inscrire pour toucher le chômage ?

Inscription auprès de France Travail

Pour être indemnisé, le salarié doit s’inscrire sur les listes de France Travail dans les 12 mois suivant la fin du contrat, sauf exceptions (congé parental, arrêt maladie, etc.).

Documents nécessaires

L’inscription exige notamment :

  • une attestation France Travail,
  • un certificat de travail,
  • une pièce d’identité,
  • un RIB,
  • la carte Vitale.

Début de l’indemnisation

L’ARE n’est pas versée immédiatement : le salarié doit attendre la fin du délai d’attente et des éventuels différés d’indemnisation.

Conclusion

L’ouverture du droit aux allocations chômage ne résulte jamais du hasard : elle dépend d’un cadre légal particulièrement rigoureux, défini par le Code du travail et par le règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024. Chaque mode de rupture du contrat de travail possède ses propres effets sur la possibilité d’obtenir l’ARE. Alors que certaines ruptures ouvrent automatiquement droit à l’indemnisation, comme la rupture conventionnelle ou le licenciement, d’autres situations nécessitent la réunion de conditions spécifiques, notamment lorsqu’il s’agit d’une démission légitime ou d’une démission pour réalisation d’un projet professionnel.

Le salarié doit ainsi se prémunir contre les idées reçues et éviter toute décision impulsive susceptible de compromettre ses droits. La pratique de l’abandon de poste, autrefois perçue comme une stratégie pour accéder au chômage, illustre parfaitement cette réalité : elle est aujourd’hui sévèrement encadrée, la loi ayant instauré une présomption de démission privant le salarié de ses droits à l’ARE. De même, la rupture anticipée d’un CDD ne permettra d’obtenir le chômage que dans des hypothèses expressément prévues par la loi, telles que l’accord des parties, l’inaptitude ou les manquements graves de l’employeur.

Cette diversité de régimes implique une approche méthodique : analyser les circonstances de la rupture envisagée, identifier le fondement juridique applicable, respecter la procédure, et anticiper les obligations envers France Travail. En effet, même lorsqu’un salarié remplit les conditions d’ouverture des droits, l’inscription sur les listes des demandeurs d’emploi, la fourniture des documents nécessaires et l’épuisement des délais de carence demeurent indispensables à l’indemnisation effective.

En définitive, accéder aux allocations chômage nécessite une compréhension solide du droit social applicable aux différentes ruptures du contrat de travail. Les dispositifs existants offrent un éventail de solutions permettant au salarié de se dégager d’un emploi tout en conservant un filet de sécurité financière, à condition de respecter strictement les règles légales. L’accompagnement juridique et la vérification préalable de sa situation constituent alors des outils essentiels pour sécuriser sa transition professionnelle et anticiper chaque étape dans les meilleures conditions.

FAQ

1. Peut-on toucher le chômage après une démission et dans quelles situations exactes cela est-il possible ?

En règle générale, la démission ne permet pas d’ouvrir de droits au chômage car elle constitue une rupture volontaire du contrat, ce que rappelle l’article L5422-1 du Code du travail. Toutefois, plusieurs dispositifs dérogatoires permettent au salarié d’être indemnisé.

Les principaux cas d’ouverture sont les démissions légitimes, reconnues par le régime d’assurance chômage. Elles couvrent notamment :

  • la démission pour suivre un conjoint muté ou changeant de résidence pour un nouvel emploi ;
  • la démission dans le cadre d’un mariage ou PACS, lorsque le changement de domicile rend impossible la poursuite du contrat ;
  • la démission pour non-versement du salaire, lorsque le manquement est suffisamment grave ;
  • la démission d’un jeune ayant effectué un volontariat ou un service civique ;
  • la démission consécutive à des faits de violence ou de harcèlement avérés.

Dans l’ensemble de ces hypothèses, la démission est considérée comme une perte involontaire d’emploi, mais le salarié doit toujours respecter les conditions classiques d’ouverture des droits : durée d’affiliation, inscription à France Travail, démarches d’actualisation.

2. Comment fonctionne réellement la démission pour projet professionnel (création d’entreprise ou reconversion) et pourquoi nécessite-t-elle une procédure spécifique ?

La démission pour projet professionnel, instaurée par la réforme entrée en vigueur le 1ᵉʳ novembre 2019, est un dispositif particulier permettant au salarié en CDI d’être indemnisé après une démission, sous réserve de conditions exigeantes.
Cette démission est encadrée par l’article 4 du règlement général annexé à la convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024.

Pour ouvrir droit au chômage, le salarié doit impérativement :

  • avoir travaillé 1 300 jours sur les 60 derniers mois ;
  • faire analyser son projet par un Conseiller en Évolution Professionnelle (CEP) ;
  • constituer un dossier détaillé (étude de marché, viabilité financière, cohérence professionnelle) ;
  • obtenir la validation du caractère réel et sérieux par la Commission Paritaire Interprofessionnelle Régionale (CPIR – Transitions Pro).

Cette validation préalable garantit que l’ARE est versée uniquement pour des projets ayant une cohérence et une faisabilité prouvée.
Une démission donnée avant cette validation exclut automatiquement le droit au chômage. La procédure constitue donc une protection indispensable pour éviter les démissions précipitées ou dépourvues de fondement solide.

3. La rupture conventionnelle permet-elle toujours de toucher le chômage, et existe-t-il des situations où l’indemnisation peut être retardée ?

Oui, la rupture conventionnelle du CDI, prévue par l’article L1237-11 du Code du travail, ouvre systématiquement droit au chômage, car elle constitue une rupture d’un commun accord reconnue comme involontaire par France Travail.
Cependant, même si l’indemnisation est garantie en principe, elle n’intervient jamais immédiatement.

Le salarié doit attendre :

  • un délai d’attente de 7 jours applicable à toute demande d’ARE ;
  • un différé congés payés, calculé en fonction des indemnités de congés restant dues ;
  • un différé spécifique, lié notamment à l’indemnité conventionnelle ou supra-légale versée par l’employeur.

Ce différé spécifique peut parfois atteindre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, lorsque l’indemnité perçue par le salarié est élevée.
La rupture conventionnelle demeure néanmoins le mode de rupture le plus utilisé, car elle sécurise juridiquement le salarié tout en lui permettant de négocier ses conditions de départ.

4. Quelles sont les ruptures imputables à l’employeur permettant d’obtenir le chômage et comment sont-elles appréciées ?

Certaines ruptures initiées par le salarié sont considérées comme involontaires lorsque l’employeur a commis des manquements graves. Elles ouvrent donc droit à l’ARE lorsqu’elles sont judiciairement reconnues.

Les deux dispositifs permettant de rompre le contrat aux torts de l’employeur sont :

  • la résiliation judiciaire : le salarié saisit le Conseil de prud’hommes pour demander la rupture du contrat en raison de manquements avérés (non-paiement du salaire, harcèlement, insécurité au travail, modification unilatérale du contrat) ;
  • la prise d’acte : le salarié rompt immédiatement le contrat en raison de faits particulièrement graves, puis demande au juge de requalifier la rupture.

Si le juge reconnaît que les torts incombent à l’employeur, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre droit au chômage.
À l’inverse, si les manquements ne sont pas considérés comme suffisamment graves, la rupture produit les effets d’une démission, excluant toute indemnisation.

Ces procédures nécessitent donc une argumentation solide et des preuves objectives.

5. Pourquoi l’abandon de poste ne permet-il plus d’obtenir le chômage et quelles sont les conséquences concrètes pour le salarié ?

L’abandon de poste ne constitue plus une voie permettant d’obtenir le chômage depuis la loi du 21 décembre 2022 et le décret du 17 avril 2023, qui ont introduit la présomption de démission inscrite à l’article L1237-1-1 du Code du travail.

Concrètement :

  1. L’employeur envoie une mise en demeure demandant au salarié de justifier son absence ou de reprendre son travail.
  2. Si le salarié ne répond pas dans un délai minimum de 15 jours, il est présumé démissionnaire.
  3. La démission étant volontaire, elle n’ouvre pas droit aux allocations chômage selon l’article L5422-1 du Code du travail.

Même si l’employeur choisit finalement un licenciement pour faute grave plutôt que la présomption, le salarié peut rester plusieurs semaines sans salaire, ce qui le prive durablement de ressources avant l’éventuelle ouverture des droits.

En outre, cette situation peut affecter l’image professionnelle du salarié auprès de futurs employeurs, qui pourront obtenir des références négatives en cas de contact avec l’ancien employeur.

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